Crise des défaillances : comment la France en est-elle arrivée là ?
Découvrez pourquoi la France bat un record de défaillances en 2024 et quels enjeux menacent l’emploi et la reprise économique.
Les défaillances d’entreprises continuent de susciter de vives interrogations, alors que la France a enregistré un nombre inédit de cessations en 2024.
Cette dynamique particulièrement marquée renforce l’urgence, pour les responsables politiques comme économiques, d’anticiper les risques, d’adapter les soutiens et d’envisager de nouvelles pistes de prévention.
Les chiffres communiqués par BPCE L’Observatoire donnent la mesure de cette crise latente. (source - BPCE Newsroom)
Un bilan 2024 qui interpelle : défaillances au sommet
Le paysage entrepreneurial français a été marqué par un record historique en 2024 : près de 66 500 entreprises ont fait défaut au cours de l’année.
Par rapport aux données compilées depuis 2009, jamais un niveau aussi élevé n’avait été atteint. Le quatrième trimestre 2024 se distingue tout particulièrement, avec 17 966 défaillances recensées. Cette reprise fulgurante des faillites, amorcée depuis la fin de l’année 2023, donne à voir la fin brutale des mécanismes de soutien qui avaient préservé nombre de sociétés depuis 2020.
De multiples indicateurs confirment la sévérité de la situation. Comparé à 2019, le nombre de défaillances a augmenté de 28 %.
L’onde de choc, amorcée en 2023, s’est donc poursuivie à un rythme soutenu, mettant en difficulté un grand nombre de secteurs, particulièrement dépendants de la demande intérieure. Les observateurs notent que, si une partie de la hausse s’explique par le rattrapage des défaillances “évitées” durant la pandémie de Covid-19 (crise sanitaire et « quoi qu’il en coûte »), la tendance actuelle reflète également la dégradation continue des conditions économiques.
Les conséquences sont lourdes, notamment en termes d’emplois. On recense plus de 260 000 postes potentiellement menacés, un chiffre supérieur de 41 % par rapport à 2019. Cette montée des pertes d’emploi provoque des tensions non négligeables dans plusieurs bassins d’activité et soulève la question de la résilience du tissu entrepreneurial.
Au-delà des emplois supprimés, les faillites engendrent un coût indirect pour l’ensemble de l’économie (perte de chiffre d’affaires dans les filières, pression sur les aides publiques, etc.). Les experts estiment que l’impact global dépasse la seule destruction d’emplois directs et affecte la croissance du PIB national.
Mécanismes de soutien et fragilités persistantes
En 2020, l’État français avait massivement déployé des dispositifs financiers (tels que le Prêt garanti par l’État, PGE) et un soutien à la trésorerie des entreprises.
Ces instruments ont permis à plusieurs milliers d’entités de passer le cap de la crise liée à la pandémie. Néanmoins, dès la fin de l’année 2022 et le début de 2023, la plupart de ces aides ont été progressivement supprimées ou renégociées, laissant place à des risques de défaut accrus.
Le phénomène de “rattrapage” des défaillances est aujourd’hui confirmé par les chiffres. Selon les analyses croisées des économistes de BPCE L’Observatoire :
- Pour les PME et ETI (10 salariés et plus), la totalité des défaillances “reportées” pendant la période du « quoi qu’il en coûte » semble aujourd’hui se matérialiser : +51 % de défauts par rapport à 2019.
- Les entités de 3 à 9 salariés connaissent une hausse de 31 % de leurs défaillances par rapport à 2019, signe d’un retour à la normale plus rapide mais qui reste préoccupant.
- Les microentreprises et les TPE de moins de 3 salariés enregistrent un surcroît de défaillances de 25 % par rapport à 2019, avec une accélération marquée en fin d’année 2024.
Ce tableau illustre la fragilité de certaines entreprises ayant survécu grâce aux aides publiques mais qui, une fois les dispositifs suspendus, doivent composer avec des marges réduites, des coûts de financement en hausse et un climat politique souvent incertain.
