À Grenoble, TiHive accélère la mise en production d’une technologie d’inspection industrielle qui conjugue ondes térahertz et l’IA. Le dispositif, conçu pour s’intégrer directement aux lignes, vise un contrôle non destructif à grande cadence sur des milliers d’unités par minute. Objectif affiché : réduire défauts, rebuts et consommation de matières tout en fiabilisant la qualité livrée aux clients.

Inspection térahertz sur ligne : la proposition de valeur de TiHive

TiHive met sur le marché un système d’imagerie qui voit à travers la matière grâce aux ondes térahertz et à une plateforme logicielle propulsée par l’IA. L’équipement se fixe sur la ligne de fabrication, s’interface au cloud et embarque des puces semi-conductrices capables de générer et de détecter le signal térahertz. Adossée à une optique dédiée, la chaîne de traitement livre un diagnostic de conformité en temps réel, sans prélèvement, sans destruction.

La nature non ionisante des ondes térahertz constitue un point clé du déploiement en milieu industriel. Contrairement aux rayonnements ionisants, elle permet une utilisation continue à proximité des opérateurs et des produits sans recourir aux protocoles lourds associés aux technologies radiographiques. L’IA, elle, apprend des variations de composants, d’épaisseurs ou d’assemblages, pour classer instantanément les défauts et alimenter les boucles d’amélioration de processus.

Le dispositif adresse un enjeu majeur de l’usine moderne : inspecter chaque unité fabriquée au lieu d’échantillonner ponctuellement. Selon Hani Sherry, fondateur et CEO, « Trop de produits quittent encore les usines sans contrôle complet, entraînant insatisfaction client, gaspillage, inefficacité et surcoûts évitables. » TiHive propose un modèle intégré qui va de l’installation à l’atteinte des indicateurs de performance, déjà retenu par des groupes industriels internationaux.

Dans l’échelle du spectre électromagnétique, la bande térahertz s’insère entre l’infrarouge lointain et les micro-ondes. Elle traverse nombre de matériaux non métalliques, révélant des structures, couches et variations de densité. Appliquée à la production, cette capacité permet de vérifier l’intégrité d’un assemblage, la continuité d’une couche absorbante, ou la répartition d’une matière sans ouvrir, couper ni détériorer l’objet inspecté.

Du contrôle échantillonné au suivi unitaire : rupture opérationnelle

Les méthodes traditionnelles de qualité reposent souvent sur des prélèvements destructifs, limités et coûteux, laissant subsister des zones d’ombre. Installer l’inspection au cœur de la ligne met fin à ce compromis. Chaque unité est évaluée objectivement et l’IA met en évidence les dérives le plus tôt possible, avec à la clé une diminution des arrêts, un ciblage plus fin des retouches et un pilotage de la consommation de matières.

Hygiène absorbante : gains de matières et empreinte carbone réduite

Les premiers déploiements dans l’hygiène absorbante (couches pour bébés et adultes) ont permis d’analyser des millions de produits par semaine et de constituer une base de données unique sur la qualité de ces articles. Une ligne équipée peut économiser jusqu’à 300 tonnes de polymères super-absorbants par an, soit l’équivalent de 1 500 tonnes de CO₂ évitées chaque année. En pratique, ces gains se traduisent à la fois par moins de rebuts et par une optimisation des dosages de matières dans la zone absorbante.

Ces résultats s’expliquent par l’association d’une mesure fine de la matière utile et d’un contrôle en continu des paramètres critiques. Lorsqu’un écart est détecté, l’algorithme déclenche l’alerte et fournit aux équipes de production des pistes d’ajustement, par exemple en rééquilibrant le dépôt de polymère ou en corrigeant les conditions d’assemblage.

Métriques communiquées par TiHive dans l’hygiène absorbante

Pour une ligne équipée, TiHive indique jusqu’à 300 tonnes annuelles de polymères super-absorbants économisées et 1 500 tonnes de CO₂ évitées. L’entreprise mentionne aussi des cadences d’analyse s’élevant à des millions de produits par semaine.

Sur des lignes à très haut débit, le capteur térahertz balaie en continu la zone d’intérêt. Le traitement par l’IA classe les images en quelques millisecondes et renvoie un verdict de conformité. L’enjeu d’ingénierie tient à la synchronisation précise avec le convoyage, à la latence logicielle et à la robustesse des mesures malgré les variations de matériaux et de cadence.

