Le SCAF : enjeux financiers et gouvernance pour l'Europe
Le projet SCAF ambitionne un budget d'entre 50 et 80 milliards d'euros d'ici 2040, avec une attention particulière sur la gouvernance et l'autonomie stratégique.

50 milliards d’euros au minimum pour un système de combat aérien du futur dont l’Europe n’a pas encore arrêté les règles du jeu : la France affiche sa détermination à ne plus subir le tempo des partenaires. À Paris, l’exécutif et l’industriel de référence, Dassault Aviation, posent désormais une ligne claire autour du SCAF, avec l’option d’un développement national si les pourparlers s’enlisent au-delà de 2025.
Position assumée par Paris : si la gouvernance et la répartition industrielles ne trouvent pas d’issue, la France se tient prête à faire progresser l’avion de nouvelle génération par ses propres moyens, tout en conservant une logique européenne non exclusive.
Dassault Aviation affirme sa capacité à réaliser le NGF indépendamment des partenaires
Dassault Aviation a confirmé en septembre 2025 disposer des compétences et de l’assise industrielle pour conduire l’avion NGF, si nécessaire, sans l’appui de Berlin et Madrid. Cette position s’inscrit dans une logique de souveraineté technologique et de continuité industrielle, compte tenu du socle accumulé sur le Rafale et ses évolutions.
Concrètement, le constructeur français revendique un savoir-faire intégrateur, de la définition des architectures de vol aux lois de pilotage, en passant par l’assemblage et la mise au point d’un démonstrateur. Côté calendrier, la phase 2 du programme SCAF, focalisée sur un démonstrateur, est annoncée comme nécessitant un investissement substantiel, avec une enveloppe estimée à environ 5 milliards d’euros et une fenêtre de lancement en 2026. Le message est limpide : l’expertise est prête à être mobilisée, à gouvernance clarifiée.
Au passage, Paris indique que la nomination à venir d’un nouveau ministre des Armées pourrait peser sur l’issue des discussions. Le signal envoyé aux industriels est celui d’un arbitrage politique à brève échéance, afin d’éviter un décalage irréversible par rapport aux concurrents internationaux.
Les tensions autour de la gouvernance du SCAF freinent sa progression
Le point de friction majeur concerne la gouvernance et la répartition des tâches entre les industriels. Chaque pays souhaite préserver ses champions, et chaque champion son périmètre critique. Les discussions achoppent sur le degré d’autonomie du maître d’œuvre pour le NGF, sur les droits de propriété intellectuelle, ainsi que sur la distribution des lots entre systèmes avion et systèmes associés.
Des rumeurs de retrait du partenaire allemand ont été évoquées dans la presse fin août 2025. Dans le même temps, le chancelier allemand Friedrich Merz a fixé l’ambition d’une solution d’ici la fin de l’année 2025, qualifiant la situation actuelle d’insatisfaisante. Côté opinion publique, des publications sur X relaient l’idée d’une France prête à avancer seule, sans constituer des preuves factuelles en tant que telles, mais reflétant la montée d’une ligne de fermeté.
Répartition des rôles : un casse-tête pour les industriels
La logique initiale plaçait Dassault Aviation en chef de file pour l’avion NGF et Airbus en acteur central pour d’autres piliers, notamment les systèmes connectés et certaines briques critiques côté Allemagne et Espagne. Mais les attentes de maîtrise et les enjeux de propriété intellectuelle nourrissent un blocage durable.
Dans l’industrie aéronautique de défense, l’architecture du projet conditionne la performance, le coût total et la responsabilité en cas de dérive technique ou d’aléas programme. Ici, la difficulté n’est pas que technique : c’est un arbitrage politico-industriel sur qui porte la cohérence du système.
Repères express
Architecture du projet : un système de systèmes incluant le NGF, des drones et un cloud de combat. Pays engagés : France, Allemagne, Espagne. Coordination : répartition des tâches au cœur des discussions.
Industriels clés : Dassault Aviation côté français, Airbus côté allemand et espagnol. Calendrier visé : capacités opérationnelles autour de 2040. Ouvertures tentées : d’autres pays européens ont été approchés, sans succès notable à ce stade.
Le cloud de combat vise à connecter en temps réel avion de combat, drones, capteurs et systèmes d’armes, afin de partager des données critiques et d’orchestrer les effets dans l’espace aérien. L’objectif : améliorer la survivabilité, la coordination et la supériorité informationnelle. Il s’agit d’un pivot du SCAF, au même titre que la cellule du NGF, pour donner au système un avantage en environnement contesté.
