Un tournant inattendu pour l'économie française

En 2024, le commerce extérieur s'impose comme un pilier essentiel de la croissance française, surpassant les attentes.

Alors que la consommation intérieure peine à décoller, les exportations, notamment dans le secteur aéronautique, ont permis de compenser les faiblesses de la demande domestique.

Cette dynamique soulève des questions sur la durabilité de cette tendance et sur les moteurs de croissance à venir.

Le commerce extérieur : un moteur de croissance inattendu

Depuis trois trimestres, le commerce extérieur est devenu le principal moteur de la croissance en France. Selon les données de l'Insee, la hausse du PIB pour 2024 est estimée à 1,1 %, dont 0,9 % provient uniquement du commerce extérieur. Ce phénomène est particulièrement remarquable pour un pays qui a longtemps lutté contre des déficits commerciaux importants.

Les exportations françaises ont connu une progression significative, avec une augmentation de 1,9 % selon la Banque de France, tandis que les importations ont chuté de 1,7 %.

Cette amélioration a permis de réduire le déficit commercial, qui s'établit à 82 milliards d'euros sur les douze mois se terminant en août 2024, contre 100 milliards d'euros en 2023.

L'aéronautique : le secteur phare des exportations

Le secteur aéronautique a été le principal moteur de cette dynamique. Après une période de stagnation durant la pandémie, les livraisons d'avions et de bateaux de croisière ont redémarré, soutenues par des carnets de commandes bien remplis chez Airbus et ses sous-traitants. Ce rattrapage a permis de compenser les pertes subies pendant la crise sanitaire.

Malgré ce regain d'activité, des défis persistent. Dorian Roucher, chef du département conjoncture de l'Insee, souligne que les entreprises aéronautiques n'ont pas encore retrouvé leur niveau de production d'avant-crise. Les contraintes d'offre, notamment les difficultés d'Airbus à maintenir ses cadences de production, continuent de peser sur le secteur.

Le déficit commercial se produit lorsque la valeur des importations d'un pays dépasse celle de ses exportations. Cela peut indiquer une dépendance accrue à l'égard des biens et services étrangers et peut avoir des implications sur la balance des paiements d'un pays.

Un avenir incertain pour le commerce extérieur

Les prévisions de la Banque de France pour 2025 et 2026 ne sont pas optimistes. Elle anticipe une contribution nulle du commerce extérieur à la croissance, avec une hausse des exportations qui sera compensée par une augmentation des importations. Ce retournement pourrait signifier que la dynamique actuelle est temporaire.

La consommation intérieure : un frein à la croissance

Alors que le commerce extérieur prend de l'ampleur, la demande intérieure reste atone. Les prévisions de la Banque de France pour 2025 indiquent une croissance du PIB de seulement 1,2 %, suivie de 1,5 % en 2026. Les coupes budgétaires prévues dans le prochain budget pourraient également freiner les dépenses publiques, qui ont été un moteur essentiel de la demande intérieure cette année.

La consommation des ménages, traditionnellement un pilier de l'économie française, montre des signes de faiblesse.

Malgré une baisse de l'inflation plus rapide que prévu, la reprise de la consommation se fait attendre. À la fin de l'année, l'Insee prévoit une inflation à 1,6 %, mais la consommation alimentaire a continué de reculer au troisième trimestre. Les ménages, de leur côté, augmentent leur taux d'épargne à des niveaux historiques, ce qui témoigne d'une certaine prudence face à l'incertitude économique.

Bon à savoir

Les ménages français, malgré une baisse de l'inflation, restent préoccupés par l'évolution des prix, ce qui influence leur comportement de consommation et leur propension à épargner.

Un léger espoir pour la consommation alimentaire

Malgré ces défis, des signes d'amélioration se dessinent. Les industriels de l'agroalimentaire signalent un regarnissage de leurs carnets de commandes, ce qui pourrait indiquer un petit sursaut de la consommation alimentaire des ménages.

De plus, la meilleure tenue de l'emploi prévue par la Banque de France pourrait inciter les ménages à dépenser davantage et à réduire leur taux d'épargne.

Investissement des entreprises : un frein à la croissance

Un autre facteur préoccupant est la déprime de l'investissement des entreprises. L'Insee a noté que le moral des fabricants de biens d'équipement est au plus bas depuis la pandémie. Les entreprises semblent hésiter à investir, ce qui pourrait freiner la croissance à long terme.

La baisse des taux d'intérêt, confirmée par la Banque centrale européenne en septembre, pourrait cependant inverser cette tendance. Les entreprises pourraient être incitées à investir à nouveau, ce qui serait un signe positif pour l'économie française.

Perspectives de croissance : un chemin semé d'embûches

Les perspectives de croissance pour les années à venir restent incertaines. La Banque de France prévoit une croissance modeste, avec des défis persistants du côté de la consommation et de l'investissement. Les coupes budgétaires et la prudence des ménages pourraient continuer à peser sur la dynamique économique.

Il est essentiel pour les décideurs politiques et les entreprises de surveiller ces tendances et d'adapter leurs stratégies en conséquence. La capacité à stimuler la consommation intérieure et à encourager l'investissement sera cruciale pour assurer une croissance durable à long terme.

Un avenir à construire

Alors que le commerce extérieur a temporairement pris le relais comme moteur de la croissance française, il est clair que des défis subsistent. La dépendance à l'égard des exportations, en particulier dans des secteurs comme l'aéronautique, pose des questions sur la durabilité de cette dynamique. Pour que l'économie française puisse prospérer, il sera crucial de revitaliser la demande intérieure et de stimuler l'investissement des entreprises.

Les mois à venir seront déterminants pour observer si la France peut transformer cette dynamique de commerce extérieur en une croissance plus équilibrée et durable.

«Moins d’incertitudes pourrait aussi faire baisser le taux d’épargne»

Olivier Garnier, le chef économiste de la Banque de France.

Les entreprises, les ménages et les décideurs politiques devront collaborer pour naviguer dans ces eaux incertaines et bâtir un avenir économique solide.