Bon à savoir : le rôle de la politique budgétaire
L’incertitude budgétaire freine les investissements des entreprises. Une étude récente de BPI-Rexecode indique que 56 % des dirigeants de TPE-PME jugent que le climat politique agit négativement sur leur activité. Autrement dit, une entreprise sur deux repousse ses projets d’investissement, voire y renonce, ce qui limite grandement le rebond économique.
L’impact des tensions économiques et financières
En 2024, la croissance française est restée timorée, avec un taux d’expansion du PIB autour de 1,1 %. Les moteurs de la dépense publique et des exportations ont partiellement soutenu la croissance, mais la demande intérieure privée est demeurée atone. Cette faiblesse de la consommation intérieure s’explique en partie par la persistance d’une inflation notable dans les services, conséquence de la hausse des coûts salariaux, laquelle a réduit les marges des entreprises.
L’autre élément marquant en 2024 a été la hausse des taux directeurs, initiée dès la mi-2023. Le crédit s’est renchéri, contraignant davantage la trésorerie de sociétés déjà fragilisées.
Dans le secteur immobilier et celui de la construction, le durcissement des conditions de crédit a fortement pesé sur la demande, menant plusieurs acteurs à la faillite. À cela s’ajoutent les doutes relatifs à l’état des finances publiques françaises, qui freinent le reflux des taux longs et alourdissent encore la facture pour les entreprises.
Cette expression, employée pendant la crise du Covid-19, désigne l’ensemble des mesures de soutien mises en place par les pouvoirs publics pour éviter une vague de faillites. Elles incluent PGE, aides directes, reports de charges sociales, etc. Si elles ont protégé le tissu économique à court terme, elles ont aussi créé des effets de « report » d’un certain nombre de défaillances.
Par ailleurs, la croissance de l’emploi salarié privé, qui avait connu un sursaut, s’est fortement ralentie (+47 000 emplois sur un an au troisième trimestre 2024), et les anticipations pour 2025 restent prudentes. De nombreux employeurs, confrontés à l’érosion de leurs marges et à l’incertitude politique, préfèrent geler ou réduire leurs perspectives d’embauche, en dépit de l’importance cruciale de la création d’emplois pour soutenir la consommation.
Secteurs d’activité sous tension : construction, commerce et services
Traditionnellement, l’industrie, la construction et le commerce sont les plus exposés aux défaillances. Ensemble, ils concentrent plus de la moitié des emplois menacés (au moins 50 % des 260 000 postes en danger). Pourtant, la période récente met en évidence une aggravation plus significative dans d’autres domaines :
- L’hébergement-restauration : longtemps maintenu à flot par les aides directes lors de la crise sanitaire, ce secteur fait aujourd’hui face à la conjugaison d’une demande incertaine (baisse du pouvoir d’achat des ménages) et de coûts d’exploitation en hausse (charges salariales, énergie, matières premières).
- L’immobilier : le repli de la demande, combiné à une hausse marquée des taux d’intérêt, limite considérablement les transactions et ralentit les promotions immobilières. Le secteur se montre particulièrement vulnérable, avec plus de 3,5 % des emplois de la branche menacés.
- Les services aux entreprises et aux ménages : l’augmentation des charges (loyer, salaires) se conjugue à une concurrence accrue, conduisant à de nombreuses cessations d’activité parmi les petites structures.
La construction est un baromètre sensible de la conjoncture. Lorsque les taux d’intérêt augmentent, les projets immobiliers se raréfient, entraînant un effet domino sur l’emploi et le chiffre d’affaires des artisans, PME et ETI du bâtiment. En 2024, ce mécanisme s’est amplifié, portant à des niveaux inédits les taux de défaillances.
Selon les derniers relevés, l’hébergement-restauration présente un niveau de sinistralité préoccupant, mais c’est le couple construction-immobilier qui domine la tendance négative, tant par le nombre de faillites que par le volume d’emplois concernés.
