À Saint-Pierre-en-Auge, Snec officialise la fermeture de Cibem et met fin à plus d’un siècle d’emballage en bois pour les fromages normands. L’annonce, faite le 30 septembre 2025, touche 104 salariés et rebat les cartes d’une filière locale intimement liée au camembert, au coulommier et au pont-l’évêque. Le groupe invoque une compétitivité dégradée et une chute des commandes.

Fermeture annoncée par Snec : un site centenaire s’arrête

La Société Nouvelle d’Emballages et de Conditionnement (Snec), filiale de Lactalis, a présenté son projet de fermeture du site Cibem à Saint-Pierre-en-Auge, dans le Calvados. L’information a été communiquée aux salariés lors d’une réunion interne le 30 septembre 2025. L’usine, spécialisée dans la fabrication de boîtes en bois de peuplier destinées aux fromages normands, emploie 104 personnes et constitue l’un des piliers économiques de la commune.

Selon les éléments communiqués localement, aucune date de cessation d’activité n’est arrêtée. La piste d’une fin d’activité au premier semestre 2026 est évoquée. La direction de Snec a indiqué vouloir accompagner les équipes, avec des possibilités de reclassement dans le département du Calvados.

Cibem et Snec : chiffres à retenir

Les données clés qui structurent le dossier :

  • 104 salariés sur le site de Saint-Pierre-en-Auge.
  • Annonce de fermeture le 30 septembre 2025.
  • Investissements cumulés de 25 millions d’euros depuis 2012 sur un site de 60 000 m² dont 30 000 m² couverts.
  • Lactalis : chiffre d’affaires 2024 à 30,3 milliards d’euros et 85 500 collaborateurs.
  • Snec : siège à Saint-Pierre-en-Auge, plus de 33 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2024.

Cibem : 140 ans d’emballage bois au service des fromages normands

Fondée en 1885, Cibem s’est développée au cœur du bassin laitier normand, à proximité d’aires fromagères historiques comme Livarot et Cambremer. Le savoir-faire du site s’est construit autour de la production de boîtes en peuplier, agrafées ou collées, destinées à protéger et valoriser les fromages régionaux. L’esthétique et les qualités mécaniques de ces boîtes ont longtemps accompagné l’image des appellations phares, notamment le camembert, dont l’AOC a été reconnue en 1983.

L’usine a intégré Snec en 2011, elle-même filiale de Lactalis. Cette intégration a permis des synergies commerciales et industrielles avec un groupe mondial disposant de multiples sites de production. Malgré des injections de capitaux régulières, l’activité d’emballage bois n’a pas retrouvé une rentabilité durable, conduisant à l’annonce de fermeture.

Le peuplier est prisé pour ses fibres légères, sa facilité d’usinage et sa stabilité une fois séché. En emballage fromager, il protège le produit tout en laissant une respiration homogène.

Les contraintes portent surtout sur l’approvisionnement de qualité, la constance des tolérances dimensionnelles et l’optimisation des chutes. La montée en gamme requiert un tri renforcé et des contrôles visuels systématiques.

Lactalis : périmètre et chiffres 2024

Groupe laitier d’envergure mondiale, Lactalis affiche un chiffre d’affaires consolidé de 30,3 milliards d’euros en 2024 et 85 500 salariés. Il dispose de plus de 270 sites de production. Cibem s’insérait dans cet écosystème comme fournisseur d’emballages bois, avec un ancrage normand historique au service des marques et des appellations fromagères.

Snec à Montmoreau : complémentarités industrielles

Snec opère un second site, la Société Nouvelle Balluteaud, à Montmoreau en Charente, où sont fabriqués des emballages en carton pour fromages, spiritueux, produits de santé et présentoirs. Cette unité, d’environ 100 salariés, prend aussi en charge l’impression d’étiquettes, y compris pour les boîtes bois produites chez Cibem. La fermeture du site normand rebat donc la carte des flux internes pour l’activité étiquettes et l’offre globale d’emballages de Snec.

Impacts chiffrés sur l’emploi en 2025

Avec 104 emplois en jeu, Cibem est le deuxième employeur privé de Saint-Pierre-en-Auge, commune d’environ 7 300 habitants. Les options professionnelles alternatives restent limitées dans cette zone rurale à dominante agroalimentaire.

