16 200 start-ups en France en 2025 : le cap est franchi, mais la poussée ralentit. Le dernier baromètre dresse l’image d’un écosystème encore robuste, pourtant rattrapé par des vents contraires. Croissance modérée des créations, frilosité du capital-risque, recrutements en retrait et pression fiscale accrue dessinent une trajectoire plus heurtée que les années précédentes.

Cartographie 2025 : progression confirmée, cadence moins soutenue

La France compte désormais 16 200 start-ups, soit une hausse de 1 200 entités en un an. Si la progression reste tangible, elle s’inscrit dans une dynamique plus mesurée que par le passé. Les créations nettes grimpent de 8 %, un rythme inférieur au bond de 30 % observé un an plus tôt (France Digitale x EY, 2025).

Deux mouvements coexistent. D’un côté, des filières prioritaires comme la santé numérique et l’intelligence artificielle demeurent enclines à attirer des projets entrepreneuriaux. De l’autre, la machine à créer des entreprises semble plafonner, compressée par un environnement financier et politique moins porteur.

Île-de-france : signal d’alerte sur la locomotive nationale

Pierre angulaire de la Tech tricolore, l’Île-de-France concentre 45 % des jeunes pousses. Or, le nombre de structures y recule de 3 %. Le symbole est fort : même le cœur de l’écosystème n’échappe plus aux effets de normalisation après plusieurs années de surperformance.

À l’échelle nationale, la mécanique des créations brutes tient encore, avec une présence renforcée des start-ups sur les verticales stratégiques. Ce point d’appui ne compense toutefois pas entièrement l’essoufflement constaté sur certaines zones et segments.

Chiffres-clés 2025 à retenir

  • 16 200 start-ups en France, +1 200 sur un an.
  • +8 % de créations nettes, après +30 % l’année précédente.
  • 45 % des start-ups en Île-de-France, avec un repli local de 3 %.
  • 15 000 immatriculations d’entreprises high-tech en 2024 selon l’INSEE.

Les créations nettes retranchent les fermetures, offrant une mesure de la population active de start-ups. Les immatriculations reflètent le flux d’entrées, sans tenir compte des sorties. Une année peut afficher des immatriculations élevées tout en montrant une progression nette plus basse si les cessations augmentent en parallèle.

Le programme French Tech 2030, lancé en 2023, continue d’accompagner chaque année des lauréats dans des champs d’innovation ciblés, avec un objectif de montée en puissance dans des secteurs d’intérêt national. Parallèlement, la Mission French Tech anime des filières et accompagne l’hypercroissance, sans pour autant compenser la contraction observée sur les sources de financement privé.

Emploi tech : créations en repli, prudence sur les recrutements

Les start-ups emploient 450 000 salariés en France. Sur un an, elles annoncent 150 000 créations de postes, en baisse par rapport aux 200 000 de la période précédente. La tendance s’infléchit également en cours d’année : les créations mensuelles reculent de 7 641 en janvier 2025 à 4 268 en juin 2025.

Les intentions suivent la même pente. Seules 69 % des start-ups envisagent encore des embauches, contre 84 % un an plus tôt. D’après des analyses sectorielles, les dirigeants adoptent une posture de prudence, arbitrant en faveur de la rétention des talents et de la formation interne, avec un accent mis sur la productivité et l’optimisation des coûts salariaux.

French tech next40/120 : signal positif mais ciblé

La sélection Next40/120 2025, annoncée en juin, réunit 120 lauréats à fort potentiel. L’initiative agit comme un catalyseur d’emplois qualifiés, tout en restant concentrée sur un périmètre restreint de l’écosystème. L’effet d’entraînement existe, mais il ne neutralise pas la consolidation des plans de recrutement du reste du marché.

Courbe d’embauche janvier-juin 2025

  • Janvier : 7 641 créations de postes.
  • Juin : 4 268 créations de postes.
  • Enjeu : ajustement des plans RH et focalisation sur les profils indispensables.

Un taux d’intention élevé signale une appétence à recruter, mais sa baisse rapide traduit un repositionnement face au financement et à la visibilité commerciale. Les plans sont plus étagés, avec des jalons de revenus ou de cash fixés avant de déclencher de nouveaux recrutements.

Les retours de terrain publiés par la presse économique pointent une inflexion conjoncturelle : montée des incertitudes macroéconomiques, ralentissement des cycles de vente et arbitrages plus sévères des conseils d’administration. Dans ce contexte, les hausses salariales sont davantage ciblées sur la rétention des compétences critiques.

