+57 % d’impact négatif attendu sur l’activité: le thermomètre des TPE et PME se refroidit. Publié le 16 septembre 2025, le baromètre Bpifrance Le Lab et Rexecode met en lumière une fracture entre signaux de reprise et une incertitude politique qui s’épaissit. Les intentions d’embauche résistent, mais l’investissement se replie, au gré d’un climat institutionnel jugé instable.

Baromètre bpifrance rexecode: confiance érodée chez les dirigeants de petites entreprises

Le sondage trimestriel réalisé auprès de 4 058 dirigeants entre le 21 août et le 3 septembre 2025 met en exergue une crispation: 57 % des répondants anticipent un effet négatif fort du contexte politique sur leur activité, soit +4 points par rapport au trimestre précédent. Ce glissement traduit une prudence accrue dans les arbitrages internes, y compris chez des entreprises ayant récemment noté des signaux de normalisation opérationnelle.

Deux dynamiques se confrontent. D’un côté, l’embauche tient bon: près de la moitié des dirigeants maintiennent leurs projets de recrutement.

De l’autre, les investissements sont davantage ajournés ou calibrés à la baisse. Le baromètre relève cependant un phénomène ambivalent: les projets d’investissement se stabilisent dans l’ensemble, tandis que la confiance en matière de trésorerie s’améliore. Ce contraste suggère que nombre de TPE et PME préfèrent sécuriser leur cash plutôt que d’engager de nouveaux capex dans une période perçue comme mouvante.

Méthodologie et portée de l’enquête

L’échantillon couvre plusieurs secteurs d’activité, avec une mesure agrégée des perceptions. L’indicateur capte des intentions, non des réalisations: il décrit l’état d’esprit et les plans déclarés, utiles pour anticiper l’évolution de la demande d’emploi et du cycle d’investissement à court terme. En pratique, ces intentions peuvent évoluer rapidement si le contexte politique se clarifie.

Emploi et investissement: deux trajectoires qui se decouplent

Le maintien des projets d’embauche, malgré la remontée de l’inquiétude, tient à des besoins opérationnels immédiats et à des carnets de commandes qui ne s’effondrent pas. À l’inverse, l’investissement engage des horizons plus longs et pâtit davantage d’une visibilité dégradée. Ce découplage est classique en phase d’incertitude politique: on sécurise la capacité productive à court terme, on temporise les projets d’expansion ou de modernisation plus lourds.

Comment lire un baromètre de dirigeants

Un baromètre d’opinion mesure des intentions et des perceptions. Il éclaire:

  • La direction des anticipations: optimisme ou prudence.
  • L’intensité des signaux: stabilité, inflexion ou rupture.
  • Les arbitrages attendus: embauche, investissement, gestion de la trésorerie.

Ces lectures ne préjugent pas à elles seules des réalisations effectives, mais elles influencent souvent le calendrier des décisions d’entreprise.

Bpifrance Le Lab mène des études sur les PME et ETI afin d’objectiver les tendances de terrain. Rexecode apporte une expertise macroéconomique et sectorielle. Le croisement de ces regards permet d’articuler ce que ressentent les dirigeants avec les données conjoncturelles agrégées. Cette lecture croisée est utile pour la planification budgétaire et la modulation des plans d’investissement.

L’effet signal du 25 août sur les recrutements et les capex

Un point de bascule apparaît dans les réponses: après l’annonce d’un vote de confiance attribuée à François Bayrou le 25 août 2025, la part des dirigeants déclarant vouloir reporter ou annuler des embauches atteint 57 %, contre 47 % pour ceux qui ont répondu avant cette date. Côté investissements, l’écart est plus marqué: 76 % de reports ou annulations après, contre 60 % auparavant.

Ces mouvements ne constituent pas une causalité prouvée, mais ils illustrent un effet de perception sur le comportement des dirigeants. Les articles de presse économique publiés le jour de la sortie du baromètre évoquent d’ailleurs un sursaut d’inquiétude immédiatement après cette annonce, renforçant l’idée d’un effet signal distinct dans la réaction des entreprises.

Timing et psychologie des décisions

Lorsqu’une séquence politique est jugée instable, les PME et TPE basculent généralement en mode protection: négociation de délais avec les partenaires, conservation de liquidités, livraisons privilégiées par rapport aux expansions d’actifs. Les recrutements, souvent indispensables pour honorer la demande immédiate, tiennent mieux que les capex, qui requièrent une visibilité à 18 ou 24 mois.

