Bretagne unie pour accélérer l'innovation des ports
Découvrez comment la Bretagne Port Strategic Alliance booste la compétitivité des ports bretons à l'international et améliore la transition énergétique.

Depuis le 11 septembre 2025, Brest, Lorient et Saint-Malo avancent d’un même pas. Officiellement réunis au sein de la Bretagne Port Strategic Alliance, ils choisissent un levier rare dans l’univers portuaire français : un groupement d’intérêt économique. Objectif affiché : muscler la compétitivité bretonne, saisir de nouveaux marchés hors de France et accélérer la transition énergétique des terminaux.
Un gie inédit pour des ports français : le pari de la mutualisation
La Bretagne Port Strategic Alliance (BPSA) se structure sous la forme d’un groupement d’intérêt économique. Cette configuration est présentée comme inédite pour des ports en France, et confère un cadre souple à la coopération : partager des moyens, synchroniser des projets, tout en préservant la personnalité de chaque port et ses missions propres.
Le lancement a été officialisé le 11 septembre 2025 lors du Forum Économique Breton. La Région Bretagne soutient la démarche, tant sur le plan stratégique que financier, dans une logique de politique industrielle et maritime cohérente à l’échelle régionale. À la clé : la mise en commun d’achats, la coordination des investissements et une visibilité accrue à l’international.
Au-delà de la bannière commune, la gouvernance opérationnelle vise à maintenir un pilotage au plus près des terres et des filières concernées, en s’appuyant sur des expertises locales éprouvées. L’alliance se conçoit comme un accélérateur, pas comme une fusion.
Un GIE permet à plusieurs entités de coopérer pour renforcer leur activité sans créer une société nouvelle qui les remplacerait. Pour des ports, cela favorise des achats groupés, une coordination commerciale, des projets de R&D partagés et la diffusion de bonnes pratiques. Les membres conservent leur autonomie juridique et leurs missions de service public, tout en capitalisant sur des synergies concrètes.
Offensive commerciale à l’international et stratégie d’achats communs
L’ambition première de la BPSA est claire : conquérir des marchés au-delà des frontières. Brest, Lorient et Saint-Malo mutualisent leur action de prospection et de promotion pour offrir un visage unifié aux investisseurs, armements et industriels susceptibles de s’implanter ou de renforcer leurs lignes en Bretagne. L’union renforce la crédibilité des négociations et aligne les messages sur des forces complémentaires.
Concrètement, l’alliance prévoit des commandes communes et le partage d’outils commerciaux. Cette approche doit générer des économies d’échelle et une meilleure visibilité de l’offre bretonne, qu’il s’agisse de logistique, d’industries maritimes ou de services aux passagers. Les trois ports s’organisent pour présenter un catalogue coordonné de capacités, d’emprises et de services, afin d’abaisser les coûts unitaires et d’augmenter la réactivité face aux demandes des opérateurs.
Les bénéfices attendus sont autant financiers que stratégiques : réduction des coûts d’approvisionnement, accélération des délais de mise en œuvre, et effet de marque renforcé sur les salons et marchés ciblés. La Bretagne, territoire maritime historique, consolide ainsi sa place dans les chaînes logistiques européennes et ses atouts en énergies marines.
Repères clés sur la BPSA
Ce qu’il faut retenir de l’alliance Bretagne Port Strategic Alliance.
- Date d’officialisation : 11 septembre 2025, lors du Forum Économique Breton.
- Structure : groupement d’intérêt économique, une démarche inédite pour des ports français.
- Ports membres : Brest, Lorient, Saint-Malo.
- Priorités : internationalisation, achats mutualisés, innovation et décarbonation.
- Soutien : Région Bretagne, engagement politique et stratégique confirmé.
- Ouverture envisagée : Roscoff et Le Légué à partir de 2026.
