11 septembre 2025 : en France, la confiance reste fragile, malgré une activité qui progresse à pas mesurés. L’écart entre promesses et preuves s’impose comme le véritable sujet pour les directions communication, financières et juridiques. En B2B, où la confiance contractuelle fait la différence, la cohérence entre discours et actes devient un avantage concurrentiel, pas un slogan.

Ethos, authenticité et preuve : de la philosophie à la gouvernance d’entreprise

La crédibilité ne se décrète pas, elle se démontre. Aristote plaçait déjà l’ethos, c’est-à-dire la confiance suscitée par celui qui parle, au-dessus de la simple logique argumentaire. Transposé à l’entreprise, ce principe est limpide : un message n’a de portée que s’il est porté par des comportements observables.

Montaigne voyait dans la transparence une forme d’exactitude morale : dire vrai, avec ses limites, plutôt que prétendre à la perfection. Cette leçon demeure précieuse pour la communication corporate : mettre en avant ses progrès est utile, mais reconnaître ses angles morts protège la réputation.

Sartre, enfin, nous rappelle que l’identité se forge par l’action. Les entreprises ne peuvent donc plus revendiquer des valeurs sans les matérialiser dans leurs achats, leurs rémunérations, leurs investissements, leurs indicateurs sociaux et climatiques. En B2B, où les cycles de vente sont longs et la due diligence minutieuse, la sanction d’un discours non aligné est immédiate : perte d’opportunités, demandes de garanties supplémentaires, primes de risque accrues.

Climat de confiance : ce que dit l’INSEE

La note de conjoncture de septembre 2025 souligne une confiance dégradée des ménages comme des entreprises, alors que l’activité se redresse modestement. Ce décalage renforce la prime donnée aux preuves, pas aux promesses.

Communication corporate en surcharge : où se fissure la confiance

Rapports RSE, communications RH, prises de parole sectorielles, campagnes corporate : les flux n’ont jamais été aussi denses. Problème, l’inflation des messages n’améliore pas la crédibilité. Elle la menace dès que les slogans masquent des réalités dissonantes.

Le phénomène de corporate bullshit prend racine ici. Il suffit d’un décalage entre promesse et mise en œuvre pour installer la suspicion. Exemples classiques : parler d’« innovation » sans prototypes, d’« engagement collaborateurs » en pleine réduction d’effectifs, de « durabilité » sans audit de la chaîne d’approvisionnement. Les partenaires B2B ne se satisfont pas de formules : ils vérifient.

Cette exigence est renforcée par l’évolution des normes. Le rapport d’activité 2024 de l’Autorité des Normes Comptables, publié le 17 avril 2025, insiste sur une transparence accrue, notamment en matière d’informations de durabilité. C’est un basculement : la communication extra-financière s’installe sur le terrain de l’auditabilité.

Avant publication, un message mérite d’être réécrit s’il coche l’un de ces points :

  • Usage de superlatifs sans métriques vérifiables.
  • Absence de date, périmètre ou base de comparaison.
  • Indicateurs non réconciliés avec les comptes ou le plan stratégique.
  • Engagements RSE sans mécanisme de suivi ni audit.
  • Références à des « standards » non cités ou non applicables.
  • Promesses fournisseurs sans clauses de contrôle.
  • Silence sur les difficultés ou retards, pourtant connus en interne.

CSRD et normalisation : obligations auditables et fin du greenwashing

Le fond du sujet, en 2025, est normatif. La directive CSRD impose des rapports de durabilité standardisés et auditables. Dès 2022, la presse spécialisée alertait les entreprises françaises sur la nécessité de se préparer dès 2023 aux nouvelles exigences. Deux ans plus tard, nombre d’organisations alignent encore difficilement leurs données, leurs processus et leur gouvernance sur ces standards.

La trajectoire s’accélère. Fin septembre 2025, des analyses de place soulignent le passage d’un reporting RSE narratif à une donnée comparable et contrôlable, avec un effet plein attendu à partir de 2026 pour les entreprises concernées. En parallèle, le rapport d’activité 2024 de l’ANC met l’accent sur la qualité de l’information et la structuration des référentiels, ce qui transforme la communication en matière vérifiable.

ANC : transparence et durabilité dans les rapports

L’ANC rappelle que la robustesse d’un rapport tient à sa capacité à décrire les méthodes, les hypothèses et à fournir des données sourçables. Autrement dit, sans traçabilité des chiffres et explication des périmètres, la communication s’expose. Cette approche recoupe les attentes montantes des directions financières et des comités d’audit.

AMF : vigilance anti-greenwashing

En 2024, l’Autorité des Marchés Financiers a publié des messages appelant à l’adoption des standards permettant d’éviter les allégations trompeuses en matière de durabilité. La tendance est claire : les acteurs de marché demandent des preuves, des contrôles et des mises à jour régulières. La conformité devient une condition de crédibilité.

Ce qui change pour les entreprises déjà engagées en RSE :

  • Du déclaratif narratif à la donnée auditée ou auditables.
  • Des engagements généraux à des indicateurs définis, comparables et suivis.
  • D’un rapport annuel isolé à un dispositif de pilotage récurrent des métriques.
  • D’une communication marketing à une documentation utilisable en due diligence.

Préparations enclenchées dès 2023, intensification en 2025, changements d’ampleur attendus dès 2026 pour les sociétés concernées par le calendrier réglementaire.

