« Cap franchi », confie un dirigeant de Mooncard. Depuis 2020, la fintech alimente les paiements quotidiens des administrations. Elle obtient désormais une prolongation de trois ans de son marché avec l’État, jusqu’en 2028, confirmant la montée en puissance de la French Tech dans la commande publique et une accélération tangible de la modernisation des achats.

Partenariat prolongé jusqu’en 2028 : faits, périmètre et signaux de marché

Le renouvellement du partenariat entre Mooncard et l’État pour trois années supplémentaires scelle une relation inaugurée en 2020. Cette prolongation, actée auprès de la Direction des Achats de l’État, atteste de la capacité d’un fournisseur French Tech à tenir la distance dans les marchés publics, souvent perçus comme des marathons réglementaires.

La plateforme de paiements et de gestion des dépenses de Mooncard couvre des usages opérationnels variés dans les administrations. Les cartes mobilité, utilisées au quotidien par les agents, constituent un cas d’usage central.

En quatre ans, le dispositif est passé d’une présence minoritaire à une diffusion forte, avec une base désormais proche de 70 000 cartes en circulation dans le secteur public. Le mouvement s’inscrit dans une trajectoire de modernisation des paiements, où la transparence, la traçabilité et la facilité d’intégration deviennent des priorités explicites pour les acheteurs publics.

Au plan institutionnel, le renouvellement jusqu’en 2028 entérine trois signaux clés : une stabilisation des choix technologiques côté État, une reconnaissance d’expertise pour Mooncard sur un segment sensible, et une consolidation de la place des startups françaises dans la commande publique. L’État, traditionnellement fidèle aux solutions de grands groupes, élargit son sourcing à des acteurs technologiques plus agiles, capables de co-construire des solutions avec les services acheteurs et métiers.

Ce que confirme la reconduction 2025-2028

Le renouvellement du marché avec l’État met en lumière trois dimensions concrètes :

  • Continuité opérationnelle sur les paiements et frais terrain des agents publics.
  • Scalabilité avérée des solutions Mooncard dans des environnements multi-entités.
  • Co-construction accrue des cahiers des charges pour intégrer des innovations utiles aux usages.

Mooncard dans la sphère publique : un maillage étendu et des usages normés

Fondée en 2016 par Tristan Leteurtre et Damien Metzger, Mooncard s’est spécialisée dans l’émission de cartes de paiement professionnelles et la gestion des dépenses associées. L’entreprise revendique un parc supérieur à 3 300 organismes publics équipés.

Parmi eux, près de 2 000 entités ministérielles, couvrant notamment l’Intérieur, la Défense et la Transition écologique. Cette empreinte est le résultat d’une montée en charge régulière depuis 2020.

Sur le terrain, les usages se sont standardisés autour d’une carte intelligente, paramétrable, connectée au système d’information de l’entité utilisatrice. Les fonctions clés appréciées par les directions financières et les services budgétaires portent sur le pilotage fin des droits, la granularité des plafonds, la catégorisation automatique des dépenses et les exports comptables.

La diffusion de la solution dans le privé, auprès d’acteurs comme Air France, Webedia, Norauto ou Selecta, renforce un atout intermarchés : une expérience acquise sur les volumes et la complexité du B2B, transposable à des environnements publics exigeants. La double exposition public-privé contribue à stabiliser l’innovation produit et l’industrialisation des processus de support.

Métriques Valeur Évolution
Organismes publics équipés 3 300+ Progression continue depuis 2020
Entités ministérielles couvertes ~2 000 Élargissement par vagues successives
Cartes mobilité en circulation ~70 000 Plus du triple par rapport au démarrage

Ces cartes sont paramétrées par l’administration émettrice : plafonds, familles de dépenses autorisées, géorestriction, justificatifs numérisés, workflows d’approbation. L’objectif est double : fluidifier le terrain pour les agents et sécuriser la chaîne comptable côté ordonnateurs et comptables publics.

French Tech et achats publics : un virage assumé vers la souveraineté

Le renouvellement du marché Mooncard s’inscrit dans un mouvement plus large. Les initiatives publiques se structurent pour élargir l’accès des startups aux marchés de l’État, avec un accent sur la souveraineté technologique et le sourcing européen. La Mission French Tech a engagé depuis mi-2023 un programme de mobilisation des acheteurs et des directions métiers pour intégrer plus systématiquement des solutions issues de l’écosystème tricolore.

Le programme Je choisis la French Tech, lancé en 2023, vise à accroître les commandes publiques et privées auprès de startups d’ici 2027. Des groupes comme BNP Paribas y participent, créant des effets de chaîne côté privé.