Coût du SCAF : un budget de 50 à 80 milliards d’euros en débat
Sur le plan financier, plusieurs ordres de grandeur circulent. Un plancher d’au moins 50 milliards d’euros est mentionné dans une analyse relayée par la presse française (Le Parisien, 24 septembre 2025). D’autres estimations situent le programme autour de 50 à 80 milliards d’euros, sans stabilité définitive tant que les attributions et la trajectoire technique ne sont pas verrouillées.
Une analyse distincte évoque une hypothèse supérieure, au-delà de 100 milliards d’euros, lorsqu’on intègre la totalité du cycle de développement jusqu’à 2040-2045, ce qui souligne l’ampleur d’un programme qui dépasse le seul avion pour inclure capteurs, drones et systèmes d’information (archive du 26 septembre 2025). À ce stade, la phase 2, qui doit porter un démonstrateur à partir de 2026, nécessiterait environ 5 milliards d’euros d’investissement. Côté trajectoire budgétaire, le dossier dépend de la gouvernance, de la consolidation industrielle, et de la capacité à éviter les redondances.
En pratique, ces montants ne sont pas figés et dépendent de la trajectoire technologique. La standardisation de sous-systèmes et des choix cohérents de partage de charge entre pays sont des leviers d’optimisation. À défaut, le risque est une hausse tendancielle du coût complet, surtout si des lignes concurrentes émergent en parallèle.
Les enjeux de l’expertise souveraine pour la défense française
Du point de vue français, l’expertise souveraine ne se résume pas à une préférence nationale. Elle touche la sûreté de fonctionnement des composantes critiques, la maîtrise des architectures logicielles et la garantie d’accès aux technologies sensibles en temps de crise. L’intégrateur doit disposer de la latitude nécessaire pour trancher les arbitrages techniques et préserver l’unité du système.
Au-delà de l’avion, le SCAF est un écosystème d’effets combinés où le cloud de combat, les capteurs et les drones jouent un rôle décisif. En préserver la cohérence confère un avantage opérationnel mais aussi économique : éviter les reworks et sécuriser la trajectoire d’essais sur un cycle de vingt ans. Dans cette optique, la France estime pouvoir avancer, quitte à réaccueillir des partenaires plus tard sur une base clarifiée.
La comparaison avec le programme concurrent GCAP, mené par le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon avec un horizon opérationnel visé en 2035, accentue la pression temporelle. Si l’Europe continentale veut rester dans le peloton de tête, elle doit prouver qu’elle sait stabiliser un cap technologique et un montage industriel sans inerties excessives.
L’impact du nouveau ministre des Armées sur le programme SCAF
Les acteurs industriels attendent la nomination du nouveau ministre des Armées, identifiée comme un pivot politique. Une prise de fonction assortie d’un mandat clair pourrait permettre de verrouiller des compromis sur la gouvernance du SCAF et d’arbitrer les lots industriels. Cette variable institutionnelle, sans être technique, agit comme un accélérateur potentiel de l’agenda.
À court terme, plusieurs chantiers politiques sont à surveiller : consolider la position française sur la maîtrise d’œuvre, clarifier la feuille de route du démonstrateur et sécuriser une trajectoire budgétaire compatible avec les attentes de fin 2025. En cas d’impasse, la France indique une préférence pour la continuité des travaux plutôt que des cycles de renégociation successifs.
Mini Q/R sur le SCAF
Qui finance et sur quelle base ? Les enveloppes sont réparties entre États partenaires selon des décisions à confirmer, avec un plancher programmatique d’au moins 50 milliards d’euros évoqué dans la presse française. Les clés exactes restent à arrêter.
Quel rythme face au GCAP ? Le GCAP vise 2035, le SCAF 2040. Le différentiel de calendrier ajoute un impératif de stabilisation rapide de la gouvernance SCAF pour éviter un décrochage capacitaire.
Analyse des implications du SCAF pour l’avenir de l’aviation européenne
Le SCAF n’est pas un programme isolé. Il s’inscrit dans une rivalité technologique et industrielle avec le GCAP, qui avance avec une promesse d’avion opérationnel en 2035. L’écart de calendrier pose question sur la capacité de l’Europe continentale à converger. L’option française d’un filet de sécurité national rétablit une crédibilité de calendrier, au prix d’une complexité politique accrue.
Sur le plan des alliances, diverses spéculations circulent, comme la possibilité d’un pivot allemand vers d’autres partenariats si les discussions du SCAF échouaient. Ce bruit de fond, relayé en ligne, n’est pas un fait établi.