B2B : transformer la cohérence en avantage concurrentiel

Le marché B2B s’appuie sur des cycles longs, des appels d’offres exigeants et des relations contractuelles sensibles. La cohérence n’y est pas un supplément d’âme, c’est un facteur de réduction du risque perçu. Elle facilite la négociation, sécurise les conditions et accélère la décision côté client.

Une jeune pousse deeptech qui promet une rupture sans expliciter sa technologie, son périmètre de validation ou son cap industriel aura du mal à convaincre ses financeurs et ses partenaires. Inversement, une entreprise qui publie des métriques réconciliées, des publications méthodologiques claires et des audits indépendants gagne en crédibilité de façon disproportionnée par rapport à ses concurrents.

Grant Thornton : transparence chiffrée et vérification

Le rapport RSE 2023-2024 de Grant Thornton, publié le 10 juillet 2025, illustre une approche orientée chiffres et vérifications. Ce type de publication, qui explicite les progrès et les points d’attention, répond aux attentes des parties prenantes B2B : trouver des informations utiles à l’évaluation du risque et à la conformité.

Procurement et due diligence : attentes contractuelles

Les acheteurs et directions juridiques demandent désormais une correspondance stricte entre engagement, indicateurs et clauses. L’objectif est double : limiter les risques de réputation partagée et sécuriser l’exécution contractuelle. Dans ce contexte, la cohérence agit comme une prime de sérieux.

Où trouver des statistiques sectorielles fiables

Le site du Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique met à disposition des fiches sectorielles s’appuyant sur l’INSEE. Ces données constituent une base solide pour étayer des messages avec des repères partagés par tout l’écosystème.

Méthode opérationnelle : aligner le discours et les actes

Passer du principe à l’exécution suppose une démarche structurée. Les directions générales, financières, juridiques et communication doivent converger autour d’un référentiel commun de preuves, de priorités et de calendriers.

  • Diagnostiquer l’écart. Dresser l’inventaire des engagements communiqués, puis vérifier l’état d’avancement réel, les preuves disponibles et les points de blocage.
  • Équiper la donnée. Identifier les indicateurs clés pertinents pour le secteur, documenter les méthodes de calcul, définir les responsabilités de collecte et les fréquences de mise à jour.
  • Sécuriser l’auditabilité. Préparer les contrôles, tracer les sources et structurer les dossiers de preuve. La CSRD pousse à des rapports comparables et contrôlables.
  • Impliquer l’écosystème. Intégrer fournisseurs et partenaires dans les engagements publiés, avec des clauses et mécanismes de suivi adaptés.
  • Publier avec constance. Privilégier des mises à jour régulières, plutôt que des annonces ponctuelles difficiles à corroborer.
  • Former les équipes. Sensibiliser dirigeants, juristes, financiers et communicants à l’ethos, à la matérialité des sujets et à la logique d’auditabilité.
  • Mesurer la perception. Collecter les retours des clients, collaborateurs et investisseurs, et ajuster le discours pour éviter les angles morts.

Cet enchaînement évite les ruptures entre reporting, communication et exécution. Il constitue un filet de sécurité contre les allégations qui n’auraient pas de support documentaire.

Avant de valider un rapport de durabilité :

  • Périmètre clair et défini, cohérent avec le périmètre financier.
  • Méthodes explicitées pour chaque indicateur clé.
  • Sources internes et externes tracées et conservées.
  • Éléments sensibles relus par la direction juridique et le contrôle interne.
  • Indicateurs RSE connectés aux objectifs de l’entreprise et à son plan d’investissement.
  • Plans de remédiation indiqués pour les objectifs non atteints.
  • Calendrier de mise à jour communiqué en fin de document.

Discours, preuves et résultats : la nouvelle grammaire de la crédibilité

Les règles du jeu ont changé. En France, la note de conjoncture de septembre 2025 décrit une confiance qui reste basse, même si l’activité avance. En miroir, la communication corporate performante n’est plus celle qui parle le plus fort, mais celle qui documente le mieux.

Cette logique s’impose dans tous les métiers : finance, RSE, RH, achats, juridique, relation investisseurs. Elle rapproche la communication du pilotage stratégique par la donnée. Et elle encourage une posture d’humilité : montrer les progrès, reconnaître ce qui reste à faire, expliquer comment on y parvient.

Un discours crédible peut s’appuyer sur des références philosophiques ou sectorielles, mais la valeur naît du lien avec des preuves internes :

  • Relier une citation à un engagement mesuré, pas à une promesse générale.
  • Privilégier les publications officielles et rapports d’activité pour étayer des chiffres.
  • Limiter la surabondance de références, pour focaliser l’attention sur les faits de l’entreprise.

Cohérence recherchée : l’actif rare qui sécurise les relations B2B

Pour les entreprises françaises, la cohérence n’est plus un « plus ». C’est le socle sur lequel se signent les contrats et se bâtissent les partenariats.

Les exigences de normalisation, l’auditabilité des informations extra-financières et la vigilance accrue des parties prenantes resserrent le jeu. L’avantage concurrentiel appartient aux acteurs capables de relier chaque promesse à une preuve, puis de répéter ce lien dans le temps.

Le mouvement s’amplifiera avec l’extension des obligations de durabilité. Les organisations qui s’équipent maintenant en données, gouvernance et procédures gagneront du temps et de la confiance demain. La cohérence n’est pas un effet de style, c’est un actif de bilan réputationnel qui résiste aux cycles.