Nexans et AEP investissent dans Sensewaves pour l'IA réseau
Nexans et American Electric Power s'associent à Sensewaves pour renforcer l'IA dans la gestion des réseaux électriques d'ici septembre 2025.

À Paris, Sensewaves change d’échelle. Fin septembre 2025, Nexans et American Electric Power entrent au capital de la PME, validant une stratégie logicielle qui promet d’augmenter la capacité des réseaux sans nouveaux capteurs. Pour les opérateurs, l’enjeu est clair : mieux piloter l’électricité à l’heure des ENR et des datacenters, avec des décisions plus rapides et plus sûres.
Participation minoritaire de Nexans et AEP : cap stratégique pour Sensewaves
Le 30 septembre 2025, Nexans et American Electric Power (AEP) ont annoncé une prise de participation minoritaire dans Sensewaves. Le montant n’est pas communiqué, mais l’objectif est explicite : accélérer le recrutement, consolider la technologie et formaliser des coopérations industrielles communes, en particulier autour de la gestion avancée des réseaux électriques (Boursorama, 30 septembre 2025).
Le choix de ces investisseurs n’est pas anodin. Nexans, fabricant de câbles coté à Euronext Paris, a réalisé 6,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023.
L’industriel multiplie les projets d’innovation et renforce ses offres de services à destination des gestionnaires d’infrastructures. AEP, l’un des principaux groupes électriques américains, dessert 11 États et plus de 5 millions de clients, avec un ancrage opérationnel fort au Texas. Tous deux s’alignent sur une même conviction : la donnée devient un actif critique des réseaux et la valoriser requiert des solutions logicielles outillées par l’IA.
Éléments clés de l’opération
Ce qu’il faut retenir pour un lecteur entreprise :
- Nature : prise de participation minoritaire conjointe de Nexans et d’American Electric Power.
- Timing : fin septembre 2025.
- Montant : non communiqué.
- Objectifs : renforcement technologique, montée en puissance des équipes, projets communs orientés IA et gestion d’actifs.
Nexans : synergies et feuille de route
Nexans voit dans Sensewaves un levier pour accroître ses compétences en IA et enrichir sa palette de services. L’entreprise mentionne un double intérêt : fluidifier les échanges technologiques et améliorer la connaissance fine du comportement des câbles en exploitation, afin de préparer des modèles intelligents alignés sur les contraintes réelles du terrain.
L’alliance vient compléter son offre auprès des gestionnaires de réseaux : ingénierie, surveillance et gestion d’actifs sont cités parmi les axes de collaboration envisagés. Des projets communs sont annoncés, sans divulgation de détails à ce stade.
American Electric Power : usage et portée
AEP connaissait déjà Sensewaves via sa division texane. L’entrée au capital formalise un partenariat opérationnel qui s’inscrit dans une dynamique plus large : la demande énergétique liée à l’essor des datacenters contraint les réseaux américains à trouver de la capacité utilisable sans retarder les délais. La solution de Sensewaves est conçue pour révéler ces marges cachées en s’appuyant sur la donnée existante des opérateurs.
L’IA au service des réseaux : le positionnement technologique de Sensewaves
Sensewaves propose un logiciel SaaS qui ingère et nettoie de grands volumes de données brutes issus des systèmes clients. Les algorithmes croisent ces informations avec des données tierces, comme la météo, pour produire des analyses exploitables par les ingénieurs réseaux. Le résultat se matérialise par des visualisations et indicateurs qui facilitent la gestion des câbles, transformateurs et l’identification d’anomalies.
Le cœur du différenciateur tient dans l’IA et dans un jumeau numérique très précis du réseau, utilisé notamment pour corriger la connectivité et détecter les écarts entre plan et réalité. Cette approche permet de déployer rapidement la solution, sans installation massive de capteurs, en capitalisant sur les données existantes. Les décisions deviennent plus proactives et mieux justifiées, y compris dans un contexte de contraintes temporelles fortes.
Un jumeau numérique de réseau électrique fait correspondre chaque actif physique à son équivalent data, enrichi par l’historique d’événements. En pratique :
- Topologie exacte : vérification continue des schémas de connexion et de leur cohérence avec la réalité terrain.
- Contexte opérationnel : intégration d’exogènes, par exemple la pluviométrie ou la température locale, pour expliquer des comportements atypiques.
- Scénarios “what-if” : estimation des effets de charges supplémentaires ou d’indisponibilités sur la stabilité et les contraintes thermiques.
Le gain clé réside dans la décision informée à partir d’une représentation dynamique et contextualisée du réseau, sans multiplier le capteur.
La connectivité d’un réseau évolue avec les interventions, extensions et remplacements. Des écarts entre la documentation et le réel créent des angles morts :
- Des mesures mal attribuées à des tronçons ou transformateurs, faussant les diagnostics.
- Des capacité “bloquées” faute d’un inventaire topologique exact.
- Des décisions retardées quand la recherche d’informations devient une tâche chronophage.
La correction automatisée par l’IA réduit ces frictions, rendant immédiatement actionnables des décisions qui, autrement, restent à l’étude.
