La volonté de transformer l’industrie de défense française pour répondre à des impératifs plus pressants n’a cessé de croître ces dernières années. Selon un article Boursorama publié le 21/07, l’idée de passer à un modèle inspiré d’une « économie de guerre » suscite aujourd’hui de vives discussions dans la sphère politique et industrielle, notamment depuis l’accélération des tensions géopolitiques.

Entrer dans une nouvelle ère de production militaire

Depuis l’annonce faite par le président Emmanuel Macron, souhaitant réorganiser l’ensemble du secteur de la défense pour s’adapter à des contextes d’urgence, divers acteurs du marché ont tenté d’augmenter le rythme de fabrication d’équipements stratégiques. La hausse significative des dépenses prévue pour 2025 se révèle cruciale mais ne saurait à elle seule porter la transformation.

Derrière les chiffres, le défi repose avant tout sur l’évolution des procédés industriels. Longtemps habituées à un schéma « juste-à-temps » privilégiant de petites séries, les chaînes de production doivent désormais envisager une fabrication massive et régulière, dans des délais raccourcis. Plus qu’une simple injection de capitaux, c’est la question de l’organisation globale du tissu industriel français qui est posée.

Tensions entre budgets et organisation opérationnelle

Agiter un budget en hausse, si conséquent soit-il, ne règle pas instantanément tous les problèmes. D’un côté, on observe de fortes ambitions budgétaires pour rapatrier des projets jusqu’ici suspendus. De l’autre, des retards administratifs et des mécanismes de paiement différé compliquent la vie des entreprises. Les retards de vote concernant certaines lois financières ont parfois ralenti la passation de commandes, freinant l’expansion rapide de nombreuses lignes de production.

Par ailleurs, la saturation des capacités industrielles existantes montre ses limites : sans perspectives claires sur la durée, entreprises et sous-traitants hésitent à investir massivement dans de nouvelles installations. Le schéma classique, où les équipements n’étaient payés qu’après livraison effective, alourdit encore la situation, créant des tensions de trésorerie au sein des organismes concernés.

Consolidation de la filière : un écosystème sous haute pression

L’industrie française de la défense ne se limite pas aux grands noms comme Thales ou Dassault. Élément essentiel de la chaîne, plusieurs milliers de PME et d’ETI fournissent des pièces et services indispensables. Cependant, des processus trop complexes découragent leurs investissements dans de nouveaux outils ou l’embauche de personnel spécialisé. La prévisibilité des commandes et l’accès à un accompagnement financier ciblé restent cruciaux.

Si cet écosystème venait à se fragiliser plus encore, c’est l’ensemble de la production de matériel militaire qui pourrait s’effondrer. Les autorités publiques multiplient les dispositifs d’aide, mais la réalité demeure : trop fragmentés, ces soutiens peinent à offrir une vision claire, guère propice à la stabilité industrielle. On peut toutefois espérer que l’augmentation des budgets et une coordination renforcée permettront de structurer davantage cette filière vitale.

Initiée après des périodes marquées par des conflits internationaux, la « war economy » transforme la logique industrielle en imposant des cadences de production maximales et une allocation accrue de ressources publiques. Ce basculement, observé à différentes époques, exige souvent un pilotage étatique plus direct, associé à des processus d’approvisionnement optimisés. Pour la France, il s’agit désormais d’anticiper plutôt que de simplement réagir.

Exemple avec Thales : adaptation et innovation

Chez Thales, l’un des leaders mondiaux dans le domaine de l’électronique de défense, la montée en puissance industrielle se concentre avant tout sur l’innovation. Les radars, les systèmes de communication chiffrée et d’autres équipements à forte valeur technologique constituent un socle essentiel pour respecter des nouvelles exigences. Les récents investissements du groupe mettent l’accent sur :

  • La sécurisation des chaînes d’approvisionnement;
  • L’optimisation de la main-d’œuvre en R&D;
  • L’accélération des délais de validation des prototypes.

Toutefois, Thales fait aussi face à la nécessité de nouer des partenariats stratégiques avec de nombreuses PME pour garantir la livraison de composants pointus. Cette dépendance, bien qu’enrichissante sur le plan de la diversité technologique, accroît le besoin de planifications claires et de subventions rapides pour soutenir un rythme industriel soutenu.

Dassault : stratégie et résultats

Le groupe Dassault, reconnu pour ses avions de combat et ses compétences aéronautiques, traverse une phase charnière. Son programme phare, déjà en action sur plusieurs marchés, doit basculer vers un modèle de production plus vivace tout en préservant une exigence de qualité élevée. Pour Dassault, la question se pose d’investir dans de nouvelles infrastructures ou d’aménager profondément celles existantes.