Levée de 8 millions d’euros : industrialisation et nouvelles puces térahertz

Le 2 octobre 2025, TiHive a officialisé une levée de 8 millions d’euros. L’opération, menée par Karista, Wind et le EIC Fund, vise à accélérer la commercialisation de la technologie, à financer le développement d’une nouvelle génération de puces térahertz et à soutenir l’expansion internationale. L’information a été relayée par plusieurs titres de presse économique et technologique.

TiHive inscrit cet apport financier dans une trajectoire de passage à l’échelle : extension du parc installé, industrialisation des capteurs et renforcement de la pile logicielle. Les ambitions portent sur l’augmentation des cadences, le confortement des performances dans des environnements de production variés, et la standardisation des interfaces avec les systèmes qualité.

Karista, Wind et EIC Fund : rôles et objectifs

La participation conjointe de Karista, Wind et du EIC Fund matérialise un intérêt marqué pour les deeptechs industrielles, en particulier celles qui lient capteurs avancés et IA. Le EIC Fund, véhicule du Conseil européen de l’innovation, soutient des projets à forte intensité technologique avec une optique d’impacts industriels tangibles. Du point de vue de TiHive, l’enjeu est de convertir ce capital en déploiements opérationnels et en gains chiffrés sur les unités de production équipées.

Pourquoi le EIC Fund cible la deeptech industrielle

Les infrastructures matérielles couplées à l’IA présentent des barrières à l’entrée élevées et des cycles d’adoption longs, mais un potentiel d’effets d’échelle lorsqu’elles sont intégrées aux lignes. Le financement public-privé favorise l’industrialisation de briques technologiques complexes et leur diffusion dans les secteurs à forte intensité capitalistique.

Marchés adressés et retours de terrain sur lignes grande vitesse

TiHive annonce des applications dans plusieurs branches industrielles : hygiène, textile, recyclage, agriculture et spatial. Le point commun tient à la nécessité de caractériser des structures internes ou des dépôts de matière sans dégrader le produit. Les clients ciblent un suivi statistique en continu, capable de repérer une dérive naissante bien avant qu’elle ne se traduise en retours clients ou en lots rebutés.

Déploiements à haute vitesse : enseignements opérationnels

Les premiers déploiements mettent en évidence la capacité à scanner des lignes à grande vitesse, avec une intégration qui privilégie la stabilité, la répétabilité des mesures et la simplicité d’exploitation pour les équipes qualité. Un bénéfice clé réside dans la réduction du temps entre défaut et détection, paramètre déterminant pour limiter la non-qualité et maîtriser les flux de correction.

De plus, la constitution d’une base d’images qualifiées facilite l’entraînement des modèles et l’extension progressive des cas d’usage. La courbe d’apprentissage de l’IA s’appuie sur les spécificités matière-process propres à chaque produit, ce qui renforce la pertinence des alerts et des seuils de déclenchement.

Au laboratoire, l’échantillonnage permet des analyses fines mais reste ponctuel. En ligne, la mesure devient continue et contextuelle : elle capte les variations réelles de la production, sous aléas machine et événements de flux. La valeur provient autant de la rapidité de détection que de l’ancrage dans la réalité du process qui conditionne la qualité finale.

Économie de l’IA industrielle en France : cadre propice aux deeptechs

Le marché français de l’IA se structure autour d’un socle entrepreneurial conséquent et de dispositifs de soutien ciblés. La Direction générale des Entreprises recense 590 startups du domaine, dont 16 licornes, et fait état de 1,5 milliard d’euros d’aides publiques en 2022 pour la filière (source DGE).

À l’échelle européenne, l’initiative GenAI4EU accompagne des cas d’usage jugés prioritaires via un enveloppe de 700 millions d’euros. Ces éléments créent un environnement favorable aux technologies de production basées sur l’IA.

En parallèle, des programmes comme French Tech Rise rapprochent startups et investisseurs, facilitant les rencontres et la structuration de tours de table. Cet écosystème profite aux sociétés positionnées sur les capteurs avancés, l’analyse temps réel et la transformation numérique des ateliers, où la preuve de valeur exige un ancrage fort dans l’exploitation et la fiabilité des résultats.

French Tech Rise : passerelle vers les investisseurs

En rendant plus lisibles les dossiers à forte intensité technologique, French Tech Rise fluidifie l’accès au capital et accélère la mise en relation avec des partenaires financiers alignés sur la thèse industrielle. Pour une deeptech, la visibilité sur le financement facilite la planification des jalons d’industrialisation et le déploiement international.

