La célèbre plateforme aéroportuaire niçoise a franchi un nouveau palier en 2024, au-delà des niveaux d’avant la pandémie. Elle suscite autant d’enthousiasme que de controverse, notamment face aux défis environnementaux et à son projet d’extension.

Malgré les critiques et une nouvelle étude d’impact, ses dirigeants s’engagent à répondre aux besoins de mobilité dans un esprit de responsabilité et de développement durable.

Un trafic aérien en progression et un nouveau seuil dépassé

L’aéroport Nice Côte d’Azur, deuxième de France après ceux de la région parisienne, a dépassé ses performances d’avant-crise avec 14,8 millions de passagers en 2024. Ce chiffre surpasse son précédent record de 2019 (14,5 millions), symbole d’un dynamisme retrouvé malgré les années difficiles liées à la pandémie.

En tenant compte uniquement des vols commerciaux (hors aviation d’affaires et hélicoptères), l’affluence a atteint 14,7 millions de voyageurs en 2024, reflétant un engouement certain pour la Côte d’Azur. Les chiffres traduisent également un taux de remplissage élevé, estimé à 81,2%. Fait remarquable, le nombre de mouvements d’avions commerciaux, lui, reste légèrement en deçà de 2019 (109 455 contre 110 866), ce qui souligne un remplissage plus dense des appareils.

Au total, 122 destinations vers 45 pays étaient proposées en 2024, dont un record de liaisons long-courriers : sept en direction de l’Amérique du Nord et six vers la région du Golfe. Cette couverture internationale de plus en plus large illustre la volonté de connecter la Côte d’Azur aux plus grandes métropoles mondiales. Selon la direction, élargir ce réseau est crucial pour répondre aux besoins de transport des populations locales et des visiteurs venus de l’étranger.

Les associations de riverains et de protection de l’environnement ont contesté l’agrandissement du Terminal 2. Elles estiment que l’augmentation du trafic, mécaniquement induite par l’extension, se traduira par davantage de nuisances sonores et une pression touristique croissante sur une région déjà très prisée.

Zoom sur le projet d’extension du Terminal 2

Le Terminal 2 fait actuellement l’objet de travaux destinés à accueillir un volume de passagers plus important. L’objectif consiste à monter la capacité théorique de 14 à 18 millions de voyageurs par an, répondant à la fois à des pics saisonniers et à des événements majeurs. Par exemple, la tenue de la Conférence Océan de l’ONU, prévue dans la région, coïncidera avec l’afflux de visiteurs sensibles aux questions environnementales et diplomatiques.

Dès l’été prochain, une nouvelle salle d’embarquement internationale sera mise à disposition, avec une offre commerciale élargie et un nouveau salon. Par la suite, d’autres améliorations verront le jour à l’automne, notamment de nouvelles portes d’embarquement et, en 2026, un système de traitement des bagages modernisé. Selon la direction, cette modernisation permettra à l’aéroport de se conformer à sa mission de service public : accompagner le développement du transport aérien tout en anticipant les évolutions futures.

Bon à savoir : portée juridique de l’extension

La cour administrative d’appel de Marseille n’a pas suspendu les travaux, mais a exigé une évaluation plus large de l’impact environnemental. Les juges ont demandé que les émissions liées à la hausse éventuelle du nombre de vols soient considérées, et non seulement l’impact direct des nouvelles infrastructures.

Controverses et nouvelle étude d’impact

En décembre 2023, la justice a pointé la nécessité de réaliser une étude d’impact complémentaire. Celle-ci, publiée en novembre 2024, envisage un scénario maximal à horizon 2034 : jusqu’à 21 millions de passagers et 136 500 vols, soit une progression marquée par rapport aux chiffres actuels.

Le rapport conclut toutefois à un « impact limité » sur divers plans. D’une part, grâce à l’amélioration continue des avions (moteurs moins polluants et plus silencieux), il anticipe une baisse de 11% des émissions de gaz à effet de serre entre 2024 et 2034. D’autre part, la qualité de l’air ne subirait pas de modification significative. Enfin, le volet sonore ne toucherait que quelques centaines de riverains supplémentaires.

Les associations locales restent sceptiques, avançant que les estimations de croissance pourraient entraîner jusqu’à 75 vols quotidiens supplémentaires, générant davantage de nuisances. Elles craignent aussi l’impact du surcroît de visiteurs sur l’environnement et sur la vie quotidienne en période estivale.