Disparités territoriales : le Sud-Ouest et l’Île-de-France plus exposés
L’analyse géographique réalisée par les experts de BPCE L’Observatoire révèle une France à deux vitesses sur le plan des défaillances. Cinq régions affichent une progression inférieure à 15 % entre 2019 et 2024 : Lorraine, Champagne-Ardenne, Limousin, Franche-Comté et Alsace. Elles semblent relativement préservées, avec un tissu économique moins exposé aux fluctuations du marché immobilier et à la pression des taux. Inversement, cinq régions se distinguent par des augmentations nettement supérieures, comprises entre +34 % et +43 % :
- Aquitaine
- Midi-Pyrénées
- Île-de-France
- Poitou-Charentes
- Rhône-Alpes
Dans ces territoires dynamiques et fortement peuplés, la densité d’entreprises est plus importante, et les effets de contagion économique (arrêt des commandes, réduction des carnets d’affaires) y sont plus marqués. Les entreprises de taille intermédiaire y sont également plus nombreuses, expliquant en partie l’envolée des défauts sur ce segment (plus de 50 % d’augmentation pour les PME-ETI, selon les cas).
Bon à savoir : la spécificité francilienne
En Île-de-France, la densité économique est très forte. Les faillites touchent à la fois de grandes structures et un vivier considérable de TPE. Les experts soulignent que la diversification sectorielle de la région ne suffit plus à amortir l’effet de la crise en 2024, d’où une hausse significative des défaillances.
Le Limousin et la Champagne-Ardenne affichent, au contraire, la plus faible augmentation de défaillances (entre +5 % et +7 %) pour les entreprises de plus de 6 salariés. Ces régions bénéficient d’un climat entrepreneurial basé sur des PME moins dépendantes de la demande internationale ou de l’investissement immobilier. Cette situation souligne l’inégalité d’exposition au risque d’une région à l’autre, en fonction de la spécialisation économique et de la structure du tissu entrepreneurial.
Une année 2025 sous haute tension : 68 000 défaillances annoncées
Les projections pour 2025, établies par BPCE L’Observatoire, tablent sur 68 000 défaillances, un volume encore supérieur à celui de 2024. Contrairement aux deux années précédentes, où l’on observait une explosion des défauts parmi les PME et ETI (10 salariés et plus), il est probable que les défaillances se stabilisent pour ces structures en 2025, alors que les plus petites entités (<3 salariés) pourraient endurer la plus forte hausse.
Plusieurs facteurs justifient ces prévisions :
- Croissance économique atone : Les anticipations macroéconomiques pour 2025 oscillent en dessous d’un rythme de 1 %. Face à une telle stagnation, le secteur privé peine à créer de la valeur. La demande intérieure, clé de voûte de nombreuses TPE, ne devrait pas repartir rapidement.
- Poursuite du remboursement des PGE : Les échéances de remboursement vont s’intensifier en 2025. Bon nombre de microentreprises verront leur trésorerie mise sous pression, d’où un risque accru de cessation de paiement.
- Normalisation des recouvrements : Les organismes sociaux, comme l’Urssaf, reviennent à des procédures de recouvrement classiques. Les reports de cotisations, pratiqués pendant la crise, ne sont plus d’actualité, ce qui fragilise davantage les entités en retard de paiement.
- Incertitude politique : Les élections et débats budgétaires alourdissent le climat d’incertitude, ce qui peut freiner la consommation et dissuader l’investissement.
- Maintien de taux de financement élevés : Bien qu’une légère inflexion soit possible, les entreprises se financent toujours à un coût supérieur à la période 2020-2022. Les marges, déjà mises à mal, ne se redressent pas.
Selon les estimations, 240 000 emplois pourraient être directement menacés par ces défaillances en 2025. Cette projection constitue un signal fort, d’autant que la dynamique d’embauche resterait limitée, voire négative dans certains secteurs. L’enjeu est donc considérable pour les pouvoirs publics, qui devront concilier maîtrise des finances publiques et soutien ciblé aux acteurs les plus vulnérables.