GenAI4EU : fenêtre de financement sur des cas d’usage prioritaires

GenAI4EU soutient l’IA générative dans des projets ciblés. Même si la technologie de TiHive relève d’une IA d’imagerie appliquée à la qualité, la dynamique européenne en faveur de l’IA oriente la chaîne d’innovation vers des applications qui doivent prouver leur impact économique et environnemental, critères centraux pour l’adoption en usine.

IA générative ou IA industrielle : ne pas confondre

L’IA générative produit du contenu nouveau à partir d’un apprentissage, tandis que l’IA industrielle utilisée par TiHive analyse des signaux physiques pour sortir des décisions de conformité. Les métriques et contraintes diffèrent : latence, robustesse aux variations de process, explicabilité des résultats, intégration avec les systèmes qualité.

Qui est TiHive : ancrage grenoblois, brevets et ambition produit

Fondée en 2017 par Hani Sherry et Carlos Prada, TiHive opère depuis Grenoble, pôle reconnu pour la microélectronique et l’IA. L’entreprise compte 14 employés et détient cinq brevets.

Elle s’inscrit dans la dynamique French Tech, avec une proposition clair : qualifier plusieurs milliards de produits par an en s’appuyant sur une inspection non destructive intégrée aux lignes. Hani Sherry résume l’ambition : aider les industriels à livrer une qualité optimale en réduisant les coûts et en économisant les ressources à grande échelle.

Gouvernance et propriété intellectuelle

La présence de cinq brevets traduit une stratégie de protection des briques critiques sur la chaîne capteurs-optique-logiciel. Sur un marché où l’avantage technologique réside autant dans la maîtrise matérielle que dans la valeur logicielle, la propriété intellectuelle joue un rôle d’assurance pour les déploiements multi-sites et la standardisation de la solution.

L’écosystème grenoblois concentre des compétences en puces, optique et calcul, combinées à des partenaires académiques et industriels. Cet alignement facilite l’itération rapide sur les prototypes, le passage en production et l’accès à des talents spécialisés en capteurs avancés et traitement du signal.

Lecture économique : impacts sur coûts, qualité et climat

La promesse de TiHive est d’introduire un contrôle qualité unitaire dans un modèle jusqu’ici largement échantillonné. Les gains se manifestent sur plusieurs lignes :

  • Matières : ajustement des dosages et réduction des surconsommations.
  • Non-qualité : limitation des retours clients et des rebuts.
  • Maintenance : détection précoce des dérives corrélées aux conditions de machine.
  • Carbone : baisse des émissions liées aux rebuts évités et à la matière économisée.

Dans l’hygiène absorbante, les économies communiquées en polymères super-absorbants et CO₂ montrent l’intérêt d’un pilotage en temps réel des « couches invisibles » des produits. Plus largement, l’imagerie térahertz couplée à l’IA peut devenir une infrastructure de contrôle pour des filières qui doivent prouver leur performance environnementale et économique simultanément.

Indicateurs de performance suivis avec les clients

TiHive accompagne ses clients jusqu’à l’atteinte d’indicateurs de performance. Les axes de suivi portent typiquement sur le taux de conformité, le taux de rebut, la consommation de matières et la stabilité process. L’IA fournit des analyses corrélées aux variations de production afin d’orienter les plans d’action et d’objectiver les décisions de réglage en atelier.

Bon à savoir : ondes non ionisantes et sécurité opérateur

Les ondes térahertz utilisées par TiHive sont non ionisantes. Elles ne nécessitent pas les protocoles lourds associés à des technologies radiographiques. Cette caractéristique facilite l’usage continu en atelier et la proximité avec les opérateurs, tout en répondant aux exigences de sécurité des sites industriels.

Cap industriel confirmé pour TiHive

La levée de fonds du 2 octobre 2025 et l’accent mis sur de nouvelles puces térahertz renforcent la feuille de route de TiHive : déployer à grande échelle une inspection non destructive, assistée par l’IA, directement sur les lignes. L’entreprise capitalise sur un écosystème français et européen qui soutient l’industrialisation des technologies d’IA et la sobriété matière.

La trajectoire est claire : étendre les cas d’usage, multiplier les installations et démontrer des impacts mesurables sur les coûts, la qualité et les émissions. Le cœur de la promesse reste inchangé : contrôler mieux, plus vite et sans détruire, pour concilier performance opérationnelle et responsabilité environnementale.

Article rédigé pour éclairer les dimensions économiques, industrielles et environnementales de l’initiative TiHive.