Le besoin de coordination avec d’autres acteurs européens se fait ressentir : le partage des standards de fabrication, la mutualisation de certaines ressources ou l’accès à un écosystème plus large de recherche pourraient faire gagner à l’entreprise en agilité et en compétitivité. Néanmoins, la fragmentation des décisions au sein de l’Union européenne ajoute une dose supplémentaire de complexité à cette transition.

Renforcement du rôle de la DGA

La Direction générale de l’Armement joue un rôle déterminant dans l’attribution des commandes et la répartition budgétaire. Ce levier administratif est crucial pour définir un cadre prévisible et inciter les groupes industriels à s’engager en matière de recrutement, de formation et d’équipements lourds. Sans cette impulsion structurée, la modernisation à grande échelle resterait incomplète.

Un horizon européen encore difficile à unifier

Alors que la France ambitionne de muscler son appareil industriel, une cohésion à l’échelle du continent pourrait apporter de la fluidité et générer des économies d’échelle. Pourtant, les projets conjoints se heurtent régulièrement à des rivalités nationales, conduisant à des retards sur plusieurs programmes majeurs. Cette dispersion affaiblit la position globale de l’UE dans le domaine de la défense.

Des initiatives européennes, à l’image de l’emblématique SCAF (Système de Combat Aérien du Futur) ou du MGCS (Main Ground Combat System), patinent souvent entre exigences politiques et ambitions industrielles. Pour espérer bâtir une base de production cohérente, une harmonisation des réglementations et un financement commun adapté semblent indispensables. Les retombées positives se feraient sentir autant sur la compétitivité que sur la sécurité collective.

Au-delà de la pure production, coordonner la distribution et l’acheminement des pièces devient un enjeu majeur. Des chaînes logistiques réactives, capables de livrer sous forte contrainte de délai, assurent une disponibilité continue des systèmes critiques. S’appuyer sur des plateformes logistiques modernes et diversifier les itinéraires d’approvisionnement renforcent la résilience de l’ensemble de la filière.

Vers une gestion budgétaire plus souple

Pour rompre avec les circuits lents et bureaucratiques, certains préconisent de simplifier les procédures d’achat et de paiement. L’idée serait d’accorder à la DGA et aux autres organismes gouvernementaux un champ d’action plus large en matière de contractualisation. Ainsi, la durée entre la commande et le début effectif de la production pourrait diminuer sensiblement.

En parallèle, donner plus de visibilité sur les volumes à produire, notamment sur plusieurs années, encouragerait les fournisseurs à mettre en place des ressources techniques adaptées. Un dispositif incitatif, couplé à la garantie de versements intermédiaires, est régulièrement mentionné par de nombreux directeurs financiers du secteur. Cela éviterait également les pénuries de composants, dont l’approvisionnement est devenu un véritable casse-tête sur certains segments.

Défis humains et recrutement massif

Accroître le rythme ne concerne pas que les machines et les matériaux : le recrutement de nouveaux talents représente un volet essentiel de la transformation. Les écoles d’ingénieurs et les formations spécialisées peinent parfois à répondre à un besoin soudain de milliers d’employés qualifiés, capables de travailler sur des projets stratégiques sensibles.

Cette pénurie s’aggrave dans certains domaines pointus, comme la cybersécurité ou l’électronique embarquée. Il s’agit d’attirer des professionnels de haut niveau alors que la concurrence internationale est féroce. Dans cette optique, davantage d’actions de promotion auprès des jeunes et des professionnels en reconversion pourraient se révéler déterminantes pour soutenir la modernisation de l’appareil industriel français.

Safran : la logistique des moteurs et turbines

Safran constitue un autre pilier de la défense nationale, avec une expertise variée (moteurs d’avions, systèmes de navigation…). L’entreprise doit calibrer ses unités de production pour livrer en temps voulu des produits critiques, en particulier pour l’aéronautique militaire. Les contraintes techniques sont élevées, impliquant un contrôle qualité strict et un approvisionnement régulier en alliages spécifiques.

Son principal enjeu ? Harmoniser ses cycles de production avec l’évolution simultanée des demandes, sans délaisser la R&D. Safran s’efforce de nouer de nouveaux contrats pluriannuels, qui stabilisent les partenariats avec les sous-traitants. Pourtant, la volatilité du marché mondial des métaux rares et la concurrence étrangère ajoutent une couche de complexité.

