La Mède : TotalEnergies lance une nouvelle ère du SAF
Découvrez comment TotalEnergies produit 15 000 tonnes de SAF à La Mède, avec un impact significatif sur l'aviation durable en France.

À La Mède, TotalEnergies enclenche une nouvelle phase de sa stratégie multi-énergies. La bioraffinerie des Bouches-du-Rhône produit désormais du SAF, carburant aérien durable, avec une capacité annuelle pouvant atteindre 15 000 tonnes. Ce jalon industriel conforte l’émergence d’une filière française structurée, au croisement des impératifs climatiques, des obligations européennes et des besoins opérationnels des aéroports.
SAF à La Mède : démarrage industriel et technologie utilisée
TotalEnergies confirme l’entrée en production de carburants aériens durables sur son site de La Mède, reconverti en bioraffinerie depuis 2019. Cette montée en puissance s’inscrit dans une trajectoire amorcée depuis 2023, avec un accent renforcé sur l’aviation. Selon les communications officielles de 2024, l’unité dédiée est désormais opérationnelle et peut livrer jusqu’à 15 000 t/an de SAF.
Le procédé de fabrication s’appuie sur des matières premières renouvelables et tracées, principalement des huiles de cuisson usagées et des graisses animales. Les intrants ne concurrencent pas les cultures alimentaires.
Les huiles et graisses sont hydrogénées puis isomérisées, avant un craquage et un finishing visant la stabilité, la tenue au froid et la compatibilité avec les normes aéronautiques. Résultat, le produit final est un carburant « drop-in », incorporable dans le kérosène fossile sans modification des moteurs ni des systèmes au sol.
Procédés et intrants : huiles de cuisson et graisses animales
Le cœur technologique repose sur des étapes d’hydrogénation et d’isomérisation, typiques des voies HEFA. L’usage de déchets et résidus non alimentaires réduit l’empreinte carbone tout en préservant la biodiversité. Cette stratégie aligne le site sur les critères de durabilité reconnus au niveau européen. L’inscription dans une logique d’économie circulaire limite la dépendance à des matières premières vierges.
Normes OACI et compatibilité flotte
Les SAF de La Mède sont conçus pour respecter les spécifications internationales de l’aviation civile et s’intégrer aux moteurs actuels. Les compagnies n’ont pas à modifier leurs procédures. Sur la chaîne sol, les infrastructures existantes d’avitaillement restent adaptées, ce qui facilite une montée en cadence sans surcoût d’équipement immédiat.
Le SAF est un terme englobant tout carburant durable compatible aviation. Le kérosène désigne le carburant fossile historique. HEFA décrit une voie technologique de production de SAF à partir d’huiles et graisses. D’autres voies existent mais la maturité industrielle actuelle en Europe se concentre d’abord sur HEFA, compte tenu de l’accès aux intrants et des performances.
Réduction d’émissions : ce que signifie « 75 à 90 % sur cycle de vie »
La réduction d’émissions annoncée pour les SAF se calcule sur l’ensemble du cycle de vie du carburant, de l’approvisionnement en intrants à la combustion en vol.
- Intrants et collecte des déchets.
- Transformation et transport.
- Mélange, distribution et combustion.
Le delta CO₂ par rapport au fossile résulte d’une somme d’étapes optimisées. Les chiffres dépendent des intrants utilisés, du mix énergétique de l’usine et des distances logistiques.
Aéroport Marseille-Provence : un contrat pilote pour l’avitaillement SAF
En avril 2024, TotalEnergies et Aéroport Marseille-Provence ont formalisé la fourniture de SAF directement sur site. Ce schéma court-circuite des ruptures logistiques et sécurise l’accès pour les compagnies basées et de passage. La distribution locale réduit les temps d’implémentation, à coût d’infrastructure constant.
Le partenariat est annoncé comme évolutif. Il vise à alimenter, à terme, d’autres hubs régionaux du sud de la France lorsque la demande l’exigera et que la production le permettra. La bioraffinerie de La Mède peut ainsi jouer le rôle de point d’ancrage, favorisant un maillage de proximité.
Marseille-Provence : conditions opérationnelles
Le SAF livré est un produit « prêt à l’emploi » qui n’appelle aucune modification des chaînes d’avitaillement, des avions ou des procédures aéroportuaires. Cette neutralité opérationnelle est déterminante pour accélérer l’usage sans interférer avec la sécurité des vols ni l’efficacité des rotations.
Effet d’entraînement régional envisagé
Le dispositif peut s’étendre à d’autres plateformes régionales, selon la progressivité des demandes compagnies et les obligations d’incorporation. En pratique, le déploiement repose sur la disponibilité des volumes et des contrats d’achat, avec une montée graduelle pour éviter les tensions sur les intrants.