Trajectoire climat : électrifier, verdir, innover
La BPSA inscrit la transition énergétique au cœur de sa feuille de route. La Bretagne a engagé une mobilisation spécifique avec une conférence dédiée à la transition énergétique le 30 avril 2025, rassemblant élus et acteurs locaux pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables. Les ports bretons s’alignent sur cette dynamique par la décarbonation des opérations portuaires et la montée en puissance de technologies sobres en carbone.
Parmi les solutions évoquées figurent l’électrification des quais pour limiter l’usage des moteurs auxiliaires à quai, ainsi que le recours à de l’hydrogène vert pour certaines mobilités et applications industrielles. Ces pistes ciblent une réduction mesurable des émissions de CO2, la baisse des nuisances sonores et un meilleur ancrage des ports dans une trajectoire de neutralité d’ici 2050.
Ces orientations énergétiques ont aussi une dimension business : elles constituent un avantage compétitif auprès des chargeurs et des compagnies maritimes soucieuses de décarboner leurs chaînes logistiques. À terme, l’attractivité des terminaux bretons dépendra autant de leurs bassins et infrastructures que de leur capacité à proposer des solutions bas-carbone fiables.
Brancher les navires à une alimentation terrestre réduit les émissions locales et le bruit lors des escales. Pour les ports, cela implique des investissements dans les postes de connexion, des adaptations de réseau et des protocoles adaptés aux différentes flottes.
L’enjeu est double : rapidité d’accès à l’énergie et fiabilité pour éviter tout ralentissement d’escale. Cette solution est un marqueur de maturité environnementale des installations.
La définition de zones d’accélération vise à sécuriser un déploiement plus rapide des projets EnR. Pour les ports, cela peut faciliter l’ancrage de filières industrielles liées à l’éolien en mer, à l’hydrogène ou à des solutions de stockage. Résultat attendu : une meilleure visibilité pour les investisseurs et des délais de réalisation plus courts.
Trois profils portuaires complémentaires : des atouts cumulés
La force de la BPSA réside dans la conjugaison d’expertises distinctes et compatibles. Chacun des trois ports fondateurs apporte une spécialité, des flux et des écosystèmes industriels qui, mis bout à bout, constituent une base solide pour un projet à l’échelle de la Bretagne.
Brest : énergies marines et fret lourd
Brest, dans le Finistère, est un hub significatif pour le fret et les énergies marines renouvelables. En 2024, le port a traité environ 3 millions de tonnes de marchandises, avec une orientation stratégique sur l’accueil d’activités liées aux EMR et des trafics industriels. Cette masse critique confère au site un rôle d’entraînement pour l’ensemble de la filière maritime régionale.
Lorient : pêche, agroalimentaire et industrie navale
À Lorient, l’écosystème maritime puise dans la pêche et l’industrie navale, tout en s’appuyant sur une logistique portuaire robuste. Le trafic annuel s’élève à environ 2,5 millions de tonnes. La diversité des activités et la présence d’acteurs industriels structurants renforcent la capacité du port à se projeter sur des marchés exigeants, où qualité des infrastructures et réactivité priment.
Saint-malo : passagers et liaisons vers le royaume-uni
Saint-Malo, en Ille-et-Vilaine, se distingue par son trafic passagers et ses liaisons vers le Royaume-Uni. Le port gère plus de 1 million de tonnes de fret par an, combinant activités touristiques et échanges commerciaux. Cette spécialisation confère à la BPSA un pied fort sur les flux transmanche et une visibilité internationale utile pour la conquête de nouveaux partenaires.
Ces trois profils, publics et privés, s’additionnent pour former un bloc économique structuré. Leur regroupement consolide une offre multi-filières, capable de répondre à des appels d’intérêt variés, de la manutention industrielle lourde à la logistique passagers.
Chiffres de trafic partagés
Ordres de grandeur communiqués pour l’année 2024.
- Brest : environ 3 millions de tonnes.
- Lorient : environ 2,5 millions de tonnes.
- Saint-Malo : plus de 1 million de tonnes.
