55 % des recrutements dans l’industrie sont jugés difficiles en 2025. Derrière cette statistique se joue une bataille centrale pour la réindustrialisation : trouver, former et fidéliser les profils techniques, notamment en maintenance électrique et automatismes. Alarmée, une tribune portée par Stéphane Noiret, président du groupe LesBienCâblés, rappelle que sans compétences opérationnelles, les ambitions industrielles restent théoriques.

Impacts chiffrés sur l’emploi en 2025

L’industrie française progresse à pas mesurés sur le front de l’emploi, mais la pénurie de compétences pèse sur la dynamique. Les derniers repères disponibles montrent une hausse de l’emploi salarié de +0,2 % au T2 2025, soit environ 51 900 postes, tandis que le T1 2025 s’affichait en léger recul à -0,1 %, soit -18 800 emplois. Cette alternance de signaux contraires atteste d’une reprise fragile, très hétérogène selon les secteurs, avec un point dur persistant dans l’industrie.

Au cœur des tensions, les techniciens de maintenance et spécialistes des automatismes figurent parmi les métiers les plus compliqués à pourvoir, deuxièmes du classement des recrutements difficiles en 2025. La statistique qui domine, 55 % de projets d’embauche jugés difficiles dans l’industrie, résume l’ampleur du défi.

La conséquence est directe : des entreprises, en particulier des PME, renoncent à des contrats faute de bras qualifiés. Le carnet de commandes ne manque pas, mais l’exécution manque d’équipes.

Dans ce contexte, la lecture différenciée des chiffres s’impose. La hausse globale de l’emploi masque une réalité opérationnelle : les postes qui permettent d’installer, d’automatiser, d’entretenir et de sécuriser les équipements sont sous tension. Or, le redéploiement industriel, la modernisation des sites et la transition énergétique reposent précisément sur ces compétences.

Chiffres à retenir pour 2025

Quelques repères synthétiques pour suivre la conjoncture et ses implications sur le recrutement technique :

  1. 55 % des recrutements industriels jugés difficiles, avec un pic sur la maintenance et les automatismes (France Travail, 2025).
  2. +0,2 % d’emploi salarié au T2 2025, soit +51 900, après -0,1 % au T1 2025, soit -18 800 (INSEE et DARES).
  3. Des coûts de recrutement élevés, évalués entre 15 % et 25 % du salaire annuel pour des profils pénuriques.
Métriques Valeur Évolution
Recrutements difficiles dans l’industrie 55 % n.d.
Emploi salarié T2 2025 +0,2 % (+51 900) n.d.
Emploi salarié T1 2025 -0,1 % (-18 800) n.d.
Délai moyen pour pourvoir un poste 39 jours n.d.
Coût total d’un recrutement 15 % à 25 % du salaire annuel n.d.

Réindustrialisation : le maillon compétences sous tension

La mécanique industrielle se grippe par manque de techniciens aptes à faire tourner les lignes. Maintenance électrique, automatismes, supervision de process et de réseaux intelligents : ces métiers opèrent dans l’ombre mais conditionnent la relance. À tout moment, ils garantissent la sécurité, la disponibilité et la performance d’unités critiques, de l’usine au pôle hospitalier.

La filière électrique illustre l’enjeu. L’intégration de systèmes d’automatisation éco-efficaces et l’essor des réseaux intelligents exigent des profils intermédiaires capables d’intervenir sur des installations hautement régulées. Sans ces compétences, les annonces d’investissements peinent à se matérialiser en capacités productives et en gains de productivité.

Techniciens en maintenance : la pierre angulaire des chaînes électriques

Qu’il s’agisse de remettre à niveau un parc d’automates, de gérer la maintenance préventive d’équipements sensibles ou d’intégrer une solution de pilotage énergétique, le technicien de maintenance agit comme assureur de disponibilité. Son absence se traduit par des arrêts de production, des délais allongés et, in fine, un manque à gagner. En 2025, ces profils se classent au deuxième rang des métiers les plus difficiles à recruter.

PME industrielles : contrats refusés faute de profils

Sur le terrain, la tension se voit dans le chiffre d’affaires non retenu. De nombreuses PME signalent des commandes qu’elles ne peuvent pas honorer, faute de techniciens qualifiés disponibles. Le besoin est immédiat, mais les viviers de candidats ne suivent pas, malgré la multiplication des offres et la montée en gamme des formations.

