À Marseille, Rofim muscle son jeu. La medtech spécialisée en télémédecine boucle un financement de 10 millions d’euros pour changer d’échelle, accélérer ses recrutements et densifier son maillage européen, tout en optimisant une plateforme déjà largement déployée. L’entreprise revendique plus de 1 700 établissements équipés et se donne un cap clair : rendre les soins spécialisés plus accessibles, partout.

Tour de table de 10 millions d’euros et cap industriel

Le nouveau tour de table réunit des investisseurs historiques et deux entrants, signe d’un pari renouvelé sur l’industrialisation de la télémédecine. Les fonds serviront à renforcer les équipes commerciales et partenariales, intensifier l’expansion européenne et enrichir les briques logicielles ciblant les usages complexes de coordination médicale. L’ambition affichée est de réduire les barrières d’accès aux soins en multipliant les points de contact entre établissements et spécialistes.

L’opération est portée par la Banque des Territoires, Orange Ventures Impact et Région Sud Investissement, rejoints par CAAP Création et Buena Vista Capital. Ce financement arrive dans un moment charnière où la télémédecine dépasse la téléconsultation standard pour s’orienter vers la coordination clinique, la prise en charge pluridisciplinaire et l’expertise à distance, notamment face à l’essor des maladies chroniques. Le montant de 10 millions d’euros a été annoncé publiquement (Frenchweb).

Cartographie du tour et accents stratégiques

Investisseurs clés et attendus opérationnels :

  • Investisseurs historiques : Banque des Territoires, Orange Ventures Impact, Région Sud Investissement.
  • Nouveaux entrants : CAAP Création et Buena Vista Capital.
  • Emplois et commercial : renforcement des forces de vente et des partenariats pour la conquête européenne.
  • Produit : optimisation de la plateforme pour des usages complexes et collaboratifs entre professionnels de santé.
Métriques Valeur Évolution
Montant levé 10 M€ Nouveau tour confirmé
Établissements utilisateurs +1 700 En hausse continue
Professionnels de santé 70 000 Adoption renforcée
Hôpitaux en France 1 600 Objectif 2 000
Croissance annuelle +50 % Dynamique soutenue
Effectifs 40 salariés Cap à 50 fin 2025

Un positionnement clinique distinct des plateformes grand public

Créée en 2018 par Émilie Mercadal et le Dr David Bensoussan, Rofim n’est pas une plateforme de téléconsultation généraliste. Sa cible prioritaire est le corps médical, qui évalue l’éligibilité des patients et coordonne les parcours pour des cas complexes, par exemple en maladies rares.

L’offre rassemble des fonctions avancées : téléexpertise, téléconsultation, réunions pluridisciplinaires, messagerie sécurisée, partage d’imagerie. Le suivi s’opère en HAD, en Ehpad et en milieu pénitentiaire.

Cette orientation B2B santé confère à Rofim une singularité stratégique. Les usages ne reposent pas sur des flux massifs de consultations simples mais sur des échanges à forte valeur ajoutée entre spécialistes, pour accélérer le diagnostic, homogénéiser les avis et structurer la prise en charge.

Téléconsultation : consultation à distance entre médecin et patient, utile pour le suivi et la coordination.

Téléexpertise : sollicitation d’un avis spécialisé entre professionnels de santé, centrale pour les dossiers complexes.

Réunions pluridisciplinaires : concertation d’équipes hospitalières autour de cas cliniques pour une décision collégiale plus rapide.

Centre pénitentiaire des baumettes : suivi en milieu fermé

La plateforme équipe des environnements contraints comme le centre pénitentiaire des Baumettes à Marseille, ainsi qu’en Martinique. Objectif opérationnel : fluidifier les échanges entre soignants et réduire les déplacements non indispensables, sans compromis sur la sécurité des données ni sur l’accès à l’expertise.

Depuis 2023, Rofim a adopté le statut d’entreprise à mission. La gouvernance est ainsi structurée autour d’une raison d’être orientée vers l’équité d’accès aux soins et la continuité de la prise en charge. La société indique disposer de six modules dédiés et d’un comité scientifique alimentant les évolutions de produit.

Le statut d’entreprise à mission inscrit dans les statuts une raison d’être et des objectifs sociaux ou environnementaux, assortis d’un pilotage par un comité de mission et d’un rapport régulier de suivi. Appliqué à la e-santé, il oriente la feuille de route produit et les partenariats vers des indicateurs cliniques et d’accès aux soins.

Déploiements territoriaux et effets mesurés sur l’accès aux soins

Le développement de Rofim s’est accéléré dans des territoires où l’accès aux spécialistes est sous tension. Les Outre-mer constituent un terrain d’application fort, avec des déploiements visant à limiter les renoncements aux soins et à raccourcir les délais d’avis spécialisés.