La distinction avant et après le 25 août met en évidence un changement de comportement agrégé. Cette chronologie ne valide pas une relation de cause à effet, mais elle manifeste une sensibilité accrue des TPE et PME aux annonces institutionnelles. Autrement dit, l’incertitude ressentie agit comme un multiplicateur d’aversion au risque.

Différences de perception clés avant et après 25 août

  • Embauches: 47 % de reports ou annulations avant la date jalon, 57 % après.
  • Investissements: 60 % avant, 76 % après.

Ces écarts traduisent une montée instantanée de la prudence, telle que rapportée par les répondants du baromètre.

Trésorerie en amélioration, investissements sous contrainte: un paradoxe apparent

Le baromètre insiste sur une amélioration de la confiance en trésorerie et une stabilisation des projets d’investissement à l’échelle agrégée, malgré les reports. Ce résultat peut sembler paradoxal, mais il s’explique: gouverner la trésorerie n’implique pas nécessairement d’accélérer les capex à court terme. À l’inverse, la hausse de la trésorerie perçue autorise une stratégie d’attentisme liquide, prête à repartir lorsque la visibilité politique se renforce.

Pour les directions financières, le message est clair: priorité au fonds de roulement, préservation des marges de manœuvre et calibration des engagements. Les décisions d’équipement lourd ou de déploiements IT structurants sont arbitragées au cas par cas, avec un appétit pour le retour sur investissement rapide et des jalons de revue plus rapprochés.

Lecture des signaux de trésorerie

Un niveau de confiance en trésorerie plus élevé ne vaut pas garantie de flux futurs, mais souligne un pilotage efficace du court terme: gestion des encours clients, ajustements du stock, négociations fournisseurs. Lorsque l’environnement politique s’éclaircira, ce coussin de liquidités pourrait se traduire par une reprise brusque des capex sur des projets à ROI maîtrisé, notamment en productivité et en numérisation.

Pourquoi l’investissement cale malgré les besoins

Les dirigeants arbitrent entre incertitude politique, coût du capital et capacité à absorber des chocs exogènes. Une même entreprise peut constater la nécessité d’automatiser, tout en différant la dépense si le contexte est jugé trop incertain. Le gain d’optionnalité l’emporte: on se ménage la possibilité d’investir plus tard, sans s’enfermer maintenant.

Capex: dépenses d’investissement engagées pour acquérir ou améliorer des actifs durables. Opex: dépenses d’exploitation courantes. En période d’incertitude, les entreprises privilégient les opex réversibles et des projets capex à ROI court, avec des jalons de sortie si le contexte se détériore.

Conjoncture macro: reprise graduelle selon l’insee et emploi stabilisé

Au plan macroéconomique, l’Insee indique une reprise progressive au troisième trimestre, avec une estimation de +0,3 % du PIB par rapport au trimestre précédent. Le second trimestre affiche une stabilisation des embauches dans les secteurs non agricoles, avec +0,2 % de créations nettes. Les investissements des entreprises progresseraient de 1,1 % au premier semestre 2025, même si les entreprises demeurent circonspectes face au climat politique (Insee, tableau de bord de la conjoncture, 29 août 2025).

Ce faisceau d’indicateurs cadre bien avec le baromètre: les fondamentaux ne s’effondrent pas, mais l’incertitude politique joue comme un facteur de temporisation. Les dirigeants arbitrent à la marge, ralentissent les projets lourds et s’attachent à sécuriser leur trésorerie.

Ce que disent les séries insee

La croissance reste modérée, mais présente. Les créations nettes d’emplois, bien qu’en faible hausse, confirment l’absence de choc sur le marché du travail au premier semestre. En investissement, le premier mouvement semestriel positif ne neutralise pas l’effet d’attente qui se propage depuis l’été. Pour les TPE et PME, l’enjeu est de maintenir l’agilité du modèle productif sans dégrader la capacité de rebond.

Implications pour les tpe et pme

Sur le terrain, les entreprises ajustent les cadences plutôt que de couper brutalement. La qualité de la relation bancaire, la visibilité commerciale et la maîtrise des charges restent déterminantes. Le message borne l’analyse: l’écosystème n’est pas en rupture, mais en navigation prudente, avec un pilotage fin des coûts et des priorités d’investissement.

