Marché de l’emploi en France : les CDD en hausse malgré la baisse des CDI
Le 3e trimestre 2024 affiche 6,432 millions de contrats signés en France. Zoom sur la hausse des CDD, le recul des CDI et les enjeux clés pour les entreprises.

Le marché de l’emploi en France évolue à un rythme soutenu, porté tantôt par des hausses d’embauches, tantôt par une stagnation ou un repli selon les secteurs et la taille des entreprises.
Au troisième trimestre 2024, la dernière publication chiffrée de la Dares met en évidence un nouveau franchissement symbolique : 6,432 millions de contrats signés, soit +1,2 % par rapport au trimestre précédent.
Cette tendance, marquée par une hausse des CDD et une diminution des CDI, suscite un intérêt accru pour évaluer la stabilité et la vivacité du marché du travail en France.
Un aperçu général des embauches
Au cours du 3e trimestre 2024, on note un volume total de 6 432 300 recrutements dans le secteur privé métropolitain (hors missions d’intérim, agriculture et particuliers employeurs). Cette reprise de +1,2 % intervient après une baisse de −0,9 % observée au trimestre précédent (2e trimestre 2024). Elle s’explique principalement par le rebond des contrats à durée déterminée (+1,6 % contre −1,1 % précédemment).
En revanche, les embauches en CDI marquent un repli de −1,0 %, prolongeant une tendance légèrement baissière déjà perçue au trimestre précédent (−0,1 %). Sur un an, la chute est plus significative, s’établissant à −5,2 %. Il convient de noter que les grandes entreprises (au moins 50 salariés) enregistrent une progression marquée (+2,5 %), tandis que celles de moins de 10 salariés affichent une quasi-stagnation (−0,1 %).
La répartition sectorielle ajoute une lecture nuancée : l’industrie connaît une hausse notable (+3,3 %), tout comme la construction (+2,9 %). Le tertiaire, qui représente la majeure partie de l’activité économique, progresse de +1 %. Dans le commerce, les signatures de contrats reprennent aussi +3,5 % après un léger recul le trimestre précédent.
La notion de “mouvements de main-d’œuvre” (MMO) se réfère à l’ensemble des flux entrants ou sortants dans une entreprise : embauches (contrats signés) et fins de contrats (toutes natures confondues). Les MMO sont reconstitués à partir des Déclarations Sociales Nominatives (DSN), auxquelles tous les employeurs français sont soumis.
L’évolution sur le long terme : de 2007 à 2024
La base de données Dares sur les MMO remonte à 2007 pour les établissements de toutes tailles. À cette époque, un peu plus de 3 millions de contrats étaient signés par trimestre (par exemple, 3 079 840 au T1 2007), contre plus de 6 432 300 au 3e trimestre 2024. Cela équivaut à un quasi-doublement des embauches en l’espace de 17 ans.
Entre temps, la France a connu plusieurs secousses économiques, dont la crise de 2008-2009, qui a entraîné un net recul (2 897 124 au T4 2008). Un effet de rattrapage s’est amorcé dès 2010, avec une accélération continue jusqu’en 2013. Les signatures de contrats ont ensuite franchi la barre des 4 millions par trimestre en 2013, pour grimper autour des 5 millions dès 2016. Le seuil symbolique des 6 millions a été atteint en 2018 et ne s’est plus démenti depuis, malgré le choc de 2020 dû à la pandémie.
La progression se retrouve dans la plupart des secteurs, à des rythmes variables. Les PME restent un moteur d’embauche, mais les grands groupes ont une plus grande réactivité en période de relance. Aujourd’hui, la plupart des fortes variations trimestrielles, tant à la hausse qu’à la baisse, s’observent dans les structures employant 50 salariés et plus.
Les chiffres présentés sont en général corrigés des variations saisonnières (CVS). Cela permet d’éviter que des phénomènes récurrents (vacances, activités saisonnières) ne masquent les tendances structurelles. Sans cette correction, on observerait des sauts artificiels dans les données, liés au calendrier plus qu’à la conjoncture.
