Soitec et CEA s'allient pour renforcer la cybersécurité automobile
Découvrez comment Soitec et CEA transforment la sécurité des puces pour véhicules connectés grâce à la technologie FD-SOI.

À Grenoble, Soitec et le CEA renforcent l’un des verrous critiques de l’automobile connectée : la sécurité matérielle des puces. Officielle depuis le 20 octobre 2025, leur coopération place la technologie FD-SOI au cœur d’une stratégie de durcissement électronique qui vise le marché mondial des véhicules autonomes et de l’électronique embarquée, en quête de fiabilité et de souveraineté.
Partenariat Soitec-CEA : cap sur des puces 150 fois plus résistantes
Le 20 octobre 2025, Soitec et le CEA ont annoncé un partenariat technologique ciblant la cybersécurité automobile par l’intégration avancée du FD-SOI. Selon un communiqué repris par la presse internationale, les premiers essais montrent que les circuits FD-SOI sont jusqu’à 150 fois plus difficiles à compromettre que des alternatives traditionnelles, en particulier face aux attaques par injection de fautes et perturbations ciblées (The Manila Times, 20 octobre 2025).
En pratique, ces attaques visent à provoquer des erreurs de calcul pour extraire des clés ou contourner des mécanismes d’authentification. L’architecture FD-SOI, avec sa couche isolante, limite les chemins parasites et stabilise le comportement des transistors lors de micro-agressions électriques ou électromagnétiques. Le bénéfice direct pour l’automobile est double : meilleure protection des logiciels embarqués et alignement facilité avec les exigences de conception sécurisée.
Soitec : position et atouts
Acteur français de référence des matériaux semi-conducteurs, Soitec est coté à Euronext Paris et reconnu pour ses substrats SOI et FD-SOI. Son savoir-faire sur les wafers et l’ingénierie des couches isolantes permet d’optimiser les performances, la consommation et la robustesse des puces. Le partenariat annoncé conforte la stratégie de l’entreprise sur les segments résilients, dont l’automobile, les communications avancées et l’électronique à faible consommation.
CEA : rôle et feuille de route
Organisme public d’R&D, le CEA accélère les transferts technologiques vers l’industrie française. Dans ce projet, son rôle couvre la validation expérimentale, l’optimisation de procédés sécurisants et la définition de méthodologies d’essai applicables à l’automobile. L’objectif est d’outiller les industriels pour des cycles de qualification plus courts et une conformité probatoire renforcée.
Ce qui change pour les lignes d’assemblage électroniques
Le passage au FD-SOI peut stabiliser la production grâce à une variabilité réduite et des comportements électriques plus prédictibles en cas de perturbations. Pour les équipementiers et fondeurs, cela se traduit par :
- Des fenêtres de fonctionnement plus larges lors des tests en conditions dégradées.
- Une meilleure répétabilité des essais d’endurance et d’EMC.
- Un socle technique plus robuste pour implémenter des contre-mesures matérielles.
Une attaque par injection de faute vise à perturber temporairement le comportement d’un circuit pour obtenir un résultat erroné exploitable. Les méthodes incluent typiquement le glitch de tension, la perturbation électromagnétique ou l’illumination locale. Les circuits FD-SOI, grâce à leur couche isolante, réduisent la propagation d’effets indésirables et renforcent la robustesse face à ces perturbations.
FD-SOI et durcissement matériel : points techniques clés
Le FD-SOI, pour Fully Depleted Silicon-On-Insulator, repose sur un empilement où une couche d’oxyde enterrée isole la zone active. Contrairement au bulk CMOS, l’essentiel des courants parasites est fortement limité. Les bénéfices attendus en sécurité matérielle sont significatifs : moins de fuite, moins d’effet de substrat, et une meilleure immunité aux agressions locales.
Sur le plan énergétique, le FD-SOI permet des architectures à faible consommation, un point critique pour les calculateurs d’assistance à la conduite et les passerelles réseau embarquées. Cet équilibre performances/robustesse alimente l’intérêt des constructeurs et des grands équipementiers à la recherche d’un socle technologique stable pour leurs modules stratégiques.
Scénarios d’attaques matérielles visées
Les attaques susceptibles d’être compliquées par le FD-SOI incluent :
- Glitch de tension pour désynchroniser une séquence cryptographique.
- Perturbation électromagnétique pour altérer des bascules sensibles.
- Injection de défauts par laser sur des zones critiques de logique.
- Timing attacks via manipulation des marges de fonctionnement.
