Les anticipations d’inflation des entreprises françaises (2021-2025)
Analyse des anticipations d’inflation des entreprises françaises entre 2021 et 2025 selon l’enquête de la Banque de France auprès de 1700 sociétés.

L’idée selon laquelle l’inflation pourrait durablement s’installer suscite toujours des interrogations dans les milieux d’affaires.
À l’occasion de la publication du billet de blog n°407 de la Banque de France (Source : https://blocnotesdeleco.banque-france.fr/billet-de-blog-407), une enquête trimestrielle auprès de 1 700 entreprises révèle comment les dirigeants français ont accueilli le pic inflationniste entre 2021 et 2023, puis la décrue à partir de 2024, jusqu’au retour d’anticipations proches de 2 % en 2025.
Les racines d’une nouvelle perception de l’inflation
Durant la période courant de 2021 à 2023, la flambée des prix de l’énergie et de certaines matières premières a radicalement transformé le rapport qu’entretiennent les entreprises avec l’inflation. Les chefs d’entreprise ont dû composer avec un choc inédit, marqué par une hausse des coûts de production et une incertitude sur la pérennité de ce phénomène.
Ils se sont retrouvés face à un défi majeur : évaluer l’impact direct et indirect de l’inflation dans leurs choix stratégiques, qu’il s’agisse de fixer des prix de vente, d’estimer l’évolution des salaires ou encore de négocier avec leurs fournisseurs. Cette tâche délicate a cependant permis d’observer la résilience et la flexibilité de nombreuses sociétés, notamment sur le marché français.
Comprendre l’ampleur des hausses de prix est essentiel. Les entreprises qui s’appuient sur des estimations précises de l’inflation prennent de meilleures décisions en matière de gestion des stocks, de fixation des salaires et de politique tarifaire.
Pour évaluer l’ampleur de ces phénomènes, la Banque de France a poursuivi un travail d’enquête auprès de 1 700 sociétés de toutes tailles. Cet échantillon diversifié s’est avéré représentatif de la complexité des processus de formation des anticipations d’inflation.
Retour en détails sur le cycle inflationniste 2021-2025
La trajectoire de l’inflation sur la période considérée se caractérise par trois phases distinctes :
- 2021-début 2022 : accroissement des tensions provoquées par la reprise économique post-pandémie et par l’augmentation du coût des matières premières.
- Fin 2022-2023 : renforcement temporaire de l’inflation (jusqu’à 6 %), avant un fléchissement progressif.
- Depuis 2024 : normalisation visible, avec un retour vers des valeurs tournant autour de 2 %.
Cette dynamique reflète les incertitudes qui ont affecté le cycle économique mondial. Les difficultés logistiques, les stratégies de relocalisation industrielle et les pénuries de main-d’œuvre ont pesé sur les indicateurs d’inflation. Simultanément, le phénomène s’est amplifié lorsque les acteurs économiques ont tenté par précaution d’anticiper de nouvelles hausses de coûts.
Bon à savoir : l’ancrage des anticipations
L’ancrage se définit comme la conviction des agents économiques quant à la stabilité durable du niveau des prix dans le futur (généralement en phase avec la cible de 2 % fixée par la Banque centrale). Quand cet ancrage est fort, les entreprises et les ménages ajustent leurs plans de dépenses et d’investissement sans multiplier les révisions de prix.
Anticipations à court terme : une trajectoire moins linéaire qu’il n’y paraît
Face à la forte progression de l’inflation en 2022-2023, de nombreux dirigeants ont d’abord sous-estimé l’ampleur du phénomène. À la fin de l’année 2021, ils n’anticipaient qu’une inflation d’environ 3 % à un an, alors qu’elle a finalement culminé à 6 %. Cette lacune de prévision traduit à la fois la difficulté de cerner le rôle des facteurs externes (dont les chocs énergétiques) et le fait qu’une partie de la hausse a résulté de mécanismes indirects (transferts de coûts, effet d’entraînement sur les salaires, etc.).
Plus tard, à mesure que la hausse se confirmait, ces mêmes chefs d’entreprise ont parfois « sur-réagi » en présageant une intensification supplémentaire. Or, après le « pic » de 2022, l’inflation a ralenti plus rapidement que prévu, démontrant la complexité de cette période, où plusieurs signaux contradictoires coexistaient.
Lorsque les prix ont progressé rapidement, les décideurs gardent en tête ces augmentations passées. Ils peuvent alors surestimer la persistance du phénomène. C’est ce que l’on nomme « effet de mémoire ». Il se traduit par une inertie psychologique qui retarde la prise de conscience de la désinflation.