Ces volumes, associés à des spécialités distinctes, consolidant la portée de la BPSA sur des marchés complémentaires.
Appui régional et cadre public : un alignement utile aux investissements
La Région Bretagne, présidée par Loïg Chesnais-Girard, soutient la BPSA sur la durée. L’alignement des politiques publiques avec les ambitions industrielles et commerciales des ports est un facteur clé de crédibilité. Lors de la conférence bretonne du 30 avril 2025 dédiée à la transition énergétique, les autorités ont rappelé la mobilisation des élus et la nécessité de définir des zones d’accélération des énergies renouvelables, un cadre qui peut fluidifier les décisions d’investissement.
Pour les ports, ce soutien est stratégique à double titre : il facilite la préparation de projets à impact (électrification, innovations de manutention, logistique bas-carbone) et sécurise la visibilité nécessaire pour engager des partenariats industriels de long terme. La disponibilité de foncier portuaire, la qualité de la desserte et la cohérence des feuilles de route énergétiques deviennent des arguments supplémentaires pour convaincre des opérateurs internationaux.
Le rôle des collectivités s’exprime aussi par l’accompagnement des actions de promotion à l’étranger. Une parole publique claire, des priorités stables et un pilotage partagé réduisent l’incertitude pour les investisseurs et consolident l’image d’un territoire en ordre de marche.
Cap 2026 : élargissement prévu à roscoff et au légué
L’alliance n’a pas vocation à rester figée. En 2026, la BPSA a prévu de s’ouvrir à d’autres sites bretons, Roscoff et Le Légué. Ce mouvement permettra d’augmenter la densité du maillage portuaire et de proposer un spectre de services encore plus étendu, au bénéfice des clients et des filières.
Roscoff, port de ferries vers l’Irlande et l’Angleterre, traite environ 500 000 tonnes de fret par an. Son positionnement transmanche renforce la connectivité régionale et complète l’offre de Saint-Malo.
Le Légué, à Saint-Brieuc, concentre des trafics de vrac et de matériaux de construction, un volume plus modeste mais d’importance territoriale pour l’approvisionnement et les chantiers locaux. Leur intégration visée en 2026 constituerait un prolongement logique de la dynamique de mutualisation.
Associer des ports de gabarits variés renforce la résilience et la capacité d’adaptation. Les sites à plus petit trafic offrent de la flexibilité foncière, des créneaux d’accueil et une proximité fine avec les bassins économiques locaux, tandis que les hubs majeurs portent la masse critique, les volumes et la notoriété. Ensemble, ils optimisent les flux et les coûts.
Effets économiques attendus : économies d’échelle et crédibilité renforcée
Les achats groupés et la coordination des projets sont au cœur des retombées économiques attendues. Les premiers scénarios évoquent des économies d’échelle de plusieurs millions d’euros par an grâce à la mutualisation des commandes et des services partagés (Le Marin). Ces gains peuvent être réinvestis dans les infrastructures, l’innovation ou la réduction des coûts pour les clients, alimentant ainsi un cercle vertueux de compétitivité.
La BPSA s’inscrit aussi dans la trajectoire nationale de neutralité carbone à l’horizon 2050. Le positionnement proactif des ports bretons en matière de décarbonation répond à une demande croissante des chargeurs et compagnies maritimes, et constitue un facteur de différenciation tangible dans les appels d’intérêt privés. En parallèle, il conforte la légitimité de la Bretagne à accueillir des segments industriels liés aux énergies renouvelables.
Au plan opérationnel, la standardisation de certaines pratiques entre les membres de la BPSA doit réduire les frictions inter-sites, simplifier les montées en charge et favoriser les solutions interopérables pour les clients. L’alignement sur des référentiels communs est un levier sous-estimé d’efficacité, notamment sur la sûreté, la maintenance ou la digitalisation des processus.