Après la période de grâce accordée en 2020-2022, les entreprises doivent progressivement rembourser leurs prêts garantis par l’État. Or, certaines peinent déjà à honorer les échéances. Les allongements de maturité, s’ils se généralisent, pourraient les soulager à court terme, mais ne résoudront pas le problème structurel d’un chiffre d’affaires insuffisant.
L’histoire de BPCE L’Observatoire et son rôle dans l’analyse des défaillances
Créé pour fournir aux acteurs économiques des études chiffrées et indépendantes, BPCE L’Observatoire s’est spécialisé dans le suivi des défaillances d’entreprises en France. Ses experts, comme Alain Tourdjman et Julien Laugier, disposent de bases de données nourries par l’ensemble du Groupe BPCE, ce qui leur permet de détecter très tôt les signaux de fragilité économique. Les rapports publiés régulièrement apportent une vision synthétique et précise de l’évolution des défauts.
L’Observatoire s’est appuyé sur plusieurs sources, notamment les greffes des tribunaux de commerce, l’Insee et la Banque de France. En recoupant ces données, il est en mesure d’affiner les typologies d’entreprises défaillantes selon la taille, le secteur et l’ancienneté. De plus, il met en perspective la conjoncture macroéconomique, offrant ainsi un éclairage complet sur les tendances du moment.
Bon à savoir : le Groupe BPCE
Deuxième acteur bancaire français, le Groupe BPCE accompagne plus de 35 millions de clients dans le monde. Fort de 100 000 collaborateurs, il est notamment présent dans la banque de proximité avec les Banques Populaires et les Caisses d’Epargne, ainsi que dans la gestion d’actifs via Natixis Investment Managers. Sa solidité financière est reconnue par les principales agences de notation.
Stratégies de prévention et pistes d’action
Dès lors, la question se pose : comment inverser la spirale des défaillances ? Si les entreprises ne peuvent influer sur la conjoncture générale, plusieurs axes de travail se dégagent :
- Renégociation des dettes : De nombreuses sociétés envisagent de réaménager leurs dettes auprès des banques et organismes créanciers. Des accords de prolongation ou de report des échéances permettraient de limiter la cascade de faillites.
- Réduction des charges fixes : Pour préserver leurs marges, les TPE et PME doivent parfois envisager des solutions de réduction de coûts (baux commerciaux renégociés, externalisation de certaines fonctions, etc.).
- Soutien ciblé du secteur public : Au lieu de recourir à des dispositifs généralisés, il s’agirait de mettre en place un accompagnement plus précis pour les secteurs en crise profonde (immobilier, restauration, etc.) ou les régions les plus touchées (Aquitaine, Midi-Pyrénées…).
- Accompagnement à la transformation numérique : Nombre d’entreprises, en particulier dans le commerce de détail, doivent accélérer leur digitalisation pour accéder à de nouveaux marchés ou optimiser leur logistique.
- Anticipation et prévention : Les entrepreneurs devraient être formés et informés sur les signaux précurseurs d’une future cessation de paiement, afin d’agir en amont, par exemple via la médiation du crédit ou le recours aux procédures de sauvegarde.
Certains acteurs plaident également pour un allègement ciblé de la fiscalité locale ou une simplification réglementaire qui faciliterait la transmission d’entreprise. Les tribunaux de commerce, quant à eux, encouragent la conciliation et la prévention pour éviter une liquidation judiciaire brutale.
L’un des freins à la pérennité des TPE-PME repose sur le manque de compétence en gestion financière. Proposer des formations continues, accessibles et adaptées, est un levier majeur pour identifier et résoudre rapidement les difficultés de trésorerie, avant qu’elles ne deviennent insurmontables.
Quels horizons pour l’année à venir ?
L’année 2025 s’annonce charnière dans la mesure où elle doit confirmer – ou infirmer – la dynamique de hausse des défaillances. D’un côté, certains économistes espèrent une détente progressive sur les taux d’intérêt, liée à la politique monétaire de la Banque Centrale Européenne. De l’autre, l’inflation salariale, très présente dans le secteur tertiaire, tarde à diminuer. Les négociations salariales annuelles risquent même d’alourdir la masse salariale des entreprises, déjà prises en étau.
