En douze heures, Matignon a basculé. Le 6 octobre 2025 au matin, Sébastien Lecornu a remis sa démission à Emmanuel Macron, acceptée par le chef de l’État. Nommé Premier ministre le 10 septembre, il avait dévoilé la composition de son équipe le 5 octobre. La surprise politique est totale et l’impact financier, immédiat.

Choc institutionnel à Matignon : la démission de Sébastien Lecornu

Moins d’un mois après sa nomination, Sébastien Lecornu quitte ses fonctions de Premier ministre. Sa démission, acceptée par le président de la République, intervient au lendemain de l’annonce officielle de la composition de son gouvernement. En pratique, cette décision provoque la chute simultanée de l’ensemble de l’équipe ministérielle.

Le calendrier, resserré à l’extrême, illustre la fragilité politique du moment. Le 10 septembre 2025, la passation de pouvoir avec François Bayrou avait fixé un cap de stabilisation. Le 5 octobre, l’exécutif faisait connaître les noms des ministres. Le 6 octobre, tout est remis en question. Il s’agit du troisième changement à la tête du gouvernement en moins d’un an, un rythme inédit qui nourrit l’incertitude institutionnelle.

Les raisons précises de ce départ n’ont pas été détaillées. Des divergences sur la ligne économique ou des tensions de gouvernance ont pu jouer, sans confirmation publique à ce stade. À court terme, le signal envoyé aux investisseurs est clair: le risque politique domestique monte d’un cran et la visibilité budgétaire se réduit.

En droit constitutionnel français, la démission du Premier ministre entraîne celle du gouvernement. Le président peut alors nommer un nouveau chef du gouvernement, qui proposera une équipe ministérielle. Dans l’intervalle, le pouvoir exécutif expédie les affaires courantes et s’abstient des décisions engageant l’État sur le long terme.

Données de référence validées

Dates clés et faits confirmés: nomination le 10 septembre 2025, composition du gouvernement annoncée le 5 octobre 2025, démission acceptée le 6 octobre 2025. La démission implique la fin des fonctions des ministres nommés la veille.

Marchés boursiers sous pression : le CAC 40 décroche

À l’ouverture de la séance du 6 octobre, le CAC 40 recule de 1,73 % à 7 941,42 points. Le mouvement s’amplifie vers 10h30, avec une baisse approchant les 2 %.

Les financières mènent la baisse: Société Générale lâche 7,5 %, BNP Paribas cède 5,9 % et Crédit Agricole recule de 5,6 %. L’ensemble dégrade mécaniquement la performance de l’indice, compte tenu du poids des bancaires dans la cote parisienne (données de marché du 6 octobre 2025, source: Boursorama).

Cette réaction est typique d’un choc politique affectant la lisibilité macroéconomique. Les investisseurs revalorisent à la hausse la prime de risque locale, réduisent l’exposition aux actifs cycliques et arbitrent vers des segments défensifs ou vers la trésorerie. La fuite vers des valeurs refuges touche simultanément l’Euro et le marché obligataire, signal d’une volatilité systémique plutôt que sectorielle.

Métriques Valeur Évolution
CAC 40 (début de séance) 7 941,42 points -1,73 %
Euro contre dollar 1,166 USD -0,67 %
OAT 10 ans 3,57 % +6 pb (pics à +10 pb)
Spread OAT-Bund 87 pb Élargissement
Société Générale Variation journalière -7,5 %
BNP Paribas Variation journalière -5,9 %
Crédit Agricole Variation journalière -5,6 %

BNP Paribas et Société Générale : exposition au CAC 40

La baisse concentrée sur les bancaires reflète la sensibilité du secteur aux stress de liquidité et de spreads souverains. Un élargissement de la prime de risque sur la dette française pèse sur le coût de financement des banques, dégrade les valorisations de portefeuilles obligataires et appelle des révisions de primes de risque dans les modèles de valorisation. Par construction, les indices pondérés par la capitalisation subissent un effet multiplicateur.