Analyse juridique et financière de l’essor des CDD
La croissance continue du nombre de CDD suscite d’importants questionnements sur les stratégies RH privilégiées par les entreprises. D’un point de vue juridique, le CDD est plus encadré en France, avec des contraintes légales strictes en matière de motif et de durée. Pourtant, la flexibilité qu’il procure en fait un outil souvent plébiscité, en particulier dans les secteurs cycliques ou saisonniers.
D’un point de vue économique et financier, les CDD facilitent l’ajustement rapide des effectifs. Les entreprises peuvent ainsi limiter les coûts salariaux fixes lors d’une conjoncture incertaine. Cette orientation souligne également une forme de prudence de la part des employeurs, qui hésitent parfois à proposer des CDI lorsque la pérennité de l’activité n’est pas entièrement garantie.
Néanmoins, un usage trop intensif du CDD peut fragiliser la cohésion des équipes et générer davantage de turnover, avec des conséquences sur la productivité et l’investissement en formation. Sur le plan légal, l’employeur doit veiller à ne pas multiplier les contrats courts de façon abusive, sous peine de requalification en CDI et de sanctions.
Bon à savoir
La loi française prévoit un cadre précis pour le CDD (motif, renouvellement, durée maximale). Par ailleurs, certains cas (remplacement d’un salarié absent, emploi saisonnier) bénéficient de dérogations spécifiques. Malgré cela, un CDD successif sur le même poste doit être justifié par des motifs légaux distincts. Cette réglementation vise à empêcher le recours systématique à la précarité.
Le recul des CDI et ses implications
Alors que l’emploi sous forme de CDD progresse, le CDI a diminué de −1,0 % au T3 2024 et de −5,2 % sur un an. Cette inflexion appelle plusieurs pistes d’explication. D’abord, dans le contexte post-pandémique et face aux incertitudes économiques, les entreprises semblent privilégier des contrats plus courts. De plus, elles tentent parfois de minimiser les risques en ajustant leur masse salariale au gré de la demande.
D’un point de vue juridique, la conclusion d’un CDI entraîne un ensemble d’obligations pour l’employeur (procédure de licenciement formelle, indemnités, stabilité accrue pour le salarié). Il est possible que ce cadre légal plus strict dissuade certains dirigeants de s’engager sur le long terme. Financièrement, un CDI peut conduire à des coûts supplémentaires, notamment en cas de rupture conventionnelle ou de plan social, même si ces dispositifs se sont assouplis depuis quelques années.
L’impact sur la cohésion sociale est toutefois non négligeable. Un recul trop marqué du CDI dans la structure de l’emploi pourrait entraîner un moindre attachement des salariés à leur entreprise et amoindrir les effets d’une politique de formation ou de promotion interne. Pour beaucoup de salariés, le CDI conserve une valeur symbolique forte, synonyme de stabilité et de sécurisation de la trajectoire professionnelle.
Les fins de contrat regroupent : fin de CDD à l’échéance, rupture anticipée de CDD, licenciement (économique ou non), démission, fin de période d’essai, départ à la retraite, ruptures conventionnelles, etc. L’analyse de ces motifs éclaire les dynamiques du marché du travail et la confiance des salariés et des employeurs dans leur relation contractuelle.
Un zoom sur les sorties de contrat
Au 3e trimestre 2024, 6 435 700 contrats prennent fin, marquant là aussi une hausse de +1,0 % après un léger recul de −0,7 % le trimestre précédent. Dans le même ordre d’idées, ce volume progresse de +0,7 % sur un an.
Les CDD arrivant à échéance représentent la majeure partie de ces sorties (5 345 300 à fin septembre 2024), en croissance de +0,7 % sur un trimestre. Parmi eux, on recense une augmentation notable des ruptures anticipées (+4,2 % après −1,0 %) et un léger redressement des CDD de moins d’un mois. Du côté des CDI, le nombre de fins de contrat a repris de +2,6 % après −2,6 % au T2, souvent motivées par des démissions ou des départs à la retraite.
Le fait que les fins de contrat augmentent simultanément aux embauches traduit un turnover élevé du marché du travail. En période de relative croissance, les salariés sont plus enclins à changer d’employeur, encouragés par l’idée d’opportunités nouvelles. Les entreprises, quant à elles, ajustent leurs effectifs de manière plus flexible via des CDD, quitte à convertir certains contrats en CDI si la conjoncture demeure favorable.