Facteurs clés de compétitivité

Le secteur français de la défense mise avant tout sur :

  • La haute technologie, pour se distinguer de concurrents internationaux;
  • La fiabilité des produits, élément essentiel pour la crédibilité vis-à-vis des partenaires et clients;
  • L’innovation continue, pivot incontournable pour anticiper les évolutions stratégiques du futur.

Un budget de plus de 400 milliards d’euros : une étape cruciale

La loi de programmation militaire (2024-2030) prévoit un budget dépassant 400 milliards d’euros au total, soit une hausse sensible par rapport aux précédentes périodes. Cette enveloppe comprend des investissements dans la modernisation des équipements terrestres, aériens et navals, ainsi que dans plusieurs programmes de recherche liés à la défense. Cependant, la simple augmentation des montants disponibles ne garantit pas des progrès linéaires sur le terrain.

Effectivement, plusieurs observateurs soulignent que le chantier prioritaire n’est pas seulement budgétaire. Améliorer la concertation entre les différents acteurs (État, industriels, collectivités locales) et fluidifier la gestion comptable auront un impact déterminant sur la réussite globale de cette montée en puissance. On voit ainsi le besoin de mettre en place des cellules de pilotage dédiées, capables d’arbitrer rapidement et de résoudre les blocages dès qu’ils surviennent.

Métriques Valeur Évolution
Budget total défense 2024-2030 413 Md€ + 34% vs période précédente
Part allouée à la R&D 29 Md€ + 25% en 6 ans
Nombre estimé d'emplois créés 70 000 Progression progressive d’ici 2028

Ce tableau met en évidence une dynamique financière considérable : l’injection de ressources vise à stimuler la compétitivité et la réactivité de l’industrie française de défense. Le défi consiste désormais à déployer au mieux ces fonds pour répondre rapidement aux nouvelles attentes opérationnelles.

Revisiter les mécanismes de sous-traitance

Pour augmenter la productivité tout en conservant un niveau de qualité homogène, beaucoup misent sur la sous-traitance. Mais la dépendance envers les PME se révèle un atout autant qu’une vulnérabilité, surtout si ces dernières manquent de visibilité sur leurs carnets de commandes. Un meilleur accompagnement des petites structures dans leurs investissements (formation, digitalisation, etc.) apparaît incontournable.

Les retours du terrain confirment que, sans vision à moyen et long terme, les entreprises sous-traitantes pourraient rencontrer des difficultés. Celles-ci vont du manque d’employés spécialisés à l’investissement dans des machines coûteuses. Renforcer les engagements contractuels, associer des financements publics ciblés et multiplier les coopérations intra-européennes seraient des pistes prometteuses pour consolider la filière.

De la métallurgie à l’électronique de précision, les PME couvrent de nombreux pans stratégiques de la chaîne de production. En misant sur l’innovation et la souplesse, elles sont capables de répondre rapidement aux besoins spécifiques de la défense. Toutefois, elles dépendent souvent d’un soutien étatique et de commandes stables. Sans ces éléments, leur contribution à la modernisation globale est compromise.

Anticiper les évolutions géopolitiques

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a clairement servi d’électrochoc, rappelant que le facteur temps reste déterminant en matière de défense. Les stratégies militaires se redéfinissent à la lumière d’un environnement moins stable et plus exigeant en équipements renouvelables. Pour la France, l’urgence est d’anticiper d’éventuelles difficultés futures afin d’assurer un flux de production consistant, même en situation de crise internationale.

Cette logique pousse les industriels à explorer de nouvelles pistes en matière de stocks de sécurité et de logistique avancée. L’objectif ? Éviter de reproduire les insuffisances constatées dans d’autres domaines stratégiques. Avec un pilotage rigoureux et une vision politique affirmée, il est possible d’absorber les chocs sans sacrifier l’exigence qualitative qui fait la réputation des industriels français.

KNDS : l’approche du blindé et le défi du calendrier

KNDS, fruit d’une coopération franco-allemande (KMW + Nexter), vise à développer des blindés de nouvelle génération. Son ambition est de doter les armées européennes d’un matériel terrestre robuste, capable d’évoluer sur divers théâtres d’opération. La cadence espérée pour la production de certains véhicules dépasse toutefois les capacités immédiates, faute de lignes de production suffisamment dimensionnées.