Il souligne toutefois le risque de réallocation des budgets et des capacités. Par ailleurs, des approches antérieures auprès d’autres pays européens n’ont pas abouti, ce qui réduit les marges d’équilibrage financier à court terme.
Pour les donneurs d’ordres publics comme pour les industriels, l’issue se déclinera en trois points très concrets :
- Clarté de la maîtrise d’œuvre pour éviter les surcoûts d’interface.
- Séquence budgétaire réaliste qui sécurise la phase 2 et le démonstrateur.
- Interopérabilité des briques SCAF avec l’écosystème européen, pour ouvrir la porte à des coopérations futures non exclusives.
À ce stade, Paris cherche un équilibre entre volontarisme souverain et ouverture européenne. Si l’accord à trois se concrétise d’ici fin 2025, le SCAF gagnera en lisibilité. À défaut, une trajectoire française assumée pourrait préserver le cœur technologique, quitte à recomposer plus tard avec des partenaires sur des modules spécifiques.
Feuille de route condensée du SCAF
- 2017 : lancement du programme SCAF, définition des piliers techniques.
- 2025 : besoin d’un accord clair sur la gouvernance et la répartition des tâches, objectif de solution affiché d’ici fin d’année.
- 2026 : démarrage attendu de la phase 2 et du démonstrateur, pour environ 5 milliards d’euros.
- 2040 : horizon visé pour remplacer Rafale et Eurofighter, avec un système de systèmes complet.
Checklist d’attention pour les directions achats et programmes : vérifier la cohérence des interfaces, la protection des droits IP et la planification des essais multi-piliers.
Conséquences opérationnelles : cette ligne française
Pour les contractants et les équipes de programme, la menace crédible d’une voie nationale modifie l’équilibre des négociations. Les acheteurs publics peuvent y voir un levier de clarification pour sécuriser le chemin critique du démonstrateur et la cohérence des spécifications. Côté industriels, l’incitation est d’autant plus forte à verrouiller les interfaces critiques et à éviter les doublons coûteux.
Dans les chaînes de valeur françaises, cette orientation est un signal en faveur des compétences cœur — architecture de vol, intégration logiciel-systèmes, essais — et de la consolidation des compétences rares. Pour les partenaires européens, elle ouvre une alternative : rejoindre un cadre clarifié ou préserver des options bilatérales. La priorité opérationnelle, elle, ne change pas : offrir à l’aviation de combat européenne une supériorité informationnelle et cinématique crédible au milieu des années 2040.
Capacité européenne ou addition nationale : l’équation à résoudre
Au final, deux chemins se dessinent. Soit une capacité européenne stabilisée, avec un partage industriel accepté et des arbitrages politiques assumés.
Soit une progression française servant d’épine dorsale, autour de laquelle des coopérations viendront s’arrimer à mesure que les briques se consolident. Dans les deux cas, l’enjeu est le même : tenir la date, maîtriser les coûts et préserver l’avance technologique face au GCAP et aux références américaines.
La prochaine étape est politique autant qu’industrielle. Si la séquence de fin 2025 clarifie la gouvernance, le SCAF disposera d’un axe de marche crédible, soutenable et lisible pour les finances publiques. À défaut, la stratégie de continuité française donnera le ton, avec la promesse d’un dispositif ré-ouvrable à des partenaires, mais sur une base de pilotage ferme.
Le temps long de la défense se gagne dans l’année qui vient.
La France se prépare à développer seule le SCAF pour éviter les blocages négociables
Ce qui remonte du terrain diplomatique est net : la France a annoncé sa readiness à poursuivre seule le développement de l’avion de combat du futur si les négociations avec l’Allemagne et l’Espagne n’aboutissent pas. Le SCAF, initié en 2017 pour préparer le remplacement des Rafale et Eurofighter à l’horizon 2040, agrège un avion de combat de nouvelle génération NGF, des drones d’accompagnement et un cloud de combat, pour constituer un système intégré.
Dans les faits, Paris ne ferme pas la porte à une architecture à plusieurs, mais refuse le statu quo. Cette inflexion tient à une contrainte stratégique : le respect du calendrier lié à la dissuasion, dont la composante aéroportée repose sur le Rafale. À ce stade, les positions restent fermes sur la gouvernance et les parts de travail, alors que les rôles industriels — Dassault pour la France, Airbus pour l’Allemagne et l’Espagne — sont sources de crispations.
En pratique, la France défend une maîtrise d’œuvre claire côté avion NGF, condition posée pour préserver l’intégrité technique et la cohérence du design. La perspective d’une poursuite nationale ne signifie pas une sortie de l’approche européenne, mais une capacité de reconfiguration si l’architecture multipartite ne se stabilise pas rapidement.