À Saverne, la chambre commerciale a tranché le 12 septembre 2025. Velum, spécialiste alsacien de l’éclairage LED pour professionnels, est placée en liquidation judiciaire avec poursuite d’activité très brève. Pour l’écosystème industriel local, la décision résonne comme un signal d’alarme sur les marges des fabricants confrontés à la pression prix et au durcissement des conditions d’approvisionnement.

Liquidation prononcée à saverne: décisions et calendrier

Le tribunal judiciaire de Saverne a prononcé la liquidation judiciaire de Velum, société basée à Bischoffsheim, mettant fin à une procédure de redressement entamée après une cessation des paiements fin 2024. La juridiction a autorisé une poursuite d’activité limitée jusqu’au 19 septembre 2025, afin d’absorber les commandes en cours et d’ordonner la sortie des derniers flux logistiques. L’autorisation vise à préserver la continuité des engagements auprès des clients et à faciliter un arrêt sécurisé des opérations.

Au terme de cette fenêtre très courte, la société est appelée à cesser ses activités opérationnelles, sauf initiative de cession d’actifs ponctuels ordonnée par la juridiction et menée par les organes de la procédure. La décision confirme qu’aucune offre de reprise recevable n’a été retenue, y compris celle portée par les dirigeants. La filière locale de l’éclairage perd ainsi un acteur historique qui employait une soixantaine de salariés.

Ce que prévoit le jugement du 12 septembre 2025

Décision de liquidation, poursuite d’activité très brève et absence de repreneur validé. Points clés:

  • Liquidation judiciaire prononcée par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Saverne.
  • Poursuite d’activité autorisée jusqu’au 19 septembre 2025 pour finaliser les commandes.
  • Pas d’offre de reprise retenue malgré des marques d’intérêt sectorielles.
  • Salariés couverts par le régime de garantie des salaires dans le cadre de la procédure.

Dates confirmées par la presse régionale le jour du jugement (source: L’Alsace, 12 septembre 2025).

Portrait industriel de velum et périmètre du groupe familial

Entreprise familiale fondée il y a un demi-siècle, Velum a bâti sa notoriété sur des solutions d’éclairage LED destinées aux professionnels. L’orientation industrielle assumée dans le Bas-Rhin lui a permis d’outiller des sites tertiaires et industriels via des gammes dédiées aux surfaces de vente, aux ateliers et aux zones logistiques. En 2017, l’entreprise a reçu le label Vitrine de l’Industrie du Futur, une distinction mise en avant pour reconnaître des démarches d’industrialisation, de digitalisation et d’excellence opérationnelle.

À la direction, Anne Vetter-Tifrit et Lionel Tifrit ont pris les commandes en 2012, conduisant des investissements en technologies LED et en procédés industriels. L’objectif: améliorer la compétitivité des gammes, segmenter l’offre par typologies d’usage et accompagner la transition énergétique des clients.

Velum international: trajectoire et innovations

Historiquement, la société a articulé son savoir-faire autour de l’assemblage, du design produit et de l’efficacité énergétique. Les gammes LED, devenues la norme, ont mis l’accent sur la performance lumineuse, la durabilité et la maintenance simplifiée. L’entreprise s’est peu à peu alignée sur les exigences techniques des bâtiments industriels, des retail parks et des plateformes logistiques, zones où la sobriété énergétique est scrutée.

La montée en gamme et la rationalisation des références ont été soutenues par des outils numériques et une culture d’amélioration continue, soutenues par la reconnaissance en 2017. Ce positionnement n’a toutefois pas suffi à amortir les chocs cumulés sur le cash et sur les niveaux de marges observés récemment dans le secteur.

Azuria: périmètre et statut

À côté de Velum, l’activité sœur Azuria exerce dans le thermolaquage. Les informations disponibles indiquent que cette entité n’est pas concernée par la liquidation prononcée pour Velum. L’existence d’un périmètre connexe, mais étanche sur le plan juridique et opérationnel, témoigne d’une logique de spécialisation industrielle: la finition et la protection des surfaces d’un côté, la conception et l’assemblage de luminaires de l’autre.

Le label met en avant des sites industriels français exemplaires par l’intégration de technologies numériques, la robotisation, la data et la montée en compétence des équipes. Être labellisé signifie démontrer un projet de transformation tangible et reproductible. Pour un fabricant de luminaires, cela peut recouvrir la traçabilité des composants, l’optimisation énergétique des postes de test et une gestion fine des séries.

Itinéraire financier: du redressement à la liquidation

Velum a signalé une cessation des paiements en novembre 2024, ouvrant la voie à un redressement judiciaire avec l’ambition d’explorer des options de continuité. Dans l’intervalle, le chiffre d’affaires a reculé et la dette fournisseur a gonflé, atteignant plusieurs millions d’euros selon la presse économique régionale. Les flux de trésorerie ont continué de se tendre, dans un contexte de renégociation des délais et de réduction drastique des niveaux de stocks.