Énergies renouvelables en France : signaux chiffrés et enjeux systèmes en 2024-2025
Le rythme de croissance des ENR modifie la physionomie du réseau français. En 2024, l’hydraulique a livré 72 TWh de production brute, en hausse de 27 % par rapport à 2023, pour représenter 47 % de l’électricité renouvelable produite en France.
Ce niveau n’avait plus été observé depuis 2013. Sur une tendance longue, la production normalisée reflue toutefois d’environ 9 % depuis 2004, alors que les capacités installées restent stables (SDES, septembre 2025).
Le SDES souligne également, dans ses analyses d’octobre 2025, une dépendance accrue à la pluviométrie pour l’hydraulique, confirmant la sensibilité du mix à la météo. La production d’électricité renouvelable aurait progressé d’environ 15 % entre 2023 et 2024, portée par la reprise hydraulique et la dynamique éolienne. Pour les gestionnaires, cela appelle des outils capables d’absorber l’intermittence et de calibrer les flux en anticipant les congestions et les surcharges locales.
Dans ce contexte, l’approche de Sensewaves cible précisément les points de saturation et les marges exploitables, afin de synchroniser l’intégration d’éolien et de solaire avec les contraintes des infrastructures.
Repères chiffrés sur les ENR en France
Points saillants utiles pour les directions techniques et financières :
- Hydraulique 2024 : 72 TWh de production brute, +27 % sur un an.
- Poids dans les ENR : 47 % de la production renouvelable brute.
- Tendance longue : production normalisée hydraulique en baisse d’environ 9 % depuis 2004.
- Dépendances exogènes : pluviométrie et aléas climatiques comme déterminants de la variabilité.
Qui est Sensewaves : origines, équipe et marché
Créée en 2015, Sensewaves est une PME basée à Paris qui compte une dizaine d’employés. Son modèle est résolument international : plus de 90 % de son activité se réalise aux États-Unis, où la solution a trouvé un marché mûr, soutenu par la pression de la demande et par des gestionnaires de réseau en quête de gains rapides. Le chiffre d’affaires dépasse le million d’euros, sans précision détaillée pour des motifs concurrentiels.
Fivos Maniatakos, PDG et cofondateur, souligne la dominante technique de l’entreprise et admet un positionnement plus discret sur la communication et le marketing. C’est justement ce que l’arrivée d’actionnaires industriels peut contribuer à combler : structurer le go-to-market et crédibiliser l’exécution à l’échelle.
Fondateurs et parcours
Les cofondateurs, Fivos Maniatakos et Côme Maestracci, se rencontrent à l’Ircam, centre de recherche dédié aux technologies musicales. Leurs travaux sur l’analyse de séries temporelles débouchent sur des applications énergétiques, où la donnée suit des patterns qu’il convient de détecter, corriger et projeter. Cette expérience académique se traduit par une offre industrialisée, tournée vers la fiabilité opérationnelle et la scalabilité logicielle.
Implantation commerciale aux États-Unis
Sencewaves référence une dizaine d’opérateurs américains parmi ses clients, dont AEP, utilisatrice au Texas. Le marché américain, catalysé par la montée en puissance des datacenters, requiert des solutions d’optimisation de capacité. La société soutient que ses algorithmes déverrouillent des capacités cachées et diminuent la pression sur les investissements lourds à court terme.
Installer des capteurs à grande échelle implique des coûts, des délais et des maintenances. En s’appuyant d’abord sur la donnée existante :
- Le time-to-value est réduit, car la solution s’active vite.
- Le coût d’entrée baisse, utile pour les budgets contraints.
- La souveraineté de la donnée est mieux maîtrisée, car l’architecture tire parti des systèmes clients.
Les capteurs restent utiles pour affiner, mais ne conditionnent pas la première vague de gains opérationnels.
Grands réseaux et datacenters : relèvement de capacité sans béton
L’accélération des besoins alimentés par les datacenters pousse les opérateurs à chercher des solutions rapides. Selon des estimations évoquées pour 2024, la demande sur certains réseaux américains pourrait croître d’environ 20 % par an. Dans ce contexte, l’optimisation par la donnée permet de gagner des points de capacité en revisitant la manière dont les charges sont pilotées, réparties et anticipées.
L’approche de Sensewaves s’inscrit pleinement dans cette logique. Plutôt que de systématiquement renforcer ou étendre les infrastructures, la société propose d’exploiter plus finement l’existant : qualité des historiques, correction topologique, prévision des flux, analyse de risque avant surcharge. À la clé, une réduction des coûts d’opportunité liés aux retards de mise à disposition de capacité, tout en nowarrant la résilience des réseaux.
Services d’ingénierie et IA : combinaison attendue chez Nexans
Pour Nexans, la valeur naît de la conjonction entre expertise matérielle et intelligence logicielle. L’ambition est d’intégrer la connaissance fine des câbles, les données d’exploitation et des modèles IA capables d’identifier les conditions limites et les marges.
