La génération Z redéfinit le paysage vidéo en France
Découvrez comment la génération Z abandonne la TV linéaire au profit du streaming et des formats courts en 2024.

16 % seulement : c’est la part de la télévision linéaire dans le temps d’écran de la génération Z en Europe. Ce basculement, confirmé par une étude du BCG et Native Research, accélère en France et recompose l’équilibre économique entre chaînes historiques, plateformes SVOD et réseaux sociaux. Les revenus publicitaires suivent, la régulation s’aiguise, et les stratégies d’investissement se reconfigurent.
TV linéaire en recul chez les 16-27 ans : fracture générationnelle confirmée
La télévision classique recule nettement chez les 16-27 ans. Selon l’étude BCG, elle ne pèse plus que 16 % de leur visionnage hebdomadaire, loin derrière les baby-boomers pour lesquels la TV linéaire représente encore 55 % du temps vidéo (BCG, 2024). En France, les habitudes confirment ce décrochage : le temps moyen quotidien consacré à la TV linéaire est passé sous 3 heures en 2024, avec une baisse plus vive chez les moins de 30 ans.
Les données de pratiques culturelles distinguent fortement les classes d’âge. En 2023, seulement 20 % des 15-24 ans regardaient la TV chaque jour, contre plus de 70 % chez les 65 ans et plus.
Un changement d’usages se lit aussi dans les écrans choisis : pour les jeunes, le smartphone devient écran principal. L’étude BCG relève que 45 % des jeunes Français interrogés utilisent leur téléphone comme premier support, en hausse de 10 points par rapport à 2022.
Cette dynamique s’explique par l’inadéquation des grilles figées aux rythmes de vie connectés. Le zapping par chaînes est remplacé par un scrolling continu, personnalisable et ubiquitaire. Les contenus sont choisis, recommandés, séquencés selon les préférences individuelles, ce qui fragilise l’audience de rendez-vous linéaires, à l’exception des formats forts comme l’actualité et le sport en direct.
Repères chiffrés à retenir
Quelques inflexions structurantes du marché français et européen :
- 16 % du temps vidéo de la génération Z dédié à la TV linéaire, contre 55 % chez les baby-boomers.
- En 2024, moins de 3 heures quotidiennes de TV linéaire en moyenne chez les 15 ans et plus, recul accentué chez les moins de 30 ans.
- 45 % des jeunes Français utilisent le smartphone comme écran principal, +10 points vs 2022.
- Chez les 15-24 ans, 20 % regardent la TV quotidiennement en 2023, contre 70 %+ pour les 65 ans et plus.
Le Baromètre Arcom agrège des indicateurs d’usages audiovisuels (linéaire, rattrapage, plateformes, réseaux sociaux). Son intérêt réside dans l’évolution des volumes (temps passé), la répartition par âges et supports, et les bascules entre univers (chaînes, SVOD, plateformes vidéo). La lecture rigoureuse consiste à croiser ces tendances avec des données socio-démographiques et des informations d’équipement des ménages.
Streaming et SVOD : redistribution du temps d’écran et du pouvoir de marché
Le streaming capte désormais la majorité du temps vidéo chez les jeunes. Pour la génération Z en Europe, les services de streaming totalisent 64 % du visionnage hebdomadaire.
En France, Netflix demeure l’acteur grand public le plus en vue avec plus de 10 millions d’abonnés en 2024 selon des estimations publiques. Ce leadership est nourri par l’ouverture « par défaut » de l’application, le confort des interfaces et la sophistication de la recommandation.
YouTube s’affirme toutefois comme champion de la portée mensuelle sur les jeunes : l’étude signale une portée environ 10 points supérieure à Netflix et un niveau proche de 80 % d’audience mensuelle. Particularité notable : 38 % des 16-27 ans consomment aussi des contenus longs sur YouTube, notamment via TV connectée, brouillant la frontière entre vidéo sociale et télévision connectée.
En France, YouTube aurait dépassé la TV linéaire en temps passé chez les jeunes dès 2023, avec une moyenne d’environ 1 heure par jour. Ce déplacement implique des arbitrages budgétaires publicitaires, une recomposition des fenêtres de diffusion et des mises à jour du mix créatif pour optimiser la distribution multi-plateforme.
Netflix : effet par défaut et poids en France
Sur les usages, un réflexe s’installe : quand l’utilisateur ne sait pas quoi regarder, Netflix est souvent lancé en premier. Ce comportement renforce la prime à la recommandation et à la profondeur de catalogue. L’écosystème SVOD s’est démocratisé chez les ménages jeunes : en 2024, près de 85 % des foyers de moins de 30 ans déclarent disposer d’au moins un abonnement, contre 60 % en 2020.