Neutralité carbone : implications concrètes pour les ports
Au-delà de l’affichage, les ports traduisent la neutralité carbone en chantiers précis.
- Équipements : électrification des engins de manutention et de la servitude portuaire lorsque pertinent.
- Énergies : production ou achat d’électricité renouvelable, intégration de l’hydrogène vert pour des usages ciblés.
- Procédures : optimisation des temps d’escale et fluidification des opérations pour réduire la consommation.
Ces leviers cumulatifs créent des gains mesurables sur les émissions et sur les coûts d’exploitation, à condition d’une trajectoire d’investissements lisible et continue.
Gains sectoriels et effets d’entraînement pour les entreprises locales
La BPSA est susceptible de produire des effets d’entraînement sur le tissu économique breton. Les chantiers de décarbonation et l’augmentation de l’activité internationale devraient mobiliser les fournisseurs locaux de services portuaires, d’ingénierie, d’énergie et de maintenance. L’écosystème maritime pourrait ainsi bénéficier de commandes plus régulières et d’une visibilité renforcée.
Cette dynamique encourage l’expérimentation et l’innovation : équipements plus sobres, solutions de suivi des flux, intégration d’outils numériques. La capacité à transformer des pilotes en projets à l’échelle dépendra de la coordination au sein du GIE et du soutien public. Pour les entreprises, l’alliance peut représenter un tremplin, avec un accès facilité à des références clés et à des volumes consolidés.
Enfin, l’alliance porte un message clair aux investisseurs : la Bretagne maritime se positionne comme un territoire de projets, aligné sur les attentes environnementales et sur les standards d’efficacité recherchés par les filières internationales.
Brest : effet levier pour les énergies marines
Avec ses infrastructures et ses savoir-faire, Brest constitue un point d’appui pour des projets liés aux énergies marines renouvelables. La BPSA peut amplifier cet effet en fluidifiant l’amont et l’aval logistique, et en facilitant la mise à disposition de capacités complémentaires chez ses ports partenaires lorsque les cadences l’exigeront.
Lorient : excellence navale et continuité industrielle
Le tissu d’industries navales autour de Lorient, accoutumé à des normes techniques élevées, profite d’un cadre régional qui valorise la qualité d’exécution et la fiabilité. L’alliance favorise la circulation de procédures et de pratiques performantes entre ports, au bénéfice des chaînes de valeur.
Saint-malo : passerelle consolidée vers le royaume-uni
Saint-Malo offre un appui majeur aux flux passagers et au fret transmanche. La coordination BPSA peut contribuer à une montée en gamme des services, en particulier sur les enjeux de décarbonation à quai et d’amélioration de l’expérience client, vecteurs d’attractivité pour les compagnies et les passagers.
Converger sur des messages, préparer des supports communs et mutualiser les budgets salons est un accélérateur. Les ports peuvent ainsi proposer des offres packagées et des points de contact unifiés, tout en redirigeant les demandes vers le site le plus pertinent. Cette centralisation est d’autant plus efficace qu’elle s’appuie sur des données partagées et à jour.
Un pas décisif pour l’économie maritime bretonne
La Bretagne Port Strategic Alliance formalise ce que nombre d’acteurs attendaient : une coopération structurée, à la fois offensive sur l’international et exigeante en matière de transition énergétique. Les premiers effets attendus portent sur la baisse des coûts via les achats mutualisés et sur la création d’une marque commune capable d’attirer des partenaires. L’extension envisagée en 2026 à Roscoff et au Légué élargira l’offre et densifiera le maillage territorial.
Reste l’essentiel : transformer l’essai par des projets concrets, visibles et pérennes, qui consolident la place de la Bretagne dans la chaîne logistique européenne. La cohérence de l’alliance, la constance du soutien régional et la priorité accordée aux solutions bas-carbone seront les trois ressorts de la réussite.
La BPSA s’impose comme un instrument stratégique à la croisée de l’économie portuaire, de la coopération interterritoriale et de la transition énergétique.