Bon à savoir sur l’avitaillement SAF à Marseille
- Produit drop-in : pas d’adaptation moteur ni pipeline spécifique.
- Contrats évolutifs : intégration possible de mélanges avec part SAF croissante.
- Suivi de durabilité : intrants tracés et conformité aux exigences européennes.
- Effet filière : renforcement de la demande locale et élargissement des engagements long terme.
ReFuelEU Aviation : obligations 2025 et trajectoire à 2050
Le règlement ReFuelEU Aviation est entré en application le 1er janvier 2025. Il impose des niveaux d’incorporation progressifs de SAF dans l’aviation civile. Le premier palier est fixé à 2 % en 2025, puis monte par étapes pour atteindre 70 % en 2050 (douane.gouv.fr). Pour les acteurs, cette trajectoire fixe un cap d’investissement, d’approvisionnement et de contractualisation.
Pour les producteurs, l’alignement requiert une sécurisation des intrants et une planification industrielle robuste. Pour les compagnies, il s’agit d’arbitrer l’achat de volumes SAF via des contrats long terme, intégrant la prime « verte » dans leurs calculs de coût au siège passager. Pour les aéroports, la clé réside dans la flexibilité logistique et les systèmes de suivi de la durabilité.
Carb Aero sous France 2030 : quel signal au marché
Le 23 avril 2025, le gouvernement a annoncé les lauréats de l’appel à projets Carb Aero dédié à la décarbonation du transport aérien. TotalEnergies s’inscrit parmi les acteurs soutenus pour la constitution d’une filière nationale SAF. L’objectif est d’accélérer la montée en charge industrielle et de consolider l’amont agricole et déchets, via des financements ciblés.
Les quotas s’appliquent sous forme de pourcentage minimal de SAF dans le carburant livré sur les aéroports de l’UE. Les obligations sont suivies via des attestations de durabilité et des contrôles administratifs. Les compagnies et les fournisseurs d’avitaillement peuvent recourir à des schémas de mass balance en conformité avec les référentiels en vigueur, afin d’optimiser la logistique tout en respectant la règle d’incorporation.
Retombées économiques dans les Bouches-du-Rhône : emplois et sous-traitance
La reconversion du site a mobilisé plus de 1 200 emplois ETP lors des travaux, avec un ancrage territorial marqué. Plus de 65 % des marchés ont été attribués à des entreprises locales. Ces dépenses se diffusent vers l’ingénierie, la chaudronnerie, la maintenance et la logistique industrielle.
Les effets d’entraînement se lisent également dans la montée en compétences : formation aux procédés de bioraffinage, savoir-faire en contrôle qualité carburants et gestion de la traçabilité. D’après les séries régionales 2024, la spécialisation industrielle en Provence-Alpes-Côte d’Azur bénéficie des investissements liés aux transitions énergétique et environnementale, ce qui renforce l’employabilité sur les métiers techniques et d’exploitation.
Formation et montée en compétences
TotalEnergies a soutenu des parcours de formation professionnelle adossés à des organismes publics. Les modules couvrent sécurité process, opérations de raffinerie adaptées aux biocarburants, normes carburants aviation et maîtrise des bilans de durabilité. L’objectif est double : stabiliser les compétences critiques et élargir le vivier local pour les phases d’entretien et de ramp-up.
- Maintenance industrielle : instrumentation, intégrité mécanique, arrêt d’unités.
- Qualité : analyses carburant, conformité aux spécifications aviation.
- Logistique : traçabilité des lots, documentation de durabilité, interfaces aéroportuaires.
Au-delà de l’emploi direct, l’écosystème des PME régionales bénéficie des commandes induites. Les filières déchets et collecte d’huiles de cuisson usagées se structurent, renforçant la circularité et créant des débouchés récurrents pour des acteurs de proximité.
La valeur se répartit entre les opérations de collecte des intrants, la transformation industrielle et les services de support. L’effet multiplicateur découle de la récurrence des marchés de maintenance, des arrêts techniques et du contrôle qualité. À moyen terme, la normalisation des besoins SAF stabilise les carnets de commandes des sous-traitants.
Capacité et feuille de route TotalEnergies : 2028 en ligne de mire
TotalEnergies vise une production supérieure à 500 000 tonnes de SAF par an dès 2028. La stratégie repose sur plusieurs sites français, dont La Mède, afin de sécuriser l’offre face à la montée des obligations d’incorporation en Europe. Les volumes seront alloués selon la demande et la maturité des schémas d’avitaillement.