Parallèlement, les perspectives internationales restent troubles : la conjoncture mondiale est ralentie par des tensions géopolitiques, des ruptures d’approvisionnement dans certaines chaînes de production et une reprise chinoise moins forte que prévu. Pour la France, la demande extérieure reste un soutien, mais la compétitivité-coût pourrait pâtir de l’inflation et d’éventuelles hausses du SMIC.
Sur le plan politique, les débats budgétaires, la trajectoire de la dette publique et la mise en place éventuelle de nouveaux mécanismes de transition écologique (taxes carbone, réglementations sectorielles) pourraient alimenter une incertitude supplémentaire, freinant la visibilité des décideurs. Difficile, dans ces conditions, de relancer efficacement l’investissement et la consommation internes. D’où un certain pessimisme quant à la capacité de l’économie française à amortir rapidement ce choc des défaillances.
Quoi qu’il en soit, les 68 000 défaillances anticipées par BPCE L’Observatoire en 2025 forment un seuil symbolique qui, s’il est confirmé, marquerait une nouvelle étape dans la crise actuelle. Malgré le fait que les grandes et moyennes entreprises aient déjà enregistré la majorité des défauts “repoussés” depuis 2020, la crainte réside dans le fait que la dégradation du marché intérieur, associée au remboursement des dettes accumulées, plonge les plus petites structures dans une série de cessations d’activités en cascade.
Bon à savoir : l’importance des petites structures
En France, 95 % des entreprises sont des TPE ou PME de moins de 50 salariés. Leur contribution à la vitalité économique et à l’emploi est donc essentielle. Tout affaiblissement marqué de ce tissu productif se répercute sur l’ensemble de la société (fournisseurs, familles, collectivités).
Enfin, la réactivité des pouvoirs publics jouera un rôle déterminant. Un renforcement ou un élargissement des mécanismes d’accompagnement (qu’ils soient fiscaux, réglementaires ou financiers) pourrait atténuer le choc. Cependant, compte tenu des contraintes budgétaires, les marges de manœuvre demeurent limitées.
Des dynamiques économiques à surveiller de près
L’alerte lancée en 2024 via les chiffres records de défaillances se prolonge en 2025. Les PME-ETI, particulièrement touchées par le “rattrapage” de défaillances, ont subi de plein fouet les conséquences de la fin des aides et de la hausse des coûts. Les TPE se retrouvent désormais en première ligne, fragilisées par l’explosion des charges salariales et la normalisation du recouvrement des cotisations sociales.
Du côté de l’emploi, les 260 000 postes déjà menacés en 2024 témoignent de l’ampleur des déséquilibres. S’il y a un répit chez les plus grandes entités, les entrepreneurs individuels et artisans risquent fort de faire les frais de cette nouvelle année sous tension.
D’un point de vue légal, les cabinets d’avocats spécialisés en droit des entreprises en difficulté anticipent un afflux supplémentaire de dossiers à l’ouverture de 2025. Les tribunaux de commerce pourraient être amenés à gérer un volume de procédures qui rappellera, voire surpassera, la période post-crise financière de 2008-2009. Cela soulève la nécessité d’améliorer les dispositifs de prévention et de gestion amiable des litiges.
En France, la procédure amiable (mandat ad hoc, conciliation) vise à trouver un accord entre l’entreprise et ses créanciers avant l’ouverture d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire). Favoriser cette phase préventive permet de limiter l’impact socio-économique d’une défaillance.
D’autres facteurs exogènes, comme l’évolution du prix de l’énergie ou la tenue du marché international, pourraient modérer ou aggraver le nombre final de défaillances. Les fortes tensions géopolitiques observées depuis 2022 pèsent toujours sur la chaîne d’approvisionnement, ce qui affecte directement les marges de sociétés déjà vulnérables.