Cette combinaison intéresse directement les fonctions de gestion d’actifs et de surveillance, avec des projets conjoints prévus pour tester l’intégration bout en bout, de l’ingénierie jusqu’aux décisions d’exploitation. Les modalités restent confidentielles, mais l’intention est claire : industrialiser des gains mesurables chez les gestionnaires de réseaux.
Cas d’usage typiques chez les opérateurs
- Détection proactive de tronçons critiques avant période de pointe, pour éviter les déclenchements en cascade.
- Rééquilibrage de charges entre feeder et postes, en exploitant les marges thermiques disponibles.
- Planification d’intégration ENR avec évaluation fine des congestions probables et des scénarios météo.
- Maintenance ciblée sur actifs à risque, identifiés via patterns dans les séries temporelles.
Limiter les blackouts : nouvelles applications et mise à l’échelle terrain
La promesse industrielle est aussi une promesse de sécurité d’approvisionnement. Sensewaves met en avant sa capacité à réduire la probabilité de blackouts, ces coupures massives qui paralysent des régions entières.
Les interruptions survenues en Espagne et au Portugal en avril 2025, sous conditions extrêmes, rappellent à quel point les réseaux européens restent exposés. L’approche par la donnée vise à déceler tôt les signaux faibles qui précèdent une rupture de stabilité.
Au-delà des bureaux d’études, la société développe des applications propulsées par l’IA générative, pensées pour simplifier l’accès aux informations terrain dans des environnements difficiles, y compris par météo dégradée. L’objectif est d’élargir l’usage aux techniciens et opérateurs de première ligne, afin que l’intelligence opérationnelle circule sans friction, de l’ingénierie à l’intervention.
Un blackout résulte d’une perte de stabilité qui peut démarrer localement et s’étendre rapidement :
- Origine fréquente : combinaison d’aléas météo, de congestions et de déclenchements en cascade.
- Rôle de l’IA : quantifier les marges, détecter les patterns d’instabilité, simuler des scénarios pour préparer les arbitrages.
- Impact économique : éviter les arrêts d’activité, préserver l’image de marque et réduire les coûts de rétablissement.
La prévention par la donnée ne supprime pas le risque, mais réduit la fréquence et la gravité des événements en accélérant la prise de décision.
Capacités ENR et arbitrages financiers : une équation de compétitivité
Sur le Vieux Continent, l’objectif européen de 42,5 % d’ENR dans la consommation finale d’énergie d’ici 2030 impose une montée en puissance des outils d’équilibrage. Les analyses de conjoncture confirment que la variabilité de l’hydraulique, de l’éolien et du solaire accentue les défis de planification. Dans cette équation, l’optimisation data-driven apparaît comme un levier de compétitivité : chaque MWh mieux orienté est un MWh de moins à compenser par des moyens coûteux.
Pour les directions financières et techniques, l’intérêt est double :
- Décaler des CAPEX en extrayant davantage de performance de l’infrastructure existante lorsque c’est possible.
- Réduire l’OPEX en abaissant le coût des diagnostics, en limitant les interventions correctives d’urgence et en ciblant les remplacements.
Ce modèle trouve un écho aux États-Unis, où la tension sur l’offre électrique incite à la rapidité d’exécution. Pour AEP, l’investissement dans un outil déjà employé dans une zone opérationnelle critique traduit une logique de résilience : quand la courbe de demande s’infléchit, la transparence des marges réseau devient une assurance vitale.
Nexans et Sensewaves : passerelle entre matériel et logiciel
La valeur de cette alliance tient à une articulation claire : Nexans apporte la connaissance profonde des actifs physiques, Sensewaves met en musique la donnée pour signer des économies temporelles et opérationnelles. En rendant actionnables des analyses longtemps cantonnées aux bureaux, les deux partenaires ambitionnent d’accélérer la diffusion d’un standard industriel où la performance d’un réseau se mesure autant à ses capacités matérielles qu’à la qualité de ses décisions.
Et maintenant pour l’écosystème électrique : coopération renforcée et démonstrateurs attendus
La prise de participation conjointe de Nexans et d’AEP acte une convergence : les réseaux électriques gagnent à faire dialoguer ingénierie matérielle et intelligence logicielle. Les chiffres récents des ENR en France confirment une trajectoire où la variabilité devient la norme, ce qui renforce l’intérêt d’outils capables d’anticiper, de prioriser et d’arbitrer rapidement les choix opérationnels. Les premiers projets communs annoncés devraient servir de démonstrateurs aux yeux des gestionnaires d’infrastructures, en particulier sur la prévention des congestions et la gestion d’actifs.
Pour Sensewaves, l’enjeu est d’industrialiser sa démarche, tout en restant fidèle à son ADN scientifique. C’est aussi l’opportunité de devenir un référent européen sur l’IA appliquée aux réseaux, dans un marché où l’exigence de fiabilité n’a jamais été aussi forte. La prochaine étape se jouera sur la capacité à prouver, rapidement et à grande échelle, que la donnée bien exploitée vaut autant qu’un nouveau mégawatt de béton.