Au niveau régional, la Normandie compte autour de 1,3 million d’emplois et un taux de chômage de 7,2 % au deuxième trimestre 2025 (INSEE). Dans le Calvados, l’industrie agroalimentaire pèse près de 15 % des emplois industriels, ce qui renforce la sensibilité du territoire aux à-coups industriels.

Des réactions sociales vives ont été relayées par la presse régionale à la suite de la réunion du 30 septembre 2025. L’attente porte désormais sur les modalités de reclassement et les dispositifs d’accompagnement qui seront présentés aux équipes.

Métriques Valeur Évolution
Salariés Cibem 104 n.c.
Habitants de Saint-Pierre-en-Auge 7 300 environ n.c.
Investissements cumulés sur le site depuis 2012 25 M€ n.c.
Surface du site 60 000 m² (30 000 m² couverts) n.c.
Chiffre d’affaires Lactalis 2024 30,3 Md€ n.c.
Effectifs Lactalis 85 500 n.c.
Chiffre d’affaires Snec 2024 33 M€+ n.c.
Période potentielle de fin d’activité 1er semestre 2026 (à confirmer) n.c.

Jérémie Patrier-Leitus : engagement de reclassement en CDI

Le député de la circonscription, Jérémie Patrier-Leitus (Horizons), a indiqué que la direction de Snec s’engage à proposer un CDI dans le Calvados à chacun des salariés concernés. Cet engagement sera un point de vigilance dans le dialogue social à venir et dans l’architecture du plan d’accompagnement.

Raisons économiques invoquées par Snec

Snec met en avant une perte de compétitivité et une baisse continue des commandes pour motiver la fermeture. Malgré des investissements de 25 millions d’euros depuis 2012 pour moderniser l’outil de production, la rentabilité n’a pas été restaurée, selon des reprises médiatiques des éléments de la direction. Le site, d’une surface de 60 000 m² dont la moitié couverte, n’a pas réussi à absorber les coûts fixes et à compenser l’usure d’un outil industriel ancien.

François Aubey, président de la communauté d’agglomération Lisieux Normandie, a pointé le vieillissement de l’équipement, malgré les enveloppes d’investissement déployées. La presse régionale rapporte une situation déficitaire persistante qui a accéléré la décision.

Quand les volumes se contractent, l’usine subit un effet de ciseaux entre des coûts fixes élevés et des prix de vente sous pression. Dans l’emballage bois, les marges dépendent des taux de rebuts, de la vitesse de ligne et de la capacité d’optimiser les séries. Une commande plus fragmentée ou plus irrégulière renchérit mécaniquement le coût unitaire.

Chaîne de valeur fromagère et logistique : conséquences opérationnelles

La fermeture de Cibem contraint Snec et Lactalis à réorganiser l’approvisionnement en boîtes bois. Des transferts vers d’autres fournisseurs pourraient générer un surcoût logistique et des délais supplémentaires, le temps d’aligner les specifications et les volumétries. Pour les fromages normands, un changement d’emballage peut aussi poser des questions d’image de marque et de perception consommateurs.

À court terme, les industriels devront sécuriser les flux d’étiquettes déjà gérés par le site de Montmoreau et ajuster les plans de production. À moyen terme, l’arbitrage entre bois et carton pourrait évoluer. La bascule vers des solutions carton, déjà présentes chez Snec, est perçue comme une piste, dans un contexte de préférence croissante pour des emballages perçus comme durables, sans que cela efface l’attachement culturel à la boîte bois dans l’univers du camembert.

AOC et identité produit : la place de l’emballage

La renommée du camembert et des fromages normands s’est construite avec la boîte ronde en bois, devenue signe de reconnaissance. Si l’AOC Camembert est en vigueur depuis 1983, l’emballage participe surtout au positionnement marketing et à l’expérience client. Un changement de matériau peut influer sur la perception, sans équivaloir à une modification de recette ou de cahier des charges produit.

Le carton permet un design imprimé plus poussé, des délais de mise en œuvre souvent plus courts et des formats personnalisables finement. Le bois conserve un avantage d’ancrage patrimonial et une présence en rayon distinctive. Les décisions s’appuient sur des critères multi-facteurs : coûts complets, empreinte logistique, disponibilité matières, attentes des enseignes et cohérence de marque.