Outre les avions, les associations pointent du doigt la gestion au sol : consommation énergétique des infrastructures, systèmes de climatisation, flux de véhicules terrestres liés à l’activité aéroportuaire. Selon elles, l’empreinte carbone globale pourrait ne pas être en baisse tant que le trafic augmente.

Stratégie environnementale : réduire et compenser

Les gestionnaires de l’aéroport ont annoncé plusieurs mesures pour alléger l’empreinte carbone de la plateforme. L’aéroport Nice Côte d’Azur affiche déjà plus de 93% de réduction d’émissions sous son contrôle par rapport à l’année de référence 2013. L’objectif est de dépasser 95% d’ici peu, via des actions ciblées.

Parmi ces initiatives, l’électrification des postes avions se poursuit, soutenue par l’Union européenne et la Banque des Territoires. Les appareils en escale peuvent ainsi se brancher au réseau 400 hertz, réduisant l’usage des groupes électrogènes. On estime que 6 000 tonnes eqCO2 pourraient être économisées à terme.

Par ailleurs, une transition vers une escale entièrement décarbonée est en cours. Bus de piste, engins d’assistance et autres équipements au sol évoluent progressivement vers l’électrique. Sur les aéroports de Cannes Mandelieu et du Golfe de Saint-Tropez, une solution HVO (Hydrotreated Vegetable Oil) a été retenue pour les véhicules qui ne peuvent pas basculer en électrique, réduisant de 80% leurs émissions de CO2.

L’aéroport s’est engagé dans un partenariat avec l’Office National des Forêts et des municipalités proches. Depuis 2020, plus de 23 852 arbres ont été plantés, dont 4 800 l’an dernier, pour compenser une partie des émissions résiduelles et préserver la biodiversité locale.

Des performances financières en hausse

Le groupe des Aéroports de la Côte d’Azur s’est non seulement distingué par ses résultats opérationnels, mais aussi par une performance financière solide. Cette dimension est cruciale pour maintenir la compétitivité et assurer les investissements nécessaires à l’amélioration des infrastructures, notamment dans un contexte où la question écologique pèse désormais dans les décisions d’extension.

Pour 2023, le chiffre d’affaires atteint 283 millions d’euros, en hausse de 16,6% par rapport à 2022, où il s’élevait à 243 millions d’euros. La marge brute suit une tendance similaire, passant de 238 millions d’euros en 2022 à 279 millions d’euros en 2023. L’EBITDA (ou EBE) pour 2023 s’établit à 114 millions d’euros, contre 92,4 millions en 2022. Quant au résultat net, il grimpe à 35,5 millions d’euros, en hausse notable par rapport à 2022 (24,7 millions d’euros).

En détail, les taux de croissance affichent des progressions intéressantes : le taux de marge brute s’établit à 98,8% en 2023, tandis que la marge d’EBITDA atteint 40,2%, contre 38,1% en 2022. La rentabilité opérationnelle s’améliore également, avec un taux de marge opérationnelle de 18,4% en 2023, contre 14,6% un an plus tôt.

Analyse de la structure financière et de la rentabilité

Le Besoin en Fonds de Roulement (BFR) représente un indicateur clé de la gestion financière. En 2023, le BFR ressort à -53,6 millions d’euros, signe d’une structure optimisée. Ce BFR négatif traduit la capacité de l’aéroport à s’autofinancer rapidement, avec davantage de créances que de dettes à court terme. Pour rappel, en 2022, il était de -37,2 millions d’euros.

Par ailleurs, les délais de paiement clients et fournisseurs évoluent dans une fourchette maîtrisée : 33,2 jours pour les clients et 66,5 pour les fournisseurs en 2023. La trésorerie du groupe atteint 83,2 millions d’euros, contre 103 millions en 2022, alors que les dettes financières totales se stabilisent autour de 297 millions d’euros.

Concernant le ratio d’endettement (gearing), on observe une légère augmentation à 1,8 en 2023, contre 1,6 l’année précédente. Les fonds propres, quant à eux, se fixent à 122 millions d’euros. S’agissant de la rentabilité économique, elle se situe à 4,8% en 2023, contre 3,5% en 2022, ce qui marque un redressement significatif.

Indicateurs-clés : ce qu’il faut retenir

Marge d’EBITDA : 40,2% en 2023, reflétant une structure de coûts efficace.
Résultat net : 35,5 M€, signe d’une gestion rentable et d’un trafic vigoureux.
BFR négatif : un indicateur de bonne santé financière, avec des encaissements rapides.
Trésorerie : 83,2 M€ en 2023, permettant de financer de nouveaux projets.