Au sein de KNDS, la collaboration entre deux cultures industrielles différentes illustre à la fois la promesse d’une synergie européenne et les embûches liées aux divergences réglementaires. Une approche commune, soutenue par les institutions de l’UE, faciliterait l’intégration de technologies exclusives et l’harmonisation des standards pour répondre aux besoins variés de chaque pays membre désireux de s’équiper.

Stratégies d’achat groupé en Europe

Pour surmonter les rivalités internes, plusieurs initiatives de groupement d’achats tentent de voir le jour au niveau européen. L’idée est de diminuer les coûts unitaires et d’uploader la qualité tout en bénéficiant d’une production plus homogène. Les avantages sont multiples : baisse du prix, renforcement du poids politique et technique de l’Europe, ainsi que l’émergence d’une filière plus robuste.

Toutefois, la complexité politique demeure un frein. Chaque État souhaite privilégier son tissu d’entreprises locales et s’assurer de préserver sa souveraineté. La mise en place d’un mécanisme de mutualisation qui respecte ces spécificités nationales requiert une négociation laborieuse. Or la France, en cherchant à être moteur, doit encore convaincre ses partenaires que la taille critique européenne est indispensable pour rivaliser avec les autres puissances mondiales.

Politiques publiques et soutien international

Le rôle des autorités françaises dépasse souvent les frontières nationales. Dans un secteur aussi concurrentiel, entretenir des partenariats et conclure des accords bilatéraux peut ouvrir de nouveaux horizons d’exportation. Soutenir les acteurs industriels à l'échelle diplomatique devient alors un facteur essentiel pour pénétrer des marchés externes, stabiliser la demande et consolider la base économique interne.

L’importance de la R&D dans l’équation

En optant pour un virage vers une économie de guerre, certaines économies risquent de négliger la recherche à long terme au profit de la simple production en série. Cette tentation est cependant risquée. Dans le domaine de la défense, l’innovation reste le socle de la crédibilité internationale : drones, systèmes cyber, technologies spatiales, etc.

La France fait partie des pays qui tablent sur un continuum scientifique soutenu, même en période de tensions. Pour garder un coup d’avance, la mobilisation des centres de recherche civils et militaires doit s’intensifier. Soutenir les laboratoires universitaires, rapprocher les chercheurs et les industriels, tout cela favorise l’émergence de solutions avant-gardistes. Le dilemme demeure : comment articuler des livraisons rapides avec un effort continu de R&D ?

Redéfinir les délais de livraison et la culture du résultat

Dans un climat proche de celui imaginé pour « l’économie de guerre », la rapidité d’exécution s’impose comme un maître-mot. Or cet impératif entre en tension avec les procédures internes de validation, souvent complexes, qui caractérisent le milieu de la défense. Les appels d’offres, les phases d’homologation et les contrôles qualité prolongent notablement les projets.

Pour fluidifier ce cycle, certains acteurs évoquent l’idée de régimes dérogatoires exceptionnels, permettant d’accélérer certains jalons administratifs. Mais une telle démarche n’est pas sans risque : elle peut affaiblir la rigueur du contrôle et augmenter la probabilité d’erreurs ou de défaillances. Trouver l’équilibre optimal reste un défi majeur, qui nécessite un dialogue constructif entre industriels et décideurs publics.

Innover dans la formation et la montée en compétences

Le renforcement industriel doit s’accompagner d’un vaste chantier de formation. Cela concerne autant les savoir-faire techniques (maintenance, fabrication, électronique, chimie des matériaux) que les compétences plus générales en gestion de projet ou droit des marchés publics. Les besoins actuels dépassent les capacités de formation classiques, exigeant parfois la création de filières totalement nouvelles.

Plusieurs établissements d’enseignement supérieur commencent à proposer des parcours accélérés ou modulaires pour répondre à la demande, associant théorie et longues périodes de stage en entreprise. Cette hybridation vise à fournir rapidement aux PME et ETI des profils opérationnels. Toutefois, les financements manquent parfois, et les administrations peinent à harmoniser l’offre au niveau national.

Vers une meilleure intégration des technologies duales

Au-delà de l’approche purement militaire, la France promeut le développement de technologies « duales », susceptibles de trouver des débouchés tant dans le civil que dans la défense. Cette stratégie répond à un double objectif : rentabiliser les investissements et assurer une base industrielle pérenne, moins dépendante des fluctuations budgétaires militaires.

Les exemples ne manquent pas. Que ce soit dans la robotique, la cybersécurité, ou encore la propulsion verte, les applications duales peuvent être commercialisées dans des secteurs variés. Cette démarche contribue aussi à un meilleur équilibre entre les activités de défense et le reste de l’économie, évitant que la surproduction militaire ne constitue le seul moteur du secteur.