La Banque de France met également en évidence un point de vigilance : des prévisions biaisées à la hausse peuvent conduire les dirigeants à appliquer des hausses tarifaires supplémentaires ou des augmentations salariales plus prononcées, contribuant par ricochet à prolonger l’épisode inflationniste. Toutefois, depuis plusieurs trimestres en 2025, les estimations à un an avoisinent à nouveau 2 %, signe que les craintes exagérées ont pâli.
Anticipations à long terme : un ancrage préservé malgré la volatilité
L’enquête de la Banque de France souligne un phénomène clé : la relative stabilité des anticipations à long terme. Contrairement aux prévisions à un an, davantage soumises à la conjoncture immédiate, celles portant sur un horizon de 3 à 5 ans sont restées proches de 2 % tout au long du cycle. Certes, un certain écart jusqu’à 3 % a pu être observé au pic de l’inflation, mais ce dernier s’est rapidement comblé.
En pratique, cette robustesse représente un atout : si les entreprises recrutent ou investissent dans la durée, elles doivent se reposer sur une vision claire de l’environnement des prix, considérée comme moteur pour la prospection de nouveaux marchés. La confiance dans le retour vers la cible officielle contribue ainsi à la stabilité des conditions financières.
Bon à savoir : anticipations et décisions d’investissement
Lorsque les entreprises s’attendent à une inflation modérée, elles peuvent emprunter à des taux raisonnables et planifier sur le long terme. À l’inverse, en cas d’incertitude marquée ou d’anticipations trop élevées, elles peuvent geler leurs dépenses, reporter des projets ou opter pour des systèmes de couverture financière complexes.
Dans le contexte français, cette observation atténue la crainte d’une « spirale prix-salaires », laquelle survient si les hausses de prix alimentent de manière continue les salaires, entretenant un cercle vicieux. Or, comme l’enquête le montre, les entreprises ont rapidement révisé leurs anticipations à la baisse dès les premiers signes de reflux des prix des intrants, contribuant à une modération salariale et tarifaire salutaire.
L’importance d’une vision partagée : consensus et hétérogénéité
L’étude souligne aussi une tendance à la dispersion des anticipations en période de forte inflation. Plus l’inflation devient élevée, plus les estimations diffèrent. Durant la vague inflationniste de 2022, certains dirigeants misaient sur une inflation supérieure à 8 %, tandis que d’autres tablaient sur 4 %. À long terme, la fourchette demeure malgré tout plus resserrée, prouvant que le consensus sur le retour vers 2 % était solide.
La taille de l’entreprise influe le niveau d’anticipation : les plus petites structures, fréquemment moins armées pour gérer la volatilité des cours et négocier avec plusieurs fournisseurs, ont tendance à anticiper des hausses de prix plus marquées. Elles demeurent plus vulnérables face aux chocs sur les matières premières, l’énergie ou le transport.
Dans les années 1970, l’inflation française atteignait couramment les 10 %. Les entreprises, faute d’un ancrage clair, se livraient à des stratégies de court terme, redoutant une hausse supplémentaire des coûts. Comparé à cette époque, la période 2021-2025 fait figure de choc bien mieux maîtrisé, en témoignent les ajustements rapides des anticipations.
Depuis la fin de l’année 2024, plus de deux tiers des chefs d’entreprise interrogés placent leur projection d’inflation autour de 2 %, aussi bien à un an qu’à 3-5 ans. Cette convergence reflète l’efficacité de la communication des autorités monétaires et la perception que les facteurs à l’origine de la flambée des prix (tensions sur l’énergie, ruptures de chaînes logistiques) se sont graduellement estompés.
Mécanismes d’influence des anticipations sur l’économie
Si l’ancrage de l’inflation constitue un baromètre pour la politique monétaire, il exerce également une influence directe sur le comportement des entreprises. Plus les anticipations d’inflation à long terme sont basses et stables, plus les conditions de financement s’améliorent, conjointement à un pilotage serein des négociations salariales.
Dans cette optique, un dirigeant convaincu que l’inflation ne s’établira pas durablement au-dessus de 2 % adoptera une politique tarifaire plus mesurée. Il évitera des hausses de prix successives, ce qui contribue à limiter l’emballement des coûts pour les consommateurs finaux. Au contraire, si de forts doutes subsistaient, ce même dirigeant pourrait répercuter rapidement ses coûts, de peur d’être pris de court.