Initiatives sociétales et actions solidaires

Outre la dimension environnementale, l’aéroport s’implique dans des démarches sociétales. Par exemple, près de 75 000 produits interdits en cabine, initialement destinés à la destruction, ont été offerts en 2024 à une association caritative. Depuis le début de ce partenariat, ce sont plus de 200 000 produits qui ont été ainsi récupérés. Cet engagement solidaire illustre la volonté de l’aéroport de s’inscrire dans le tissu local et de valoriser les objets saisis pour une cause humanitaire.

L’amélioration continue de l’expérience passager demeure aussi un axe majeur. Une Charte d’Expérience Clients, élaborée en collaboration avec divers partenaires, a été signée pour fixer un standard de qualité à chaque étape du voyage. De surcroît, l’aéroport de Nice a lancé la Journée mondiale du passager, un événement qui fait désormais école dans une quinzaine d’aéroports francophones et européens.

Enfin, l’offre commerciale au sein des terminaux fera l’objet d’un vaste programme de rénovation tout au long de 2025, avec l’ambition de proposer davantage de produits locaux, d’espaces de détente et de services numériques pour faciliter les déplacements.

Éclairage : connecter la Côte d’Azur aux grandes capitales

L’une des missions essentielles de l’aéroport Nice Côte d’Azur est de désenclaver le territoire. L’activité du hub azuréen se veut un levier de développement économique pour toute la région. Les dirigeants soulignent que la progression du trafic et la modernisation des installations sont indispensables pour soutenir le tourisme, le commerce et les échanges internationaux.

Durant l’année 2024, cinq liaisons ont été proposées vers les États-Unis, deux vers le Canada et six vers le Golfe, marquant une nouvelle étape dans la stratégie de rayonnement international. Cette volonté de diversification s’appuie sur la conviction que l’accessibilité aérienne dope les autres secteurs, en particulier l’hôtellerie, la restauration et le commerce de luxe. Les chiffres d’affaires connexes liés à la fréquentation touristique bénéficient généralement de ces connexions directes.

La direction de l’aéroport met néanmoins en avant son concept de « transport aérien durable » : connecter la région à l’international, mais avec une démarche responsable. Concrètement, cela inclut l’optimisation des routes aériennes, la réduction des consommations énergétiques au sol et la collaboration avec les compagnies pour promouvoir l’usage d’avions moins gourmands en carburant.

Réaction des acteurs locaux et perspectives

Du côté des acteurs économiques locaux, le regain du trafic est perçu comme un signe encourageant pour la saison touristique et l’attractivité de la Côte d’Azur. Hôteliers, restaurateurs et professionnels du commerce considèrent que la reprise au-dessus du niveau de 2019 est un marqueur de la vitalité retrouvée après plusieurs années difficiles.

Les collectivités territoriales, quant à elles, soutiennent majoritairement le projet d’extension. Elles y voient la possibilité de stimuler les échanges commerciaux, d’attirer des évènements internationaux et de renforcer la notoriété du littoral. Toutefois, certaines communes proches s’inquiètent de la pression foncière et des nuisances sonores accrues.

Par ailleurs, les associations citoyennes campent sur leurs positions quant aux conséquences écologiques et sociales d’un aéroport en constante expansion. Elles revendiquent des garanties sur l’insertion paysagère, la protection de la biodiversité et la limitation des vols nocturnes. La bataille se joue donc entre la recherche de croissance économique et la nécessité de limiter l’empreinte carbone et acoustique de l’installation.

Idée clé

Le débat autour de l’aéroport de Nice illustre les défis auxquels font face les plateformes aéroportuaires en France : concilier croissance économique et responsabilité environnementale. Dans un contexte de réchauffement climatique, l’arbitrage entre développement des infrastructures et préservation de la planète devient un sujet central pour l’avenir de l’aviation.

Les mois à venir s’annoncent décisifs pour l’aéroport Nice Côte d’Azur. Les chantiers engagés se poursuivront afin d’optimiser les espaces d’enregistrement, d’embarquement et de livraison bagages, tout en maintenant une concertation avec les acteurs du territoire. Les travaux d’adaptation du Terminal 2 sont appelés à évoluer par phases successives jusqu’en 2026, de manière à limiter l’impact pour les voyageurs et le personnel.