Capital-risque en retrait : l’amorçage encaisse le choc

Au premier semestre 2025, 314 opérations de financement ont mobilisé 2,8 milliards d’euros, soit un repli de 24 % en volume et 35 % en valeur par rapport à 2024. Le segment seed encaisse le choc le plus dur, avec une baisse estimée à 40 % des montants déployés.

Un observateur de la transformation des entreprises résume : « Les indicateurs continuent de chuter. C’est très préoccupant pour l’innovation française. » (France Digitale x EY, 2025)

Les signaux faibles sont désormais visibles partout. Les tours d’amorçage se resserrent, les tickets moyens diminuent, les délais de bouclage s’allongent et les clauses de protection s’accumulent dans les pactes. Plusieurs dossiers se rabattent sur des bridge rounds ou sur des compléments d’endettement pour prolonger leur runway.

Investisseurs internationaux : 30 % des fonds, mais flux sous contrainte

La part des investisseurs étrangers reste proche de 30 % des montants levés. Elle n’efface pas l’effet des tensions géopolitiques, qui freinent les décisions d’allocation. La baisse des introductions en bourse pour la Tech française, signalée par l’autorité de marché, referme une fenêtre de liquidité pourtant décisive pour recycler le capital des fonds.

Selon une étude publiée à l’été 2025, les start-ups françaises ont levé 5 milliards d’euros en 2024, contre 7 milliards en 2023, preuve que l’ajustement est engagé depuis plusieurs trimestres.

Signal prix sur les levées en 2025

  • -35 % de valeur levée au 1er semestre par rapport à 2024.
  • Conséquence : pression sur les valorisations et arbitrages de portefeuille plus drastiques.
  • Effet mécanique : cycles de due diligence allongés et tranches de financement plus fragmentées.

Le seed dépend d’investisseurs prêts à accepter un risque élevé sur des preuves de marché encore limitées. Quand les marchés se contractent, les fonds rééquilibrent vers des stades plus avancés, jugés moins risqués. Résultat : moins de tours, tickets plus petits, dilution accrue et dépendance aux financements publics.

Face à cette raréfaction, le programme French Tech 2030 a déjà fléché des appuis publics vers 150 projets entre 2023 et 2025. Un soutien utile, mais qui ne se substitue pas à l’effet de levier du capital privé. Sans redémarrage des tours d’amorçage, l’alimentation du pipeline de scale-ups restera insuffisante.

Chiffre d’affaires et marchés : croissance à deux vitesses

Le chiffre d’affaires consolidé des start-ups françaises s’élève à 11,5 milliards d’euros en 2024, en progression de 16 % sur un an. La performance reste correcte, mais s’avère moins rythmée que les +27 % de l’année précédente. Les dynamiques sectorielles sont hétérogènes : fintech et greentech tiennent le haut du pavé avec des croissances à deux chiffres, quand d’autres verticales normalisent leur trajectoire.

Les lauréats Next40/120 demeurent un baromètre utile de l’exécution commerciale, avec une moyenne de +20 % de croissance de chiffre d’affaires. Toutefois, cette performance, tirée par des champions sectoriels, ne reflète pas l’intégralité du marché, où les cycles d’achat s’allongent et les négociations se durcissent.

Station f : accompagnement à l’export comme amortisseur

À Paris, des hubs comme Station F ont intensifié l’accompagnement à l’international. En 2025, plus de 1 000 start-ups y ont été accompagnées, un soutien précieux dans une phase de commercialisation plus exigeante.

La dépendance aux marchés extérieurs reste forte : 46 % du chiffre d’affaires des start-ups françaises est réalisé à l’international. Cette ouverture, d’ordinaire source d’accélération, expose l’écosystème aux barrières commerciales et aux divergences réglementaires, par exemple lors de discussions tarifaires entre blocs économiques majeurs.

Les données publiques soulignent par ailleurs la place croissante de l’innovation entrepreneuriale dans l’économie : la contribution des start-ups au PIB atteindrait 2 % en 2025, rappelant que la baisse de régime du financement n’est pas sans effet multiplicateur sur l’activité.

Secteurs qui tirent la croissance

  • Fintech : maintien d’une croissance à deux chiffres.
  • Greentech : expansion rapide portée par la transition écologique.
  • IA et santé numérique : vivier de projets et d’adoptions B2B en hausse.

L’exposition extérieure apporte un amortisseur de croissance quand la demande domestique ralentit. Elle ajoute toutefois des risques : négociations commerciales entre blocs, normalisation des flux logistiques, exigences de conformité accrues. Les dirigeants doivent piloter l’allocation commerciale par région, selon la stabilité des règles et l’accès aux clients finaux.