YouTube : cap de portée et contenus longs
Le double visage de YouTube, entre formats longs et courts, accentue sa résilience. La combinaison TV connectée + mobile optimise le temps total d’exposition, y compris sur des contenus premium. Pour les annonceurs, cela offre des scénarios d’achat vidéo plus flexibles, du reach massif aux activations plus ciblées par communautés d’intérêt.
Algorithmes de recommandation : effets économiques
La recommandation booste :
- La découverte de contenus de niche, élargissant la monétisation du back-catalogue.
- La rétention, via des boucles d’habitudes qui soutiennent l’ARPU.
- L’efficacité publicitaire, en améliorant la pertinence des insertions et l’attention utile.
- La programmation data-driven, qui oriente les investissements éditoriaux selon l’engagement observé.
Formats courts et réseaux sociaux : une nouvelle grammaire de l’attention
Les formats courts s’imposent dans la diète vidéo de la génération Z. En France, 73 % des jeunes y consacrent du temps, pour une part qui grimpe à 28 % de leur visionnage hebdomadaire. Les plateformes TikTok, YouTube Shorts, Instagram Reels et Snapchat concentrent cette dynamique, portée par des boucles de recommandation ultra-rapides et une création native verticale.
Chez les 15-24 ans, le temps passé sur TikTok a plus que doublé en deux ans : 45 minutes par jour en 2024, contre 20 minutes en 2022. Plus largement, la consommation de vidéos en ligne a augmenté de 25 % entre 2023 et 2024 chez les jeunes, alimentée par ces formats accélérés. Une étude sur la vie numérique des adolescents publiée en 2025 évoque 60 % de 16-18 ans qui préfèrent les contenus courts pour leur rapidité et leur accessibilité.
Au-delà des usages, l’effet économique est clair : l’audience se fragmente, mais l’attention est plus granulaire. Les éditeurs et annonceurs doivent repenser la création (durées, hooks, sous-titrage), le plan média (mix paid-owned-earned) et les KPI (attention, complétion, lift incrémental).
TikTok, YouTube Shorts, Instagram Reels : des boucles d’engagement optimisées
Le gameplay d’attention repose sur l’enchaînement à haute fréquence de vidéos courtes, l’adaptation contextuelle du fil et le feedback immédiat. Pour les marques, cela implique des capsules créatives pensées pour la répétition et la variation, plutôt qu’un spot unique dérivé de la TV. L’enjeu économique est de capter des micro-moments à forte probabilité de conversion tout en contenants les coûts de production.
Trois raisons dominent : 1) portée rapide et coûts de diffusion compétitifs, 2) granularité du ciblage et optimisation à la volée, 3) signaux d’intention plus fréquents (partage, commentaire, sauvegarde) permettant un pilotage à la performance. Côté risques, la vigilance sur la brand safety et la cohérence de marque devient centrale.
Publicité numérique : budgets en hausse et acceptation relative
La publicité sur formats courts est fortement visible : 83 % des utilisateurs disent remarquer les annonces. Le taux d’intrusion perçu reste limité à 39 %, et 17 % des jeunes estiment même qu’elles enrichissent l’expérience. Dans les bilans budgétaires, ces arbitrages soutiennent la progression des investissements vidéo en ligne.
Selon les données diffusées par l’autorité sectorielle, les revenus publicitaires des plateformes numériques en France ont augmenté de 15 % en 2024 pour atteindre 5 milliards d’euros. Dans ce paysage, l’arrivée des offres AVOD ou hybrides rebat les cartes d’acquisition et de fidélisation.
Netflix : modèle avec publicité en France
Introduite en 2023, l’offre avec publicité de Netflix a trouvé son public. En France, le nombre d’abonnés sur ce modèle aurait atteint 2 millions d’ici 2025. Le principe est simple : un prix d’entrée inférieur contre acceptation d’un volume d’annonces calibré. Ce compromis élargit le marché adressable, tout en apportant une nouvelle source de revenus sur des audiences premium.
Créateurs et contenus sponsorisés : arbitrage avec la TV
Sur TikTok et YouTube, les contenus sponsorisés affichent des taux d’engagement compétitifs, parfois supérieurs à ceux observés en TV traditionnelle. Pour les marques, l’arbitrage porte moins sur le format unique que sur un portefeuille créatif multi-plateforme, adossé à des indicateurs de lift et de rémanence. Les métriques d’attention et de mémorisation complètent les indicateurs de performance immédiate.
Pilotage publicitaire : points de vigilance
- Attribution multi-touch à consolider pour éviter le sur-crédit d’un canal.