La réduction des chemins de couplage et la stabilité accrue en FD-SOI rendent ces tentatives moins reproductibles, un point clé pour déjouer le passage à l’échelle d’une attaque.
Lexique FD-SOI pour décideurs
- SOI : substrat silicium sur isolant, limite les courants parasites.
- FD : fully depleted, canal totalement déplété pour des transistors plus prévisibles.
- Isolation : barrière physique qui freine la propagation des perturbations locales.
La norme impose de gérer la cybersécurité tout au long du cycle de vie. En renforçant la couche matérielle, le FD-SOI réduit la surface d’attaque et améliore la base probatoire des analyses de risques produit. Concrètement, cela facilite la justification des mesures de protection au niveau de l’architecture et des composants critiques.
Marché de la cybersécurité automobile : traction et indices de demande
La montée des fonctions logicielles dans les véhicules connectés et autonomes fait grimper la demande de solutions de protection intégrées. En 2025, le marché mondial de la cybersécurité automobile est estimé à 1,07 milliard de dollars et pourrait atteindre 2,70 milliards de dollars en 2032, soit un CAGR de 14,20 % sur la période considérée (Coherent Market Insights, octobre 2025). L’automobile européenne, très exposée aux exigences réglementaires, se positionne au cœur de cette dynamique.
Cette traction s’explique par l’expansion des calculateurs hautement intégrés, des plateformes de connectivité et par l’industrialisation progressive des systèmes d’aide à la conduite. La sécurité matérielle devient alors un critère de différenciation pour sécuriser des chaînes logicielles de plus en plus complexes, depuis le boot sécurisé jusqu’aux mises à jour logicielles.
Pour les directions financières : capex et ROI attendus
Pour les CFO et directeurs des achats, le passage au FD-SOI implique d’évaluer :
- Les coûts initiaux de migration de design et de validation.
- Le coût du risque évité en cas d’attaque matérielle ou de rappel produit.
- Les gains sur la consommation énergétique et la stabilité en production.
- La valorisation commerciale d’une architecture certifiable et résiliente.
Le ROI se mesure moins par les économies immédiates que par la réduction d’expositions à des sinistres rares mais coûteux, et par l’aptitude à passer les audits de conformité sans dérive calendaire.
Repères chiffrés 2025-2032
- Marché global 2025 estimé à 1,07 milliard de dollars.
- Objectif 2032 autour de 2,70 milliards de dollars.
- Croissance annuelle moyenne attendue de 14,20 %.
Ces niveaux soutiennent l’industrialisation de solutions matérielles durcies, notamment pour les calculateurs critiques et les passerelles réseau.
Gouvernance et conformité : ISO/SAE 21434 et signal faible de l’ANSSI
La norme ISO/SAE 21434 encadre la cybersécurité automobile à toutes les phases produit, de la conception au maintien en conditions de sécurité. Elle exige une approche basée sur le risque, des processus documentés et une vérification de l’efficacité des contrôles. Les composants matérielles durcis, comme ceux en FD-SOI, apportent une assurance supplémentaire au plan d’ingénierie et de test.
En France, l’ANSSI publie régulièrement des recommandations sur la protection des systèmes d’information. Les communications de 2025 maintiennent une alerte soutenue sur la défense des infrastructures critiques, dont la mobilité et les transports.
En parallèle, l’Observatoire des incidents de cybersécurité en santé publié en juin 2025 par le ministère de la Santé met en évidence une hausse des signalements, symptôme d’un paysage de menaces plus intense et d’une maturité accrue en détection et déclaration. Ce signal sectoriel, bien que distinct de l’automobile, éclaire l’élévation générale du risque cyber.
ISO/SAE 21434 : périmètre et attentes
La norme couvre la gouvernance, l’ingénierie sécurité, la validation et le support post-livraison. Pour être au rendez-vous :
- Documenter la TARA et les hypothèses de menace.
- Justifier les choix de composants au regard de la sécurité matérielle.
- Articuler les mesures matérielles et logicielles dans une défense en profondeur.
- Organiser le maintien en conditions de sécurité sur le cycle de vie véhicule.
ANSSI : posture de vigilance 2025
Le message reste clair : durcir les couches critiques, segmenter, surveiller, et tester la résilience opérationnelle. Les ransomwares et attaques DDoS demeurent des scénarios majeurs sur les chaînes de mobilité et d’énergie, justifiant des plans de continuité éprouvés et une politique de mises à jour rigoureuse.
- Comité cyber incluant achats, juridique, ingénierie, qualité.
- Politique fournisseurs intégrant des critères de durcissement matériel.
- Clôture probatoire des preuves de tests et d’analyses de risques.