Vision sectorielle : industrie, construction et tertiaire
Le secteur industriel connaît un regain d’activité : il s’agit d’une accélération de +3,3 % pour les embauches et de +6,6 % sur les fins de contrat. Ce niveau élevé de sorties, combiné à une progression des entrées, reflète une forte rotation d’effectifs, potentiellement liée à la spécialisation de certains projets ou à l’alternance de cycles de production.
Du côté de la construction, le nombre de recrutements enregistre +2,9 %. Cette embellie succède à une courte période de repli (−0,8 % au T2 2024), montrant un possible redémarrage de chantiers. Les fins de contrat, elles, progressent modérément (+0,4 %), ce qui s’explique souvent par la fin de projets achevés dans les délais prévus.
Le tertiaire affiche un tableau plus composite, avec un accroissement global de +1 % des embauches et de +0,8 % des sorties. Les segments de la restauration et de l’hébergement se montrent plus volatils (repli de −1,5 % des embauches, suivi de −2,3 % en termes de sorties). En revanche, le commerce (+3,5 %) et les services aux entreprises (+3,4 %) portent une bonne partie de la dynamique haussière.
Les motifs de rupture : focus sur la démission et la retraite
Au-delà du clivage CDD/CDI, il est intéressant d’analyser les raisons précises motivant la fin des contrats. Au T3 2024, les démissions de CDI repartent à la hausse (+2,3 %), signe d’une dynamique de mobilité plutôt positive, surtout dans un contexte de tension sur le marché de l’emploi. En général, un nombre plus élevé de démissions peut traduire la confiance des salariés quant à leurs perspectives de réemploi.
Les départs à la retraite enregistrent aussi un vif rebond (+11,2 %), après un recul substantiel au trimestre précédent (−14,9 %). L’effet “papy-boom” reste prégnant. Sur le plan économique, ces départs massifs créent un vivier de postes vacants, pouvant inciter les employeurs à recruter et former de nouveaux talents. Toutefois, le transfert de savoir-faire peut s’avérer délicat, et ce renouvellement générationnel exige une solide stratégie RH.
Par ailleurs, les ruptures conventionnelles marquent une quasi-stagnation (−0,1 % après −4,1 % au T2). Cela suggère que, si les employeurs et salariés continuent d’y recourir pour mettre fin à un CDI en bonne entente, l’euphorie initiale de ce dispositif tend peut-être à s’essouffler, ou se stabiliser à un niveau de croisière.
Retour sur la méthodologie des données
Depuis 2015, les DSN (Déclarations Sociales Nominatives) se sont substituées à la DMMO (Déclaration Mensuelle des Mouvements de Main-d’Œuvre) et à l’enquête EMMO. Cette nouvelle méthode de collecte couvre toutes les tailles d’entreprise (y compris celles de moins de 10 salariés) et consolide la remontée de données.
Le dispositif de correction statistique, visant à homogénéiser la série depuis 1993 pour les établissements de plus de 50 salariés, 1998 pour ceux de 10 à 49 salariés et 2007 pour les plus petites structures, est régulièrement mis à jour. Les séries antérieures, moins complètes, sont corrigées pour refléter les changements de pratiques déclaratives (par exemple, la déclaration groupée de contrats courts).
La Dares procède par ailleurs à des révisions régulières pour raffiner les estimations. Les corrections saisonnières jouent un rôle crucial pour lisser les pics artificiels, alors qu’une nouvelle actualisation des coefficients peut modifier ponctuellement la lecture d’un même trimestre d’une publication à l’autre.
Différences entre “mouvements de main-d’œuvre” et “estimations d’emploi”
Une confusion survient parfois entre les données sur les MMO, publiées trimestriellement, et les estimations d’emploi de l’Insee. Ces deux statistiques n’ont pas le même objet ni le même mode de calcul. Les MMO recensent le nombre total de contrats signés ou terminés (sans exclure la multiactivité). À l’inverse, les estimations d’emploi comptabilisent les individus présents “à midi” sur la période, en excluant les doublons pour les salariés qui cumulent plusieurs postes.
