Un trio d’ingénieurs portugais propulse une jeune pousse toulousaine au cœur de l’innovation défense. Zero Industries revendique une technologie de navigation par intelligence artificielle conçue pour les drones opérant sans GPS, avec un démonstrateur déjà éprouvé sur le terrain. Entre incubation à l’ISAE-Supaero et premiers financements européens, la start-up s’inscrit dans une filière en recomposition rapide.

Navigation ia anti-brouillage: le pari technologique de zero industries

Zero Industries développe des algorithmes de navigation qui permettent à des drones de poursuivre leur mission même en cas de brouillage GPS ou de perte de signal. L’approche repose sur une navigation entièrement hors ligne, utilisant la vision embarquée pour se repérer en temps réel.

La start-up met en avant un premier démonstrateur fonctionnel. Celui-ci exploite une caméra et des modèles d’IA pour calculer la position avec une précision inférieure à 50 mètres lors d’essais initiaux sur le terrain. Ce résultat, obtenu sans connectivité, vise des opérations où le temps de décision et la robustesse priment sur la bande passante.

Au-delà de l’intérêt technique, le bénéfice opérationnel est direct: assurer la continuité des missions dans des zones contestées. Livraison de matériels, observation, relais de communication de proximité ou évacuation de faible capacité deviennent envisageables, même quand l’environnement électromagnétique est hostile.

Le démonstrateur hors ligne: premiers résultats consolidés

Selon l’entreprise, l’architecture s’appuie sur une fusion de données légère: capteurs optiques, inertiel de base et modèles de reconnaissance de scènes. L’absence de dépendance au cloud réduit l’attaque en surface et limite la latence. En contrepartie, la performance dépend du calibrage fin des capteurs, de la qualité des jeux de données et des conditions d’éclairage.

Les essais terrain ont validé la résilience face aux pertes de signal et une précision sub-50 mètres sur des trajets courts à moyens. Le défi désormais consiste à stabiliser ces performances sur des profils de mission plus longs, avec des obstacles et des rotations rapides, afin d’approcher les standards attendus par les intégrateurs.

  • Fonctionnement sans GPS, ni connectivité
  • Traitement en bordure, avec empreinte calcul réduite
  • Capacité ciblée pour zones brouillées ou dégradées
  • Conception orientée mission critique

En contexte militaire, la navigation visuelle inertielle combine vision par ordinateur, estimation de mouvement et centrales inertielles. Elle se décline en VO ou VIO, et peut intégrer du SLAM ou de la correspondance visuelle avec des cartes.

Les variantes de type Terrain Relative Navigation offrent un recalage à partir d’images de référence. L’objectif est d’obtenir une position exploitable sans GNSS, avec une dérive maîtrisée et une charge de calcul contenue.

Brouillage, leurres et déni de GPS: pourquoi la vision embarquée revient au premier plan

Le brouillage GNSS et les spoofings se sont perfectionnés. Pour les plateformes légères, une redondance inertielle lourde ou une navigation hybride multi-constellations ne suffisent pas toujours. Les approches basées caméra offrent une alternative à coût maîtrisé, surtout lorsqu’elles sont optimisées pour l’embarqué et couplées à des algorithmes robustes aux variations d’illumination et aux vibrations.

Ancrage toulousain et incubateur isae-supaero: accélération r et d

Zero Industries a été incubée au sein de l’écosystème de l’ISAE-Supaero, référence européenne en aéronautique et spatial. Cet ancrage toulousain facilite l’accès à des ressources techniques, un réseau académique et des expertises en vision, navigation et robotique.

Les programmes d’innovation de l’institut encouragent la création de start-up issues de la recherche et le transfert vers des usages concrets. La présence d’acteurs industriels dans la région, conjuguée à des laboratoires reconnus, accélère la maturation technologique jusqu’aux premières intégrations.

Innovspace: ressources et réseau académique au service des fondateurs

Les fondateurs, trois ingénieurs portugais, ont pu structurer leurs travaux de R et D dans un cadre propice aux interactions avec des doctorants, des enseignants-chercheurs et des partenaires industriels. L’enjeu n’est pas seulement de créer un prototype, mais de bâtir une chaîne de validation qui tienne compte des contraintes militaires: conditions climatiques, vibrations, brouillage, naguère difficiles à reproduire en laboratoire.

Cette proximité resserrée entre essais, retours d’expérience et itérations logicielles nourrit une dynamique de montée en maturité. Elle favorise aussi un dialogue précoce avec les intégrateurs qui attendent des composants fiables, documentés et supportables à long terme.

Pourquoi Toulouse conserve un avantage pour l’aérospatial

La métropole toulousaine combine un tissu d’ETI et de grands donneurs d’ordre, un bassin de talents en aéronautique, et une culture de test et d’intégration. Pour une start-up de navigation embarquée, cet ensemble facilite l’accès à des sites d’essais, à des capteurs de qualité et à des échanges avec des équipes systèmes, gage d’une meilleure adéquation produit-marché.