- Plan de réponse avec scénarios d’incidents matériel-logiciel.
- Synchronisation avec les obligations européennes et nationales en vigueur.
Souveraineté technologique : effet d’entraînement en France et en Europe
Le binôme Soitec-CEA s’inscrit dans une dynamique de réduction de dépendance technologique en Europe, avec une assise industrielle et scientifique fortement ancrée en France. Le programme French Tech 2030, lancé en 2023, vise à accélérer les technologies stratégiques et la mise à l’échelle des filières innovantes. De son côté, France 2030 mobilise des investissements de plusieurs milliards d’euros qui irriguent l’électronique, les mobilités et la transformation industrielle.
Pour l’automobile, l’enjeu est double : sécuriser les chaînes d’approvisionnement de composants critiques et embarquer les écosystèmes R&D, design et test autour de standards de sûreté élevés. La stabilité des substrats FD-SOI développés en Europe apporte une réponse crédible aux besoins des OEM et équipementiers opérant sur des marchés fortement régulés.
Chaîne de valeur : du wafer au logiciel embarqué
La compétitivité passe par un assemblage cohérent :
- Matériaux de pointe, maîtrisés industriellement en Europe.
- IP sécurisées adaptées au FD-SOI, conçues pour la résilience.
- Outils EDA et flux de conception compatibles avec les contraintes de sûreté.
- Tests de sécurité combinant laboratoires matériels et audits logiciels.
Cette chaîne intégrée limite les ruptures de maturité entre couches techniques et facilite l’argumentaire de conformité face aux exigences de l’ISO/SAE 21434 et des attentes des autorités.
Points d’attention pour les acheteurs publics et privés
- Traçabilité des lots et maîtrise de la chaîne d’approvisionnement.
- Clarté contractuelle des obligations de sécurité matérielle et logicielle.
- Interopérabilité avec les environnements existants et contraintes temps réel.
- Plan d’obsolescence structuré, indispensable en automobile.
Intégration industrielle : feuille de route pour constructeurs et équipementiers
Passer au FD-SOI ne se résume pas à un unique choix de fonderie. Il s’agit d’un changement d’architecture qui engage outils, IP, méthodes de qualification et contractualisation. Une trajectoire réaliste suit quatre jalons : faisabilité, prototypage, pré-série, série. À chaque étape, un jeu de preuves est requis pour les audits internes et les tiers.
- Faisabilité : étude d’adéquation, risques, coûts de migration, disponibilité des IP sécurisées.
- Prototypage : prototypes durcis, bancs d’essai d’injection de fautes, boucles d’amélioration.
- Pré-série : qualification environnementale automobile, endurance, EMC, cybersécurité.
- Série : industrialisation, monitoring qualité et sécurité, maintien en conditions de sécurité.
Cette démarche doit être coordonnée avec les politiques de sécurité d’entreprise, les plans de continuité opérationnelle et les impératifs de maintenance logicielle sur tout le cycle de vie véhicule.
Contraintes de qualification en environnement automobile
La qualification implique des exigences sévères en température, vibrations, compatibilité électromagnétique et résilience face aux perturbations. Les jeux d’essais doivent inclure des scénarios d’attaque représentatifs, avec une traçabilité complète des résultats. Le FD-SOI peut apporter une marge supplémentaire pour sécuriser ces validations sans alourdir excessivement les budgets d’essai.
- Garanties de sécurité matérielle mesurables et associées à des tests d’acceptation.
- Obligations de notification en cas de découverte d’une vulnérabilité matérielle affectant la série.
- Mises à jour correctives et modalités de gestion conjointe des incidents.
- Preuves de conformité ISO/SAE 21434 et dossier probatoire partagé.
Cap sur une automobile résiliente et compétitive
Avec l’entrée de Soitec et du CEA sur la cybersécurité automobile par le FD-SOI, la France consolide un atout industriel au service d’une mobilité sûre et compétitive. Les signaux de marché, combinés à un cadre normatif exigeant et à une vigilance publique renforcée, créent une fenêtre d’opportunité pour industrialiser des puces plus robustes et des architectures plus sobres.
La trajectoire est désormais claire pour les constructeurs et leurs fournisseurs : investir dans la sécurité matérielle, structurer les preuves de conformité et aligner la supply chain sur des standards de durcissement élevés. Le FD-SOI ne règle pas tout, mais il offre une base solide pour des véhicules connectés mieux protégés.
Rester dans la course exige d’orchestrer technologie, gouvernance et preuves, sans perdre de vue l’objectif ultime : la confiance des usagers.