Le 18 juin 2025, un accord a été signé avec le groupe Avril pour explorer les cultures intermédiaires françaises destinées à l’approvisionnement en biocarburants avancés. L’enjeu est d’ancrer une partie des intrants sur le territoire, de diversifier les sources et d’améliorer la résilience face aux chocs de marché. Parallèlement, la société réaffirme sa volonté d’investir 5 milliards d’euros d’ici 2030 dans les énergies renouvelables, avec une part dédiée aux biocarburants de nouvelle génération.
Accord avec Avril : cultures intermédiaires françaises
Le partenariat avec Avril explore l’utilisation de cultures intermédiaires qui n’entrent pas en concurrence avec les cultures alimentaires et qui s’intègrent dans les rotations agricoles. L’objectif est de consolider un amont fiable et durable, levier essentiel pour tenir la cadence des sites de production et répondre aux futures contraintes d’incorporation dans l’aviation.
France 2030 et Carb Aero : accélération de la filière
Dans le cadre de France 2030, l’appel à projets Carb Aero vient soutenir la mise à l’échelle industrielle du SAF en France. L’appui public vise l’intégralité de la chaîne de valeur, depuis l’amont intrants jusqu’aux solutions d’avitaillement. L’ambition est claire : densifier l’écosystème national et garantir une base d’offre compétitive pour les compagnies aériennes opérant en France.
Signal prix et contrats d’achat long terme
Le SAF supporte une prime prix par rapport au kérosène fossile. Pour lisser cette prime et sécuriser des volumes, les acteurs recourent à des contrats d’achat long terme adossés à des trajectoires d’incorporation. Ce mécanisme limite la volatilité et facilite le financement des capacités industrielles.
Approvisionnement pétrolier et arbitrages économiques : la place des SAF
La France demeure largement dépendante des importations de pétrole brut, la production nationale étant marginale. Cette réalité est documentée dans les Chiffres clés de l’énergie 2024, confirmant l’exposition aux fluctuations des marchés internationaux (Chiffres clés de l’énergie 2024). Dans ce contexte, la montée des SAF n’élimine pas la dépendance mais la diversifie et la réduit progressivement en substituant une part du fossile importé.
Sur le plan économique, l’équation repose sur trois variables : disponibilité des intrants durables, cadence industrielle et capacité à faire accepter la prime de coût au client final. Pour les compagnies, la pression réglementaire devient l’aiguillon permettant de contractualiser des volumes sur plusieurs années, avec des clauses d’ajustement de mélange et des outils de suivi de durabilité.
Pour les compagnies : coût unitaire et gestion de la prime verte
La prime du SAF, comparée au kérosène classique, se gère par la programmation des besoins et l’accès prioritaire aux hubs livrés en continu. Les grandes compagnies disposant d’un portefeuille de lignes sur plateformes SAF gagnent en prévisibilité. Pour les acteurs régionaux, l’avitaillement de proximité tel que celui de Marseille-Provence limite les coûts logistiques et les risques de rupture.
- Côté offre : pilotage des stocks, agrégation des intrants, certification de durabilité.
- Côté demande : contrats multi-annuels, clauses de flexibilité sur la part d’incorporation.
- Chaîne de valeur : transparence des données sur l’empreinte carbone et reporting harmonisé.
La dynamique sociale n’est pas à négliger. Les projets SAF créent des emplois qualifiés et ancrent des compétences dans les territoires industriels. L’association des collectivités, de la formation et des filières déchets soutient l’acceptabilité dans la durée, facteur essentiel pour un secteur aussi normé que l’aéronautique.
Les producteurs et distributeurs doivent documenter l’origine des intrants, l’empreinte carbone des process et la conformité aux référentiels reconnus. L’auditabilité des données et la traçabilité par lots sont devenues des exigences métier. La crédibilité de la filière repose sur ces mécanismes de preuve, au même titre que sur la performance industrielle.
Aviation décarbonée : la fenêtre d’opportunité s’ouvre pour la filière française
Avec la production de SAF à La Mède, l’avitaillement direct à Marseille-Provence, l’entrée en vigueur de ReFuelEU et des soutiens ciblés via France 2030, la France dispose d’un socle industriel et réglementaire pour accélérer. Le cap affiché par TotalEnergies, avec l’objectif de 500 000 t/an dès 2028, donne de la visibilité à l’écosystème.
Reste à orchestrer les contrats d’approvisionnement, l’accès aux intrants et la gestion de la prime de coût. La filière gagnera en compétitivité à mesure que les volumes s’aligneront sur les obligations européennes, et que les chaînes de valeur locales se densifieront. Un momentum que l’industrie aéronautique et énergétique a tout intérêt à saisir.