La Base industrielle et technologique de défense regroupe les entreprises contribuant aux capacités militaires françaises. Elle couvre équipements, logiciels, services et MCO. Les start-up sont attendues sur des briques technologiques ciblées, interopérables, cyber-sécurisées et supportables. La démonstration d’une valeur opérationnelle rapide est clé, avec des preuves d’intégration dans des chaînes existantes.

Financement européen et dynamique défense: signaux concrets pour 2025

Selon la société, Zero Industries a été retenue par un programme d’accélération européen porté par des investisseurs internationaux, avec à la clé un financement d’amorçage de 200 000 euros. L’entreprise mentionne un accompagnement par des acteurs capital-risque, dont un investisseur basé en Allemagne, pour accélérer la mise sur le marché.

Ce ticket d’amorçage intervient alors que la France et l’Europe renforcent leur effort de soutien à l’innovation défense. Paris a affiché un cap de consolidation de la filière, avec des instruments dédiés aux besoins capacitaires et à la souveraineté industrielle. Les priorités publiques visent notamment à réduire la dépendance à des technologies vulnérables et à sécuriser des chaînes d’approvisionnement critiques.

Dans le même temps, la Mission French Tech a lancé French Tech 2030 afin d’accompagner des projets à fort impact dans des secteurs stratégiques, dont l’aéronautique et la défense. Le programme offre une visibilité et des mises en relation utiles à des start-up de technologies duales, bien que l’inscription de Zero Industries n’ait pas été mentionnée à ce stade.

Métriques Valeur Évolution
Financement d’amorçage 200 000 € Phase d’accélération
Précision du démonstrateur < 50 m Optimisation en cours
Architecture de navigation 100 % hors ligne Robustesse renforcée
Calendrier industriel Pré-série visée fin 2025 Montée en puissance

Au-delà des fonds privés, des appuis publics contribuent à la dynamique du secteur: dispositifs d’innovation de la Direction générale de l’armement, appels à projets ciblés, ou parcours d’accompagnement destinés aux technologies duales. Ce continuum d’outils aide à franchir les paliers de maturité jusqu’aux premières intégrations opérationnelles.

Politiques publiques mobilisables en France

Les start-up de la filière peuvent s’appuyer sur plusieurs leviers: dispositifs d’innovation de la DGA, programmes d’accélération French Tech 2030, et guichets régionaux orientés souveraineté. L’orientation affichée des autorités consiste à soutenir des briques critiques pour la BITD et à favoriser des coopérations industrielles. Ces inflexions ont été rappelées par les autorités en 2025 et lors d’événements comme SOFINS 2025, qui a mis l’accent sur la préparation des forces spéciales et l’innovation d’emploi (source: Ministère des Armées, SOFINS 2025).

French tech 2030: points de contact avec les technologies défense

French Tech 2030 soutient des innovations stratégiques à impact, parmi lesquelles les technologies de souveraineté. Pour une start-up de navigation embarquée, les mises en relation et l’accompagnement qualitatif constituent des atouts pour grandir plus vite et structurer des coopérations avec des intégrateurs. Le dispositif a été lancé en 2023 et s’inscrit dans la durée, avec une montée en puissance progressive des promus et de leurs partenaires privés et publics (source: Mission French Tech).

Usages militaires et intégration industrielle: de l’essai au terrain

Zero Industries indique travailler avec des agences de défense et des fabricants de drones pour affiner son intégration. La feuille de route vise des intégrations sur plateformes existantes, avec un effort sur la compatibilité capteur, la consommation énergétique et l’interface avec l’avionique.

Les cas d’usage envisagés dépassent le drone aérien. Des véhicules terrestres téléopérés ou autonomes, des robots de reconnaissance ou des plateformes navales légères pourraient bénéficier d’une navigation visuelle inerte pour tenir une route fiable dans des zones déniées.

Compatibilité avec les plateformes existantes

L’un des enjeux est d’assurer un portage logiciel fluide: processeurs ARM, GPU embarqués, caméras industrielles, IMU de différentes classes. Une API claire et une documentation robuste facilitent l’adoption par des intégrateurs qui opèrent des flottes hétérogènes. La gestion des cas limites, des recalages et des transitions de mode GPS-versus-vision est un point de vigilance majeur.

Scénarios opérationnels en milieu contesté

En zone de conflit, l’IA de navigation doit éviter les objets statiques et s’adapter à des changements rapides de luminosité. Le logiciel doit aussi tenir compte des micro-vibrations, du flou de mouvement et des surfaces peu texturées qui compliquent la reconstruction de trajectoire. La résilience aux environnements dégradés est le critère déterminant d’acceptation par les utilisateurs finaux.

  • Livraison autonome de petite charge en zone urbaine
  • Patrouille et observation discrète en zone brouillée
  • Rejoint d’un point d’exfiltration avec recalage visuel
  • Navigation de secours en cas de panne GNSS

La certification d’un composant logiciel embarqué implique des essais en environnement simulé et réel, des analyses de sûreté, et des démonstrations de robustesse. Les jalons typiques: consolidation des TRL, essais en site instrumenté, évaluation par des centres d’expertise, puis intégration de pré-série. La documentation de cybersécurité, la traçabilité des modèles d’IA et la capacité de support en exploitation sont scrutées au même titre que les performances brutes.