Une audience de septembre 2025 a permis d’examiner les pistes de reprise. Malgré des marques d’intérêt, aucune proposition n’a convaincu la juridiction, ni sur les capacités de financement, ni sur l’ambition industrielle permettant le maintien significatif de l’emploi. La décision de liquidation clôt cette séquence, avec une poursuite d’activité limitée à quelques jours pour sécuriser le retrait des dernières commandes (source: L’Alsace, 12 septembre 2025).

Sur le plan financier, l’équation a cristallisé des tensions courantes dans l’industrie manufacturière: hausse du coût des composants, pression concurrentielle par les produits importés et cycles d’investissement lourds. Lorsque ces variables se combinent à une baisse des volumes et à des délais de paiement clients étirés, les besoins en fonds de roulement deviennent difficiles à absorber sans renfort bancaire ou adossement industriel.

En droit français, une entreprise est en cessation des paiements lorsque son actif disponible ne lui permet plus de faire face à son passif exigible. Cette situation impose au dirigeant de déclarer l’état de cessation des paiements au greffe dans un délai court.

Elle ouvre vers des procédures collectives: sauvegarde, redressement ou liquidation. Le redressement vise la poursuite d’activité et l’apurement du passif, la liquidation organise la cession des actifs et met fin à l’activité, sauf poursuite temporaire autorisée.

Repreneur introuvable et mutations du marché de l’éclairage

Selon les éléments présentés en audience, une dizaine d’acteurs auraient étudié le dossier. Aucun n’a toutefois soumis une offre suffisamment solide pour une reprise partielle ou totale dans un délai compatible avec les contraintes de trésorerie. La proposition portée par les dirigeants n’a pas davantage été retenue, notamment en raison de la difficulté à sécuriser les financements et à préserver un socle industriel significatif dans la région.

Au-delà du cas d’espèce, le marché de l’éclairage professionnel vit une transformation multifactorielle. Les normes d’efficacité énergétique et l’arrêt de la commercialisation de technologies obsolètes ont accéléré la bascule vers la LED.

Pour autant, la concurrence s’est intensifiée, avec une offre internationale très agressive sur les prix et des cycles de renouvellement parfois ralentis chez les clients tertiaires et industriels. Les fabricants français doivent arbitrer entre investissements de différenciation, maîtrise des coûts et profondeur de gamme sur des niches techniques.

Marché de l’éclairage professionnel en mutation

La stratégie gagnante combine généralement design orienté usage, qualité perçue, services d’installation et de maintenance, et capacité à répondre à des appels d’offres multisites. Les acheteurs attendent des luminaires qui conjuguent performance énergétique, durabilité des composants et garantie solide. Dans le même temps, la recherche d’économies budgétaires incite certains donneurs d’ordre à privilégier des produits importés, exerçant une pression additionnelle sur les marges des fabricants intégrés.

Dans un tel contexte, une reprise industrielle exige d’adosser des capitaux et un plan très robuste sur la supply chain, l’achat des composants LED, la logistique et la reconquête commerciale. Sans visibilité sur un volume d’affaires suffisant ni capacité à refinancer la dette, l’équation de la reprise devient délicate.

Pourquoi les importations pèsent sur les fabricants français

Trois facteurs tendent le modèle économique des industriels nationaux de luminaires:

  • Écart de coûts sur certains composants électroniques, difficile à compenser par la seule productivité.
  • Effet volume d’acteurs internationaux capables de produire d’importantes séries à bas coût.
  • Pression sur les prix d’achat dans les appels d’offres, avec des cahiers des charges focalisés sur le coût total, incluant installation et maintenance.

La différenciation passe alors par l’innovation, la qualité de service et la proximité d’exécution.

Le tribunal peut autoriser une activité transitoire en liquidation. L’objectif est de terminer des commandes, éviter des pertes supplémentaires et améliorer les chances de cession d’actifs. La durée est brève et encadrée. Les contrats en cours sont triés en fonction de leur utilité à la procédure, et toute nouvelle commande hors périmètre autorisé est exclue. À l’issue, l’activité s’arrête, sauf cession approuvée par la juridiction.

Emploi local, obligations sociales et impacts pour les clients

La liquidation touche directement environ soixante salariés, aux métiers de production, d’assemblage, de support technique et de fonctions commerciales. Le régime de garantie des salaires prend le relais pour les rémunérations dues et les indemnités liées à la rupture des contrats, dans le cadre prévu par la procédure. Les représentants du personnel et l’étude en charge du dossier coordonnent la remontée des informations individuelles et l’établissement des créances salariales.

Pour l’emploi local, l’équation est complexe. Si des compétences industrielles sont recherchées en Alsace, la reconversion n’est pas immédiate.