Regard tourné vers l’avenir : l’enjeu de la résilience
La situation exige un changement de paradigme : si les mécanismes d’urgence mis en place pendant la pandémie ont largement endigué la première vague de faillites, ils ont également reporté une partie des difficultés dans le temps. Aujourd’hui, le défi est d’ordre structurel : comment rendre les entreprises plus solides face aux chocs économiques successifs ?
Pour y parvenir, de nombreux spécialistes évoquent la nécessité de :
- Diversifier l’économie : Encourager la mutation vers des secteurs à plus forte valeur ajoutée ou moins exposés aux aléas conjoncturels. Les politiques d’innovation, de transition énergétique et de souveraineté industrielle pourraient contribuer à cet objectif.
- Renforcer la compétitivité : Outre les questions de salaire et de productivité, la fiscalité et la simplification administrative restent des sujets majeurs pour stimuler l’investissement national et étranger.
- Promouvoir l’épargne longue : Le financement en fonds propres est souvent plus résilient que l’endettement bancaire. S’orienter vers un actionnariat plus stable pourrait atténuer le risque de défaut en période de crise.
- Développer l’accompagnement sectoriel : Certains secteurs, comme la construction ou l’immobilier, nécessitent un soutien différencié, associé à des politiques d’aménagement du territoire et de logement adaptées.
- Améliorer l’information économique : Les petites structures manquent parfois de données ou d’expertises pour anticiper les retournements de conjoncture. Renforcer les systèmes d’information, sur le modèle de BPCE L’Observatoire, peut aider à déceler plus tôt les signaux faibles.
L’objectif final est de prévenir les chutes d’activité en soutenant la transformation des modèles économiques, plutôt que de recourir systématiquement à des aides publiques onéreuses, qui ne sont plus finançables de la même manière que pendant la crise sanitaire. Le débat public se cristallise autour de la soutenabilité de la dette publique et d’un éventuel retour à un pilotage budgétaire plus strict en 2025.
Ainsi, alors que les tensions risquent de se maintenir, tant au niveau national qu’international, la résilience du tissu entrepreneurial français dépendra de la capacité à innover, à reformuler les stratégies économiques locales et à obtenir l’adhésion des partenaires financiers et institutionnels. Les défaillances ne sont pas inéluctables : elles traduisent souvent un déséquilibre entre le modèle économique de l’entreprise, son environnement concurrentiel et sa capacité à réagir.
Un avenir à reconstruire
Les récents indicateurs montrent donc un contexte toujours complexe : l’économie française demeure sous pression, avec des taux de défaillances historiques en 2024 qui se prolongeront très probablement en 2025. L’analyse détaillée de BPCE L’Observatoire démontre que, si le phénomène de “rattrapage” post-aides Covid s’atténue pour les PME-ETI, une vague de faillites plus massive pourrait toucher les plus petites entités, dont la trésorerie est déjà fragile.
L’éventuelle éclaircie dépendra de plusieurs paramètres : la stabilisation des taux d’intérêt, la dynamique de l’emploi, la clarté de la politique économique, la capacité à rembourser les PGE et l’évolution de la consommation intérieure. À cet égard, l’année 2025 constitue une charnière, puisque la légère embellie en matière d’exportations ne saurait pallier à elle seule l’atonie du marché domestique.
Pour les responsables politiques et les dirigeants d’entreprise, il est impératif d’anticiper et de prendre la mesure des risques à venir. Les choix budgétaires, tout comme les politiques d’aménagement du territoire, auront un rôle clé à jouer dans la préservation de l’emploi et la limitation des défaillances. Dans ce cadre, l’observation fine des signaux faibles devient essentielle, afin de prévenir les crises soudaines et d’encourager la montée en gamme du tissu productif.
Loin d’être anecdotique, le record de défaillances d’entreprises atteint en 2024 alerte sur la fragilité persistante du tissu entrepreneurial français et interroge la capacité du pays à restaurer durablement sa compétitivité et sa résilience.