- Brand safety et adéquation contextuelle, notamment sur les flux UGC.
- Qualité créative pensée par plateforme, pas de simple dérivés TVC.
- Mesure d’attention et complétion, complétées par des études de mémorisation.
Diffuseurs européens : différenciation locale et virage technologique
Malgré la pression des plateformes, les chaînes européennes conservent un rôle structurant. 71 % des spectateurs les jugent utiles pour les contenus locaux, l’actualité et le sport en direct. En France, la capacité à fédérer reste tangible : France Télévisions a réuni plus de 20 millions de téléspectateurs pour la cérémonie d’ouverture des JO 2024.
Le BCG invite les diffuseurs à renforcer l’ancrage local, diversifier leurs revenus et intégrer l’IA dans la recommandation. Les partenariats avec des plateformes comme YouTube pour des formats hybrides sont cités comme leviers. À l’échelle publique, le plan France 2030 mobilise 1 milliard d’euros pour l’innovation audiovisuelle et l’INSEE observe une hausse de 10 % des emplois dans le numérique audiovisuel entre 2023 et 2025.
France Télévisions : l’effet JO et l’utilité des rendez-vous en direct
Les événements sportifs majeurs restent des vecteurs d’audience massifs et d’image pour les chaînes nationales. Leur valeur réside autant dans la puissance instantanée que dans les retombées sur l’écosystème de contenus (magazines, documentaires, replay), qui nourrissent la relation de long terme avec le public.
Trois axes activables : 1) TV connectée et FAST channels pour élargir l’inventaire vidéo, 2) accords de distribution et co-diffusions sélectives avec des plateformes pour les catalogues et le replay premium, 3) data et recommandation pour augmenter la durée de session et la valeur publicitaire du prime non-linéaire.
Régulation en France : points d’attention
La puissance des plateformes ravive les enjeux de souveraineté culturelle et de financement. Les pouvoirs publics évoquent une régulation accrue pour protéger les créateurs locaux via la loi sur les services de médias audiovisuels. Dans ce cadre, l’Arcom surveille l’équilibre concurrentiel, la transparence des pratiques et la diffusion d’œuvres locales. Les obligations précises s’apprécient selon les services et les statuts.
Feuilles de route pour les entreprises médias et les annonceurs
La recomposition des usages implique un repositionnement stratégique, sans céder à l’effet de mode. Les feuilles de route gagnantes combinent discipline d’exécution, différenciation éditoriale et pilotage par la donnée.
- Pour les diffuseurs et éditeurs:
- Accélérer sur la recommandation et le profiling de contenus pour améliorer la rétention.
- Construire un mix de monétisation robuste : abonnements, publicité, licensing, exploitation de catalogues.
- Industrialiser la production multi-formats (long, court, vertical) et la déclinaison par plateforme.
- Optimiser la distribution via TV connectée et partenariats sélectifs, sans cannibaliser la valeur du direct.
- Pour les annonceurs:
- Équilibrer reach et attention utile entre TV, CTV, SVOD/AVOD et réseaux sociaux.
- Déployer des portefeuilles créatifs par plateforme, plutôt qu’un master unique.
- Renforcer la mesure post-campagne (mémorisation, préférence, incrémentalité) au-delà du CTR.
- Assurer la conformité sur l’usage des données et la brand safety tout au long de la chaîne d’achat.
À valider avant activation :
- Objectifs par canal clairs et compatibles avec la création disponible.
- Répartition des budgets entre TV, CTV, plateformes et créateurs selon les segments.
- Paramétrage de la fréquence et du séquencement créatif par audience.
- Indicateurs d’attention et d’effet de marque intégrés au tableau de bord.
- Garde-fous brand safety et suivi de l’allocution sur contenus sensibles.
2025-2030 : paramètres à surveiller pour les décideurs
Les projections convergent : la part de la TV linéaire chez les jeunes pourrait tomber sous 10 % d’ici 2030, tandis que les formats courts grimperaient vers 40 % du temps d’écran. En parallèle, des signaux forts soutiennent l’innovation : le ministère annonce une régulation renforcée des plateformes au service de la création locale, et les levées des startups audiovisuelles ont atteint 500 millions d’euros en 2024.
La période qui s’ouvre testera la capacité des acteurs à conjuguer croissance, responsabilité et ancrage culturel. Les arbitrages entre investissement éditorial, data et monétisation publicitaire feront la différence sur des marchés où l’attention se fragmente à grande vitesse (Arcom, 2025).
Pour rester compétitif, il faut désormais penser l’audiovisuel comme un portefeuille d’expériences, distribuées au bon format, au bon moment et au bon prix.