De plus, le champ sectoriel diffère : les estimations d’emploi couvrent l’ensemble des secteurs (hors activités extraterritoriales) et portent sur la France entière (hors Mayotte), tandis que les MMO se concentrent sur le secteur privé hors agriculture, intérim et particuliers employeurs, pour la France métropolitaine. Les divergences de date de pointage (“à midi” pour l’Insee contre “à minuit” pour la Dares) engendrent également des écarts dans les totaux retenus.
Implications pour la conjoncture et la stratégie d’entreprise
L’augmentation des embauches, portée par les CDD, et le rythme soutenu des fins de contrat mettent en lumière un marché du travail français en mouvement. Ces évolutions, observées au 3e trimestre 2024, laissent entrevoir plusieurs impacts possibles :
• Politique de recrutement : Les entreprises optent pour une flexibilité accrue en recourant aux CDD, afin d’ajuster leurs effectifs aux besoins conjoncturels. Cependant, cette logique peut être confrontée à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée, si le turnover demeure trop élevé.
• Stabilité de l’emploi : La baisse du CDI demeure un sujet de préoccupation, étant historiquement l’ancrage de la relation salariale en France. Si cette tendance se poursuit, on pourrait voir se renforcer un modèle dual : d’un côté des emplois stables pour certains, de l’autre une succession de CDD pour d’autres.
• Éclairage financier : Les directions administratives et financières jonglent avec l’optimisation des charges salariales à court terme et la nécessité d’investir dans les compétences. Les contrats courts, moins engageants, peuvent aussi véhiculer un coût de rotation plus élevé (formation, processus de recrutement, éventuelles indemnités de précarité).
Décryptage des variations par taille d’établissement
Si la hausse générale des embauches en France métropolitaine s’établit à +1,2 %, il importe de souligner que toutes les entreprises ne sont pas logées à la même enseigne :
- Moins de 10 salariés : variation quasi-nulle (−0,1 %), suggérant un nombre stable d’ouvertures de postes. Les TPE se montrent parfois plus fragiles face aux aléas économiques, d’où un certain attentisme.
- Entre 10 et 49 salariés : une légère progression (+0,4 %), sans pour autant égaler les performances passées. Cette stabilité peut refléter l’attentisme ou la prudence d’entreprises cherchant à éviter la surréaction.
- 50 salariés et plus : net rebond (+2,5 %), imputable à l’industrie, au tertiaire et à l’impact plus marqué de projets de grande envergure qui nécessitent des volumes d’embauche conséquents.
La taille des structures influence la décision de recrutement et le type de contrat choisi : en effet, les grandes entreprises recourent plus volontiers à une large palette de statuts, y compris l’intérim, pour répondre aux fluctuations d’activité.
Perspective sur la fin de l’année 2024
Signe de vitalité, l’accélération des embauches en CDD pourrait se poursuivre au 4e trimestre 2024 si le climat économique reste porteur. Plusieurs facteurs entrent cependant en jeu :
- Inflation : l’érosion du pouvoir d’achat des ménages peut altérer la consommation, notamment dans certains services et le commerce, freinant in fine la dynamique d’embauche.
- Coût de l’énergie : plusieurs branches industrielles pourraient ralentir, voire suspendre des projets, si le coût de l’énergie s’envole. Cela affecterait la confiance des employeurs et le nombre d’embauches.
- Transition écologique : de nouvelles filières vertes ou de rénovation thermique génèrent des emplois, notamment sous forme de CDD, pour tester des modèles d’affaires. Les perspectives sont donc contrastées selon les secteurs.
La santé globale du marché du travail dépendra aussi de la gestion de la pénurie de compétences dans certains métiers en tension. Les employeurs devront probablement poursuivre leur effort de formation et d’attractivité pour capter le talent nécessaire.
Regard juridique : points clés à retenir pour les employeurs
Dès lors que l’on aborde la politique de recrutement sous l’angle légal, plusieurs aspects méritent une attention particulière :
- Éviter l’abus de CDD successifs : la jurisprudence veille à la bonne application du code du travail, notamment la limitation des renouvellements et le respect d’un délai de carence entre deux contrats.