Cadre politique et fiscal : les décisions qui pèsent sur l’investissement

La dimension politique s’invite au premier plan. 75 % des start-ups considèrent l’instabilité comme un risque majeur. 82 % expriment une inquiétude face à la baisse des dépenses publiques. Cette perception influe directement sur les décisions d’embauche, de R&D et de développement international.

La loi de finances 2025 modifie plusieurs dispositifs clés. Le crédit d’impôt recherche voit son taux passer de 30 % à 25 % pour la tranche de dépenses supérieure à 100 millions d’euros.

Le crédit d’impôt innovation et le régime des BSPCE ont également été ajustés. Selon une estimation sectorielle, l’impact de trésorerie atteindrait environ 500 millions d’euros pour l’écosystème. À court terme, ces changements conduisent à des réductions d’investissements et à des gels d’embauches dans certaines structures.

Le gouvernement affirme vouloir équilibrer les comptes publics tout en préservant les instruments stratégiques, notamment via le plan France 2030 et son enveloppe de 54 milliards d’euros. Parallèlement, le dispositif French Tech 2030 maintient un ciblage sur des projets d’intérêt national et prévoit d’injecter 1 milliard d’euros d’ici 2030 pour accélérer la croissance des lauréats.

CIR 2025 : l’essentiel de la réforme

  • Taux : 30 % inchangé sous 100 millions d’euros, 25 % au-delà.
  • Effet attendu : hausse marginale du coût de la R&D pour les budgets les plus élevés.
  • Point d’attention : réallocation possible des plans R&D, suivi de la valorisation des dépenses éligibles.

France 2030 finance des innovations de rupture et des filières stratégiques. French Tech 2030 cible des start-ups sélectionnées et consolide leur passage à l’échelle. L’articulation des deux dispositifs vise les maillons critiques de la chaîne d’innovation, surtout lorsque le capital privé se contracte, en limitant l’érosion du pipeline.

Commerce, finance, fiscalité : une équation délicate pour la croissance

Le tassement simultané de la demande, du financement et des incitations fiscales impose un pilotage millimétré. Les start-ups exposées à l’international subissent des cycles de vente plus longs et des discussions commerciales plus âpres, tandis que les dossiers de levées de fonds exigent plus de preuves d’exécution et de traction.

Dans cet environnement, les dirigeants renforcent trois axes de résilience :

  • Monétisation plus stricte, avec priorisation des offres à rentabilité contrôlée.
  • Capex et R&D re-séquencés, pour aligner dépenses et milestones.
  • Gouvernance financière ajustée, afin d’anticiper les scénarios de financement publics et privés.

Cette discipline financière ne porte pas que des inconvénients. En limitant la croissance non rentable, elle encourage des trajectoires d’unit economics plus saines. Mais elle peut aussi provoquer une sous-dotation chronique de l’amont (amorçage), créant un risque de manque de nouvelles licornes à moyen terme.

Chaîne d’innovation : attention au goulot d’étranglement

L’effet domino est connu. Moins d’amorçage signifie moins de séries A, donc un entonnoir rétréci aux stades avancés. Les dispositifs publics ciblés permettent de maintenir des projets stratégiques dans la course, mais ne remplacent pas le carburant du capital privé dans la durée.

Trois paramètres comptent pour le second semestre : la trajectoire de l’inflation et des taux, l’appétit des LPs pour les fonds Tech, et la stabilité des annonces fiscales. Un allègement de l’un de ces facteurs pourrait rouvrir la fenêtre de marché sur fin 2025, notamment pour le seed et les séries A.

Relance conditionnée à un financement mieux orienté

L’écosystème français reste solide, porté par des verticales en expansion, des hubs actifs et des dispositifs publics. Pour retrouver son accélération, il devra toutefois clarifier l’horizon du capital-risque, stabiliser les incitations fiscales et maintenir l’ouverture internationale à un niveau soutenable. Les objectifs de French Tech 2030 et la sélection Next40/120 donnent une direction, mais le redémarrage passera par l’alignement de ces trois leviers.

Les prochains mois diront si la France parvient à transformer cette phase d’atterrissage en tremplin pour 2026. L’enjeu est clair : préserver l’élan d’innovation tout en renforçant la discipline financière et la lisibilité du cadre public.

Cap tenu, l’inflexion actuelle peut encore devenir une consolidation utile plutôt qu’un coup d’arrêt.