Crédit Agricole : dynamique des revenus et prime de risque

Pour Crédit Agricole, la réaction de marché signale un ajustement prudent sur la trajectoire de revenus liés aux marchés et au crédit. Les investisseurs intègrent un risque d’atonie des volumes ainsi qu’un renchérissement de la ressource, le tout dans un environnement politique moins lisible. La mécanique est classique dans les épisodes d’instabilité courte.

Lecture instantanée : 4 signaux de stress à surveiller

  1. Amplitude intraday sur le CAC 40 supérieure à 2 %.
  2. Sous-performance bancaire par rapport à l’indice agrégé.
  3. Élargissement du spread OAT-Bund, indicateur de prime de risque souveraine.
  4. Affaiblissement de l’Euro au profit du dollar, valeur refuge.

Euro, dettes et spreads : l’effet immédiat sur la courbe française

La turbulence politique ne s’arrête pas aux actions. L’Euro recule à 1,166 dollar en milieu de matinée, illustrant un arbitrage vers le billet vert, valeur refuge en phase d’aversion au risque. Cette glissade renforce les inquiétudes sur le coût des importations libellées en dollars, notamment l’énergie et certaines matières premières, avec un risque inflationniste importé.

Sur les taux, le bilan est tout aussi net. Le rendement de l’OAT à 10 ans grimpe à 3,57 %, soit +6 points de base, avec des pointes à +10 pb observées en séance.

Le spread avec le Bund allemand se tend à 87 pb. Fait notable, la rémunération de la dette française a temporairement dépassé celle de l’Italie en cours de séance, un renversement rare qui signale une prime de risque française en surchauffe (référence publique: Franceinfo, 6 octobre 2025).

Ces mouvements montrent comment la chaîne de financement se réajuste en quelques heures: re-pricing de la dette souveraine, tension du coût du capital, revalorisation du risque de change. Les investisseurs scrutent trois variables: stabilité politique, trajectoire budgétaire, calendrier de nomination.

Le spread OAT-Bund mesure l’écart de rendement entre la dette française et la référence allemande, considérée comme la plus sûre de la zone euro. Un spread qui s’élargit indique une prime de risque accrue sur la signature française. Il influence le coût de financement de l’État et, par ricochet, celui des entreprises et des banques.

Lecture de marché : hiérarchie intra-zone et prime de risque

Le passage temporaire de l’OAT au-dessus du BTP italien, mentionné en séance, traduit une reconfiguration intraday de la hiérarchie de risque en zone euro. Ce type d’événement est rare et envoie un signal: à information politique limitée, les algorithmes et les gérants réduisent mécaniquement l’exposition aux signatures perçues comme volatiles. Le retour à l’équilibre dépendra des annonces institutionnelles et de la vitesse de constitution d’un nouvel exécutif.

Effets d’un Euro plus faible pour les entreprises françaises

  • Importations renchéries pour l’énergie et les matières premières libellées en dollars.
  • Effet prix favorable pour les exportateurs facturant en Euro avec coût de revient domestique.
  • Couvertures de change plus coûteuses si la volatilité FX augmente.

Gouvernance et calendrier politique : scénarios à court terme

Sur le plan institutionnel, l’Élysée a confirmé l’acceptation de la démission du Premier ministre. Aucune feuille de route publique n’a été détaillée quant aux étapes suivantes.

Des observateurs évoquent l’hypothèse d’une dissolution de l’Assemblée nationale, mais aucune décision n’est annoncée à ce stade. La priorité immédiate consiste à restaurer un exécutif opérationnel et à rétablir la clarté pour les acteurs économiques.

Le Parlement entre dans une période budgétaire sensible. Selon les experts cités publiquement, la remontée des taux d’emprunt peut alourdir la charge de la dette et contraindre la négociation des finances 2025-2026. D’où l’enjeu d’un calendrier rapide et lisible: c’est l’attente numéro un des marchés.