Les opérateurs spécialisés en montage de luminaires, en contrôle qualité ou en logistique industrielle peuvent trouver des débouchés, mais la synchronisation entre offres et profils nécessite accompagnement et formation courte. Les acteurs publics et parapublics de l’emploi et de l’industrie pourront soutenir ces transitions via des dispositifs dédiés.

Garantie des salaires AGS: étapes clés

Le dispositif couvre les salaires et indemnités dans la limite des plafonds réglementaires. Parcours type pour les salariés:

  1. Établissement des relevés de créances salariales par le mandataire ou le liquidateur.
  2. Transmission à l’AGS pour prise en charge et financement des montants éligibles.
  3. Versements effectués par l’AGS, puis subrogation dans les droits du salarié contre l’entreprise.

Ce mécanisme limite les ruptures de revenus et sécurise la clôture des contrats de travail en procédure collective.

Répercussions sur les donneurs d’ordre et fournisseurs

Les clients professionnels doivent composer avec des délais de livraison raccourcis au regard de la poursuite d’activité limitée. Les marchés en cours non couverts par l’autorisation de poursuite peuvent être interrompus.

En SAV, le traitement des garanties contractuelles dépendra des décisions prises par le liquidateur et des stocks disponibles. Les maîtres d’ouvrage et intégrateurs devront, si nécessaire, requalifier des produits compatibles pour tenir leurs propres échéances.

Côté fournisseurs, la procédure entraîne la déclaration des créances et le gel des poursuites individuelles. Les partenaires logistiques et de composants devront arbitrer entre recherche d’une cession d’actifs permettant de sauver des volumes futurs et constat de pertes sur les créances existantes. Pour l’écosystème local, la fermeture d’un site industriel a aussi un effet d’entraînement sur les sous-traitants de proximité.

Ce que les dirigeants de pme peuvent retenir de l’affaire velum

La trajectoire de Velum rappelle la fragilité d’un modèle manufacturier quand la trésorerie se tend sous l’effet combiné de la baisse des volumes et du renchérissement des composants. Plusieurs enseignements se dégagent pour les dirigeants de PME industrielles familiales.

  • Anticiper les besoins en fonds de roulement lors des changements de gamme et des pics d’achat de composants. Un plan de financement court terme adossé à des prévisions commerciales robustes devient stratégique.
  • Segmenter les offres vers des niches techniques moins sensibles à la guerre des prix et misant sur des fonctionnalités différenciantes: maintenance, capteurs, intégration smart building.
  • Structurer des partenariats d’achats pour mutualiser les volumes, sécuriser la qualité et lisser les coûts d’approvisionnement.
  • Consolider la gouvernance financière: pilotage par le cash, seuils d’alerte, comités risques fournisseurs et clients.
  • Recourir tôt aux outils de prévention pour éviter la bascule en cessation des paiements quand les marges se referment.

La question du repreneur illustre aussi l’arbitrage délicat entre maintien industriel local et viabilité économique. Une offre crédible exige des fonds propres, une feuille de route commerciale et un plan industriel précis sur le sourcing des composants critiques.

Plusieurs dispositifs existent en droit français pour traiter les difficultés en amont:

  • Mandat ad hoc et conciliation: cadre confidentiel pour renégocier dettes et délais avec les principaux créanciers.
  • Sauvegarde: procédure collective préventive pour réorganiser la dette sans être en cessation des paiements.
  • Revue des contrats clés: clauses de pénalité, indexation matière, révision des prix et calendarisation des appels d’offres.
  • Plans de désendettement: cession d’actifs non stratégiques, réduction du besoin en stocks, factoring adapté aux cycles.

Activés tôt, ces leviers peuvent rouvrir la fenêtre de négociation et éviter le point de non-retour.

Enfin, l’existence d’une activité sœur non concernée, comme Azuria, montre l’intérêt d’une organisation par périmètres juridiques distincts. Si elle ne protège pas des difficultés économiques sur le cœur d’activité, elle peut circonscrire les risques et pérenniser des compétences adjacentes dans la région.

Et maintenant pour l’écosystème alsacien

La liquidation de Velum met fin à un pan de l’histoire industrielle locale, tout en posant une question de fond: comment ancrer des capacités industrielles dans des segments où les importations pèsent lourd, sans renoncer à la qualité et à l’innovation. La réponse passera par des regroupements d’acteurs, de la mutualisation d’achats, de l’ingénierie financière et la capacité à apporter des services différenciants à valeur ajoutée près des sites clients.

Si l’activité de thermolaquage d’Azuria se poursuit, la désindustrialisation partielle qu’implique la fermeture d’un fabricant de luminaires appelle des initiatives de reconversion et de requalification rapides. L’enjeu consiste à préserver des compétences rares et à réaffecter des savoir-faire vers des chaînes de valeur compatibles avec la transition énergétique. Pour l’Alsace, la page Velum se tourne, mais le chapitre des industries sobres en énergie reste à écrire collectivement.