Cadre public et options de reconversion industrielle

La fermeture de Cibem intervient dans une Normandie industrielle qui, en 2025, montre des indicateurs mitigés sur l’emploi. Pour la commune, les effets pourraient se matérialiser via un recul des recettes économiques locales et une pression accrue sur l’accompagnement social.

Des initiatives nationales existent pour soutenir le rebond productif, comme France 2030 et le dispositif Première Usine, qui ont retenu de nouveaux lauréats en 2025. À ce stade, aucune reconversion spécifique n’est confirmée pour le site de Saint-Pierre-en-Auge.

Sur la valeur ajoutée territoriale, des analyses relatives à des fermetures similaires évoquent des pertes annuelles de 2 à 5 millions d’euros, selon des estimations mentionnées dans des communications publiques. L’amplitude exacte dépend toutefois de la rapidité des reclassements, de l’arrivée de nouveaux projets et du maintien des sous-traitances locales.

Ces dispositifs visent à accélérer l’industrialisation de technologies et à soutenir les sites productifs ancrés dans les territoires. Ils peuvent financer des phases de montée en cadence, des équipements et l’innovation de procédés. Pour Saint-Pierre-en-Auge, la pertinence dépendra d’un projet industriel crédible, de la capacité à mobiliser un écosystème et d’un calendrier d’exécution compatible avec les besoins de l’emploi local.

Saint-Pierre-en-Auge : dépendance à l’emploi privé

La commune, où Cibem figure parmi les premiers employeurs privés, risque d’affronter une période de transition marquée par une baisse d’activité commerciale et des besoins d’accompagnement social. D’un point de vue financier, les contributions économiques locales liées à l’activité industrielle pourraient reculer, ce qui pèse sur la marge de manœuvre des acteurs publics pour soutenir la revitalisation.

Dans le bassin, quelques pistes existent : diversification agroalimentaire, procédés d’emballage innovants, valorisation des savoir-faire bois via des niches à plus forte valeur. Selon des retours d’expérience relayés par des collectivités, les projets verts et touristiques spécialisés peuvent recréer de l’emploi, parfois jusqu’à quelques dizaines de postes, sous réserve de portage économique solide.

Réactions sociales et enjeux de transition pour les salariés

Les témoignages repris par les médias régionaux décrivent un choc social chez les équipes, informées du projet de fermeture lors de la réunion du 30 septembre 2025. Pour les salariés, l’enjeu porte sur la capacité à obtenir des mesures d’accompagnement renforcées et à bénéficier d’un reclassement pérenne dans le département, comme annoncé. Les représentants locaux ont appelé à un dialogue structuré sur un éventuel plan de sauvegarde de l’emploi renforcé.

La trajectoire d’accompagnement pourra inclure des mobilités internes au périmètre Lactalis et des parcours de formation pour les salariés qui la souhaitent. Les acteurs publics et les élus auront, de leur côté, un rôle à jouer pour faciliter la coordination entre entreprises, organismes de formation et guichets de soutien.

Dans ce type de dossier, trois éléments conditionnent l’efficacité des mesures :

  • Temporalité : anticiper les parcours et éviter les ruptures de revenu, avec un suivi individualisé.
  • Passerelles métiers : identifier les compétences transférables vers des secteurs en tension dans le Calvados.
  • Revitalisation du site : engager tôt la réflexion foncière et énergétique pour accueillir un repreneur ou un nouveau projet.

Après Cibem, quelles transitions pour le bassin laitier normand

La fermeture de Cibem actera la fin d’une activité emblématique, mais ouvre aussi un chantier de requalification industrielle. Les annonces de reclassement en CDI constituent un point d’appui pour limiter la casse sociale. L’enjeu, désormais, est d’orchestrer un rebond local cohérent avec l’ADN du territoire, entre agroalimentaire, emballage et tourisme de savoir-faire.

Le calendrier de mise en œuvre et la concrétisation des engagements seront déterminants pour juger de la capacité du territoire à transformer ce choc en trajectoire de reconversion utile et durable.