Gouvernance de l’innovation et recrutement: des défis concrets à court terme

Les fondateurs font face à un double défi. Sur le plan technique, tendre vers une précision plus fine, stabilisée dans des scénarios très variés. Sur le plan industriel, franchir les jalons d’intégration, de support et de conformité, tout en gardant une vitesse d’itération élevée.

Le recrutement restera un levier critique. Le marché européen de la défense attire de nouveau des profils expérimentés, y compris des talents issus de grandes entreprises technologiques. Cette tendance, documentée au printemps 2025, pourrait profiter aux acteurs capables d’offrir des problématiques de pointe et une vision produit claire.

  • Renforcement de l’équipe IA et vision par ordinateur
  • Mise en place d’un processus qualité et sécurité robuste
  • Gestion de la chaîne d’approvisionnement capteurs et compute
  • Documentation et APIs adaptées aux intégrateurs

La dimension réglementaire ne doit pas être sous-estimée. Les technologies duales sont soumises à des cadres d’exportation, de contrôle de l’usage et de cybersécurité. La capacité à structurer ces sujets en amont facilite la conclusion d’accords avec des partenaires et des agences publiques.

Export et contrôle des technologies: points d’attention

Les composants de navigation et d’IA peuvent relever du règlement européen sur les biens à double usage. Les intégrations avec des composants d’origine américaine peuvent entraîner une exposition ITAR. Formaliser la conformité dès l’amorçage et cartographier la chaîne de valeur évite des blocages à l’export et sécurise les partenariats.

Cap sur la pré-série fin 2025

Avec son financement d’amorçage, Zero Industries prévoit d’intensifier ses essais et de viser une production pré-série d’ici la fin 2025. Les priorités annoncées: étendre le panel de scénarios testés, renforcer la robustesse aux variations d’environnement et consolider la compatibilité avec des architectures avioniques variées.

La trajectoire passera par des démonstrations co-construites avec des partenaires, afin de prouver la valeur sur des profils de mission réalistes. C’est la condition pour convertir un pilote technique en intégration pérenne au sein de systèmes opérationnels.

Écosystème et signaux faibles: lecture économique d’un repositionnement européen

Le cas Zero Industries illustre une recomposition plus large. En Europe, la défense redevient un secteur d’attraction pour des ingénieurs très qualifiés. Sa promesse: résoudre des problèmes physiques difficiles avec des contraintes temps réel fortes, sur des objets qui sortent de la phase de POC pour aller vers l’industrialisation.

Cette évolution se traduit par une multiplication des accélérateurs, une attention accrue des fonds généralistes aux technologies duales et un dialogue plus fluide entre laboratoires, start-up et maîtres d’œuvre. La réussite tiendra à l’alignement entre exigences opérationnelles, gouvernance de l’innovation et financements adaptés aux cycles longs.

Événements sectoriels: vitrines et crash-tests

Les salons et démonstrations thématiques permettent d’éprouver les solutions face à des utilisateurs exigeants. SOFINS 2025 a rappelé l’importance de l’innovation au service des forces spéciales, avec un accent sur l’anticipation des menaces hybrides et le combattant augmenté. Pour une start-up de navigation, c’est l’occasion de confronter la promesse produit aux attentes de terrain.

La capacité à transformer ces rencontres en pilotes cadrés, avec objectifs mesurables et exploitation des retours, fait souvent la différence entre une vitrine technologique et une adoption réelle. Les acteurs capables de traduire une démonstration en plan d’industrialisation crédible prennent l’avantage.

Souveraineté technologique: la navigation sans gnss comme brique critique

La dépendance aux constellations GNSS expose les opérations à des perturbations volontaires ou accidentelles. Développer des solutions autonomes, basées sur la vision et l’inertiel, relève d’un enjeu de souveraineté. À l’échelle européenne, cela réduit la surface de vulnérabilité et diversifie les moyens de navigation dans la profondeur tactique.

Sur le plan économique, la standardisation de briques logicielles réutilisables, interfacées par des APIs stables, permet d’abaisser les coûts d’intégration. Les synergies entre aéronautique, spatial et robotique terrestre créent un marché adressable plus vaste pour des solutions de navigation sans GNSS.

Cap sur 2025: ce que la trajectoire de zero industries dit de la filière

Une brique technologique utile, un ancrage académique fort, un financement initial et une montée en puissance ciblée: la trajectoire revendiquée par Zero Industries coche plusieurs cases de la nouvelle vague défense. Pour convaincre durablement, la start-up devra transformer ses promesses en références opérationnelles, documentées et supportées, au plus près des besoins des intégrateurs et des forces.

Le signal envoyé au marché est lisible: l’IA embarquée, optimisée pour des environnements dégradés, progresse. Les acteurs qui démontreront une valeur robuste, une intégration rapide et une gouvernance de la sécurité exemplaire seront en position de capter la demande, en France comme en Europe.

Dans un secteur où la résilience prime, l’IA de navigation hors ligne proposée par Zero Industries illustre l’émergence d’une génération d’acteurs qui allient recherche appliquée, exécution industrielle et souveraineté technologique.