- Rupture conventionnelle : ce dispositif, encore attractif pour les deux parties, reste soumis à homologation. L’administration peut refuser la convention si elle estime qu’il s’agit d’un contournement des règles classiques de licenciement.
- Fin de période d’essai : la période d’essai, plus fréquente dans le CDI, ne doit pas être confondue avec un contrat précaire. Elle obéit à des durées légales spécifiques et peut donner lieu à une rupture à l’initiative de l’employeur ou du salarié.
Au-delà de ces considérations, la transformation d’un CDD en CDI peut représenter un outil de fidélisation, tout en ajustant la durée d’essai. Les chefs d’entreprise doivent ainsi jongler avec la législation, la compétitivité et la préservation des droits des salariés, ce qui façonne in fine la confiance mutuelle.
Incidences économiques : quel impact sur la productivité ?
Du point de vue de la productivité, la multiplication des contrats courts peut générer une rotation importante du personnel, à l’origine de coûts de formation plus élevés et d’un manque de continuité dans les projets. La stabilité de la main-d’œuvre est souvent corrélée à une meilleure connaissance de l’entreprise, un climat social plus serein et une efficacité collective supérieure.
À l’inverse, le CDI offre un ancrage solide favorisant l’accumulation de compétences au fil du temps. Cet effet se traduit notamment par une réduction des erreurs de production, une meilleure qualité des services rendus, et une appropriation plus rapide de la culture d’entreprise.
Néanmoins, il ne faut pas négliger l’effet d’agilité offert par les contrats courts. Sur des marchés en pleine mutation (numérique, services à la personne, secteurs émergents), la possibilité de recruter des profils spécialisés pour des missions de courte durée est parfois cruciale.
Enjeux financiers pour les entreprises
La répartition CDD/CDI conditionne la structure des coûts : indemnités de précarité, taux de cotisations, primes éventuelles, etc. Du côté de la trésorerie, la signature massive de CDD exige une gestion administrative rigoureuse (multiplicité des fiches de paie, suivi du calendrier de fin de contrat). Sur le plan fiscal, certains avantages existent pour l’embauche de profils spécifiques (jeunes, seniors, alternants), mais ils varient au fil des réformes.
Par ailleurs, la planification budgétaire est plus complexe lorsque la proportion de contrats courts est élevée : il est ardu de prédire avec certitude les effectifs sur plusieurs mois, voire années. Cette incertitude peut peser sur les négociations bancaires (prêts, crédits d’investissement) si les établissements financiers exigent une certaine visibilité sur la masse salariale.
En même temps, de nombreuses entreprises, notamment de taille intermédiaire, réussissent à tirer parti de cette flexibilité pour innover rapidement et adapter leur modèle face à la concurrence internationale. Le coût d’opportunité est moindre : si un projet échoue ou se ralentit, l’entreprise limite ses risques liés à l’embauche pérenne.
Le rôle de la formation professionnelle
Face à une main-d’œuvre en constante évolution, la formation professionnelle se présente comme un pilier essentiel pour maintenir les compétences. Les pouvoirs publics encouragent l’investissement dans la formation continue et l’apprentissage, qui peut déboucher sur un CDI.
Les branches professionnelles disposent souvent de plans d’action dédiés, incluant des financements pour la reconversion ou l’acquisition de nouvelles compétences. Les entreprises qui favorisent la montée en compétences de leurs salariés, même en CDD, peuvent en tirer un avantage compétitif durable.
Cependant, la multiplication des contrats courts peut complexifier la démarche : un salarié recruté sur une courte période aura moins d’incitation à se former, et l’entreprise pourra hésiter à investir si le contrat ne dure que quelques mois. Dans ce contexte, le contrat de professionnalisation ou d’apprentissage peut représenter un compromis pertinent, puisqu’il intègre un volet de formation tout en offrant un cadre contractuel structuré.
Focus sur l’intérim et sa baisse
À côté des CDD, le travail temporaire (intérim) constitue un autre vecteur de flexibilité. Or, on constate pour ce trimestre un repli de −2,0 % du nombre de missions d’intérim, ce qui l’amène à 4 995 300 embauches dans ce segment. Sur un an, la baisse atteint −2,7 %. Les intérimaires subissent souvent en premier lieu le ralentissement ou les fluctuations d’activité, puisque leurs contrats sont encore plus flexibles que les CDD “classiques”.