Au-delà de la simple fixation des prix, l’effet sur le marché du travail est déterminant : plus la perspective d’un retour au calme des prix est évidente, moins les revendications salariales ont tendance à se durcir. Le marché de l’emploi bénéficie alors d’une atmosphère moins anxiogène, propice aux embauches pérennes.
Bon à savoir : corrélations entre anticipations et salaires
Selon plusieurs études (dont certaines de la Banque de France), une hausse des anticipations d’inflation d’un point de pourcentage peut se traduire, sur certains segments du marché, par une progression salariale notable pour compenser l’érosion du pouvoir d’achat. Inversement, si l’inflation est jugée transitoire, les revalorisations restent plus modérées.
Qui est la Banque de France et comment intervient-elle dans ces analyses ?
La Banque de France est la banque centrale de la République française, intégrée à l’Eurosystème, en partenariat avec la Banque centrale européenne (BCE). Elle a plusieurs missions clefs :
- La stabilité des prix : en veillant à contrôler l’inflation et à maintenir cet indicateur proche de 2 % sur le moyen terme.
- La régulation financière : via le suivi des établissements bancaires et l’octroi de crédits aux organismes agréés, en lien avec la BCE.
- La recherche économique : en produisant régulièrement des études et des enquêtes sur l’économie française et internationale.
Dans le cas précis de l’inflation, la Banque de France réalise des enquêtes de conjoncture. Le recueil des anticipations d’environ 1 700 chefs d’entreprise permet d’enrichir la compréhension des dynamiques en cours, de leur diffusion sectorielle et de l’hétérogénéité des perceptions. L’existence d’une plateforme d’échanges réguliers rend possible la publication trimestrielle de bilans complets sur l’évolution des prévisions.
En encourageant la diffusion de ces résultats, la Banque de France favorise la transparence et la stabilité : les acteurs économiques peuvent adapter leurs stratégies, rassurés par un cadre prospectif clarifié.
Quand l’anticipation modèle la réalité : un diagnostic post-2025
Aujourd’hui, en juin 2025, le diagnostic semble clair : après une période de turbulences, les prévisions d’inflation sont redevenues conformes à l’objectif de 2 %. Cet équilibre résulte du fait que les chefs d’entreprise ont progressivement renoncé à l’idée d’une inflation galopante, malgré l’impression parfois persistante de cherté dans certains pans de la vie quotidienne.
Dans les faits, on observe deux grands enseignements :
- Une normalisation progressive : la réactivité forte, mais temporaire, des décisions des entreprises face à la hausse des coûts a joué un rôle. En coupant court aux anticipations excessives, le marché a retrouvé un niveau de prix plus stable.
- Une convergence des estimations : alors qu’en 2022, la dispersion était élevée, les évaluations de l’inflation à un an et à 3-5 ans sont de nouveau concentrées autour de la cible de 2 %. Le signal envoyé est celui d’un consensus solide et alerté par la politique monétaire.
Cela ne veut pas dire que le phénomène de hausse des prix soit éradiqué ; la prudence reste de mise. Les dirigeants surveillent attentivement les fluctuations du coût de l’énergie et la volatilité de certaines composantes de la production. Toutefois, la période d’emportement semble révolue, et les indices de conjoncture laissent entrevoir une plus grande visibilité pour les projets futuristes évoqués par les entreprises.
Zoom sur le rôle de la confiance et de la communication
L’attitude des agents économiques n’est pas qu’une affaire de statistiques : la communication institutionnelle et la confiance collective jouent un rôle crucial. Ces dernières années, la Banque centrale européenne et la Banque de France ont multiplié les interventions pour expliciter la nature des chocs inflationnistes et réaffirmer leur objectif de stabilité monétaire.
Les chefs d’entreprise interrogés soulignent qu’un langage clair, couplé à des mesures cohérentes (ajustement du principal taux directeur, recours à des programmes d’achats d’actifs…), nourrit leur sentiment de sécurité. Cela contribue à désamorcer les prophéties autoréalisatrices (scénarios négatifs fondés sur des craintes excessives), réduisant la tendance à sur-anticiper.
Parallèlement, l’examen précis des dérivés de taux ou des indices d’indexation a fourni des signaux de marché quant aux anticipations globales. L’harmonie entre ces indicateurs et les retours des entreprises confirme qu’il n’y a pas divergence majeure dans la façon de percevoir l’évolution à long terme des prix.