Regard sur la souveraineté et la cybersécurité

La dépendance envers certaines technologies étrangères constitue une inquiétude grandissante. Stricto sensu, la souveraineté technologique implique de maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur, des composants les plus élémentaires (semi-conducteurs, logiciels critiques) aux systèmes d’armement finalisés. Or la France, comme beaucoup d’autres pays européens, s’appuie sur des fournisseurs extérieurs pour certaines pièces fondamentales.

Au-delà de l’aspect matériel, la cybersécurité fait aussi office d’enjeu majeur. Dans la mesure où chaque équipement militaire moderne repose sur d’importantes composantes logicielles, les menaces numériques se multiplient. Garantir des lignes de code fiables, des dispositifs d’authentification renforcée et une protection continue imposent un investissement permanent dans la recherche et des contrôles techniques sophistiqués.

Répartition des rôles entre l’État et les industriels

Il est souvent reproché à l’État de trop intervenir ou, au contraire, de ne pas suffisamment cadrer l’action des industriels. Or la réalisation d’un passage significatif vers une économie de guerre implique un pilotage étatique soutenu, à travers des incitations financières et la clarification des priorités au plan national. Les industriels, de leur côté, doivent améliorer leurs processus et développer une capacité à absorber des demandes fluctuantes.

Dans cette perspective, la formulation d’un partenariat public-privé plus étroit semble inévitable. Il ne s’agit pas seulement de signer des contrats, mais aussi de partager les risques et de construire un climat de confiance mutuelle. Ainsi, quand l’État accélère ses commandes et sécurise les paiements, les industriels sont plus enclins à mobiliser d’importants capitaux pour déployer de nouvelles chaînes de production.

Un pari sur le long terme

Les efforts entrepris aujourd’hui visent à installer la France dans une position stratégique sur plusieurs décennies. Au-delà du contexte actuel, la capacité à réagir rapidement aux imprévus futurs demeure un atout de taille : catastrophes naturelles, conflits éclairs, évolutions technologiques radicales. Le secteur de la défense comme l’armée elle-même doivent rester flexibles, afin de se réinventer face à des dynamiques mondiales changeantes.

En outre, maintenir un niveau élevé d’activité industrielle offre un filet de sécurité économique dans les régions les plus dépendantes de la filière, renforçant la cohésion territoriale. Les acteurs publics y voient également un moyen de développer les infrastructures et la recherche locale, notamment dans les bassins d’emploi anciennement tournés vers d’autres industries en déclin.

Exemple avec l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera)

L’Onera, établissement public dédié à la recherche aéronautique, spatiale et de défense, illustre la manière dont la R&D se connecte directement aux besoins des industriels français. Spécialisé dans la simulation et la modélisation avancées, l’Onera apporte un soutien à de nombreux projets. Les études menées sur les matériaux de pointe ou l’aérodynamique profitent souvent à Dassault, Thales ou Safran.

Grâce à une collaboration étroite avec l’Armée de l’Air et de l’Espace, l’Onera propose des pistes concrètes pour mieux anticiper l’évolution des menaces et concevoir les technologies répondant aux capacités futures. Cette interface entre recherche et application opérationnelle reflète la nécessité de dispositifs publics performants pour renforcer la politique industrielle de défense.

Pour aller au-delà de l’urgence

Si la guerre en Ukraine a accéléré l’effort de structuration dans le secteur militaire, il ne s’agit pas de réagir à chaud en multipliant seulement les commandes d’urgence. Le véritable enjeu consiste à bâtir une doctrine industrielle cohérente, en associant planification à long terme, soutien budgétaire ciblé et logistique résiliente. C’est en préparant le futur plutôt qu’en colmatant le présent que la France assoira sa solidité.

D’autant que la compétition internationale demeure féroce : les puissances émergentes investissent massivement dans leurs complexes militaires, cherchant non seulement à rattraper les pays occidentaux mais aussi à les dépasser sur des segments-clés (drones, intelligence artificielle, etc.). À l’inverse, tout retard prolongé dans la modernisation de la filière française accentuerait l’écart technologique et serait préjudiciable à la crédibilité de ses armées.

Réflexion ouverte sur les futurs défis

L’évolution industrielle, la coordination européenne et la recherche continue d’innovations dessinent désormais un paysage complexe où l’agilité et la solidarité déterminent la puissance de demain.