Début 2025, une Académie dédiée a été déployée pour accélérer la montée en compétence des jeunes pousses face aux procédures des marchés publics. Plus de 2 000 startups en auraient bénéficié depuis février, selon les chiffres communiqués par la Mission French Tech. La dynamique d’ensemble est orientée vers l’opérationnel : moins de barrières procédurales, davantage de lisibilité, et un meilleur dialogue avec les acheteurs.

Autre jalon, l’appel à candidatures French Tech 2030, annoncé en juillet 2025, cible explicitement des projets au service de la souveraineté numérique française et européenne, avec des enveloppes dédiées pour soutenir l’industrialisation et le passage à l’échelle des solutions retenues (presse.economie.gouv.fr).

La co-construction consiste à intégrer en amont des itérations avec les candidats potentiels pour clarifier le besoin, aligner les exigences techniques avec la réalité du marché et éviter les cahiers des charges « fermés ». Ce format favorise l’innovation utile et réduit le risque d’échec à l’exécution. Mooncard indique collaborer avec les acheteurs publics sur ce principe, signe d’un changement culturel côté État.

Indicateurs French Tech utiles à suivre

Plusieurs repères contextualisent l’ouverture de la commande publique à la tech :

  • Rentabilité : 44 % des entreprises du Next40/120 seraient rentables, selon la Mission French Tech.
  • Capacité d’industrialisation : montée en puissance des scale-ups sur les processus et la conformité.
  • Commandes innovantes : hausse des achats publics innovants depuis 2023, selon des rapports gouvernementaux.
  • Dépenses souveraines : trajectoire d’investissements publics dans la tech souveraine, encouragée via France 2030.

Modèle économique et contraintes publiques : l’avance de fonds comme baromètre de solidité

Dans l’écosystème public, la maîtrise des flux financiers conditionne l’exécution. Mooncard explique ne pas pouvoir héberger l’argent de l’État. Conséquence : la fintech avance les fonds lors des paiements, avant remboursement par l’administration. Cette mécanique, qui représente chaque année des centaines de millions d’euros avancés, constitue un test de robustesse financière et de résilience opérationnelle.

Ce modèle a deux effets macro sur l’offre :

  • Barrière à l’entrée : seuls les acteurs disposant d’une structure de financement solide et de canaux bancaires matures peuvent absorber ces cycles.
  • Exécution uniforme : l’avance de fonds exige une discipline de risque et de conformité, qui bénéficie à la qualité globale de service.

La performance économique suit : Mooncard signale une croissance de 70 % de son chiffre d’affaires entre 2024 et 2025 (L’Agefi). Cette trajectoire s’appuie sur une base technologique stabilisée et sur l’effet volume lié aux déploiements dans le public et le privé. Pour les administrations, l’enjeu est d’abord opérationnel : une dépense mieux tracée, des workflows plus rapides, et une vision consolidée des budgets.

La solution permet de fixer des plafonds par agent ou par mission, d’interdire certaines catégories, de géolocaliser les usages si nécessaire, d’exiger une photo de justificatif, puis d’acheminer la dépense dans un circuit d’approbation. Résultat : moins d’erreurs, moins de fraudes, plus de contrôle côté DAF et comptabilité publique.

Écosystème et effets d’entraînement : quand l’État fait levier

Le rééquilibrage entre « zéro risque » et souveraineté, relevé par les acteurs de la Mission French Tech, favorise l’émergence d’un portefeuille de fournisseurs plus diversifiés. L’État ne renonce pas à ses exigences de conformité, mais les articule avec des objectifs d’agilité et d’innovation. Mooncard illustre cette tendance, en occupant une place de fournisseur-clé au sein des administrations tout en demeurant compétitif sur les marchés privés.

Sur la qualité de service, la fintech met en avant un accompagnement « humain » comme différenciateur. Le support, la formation des utilisateurs, la reprise des historiques et l’aide au paramétrage sont devenus des éléments décisifs d’adoption au-delà du seul prix. Dans un environnement public multi-sites, cette dimension change la cadence de déploiement et fluidifie l’appropriation par les agents.

Alan : assurance et services pour Bercy

Le mouvement ne se limite pas au paiement. L’assureur Alan a marqué des points auprès du ministère de l’Économie, confirmant que des solutions françaises peuvent désormais pénétrer des périmètres critiques. La logique est similaire : un service orienté utilisateur, une interface claire, et une exécution régulière, nécessaires pour convaincre des acheteurs publics structurés.