Impact sur l’économie réelle : emprunter, investir, négocier
Cette phase 2021-2025 a permis d’observer l’articulation entre anticipations et décisions concrètes dans le monde entrepreneurial. Avec le choc inflationniste, certains dossiers d’investissement ont été reportés, le coût d’approvisionnement ayant pu paraître trop incertain. Les négociations syndicales ont pris une tournure plus tendue, exigeant davantage de revalorisations salariales en 2022-2023 pour compenser la hausse du coût de la vie.
À mesure que les indicateurs se sont normalisés, les entreprises ont relancé leurs projets, dans un climat plus serein. Les banques ont retrouvé des marges de manœuvre pour prêter à des conditions raisonnables, ce qui alimente la croissance potentielle du secteur privé. Et surtout, l’absence de dérapage incontrôlé contribue à maintenir un bassin d’emplois plus sûr, limitant le spectre d’une récession liée à un durcissement monétaire brutal.
En somme, si la persistance de la guerre des talents (ou difficulté de recrutement de certains profils clés) existe encore, elle n’est pas exacerbée par une spirale de salaires indexés sans cesse sur un niveau d’inflation trop élevé.
Regards complémentaires sur la période : quels repères pour l’avenir ?
Loin d’être un épiphénomène, l’expérience 2021-2025 prouve à quel point l’anticipation est un moteur puissant dans la dynamique de l’inflation. Le fait que les chefs d’entreprise aient d’abord sous-évalué puis surestimé la hausse des prix relève d’un comportement quasi universel : face à un choc qu’ils connaissent mal, ils se fient à des repères imparfaits, voire aux réactions ambiantes.
La principale leçon semble être que l’ancrage à 2 % n’a jamais réellement été remis en cause par la majorité des acteurs économiques français. Certes, la perception immédiate des hausses a accru les tensions dans certains secteurs. Toutefois, dès la fin de l’année 2023, une prise de conscience collective s’est manifestée, atténuant le risque d’un enlisement inflationniste.
Points de vigilance pour la suite
Le marché de l’énergie : il demeure sous haute surveillance, car une flambée brutale pourrait instantanément raviver l’inflation perçue.
La géopolitique : tensions ou conflits internationaux peuvent altérer la fluidité commerciale et influer fortement sur les coûts.
La politique monétaire : un ajustement trop rapide des taux d’intérêt pourrait étouffer la croissance. À l’inverse, un laxisme exagéré conduirait à un nouveau dérapage de l’inflation.
Ces garde-fous témoignent d’une vigilance partagée. Néanmoins, tant que la coordination entre acteurs (entrepreneurs, banquiers, pouvoirs publics) demeure efficace, la poursuite d’un sentier d’inflation comprise entre 1,5 et 2,5 % semble envisageable, garantissant l’équilibre nécessaire à la croissance.
Focus sur les mécanismes de mesure : du ressenti au pourcentage chiffré
Mesurer l’inflation n’est pas toujours une évidence pour les dirigeants d’entreprise. Les indices officiels reflètent souvent un panier de consommation globale, sans correspondre exactement aux coûts spécifiques d’une activité. Le panel interrogé par la Banque de France ne se réfère pas nécessairement à l’IPC (Indice des Prix à la Consommation) ni à l’IPCH (Indice des Prix à la Consommation Harmonisé), mais bien à ce que chacun perçoit dans son quotidien économique.
Le résultat : un indicateur complémentaire des outils statistiques habituels, plus intuitif, mais susceptible de biais de perception. C’est précisément cette complémentarité qui permet d’appréhender la formation des anticipations de manière plus réaliste. C’est également un moyen d’entendre des témoignages venant d’entreprises aux profils variés : PME, groupes internationaux, TPE régionales, etc.
En passant au crible ces informations, on identifie trois dimensions fondamentales :
- Le niveau moyen : quel est le pourcentage d’inflation anticipé par la plupart ?
- La dispersion : comment les opinions se répartissent-elles autour de cette moyenne ?
- L’effet de la perception actuelle : dans quelle mesure une inflation temporaire ou un pic local influencent-ils la prévision à long terme ?
La solidité de l’ancrage dépend de la capacité des agents à faire abstraction des oscillations de court terme. Plus ils relativisent la volatilité, (une flambée de l’essence ou un choc ponctuel sur les produits agricoles), plus leurs estimations de moyen/long terme demeurent stables.
Questions structurelles sur l’adaptation des entreprises
Le fait que les gestionnaires des petites et moyennes entreprises jugent souvent l’inflation plus élevée, peut s’expliquer par leur manque de moyens pour lisser les coûts sur plusieurs fournisseurs ou par leur dépendance à un nombre limité de marchés. Dans cette optique, l’investigation de la Banque de France confirme que l’information aide à combler ces « angles morts » : un dirigeant mieux éclairé résistera mieux aux paniques.