Entre la démission d’un gouvernement et la nomination du suivant, l’exécutif gère les affaires courantes. La règle non écrite est la retenue: pas d’engagements durables ni de réformes structurelles majeures. Ce cadre vise à assurer la continuité de l’État sans verrouiller l’action du prochain gouvernement.

Budget 2025 : zones de vigilance pour les entreprises

  • Calendrier d’examen et d’adoption potentiellement perturbé par le tempo politique.
  • Crédibilité budgétaire à maintenir pour contenir les spreads souverains.
  • Visibilité fiscale indispensable pour les décisions d’investissement de fin d’année.

Effets microéconomiques pour les entreprises et l’investissement

Au-delà des courbes de prix, la question est celle de l’économie réelle. Une phase d’instabilité institutionnelle se traduit souvent par un attentisme des comités d’investissement, des fenêtres de marché plus resserrées pour les émissions obligataires et une hausse du coût du capital. Le régulateur de marché rappelle que les épisodes de forte volatilité renchérissent les levées de fonds, en particulier pour les signatures intermédiaires.

Le choc de séance pèse sur la capitalisation des grands groupes du CAC 40, un indice où cohabitent valeurs de luxe, énergie et financières. À court terme, les multiples de valorisation intègrent une prime d’incertitude. Les acteurs très exposés au cycle domestique ajustent leur guidance interne, sans nécessairement communiquer immédiatement au marché.

LVMH et TotalEnergies : poids dans l’indice

Des groupes comme LVMH et TotalEnergies, par leur taille, influencent mécaniquement l’indice. Si la session du jour s’explique par un facteur politique, la réaction sectorielle varie: l’énergie peut bénéficier d’une couverture naturelle contre l’inflation importée quand les valeurs de consommation discrétionnaire restent plus sensibles à la confiance et aux effets de change.

Banques et PME : tuyauterie du crédit en vigilance

La baisse des bancaires n’est pas qu’un signal boursier. Elle peut se traduire par un resserrement prudent des critères de crédit si la tension sur les spreads souverains s’installe. Pour les PME, cela signifie potentiellement des marges financières en hausse et des délais d’instruction plus longs. Les grandes entreprises, elles, arbitrent entre EMTN, placements privés et banques.

Pour l’écosystème innovant, la visibilité sur les dispositifs fiscaux, en particulier le crédit d’impôt recherche, est déterminante. La programmation pluriannuelle réduit l’incertitude des flux et aligne les cycles de R&D sur les échéances de financement. En période politique chahutée, la stabilité des dispositifs devient un ancrage opérationnel.

Le programme France 2030, doté de 54 milliards d’euros, constitue un autre pilier d’attractivité. Dans le court terme, l’enjeu n’est pas de le réécrire, mais de préserver la lisibilité des appels à projets et l’alignement des financements pour éviter un trou d’air sur les investissements technologiques. Les arbitrages se feront à la lumière du futur cap gouvernemental.

Bon à savoir : 6 points de base sur l’OAT 10 ans, que signifie ce mouvement

  • Hausse du taux sans risque domestique utilisé dans les modèles d’actualisation.
  • Coût de la dette publique potentiellement plus élevé sur les nouvelles émissions.
  • Effet d’entraînement sur les spreads corporates libellés en Euro.

Ce que surveillent les investisseurs dans les prochaines 48 heures

La séquence à venir sera scrutée à la loupe. Les gérants attendent un signal de stabilisation sur la gouvernance: nomination, périmètre ministériel, cap budgétaire. Un enchaînement rapide d’annonces pourrait réduire la prime de risque et ramener les spreads vers leurs niveaux récents. À défaut, la volatilité pourrait perdurer, avec un biais de prudence sur les financières.

En toile de fond, l’économie française reste résiliente mais sensible à la trajectoire des taux et à la confiance. Les prochaines communications officielles de l’Élysée et du gouvernement sortant seront déterminantes pour fixer le tempo du marché et le moral des entreprises. La visibilité politique redevient, plus que jamais, l’alpha de court terme.