Un métier est dit « en tension » lorsque le nombre d’offres durablement vacantes dépasse la capacité du marché à proposer des candidats qualifiés en volume suffisant. En cause : inadéquation des compétences, niveau de rémunération, localisation, conditions de travail, concurrence sectorielle et transformations technologiques rapides.

Image des métiers techniques : comment regagner l’attractivité

La génération actuelle hérite d’un récit daté. Pendant longtemps, les métiers techniques ont été considérés comme peu valorisants, physiquement pénibles, sans perspectives. Or, la réalité a changé : ce sont des métiers qualifiants, évolutifs et au cœur de l’innovation industrielle. Ils portent du sens, notamment sur la transition énergétique et la souveraineté des chaînes de valeur.

Le discours public, souvent focalisé sur les annonces d’investissements, oublie parfois ceux qui les rendent opérationnels. Sans technicien, pas de redémarrage d’usine, pas de modernisation hospitalière, pas de sécurisation d’infrastructures. Plusieurs analyses récentes insistent sur la nécessité de revaloriser ces carrières, y compris dans les médias économiques nationaux, tandis que des listes de métiers en tension publiées en 2025 mettent l’industrie et l’énergie parmi les secteurs les plus affectés.

Stéphane Noiret : un signal venu du terrain

À la tête du groupe LesBienCâblés, Stéphane Noiret alerte sur l’écart croissant entre besoins opérationnels et recrutement réel. Sa tribune rappelle que les politiques d’investissement et d’innovation restent incomplètes tant que la chaîne des compétences n’est pas sécurisée.

Trois axes se distinguent :

  • Transparence sur les trajectoires : montrer des parcours de progression réels, du CAP à des postes d’encadrement technique.
  • Qualité du cadre de travail : outillage, digitalisation des procédures, sécurité, horaires organisés, certifications.
  • Reconnaissance : primes de compétences, temps de formation intégrés, tutorat rémunéré et visibilité des réalisations.

Formation et DGEFP : leviers activés au service des compétences

La puissance publique a enclenché des outils pour répondre à la pénurie. Le rapport d’activité 2024 de la DGEFP met l’accent sur la promotion de l’emploi et de la formation, avec une orientation claire vers les compétences en pénurie. La logique est double : accélérer l’accès à l’emploi par la formation et adapter les parcours aux besoins des filières industrielles.

En parallèle, France Travail mène des campagnes de promotion des métiers en tension, avec des parcours accélérés en maintenance électrique et en automatismes. L’objectif est de faire venir des candidats par reconversion ou montée en compétences, en réduisant le délai d’accès aux premières missions.

France Travail : formations accélérées et passerelles

Les dispositifs consacrés aux métiers sous tension gagnent en visibilité. La logique d’accélération des parcours vise à positionner rapidement les candidats sur des postes opérationnels, avec des modules centrés sur la sécurité électrique, les bases d’automatisation et la maintenance préventive.

DGEFP : partenariats de formation au soutien de l’industrie

Les partenariats soutenus par la DGEFP favorisent un alignement fin des contenus de formation avec les besoins réels des entreprises. Au-delà des volumes, la question est qualitative : habilitations, gestes professionnels, maîtrise des référentiels de sécurité. Les programmes mettent en avant l’adéquation compétences-postes pour résorber la tension.

Sans lister de référentiels exhaustifs, les parcours valorisent généralement : sécurité des interventions, lecture de schémas, diagnostic de pannes, procédures d’arrêt et redémarrage, et bases de programmation d’automates. L’employabilité se joue souvent sur ces blocs de compétences, immédiatement mobilisables en atelier ou sur site.

Coûts et délais de recrutement : l’équation économique pour les entreprises

Recruter dans des métiers pénuriques est coûteux. Pour l’industrie, les coûts de recrutement peuvent représenter entre 15 % et 25 % du salaire annuel, en cumulant annonces, temps RH, cabinets, tests, intégration et formation.

Le délai moyen pour pourvoir un poste atteint 39 jours. Pour une PME, l’effet ciseau est net : des postes vacants prolongent les arrêts et génèrent du chiffre d’affaires différé.

Ces paramètres justifient des stratégies de fidélisation et d’anticipation des besoins, en particulier pour les chantiers d’automatisation lourde. Le coût d’opportunité d’un recrutement tardif dépasse le simple budget RH. À mesure que la transition énergétique s’intensifie, les besoins croissent plus vite que l’offre de compétences, amplifiant les délais sur les projets de modernisation.