D’un autre côté, les grandes firmes s’appuient sur leurs départements d’études macroéconomiques, capables de segmenter la hausse des prix en sous-causes (marge, coût logistique, fiscalité, etc.). Cela leur offre une meilleure maîtrise de leurs objectifs tarifaires. Par voie de conséquence, ces sociétés ont affiché des anticipations moins dispersées, même au cœur du pic inflationniste.
L’enseignement majeur : ces différences de perception ne sont pas un problème tant que globalement, la majorité des acteurs continue de penser que l’inflation reviendra à un niveau modéré dans un horizon de quelques années. C’est précisément cet état d’esprit que la Banque de France qualifie de « bon ancrage ».
Un monde sous tension : l’international au service de la comparaison
Durant la même période (2021-2023), les pays avoisinants ont également traversé leurs propres cycles d’inflation. À la différence de la France, certains ont connu des tensions plus vives (notamment en Europe centrale ou dans des économies fortement dépendantes des hydrocarbures importés). D’autres, en revanche, ont bénéficié d’un degré de résilience plus prononcé.
Comparativement, la France se distingue par un niveau d’anticipations d’inflation globalement stable, même si temporairement, la perception de la cherté de la vie a enflammé le débat public. Les fluctuations de l’euro face à d’autres devises, les ralentissements industriels liés à la crise sanitaire, ou encore la politique énergétique française ont pesé sur la dynamique de l’inflation. Pour autant, nous assistons à un rééquilibrage significatif ces derniers trimestres.
Cette singularité est parfois attribuée à la coordination jugée efficace entre la BCE et les instances nationales, permettant de contenir les anticipations et d’éviter que la hausse des prix ne se mue en hyperinflation. Les enquêtes sur le moral des chefs d’entreprise révèlent par ailleurs que, malgré les difficultés, la croissance économique française a pu se maintenir autour de taux satisfaisants, soutenue par des politiques budgétaires ciblées et le maintien du crédit bancaire.
Vers une nouvelle étape : vigilance et réactivité
Si l’on s’intéresse à 2026 et au-delà, rien n’indique que l’inflation restera nécessairement figée autour de 2 %. Les perturbations climatiques, la transformation écologique et les aléas géopolitiques peuvent alimenter des poussées de prix, notamment dans l’alimentaire ou l’énergie. Mais l’épisode actuel a montré que la dualité vigilance/réactivité permettait d’absorber une bonne part des secousses.
Le monde de l’entreprise anticipe désormais la possibilité de futures tensions, mais le fait en s’appuyant sur une grille d’analyse plus solide, tirant les leçons de l’expérience 2021-2025. Les responsables financiers intègrent dans leurs plans des hypothèses d’ajustement, alors que les directions des ressources humaines envisagent des clauses spécifiques pour les salaires ou des dispositifs modulables selon l’évolution des prix.
En somme, la lucidité acquise quant à l’interdépendance de la conjoncture internationale, des politiques monétaires et des chocs sectoriels constitue un socle de stabilité renforçant la résilience de l’économie française.
Ultimes réflexions : vers une stabilisation rassurante
Les derniers relevés de la Banque de France, présentés en juin 2025, valident le retour à une médiane d’environ 2 % pour l’inflation anticipée, aussi bien sur le court terme (dans l’année à venir) que sur le moyen terme (3 à 5 ans). Les entreprises soumettent donc un message explicite : la flambée récente n’a pas compromis la désirée stabilité des prix, condition cruciale pour la croissance économique.
Pour les entrepreneurs, la leçon centrale s’illustre dans la capacité à ne pas laisser perdurer des anticipations trop pessimistes. Une vigilance est toutefois de mise afin que les nouveaux chocs (géopolitiques, matière première, énergie, etc.) ne perturbent pas à nouveau les scénarios tracés.
Le choix d’ancrer la fixation des salaires sur un horizon plus large, la gestion plus diversifiée des sources d’approvisionnement ou encore la multiplication des indicateurs de suivi renforcent la confiance mutuelle. À l’issue de cet épisode, la place de la France dans l’échiquier économique européen reste solide, soutenue par les dynamiques internes d’une industrie et de services prêts à rebondir. C’est dans cet équilibre subtil, entre adaptabilité et cohérence, que se dessine l’avenir de la stabilité des prix en France, au bénéfice de tous.