Indicateurs macro à surveiller par les dirigeants

  • PIB trimestriel: confirmation ou non du +0,3 % estimé.
  • Emploi: trajectoire des créations nettes au second semestre.
  • Investissements: maintien de la hausse ou inflexion sous l’effet politique.

Ces trois métriques balisent la fenêtre de tir pour réactiver les capex et ajuster les recrutements.

Politiques publiques et accélération numérique: des amortisseurs potentiels

Le 15 juillet 2025, des annonces publiques ont présenté un plan pluriannuel de 43,8 milliards d’euros d’économies et un objectif de déficit public à 4,6 % du PIB en 2026. Cette trajectoire vise à rééquilibrer les comptes en s’appuyant sur une hausse de la production et une gestion de la dette. Si ces orientations se confirment, elles pourraient stabiliser les anticipations des acteurs économiques, en clarifiant le chemin budgétaire.

En parallèle, la modernisation des TPE et PME franchit une étape. La 6e édition du baromètre France Num, publiée le 15 septembre 2025, met en évidence une progression de l’adoption des outils numériques, avec une amélioration moyenne de 5 points par rapport à 2024. Cet élan peut atténuer certains effets d’incertitude: gains de productivité, meilleure maîtrise des coûts et élargissement des canaux commerciaux.

Focus transformation numérique: où se situe la valeur

La numérisation soutient la résilience des PME et TPE. Elle favorise l’automatisation des processus, fluidifie la relation client et raccourcit les cycles de facturation.

Pour les directions générales, l’enjeu consiste à prioriser des projets courts, modulaires, dotés d’indicateurs de performance explicites. Les diagnostics financés, la formation et les solutions SaaS peuvent constituer des portes d’entrée peu capitalistiques.

Coordination financière: aides publiques et trajectoire de dette

Les dispositifs d’appui et l’accès au financement public restent un levier pour amortir la prudence d’investissement. La clé consiste à articuler ces aides avec une gouvernance financière rigoureuse: projection cash, scénarios de stress, clauses de revoyure sur les projets. Dans un environnement d’incertitude, la capacité à réenclencher rapidement les capex devient un avantage compétitif.

Les annonces fixent un cadre: économies visées et repères de déficit. Pour les entreprises, l’important est d’intégrer les trajectoires dans les hypothèses de budget, sans présumer de décisions qui ne sont pas encore arbitrées. Autrement dit, construire des scénarios de financement et d’investissement qui restent robustes, quel que soit le tempo final des mesures.

Deux repères publics pour 2025

  • Équilibres budgétaires: objectif de 4,6 % du PIB de déficit public en 2026 avec 43,8 milliards d’euros d’économies annoncées.
  • Numérisation TPE-PME: progression moyenne de 5 points sur l’adoption d’outils digitaux par rapport à 2024.

Ces repères, lorsqu’ils se combinent, peuvent soutenir l’investissement immatériel et la productivité à court terme.

Lecture croisée des signaux: quelle boussole pour les prochains mois

Un double message émerge. D’un côté, la photographie macroéconomique ne traduit pas de rupture: la croissance trimestrielle estimée, la tenue de l’emploi et la hausse semestrielle des investissements sont compatibles avec une phase de reprise graduelle (baromètre Bpifrance Le Lab Rexecode, 16 septembre 2025). De l’autre, l’incertitude politique agit comme un frein psychologique sur les arbitrages d’embauche au-delà du nécessaire et, plus nettement, sur les capex.

Les dirigeants disposent toutefois d’atouts: une trésorerie jugée plus solide, des dispositifs publics activables et une accélération numérique qui améliore la qualité opérationnelle. La capacité à garder des options ouvertes, tout en préparant un redémarrage des projets dès éclaircie institutionnelle, sera déterminante.

Points de vigilance à suivre par les dirigeants

  • Surcroît de prudence post-25 août: embauches plus filtrées, capex largement différés.
  • Trésorerie: levier de flexibilité pour relancer vite des projets à ROI court lorsque la visibilité s’améliore.
  • Capacité d’exécution numérique: priorité aux solutions modulaires et à impacts mesurables.

En pratique, conserver des marges de manœuvre et des scénarios activables rapidement reste la stratégie la plus robuste dans l’environnement actuel.