PME industrielles : arbitrages budgétaires et montée en compétences

Le choix n’est plus entre recruter et ne pas recruter, mais entre attirer au juste coût ou décaler un investissement. Plusieurs PME privilégient désormais la montée en compétences interne, adossée à des formations ciblées, pour sécuriser leurs opérations. Cette approche nécessite du temps, mais elle réduit la dépendance aux recrutements externes sur profils rares.

Dans les métiers techniques, les coûts annexes pèsent : évaluation pratique des candidats, EPI et outillage, compagnonnage sur site, production ralentie pendant l’onboarding, courbe d’apprentissage sur équipements spécifiques. La maîtrise de ces coûts passe par des parcours d’intégration standardisés et des référentiels de compétences clairs.

Politiques des compétences : priorités opérationnelles pour 2025

Réindustrialiser par la compétence suppose une organisation collective : pouvoirs publics, industriels, fédérations, établissements de formation. Plusieurs priorités s’imposent pour passer d’une logique d’intention à une logique d’exécution.

  • Orientation et attractivité : valoriser les parcours techniques dès le collège et le lycée, montrer des trajectoires réelles et les salaires d’évolution. Expliquer le rôle-clé des techniciens dans la décarbonation.
  • Alternance et reconversion : sécuriser les entrées par l’apprentissage, proposer des reconversions courtes vers la maintenance et l’automatisation.
  • Formation continue : standardiser des blocs de compétences immédiats, certifiants, utilisables en atelier et sur site.
  • Partenariats territoriaux : rapprocher PME, organismes de formation et institutions locales pour constituer des viviers à l’échelle des bassins d’emploi.
  • Qualité d’emploi : outillage moderne, conditions de sécurité, organisation du temps de travail, tutorat reconnu.

Ces chantiers répondent à une double contrainte : accélérer l’exécution des programmes d’investissement tout en pérennisant les équipes. Les appels à la mobilisation se multiplient, y compris sur X, où entrepreneurs et experts de souveraineté industrielle insistent sur le rôle déterminant des métiers techniques pour concrétiser la réindustrialisation.

Qui est LesBienCâblés : point de repère

La tribune initiale est signée par Stéphane Noiret, président du groupe LesBienCâblés. Ce point de vue patronal, issu du terrain, met en avant une réalité partagée par de nombreux industriels : la relance productive plafonne quand les postes techniques restent vacants.

France Travail et DGEFP : articulation des actions

La cohérence entre campagnes métiers en tension, formations accélérées et partenariats de la DGEFP dessine une orientation utile : adapter l’offre de formation au plus près des besoins et lever les freins d’accès aux métiers. Sur 2025, l’accélération visée porte sur des compétences immédiatement mobilisables et sur la capacité à réduire les délais de recrutement.

Transition énergétique : pourquoi les techniciens font la différence

Les engagements de neutralité carbone à horizon 2050 impliquent des volumes élevés d’interventions techniques. Trois domaines concentrent la demande :

  1. Modernisation des installations : automatisation, pilotage énergétique, maintenance prédictive.
  2. Réseaux et infrastructures : réseaux intelligents, sécurisation électrique, continuité d’activité.
  3. Repowering industriel : adaptation des chaînes, réduction des consommations, mise aux normes.

Sans techniciens qualifiés, ces investissements ne produisent ni gains de productivité, ni économies d’énergie à la hauteur des objectifs annoncés.

Cap compétences : l’opportunité à saisir maintenant

Les indicateurs du marché du travail en 2025 convergent : la réindustrialisation française repose sur la disponibilité et la qualité des compétences techniques. Les signaux d’amélioration de l’emploi restent fragiles, tandis que les métiers de maintenance et d’automatismes demeurent structurellement en sous-offre. Pour franchir le cap, il faut tenir deux temps à la fois : accélérer la formation et sécuriser les trajectoires professionnelles.

Deux jalons chiffrés éclairent l’urgence, utilement rappelés par les sources publiques disponibles en 2025 : la part de recrutements difficiles dans l’industrie (55 %) et la hausse contenue de l’emploi salarié au T2 2025 après un repli au T1. Une politique des compétences ambitieuse, au plus près des besoins des ateliers et des chantiers, sera le véritable moteur de la réindustrialisation française (France Travail, INSEE).

Réindustrialiser, c’est d’abord remettre les compétences au centre de la création de valeur.