Sur le plan juridique, le statut d’intérimaire prévoit une indemnité de fin de mission, parfois plus attractive que l’indemnité de précarité des CDD. Les entreprises y recourent pour gérer des pics de production ou remplacer un salarié temporairement absent. Cependant, certains secteurs préfèrent désormais les CDD, qui offrent une relation directe entre l’employeur et le salarié, sans passer par l’agence de travail temporaire.
Par ailleurs, le recours à l’intérim a été impacté par la réorganisation sectorielle post-crise sanitaire. Certains métiers auparavant massivement intérimaires (logistique, événementiel, etc.) ont dû se restructurer. Ainsi, le glissement entre intérim et CDD peut être lu comme une adaptation à la nouvelle donne économique.
Regard sur les tendances démographiques
La composition de la population active française évolue : nombreux sont les salariés seniors qui arrivent en âge de partir à la retraite, créant un effet d’aubaine pour les jeunes diplômés, mais aussi un défi en termes de transmission de compétences. La hausse soudaine des départs en retraite constatée ce trimestre (+11,2 %) souligne l’importance de dispositifs de passation internes et de politiques incitatives au mentorat ou à la tutelle.
Quant à la mobilité des jeunes actifs, elle favorise le turnover : ils sont susceptibles de multiplier les expériences en contrats courts pour acquérir une diversité de compétences. Dans un contexte de marché du travail dynamique, cet appétit pour le changement renforce l’essor des CDD mais pourrait aussi, à terme, encourager les employeurs à offrir des CDI plus attractifs (formations, télétravail, avantages) afin de fidéliser ces profils.
Éclairage macroéconomique : indicateur de confiance
Les hausses et baisses d’embauches constituent, d’un point de vue macroéconomique, l’un des baromètres de la confiance des entreprises. Lorsque l’on constate une progression du nombre de contrats signés, surtout via des CDD, cela peut suggérer une confiance prudente dans les perspectives d’activité. Les entreprises envisagent d’élargir leurs effectifs mais souhaitent conserver la possibilité de réduire rapidement la voilure en cas de retournement.
L’évolution de la part des CDI, en revanche, fournit un indicateur complémentaire : plus cette part est élevée, plus les employeurs se projettent dans la durée et estiment que la croissance s’installera. En l’occurrence, la baisse du CDI sur un an (−5,2 %) traduit un certain manque de visibilité sur le moyen terme. L’effet peut être amplifié par la hausse des coûts de production, ou l’incertitude géopolitique mondiale.
Au final, la structure des embauches donne un instantané de la posture des entreprises : le choix d’un contrat court (CDD, intérim) ou long (CDI) révèle la capacité ou la volonté de porter un projet dans le temps. De tels chiffres s’inscrivent ainsi dans un ensemble plus vaste d’indicateurs (croissance, consommation des ménages, commandes industrielles, etc.).
Ouvertures pour les prochains trimestres
Le 3e trimestre 2024 marque donc une reprise des embauches, un léger repli du CDI et un mouvement soutenu de sorties de contrat. Cette conjoncture confirme la phase de transition dans laquelle se trouve le marché de l’emploi français. Les PME et ETI, tout comme les grands groupes, doivent composer avec des équilibres subtils :
- Arbitrer entre souplesse et sécurisation pour garder des talents tout en gérant l’incertitude.
- Anticiper l’impact financier et humain de la rotation des équipes.
- Veiller à se mettre en conformité avec la réglementation sur les contrats, en particulier sur les renouvellements et la gestion des fins de mission.
- Favoriser une culture d’entreprise qui valorise l’apprentissage et la transmission des savoirs, pour atténuer l’effet du papy-boom et du turnover.
À ce stade, l’évolution du marché à la fin de l’année 2024 dépendra de la conjoncture économique internationale, des politiques publiques (incitations à l’embauche, réformes de la formation), ainsi que de la manière dont les employeurs et salariés adapteront leur comportement.
Cette analyse illustre la vitalité, mais aussi la complexité, d’un marché du travail soumis à des forces multiples : cycles économiques, cadres légaux, stratégies d’entreprise et aspirations des salariés.