Swile : adoption auprès de France Travail et de Bercy

Swile s’est imposée comme une alternative crédible sur les avantages salariés, y compris pour des entités publiques comme France Travail et pour des services de Bercy. Le message envoyé au marché : la French Tech sait délivrer sur des besoins à grande échelle, avec des standards élevés de disponibilité et de contrôle. Ces trajectoires parallèles confortent l’idée que la commande publique peut désormais jouer un rôle d’amplificateur pour les solutions françaises.

Commandes publiques innovantes : trois angles à surveiller

  1. Souveraineté et hébergement : priorité donnée aux solutions françaises ou européennes lorsque pertinent.
  2. Interopérabilité : intégration avec les SI financiers et comptables des administrations.
  3. Trajectoire budgétaire : estimation du TCO intégrant formation, support, déploiement multi-sites.

L’histoire de Mooncard : origines, positionnement et cap produit

Créée en 2016 par Tristan Leteurtre et Damien Metzger, Mooncard a construit un positionnement de spécialiste : la carte de paiement professionnelle comme pivot d’un dispositif de gestion des dépenses, tout en développant les briques logicielles d’orchestration, d’analytique et de conformité. Le choix de s’attaquer tôt aux marchés publics a imposé une rigueur de plateforme et une solidité financière plus élevées que la moyenne des fintech B2B.

Sur le plan commercial, la stratégie multi-secteurs a généré des synergies utiles : les retours d’expérience des grands comptes privés, la diversité des cas d’usage (mobilité, frais terrain, dépenses récurrentes), et l’échelle du parc public. Cette combinaison a contribué à la rentabilité et à la progression du chiffre d’affaires, en particulier sur 2024-2025 avec une croissance de 70 % sur la période (L’Agefi).

Dans l’espace public, Mooncard revendique une contribution directe au maintien de services critiques : police, armée, pompiers, hôpitaux. Le mécanisme d’avance de fonds et la continuité de service dans ces environnements sensibles témoignent d’une maturité opérationnelle. Pour l’État, l’intérêt se mesure en maîtrise des risques, traçabilité fine des flux et capacité d’audit renforcée.

Au-delà du prix facial, l’administration valorise la robustesse à l’exécution : disponibilité de la plateforme, traitement des pics d’activité, reprise des justificatifs, évolutivité réglementaire, SLA du support. C’est sur ces dimensions que se joue l’adoption à l’échelle, avec un impact direct sur la continuité des services publics.

Ce que change l’approche « made in France » dans les négociations publiques

Le dossier Mooncard illustre l’importance croissante des critères de souveraineté dans l’achat public. Les administrations affichent davantage la préférence pour des solutions françaises et européennes lorsque la sensibilité du périmètre ou la nature des données l’exige. Cet angle pèse désormais dans l’évaluation globale, aux côtés du coût, de la performance et de la conformité.

La mise en avant d’une solution « made in France » joue ainsi comme signal auprès des décideurs : proximité réglementaire, meilleure lisibilité des responsabilités, et réactivité des équipes en cas d’incident. Les retours de terrain laissent entrevoir une bascule culturelle chez les acheteurs : l’innovation est considérée comme un facteur de réduction du risque opérationnel, non comme un risque supplémentaire par principe.

Cette évolution se retrouve dans la pratique de la co-construction des marchés, citée par Mooncard : la définition du besoin et la rédaction de critères techniques s’effectuent plus souvent par itérations, avec des échanges préalables formalisés. Résultat : des cahiers des charges plus en phase avec les usages réels et moins de contentieux en aval.

Repères juridiques utiles pour les directions financières

Sans entrer dans le détail des procédures, trois points structurent la réussite des projets de paiement dans le public :

  • Cadre contractuel clair : périmètre, pénalités, SLA et clauses d’évolutivité.
  • Gouvernance projet : comités réguliers, gestion des changements, pilote multi-entités.
  • Convergence SI : interfaçage comptable, normes d’export, archivage des justificatifs.

Commande publique et souveraineté : dynamique à consolider

La reconduction de Mooncard jusqu’en 2028 envoie un signal clair : la commande publique devient un levier assumé de diffusion des innovations françaises. En miroir, elle exige des fournisseurs une robustesse financière et une rigueur d’exécution élevées, notamment lorsqu’il s’agit d’avancer les fonds et de sécuriser des flux sensibles.

Reste à confirmer la trajectoire sur la durée : industrialiser la co-construction, amplifier l’effet d’entraînement du programme Je choisis la French Tech et pérenniser le financement de l’innovation utile dans les services publics. Mooncard, par sa position, apparaît comme l’un des marqueurs de cette transition, entre exigence opérationnelle et choix souverains.

La décennie qui s’ouvre dira si cette bascule culturelle s’ancre définitivement dans les pratiques d’achat et d’exécution publiques.