Martinique : déploiement insulaire appuyé par l’ars

Un partenariat initié en septembre 2022 a été pérennisé en juin 2025 avec le soutien de l’Agence régionale de santé. Il couvre désormais l’ensemble de l’île et renforce la e-santé dans les zones isolées, avec un impact opérationnel sur les délais d’accès aux spécialistes et la coordination ville-hôpital.

Au plan national, la dynamique de télémédecine reste soutenue. Les actes réalisés et pris en charge ont fortement augmenté entre 2019 et 2022, ce qui a hissé les outils de coordination au rang d’infrastructures critiques pour la permanence des soins. Cette montée en charge pose un enjeu de qualité de service, de cybersécurité et d’interopérabilité inter-établissements.

Chiffres d’adoption et cap 2025

État des lieux et objectif court terme :

  • +1 700 établissements utilisateurs, dont 1 600 hôpitaux en France.
  • 70 000 professionnels de santé référencés sur la plateforme.
  • Objectif annoncé : 2 000 hôpitaux équipés sur un potentiel estimé à 3 500.
  • Croissance annuelle indiquée : +50 %.

Europe, royaume-uni et états-unis : accélération contrôlée et exigences de conformité

Rofim est déjà présente dans douze pays et indique une implantation dans un hôpital américain depuis début 2025. L’entreprise a ciblé en priorité l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni, avec un objectif chiffré de 7 % de chiffre d’affaires hors France d’ici 2026. La stratégie commerciale et partenariale est renforcée pour accompagner ce développement international.

Pour tenir la cadence, l’entreprise prévoit une montée en charge des effectifs, passés récemment de 30 à 40 salariés, avec une cible de 50 d’ici fin 2025 via dix recrutements additionnels. Les priorités concernent les fonctions commerciales, techniques et les alliances, levier central pour pénétrer les écosystèmes hospitaliers à l’étranger.

Points de vigilance réglementaires pour une extension paneuropéenne

Trois chantiers de conformité à intégrer dès la phase d’avant-vente :

  1. Protection des données : alignement RGPD, privacy by design, gouvernance des accès.
  2. Hétérogénéité des cadres nationaux : règles de remboursement, valorisation des actes, exigences d’agrément.
  3. Interopérabilité : intégration aux SI hospitaliers et aux référentiels de partage d’imagerie.

La trajectoire internationale s’inscrit dans un environnement d’innovation mieux financé. En France, on recense 590 start-up IA, dont 16 licornes, soutenues à hauteur de 1,5 milliard d’euros d’aides publiques en 2022, un levier pour les technologies de santé numérique (DGE). Parallèlement, une stratégie nationale IA et données de santé a été annoncée en juillet 2025 par le ministre chargé de la Santé, Yannick Neuder (ministère de la Santé).

Ia clinique, téléexpertise et écosystème de partenaires

Rofim investit dans des outils d’intelligence artificielle sémantique destinés à affiner l’analyse clinique et à accélérer l’orientation des dossiers. Ces briques d’IA viennent en soutien des praticiens pour améliorer l’identification des informations clés et l’aide à la concertation médicale. La démarche privilégie un usage intégrable et interopérable, en cohérence avec la nature multi-établissements de la plateforme.

Dermato expert : téléexpertise en pharmacie avec pierre fabre

Un partenariat notable a été noué avec les laboratoires Pierre Fabre pour lancer Dermato Expert, un service de téléexpertise dermatologique accessible en pharmacie. Cette approche met à profit le réseau officinal comme porte d’entrée vers l’expertise, réduisant l’errance préalable à une consultation spécialisée et offrant un filtrage pertinent des cas.

Au-delà, Rofim revendique 138 partenaires en France couvrant start-up, industriels et équipementiers. L’objectif est de créer des chaînes de valeur cohérentes, du recueil de données au partage d’imagerie, pour soutenir des parcours fluides et documentés. La même philosophie doit être étendue en Europe pour faciliter l’adoption locale.

La valeur d’une plateforme de télémédecine augmente avec sa capacité à se connecter aux logiciels métiers des établissements, à intégrer les données d’imagerie et à sécuriser la traçabilité des échanges. L’interopérabilité permet des réunions pluridisciplinaires plus riches, une téléexpertise plus rapide et une continuité de soins tangible.

Sur le plan macro, le marché européen de la e-santé est estimé à 175 milliards d’euros à l’horizon 2025, signe d’un potentiel significatif pour des solutions interopérables et sécurisées. Rofim s’aligne sur cette dynamique en ciblant des parcours complexes que la simple téléconsultation ne suffit pas à traiter efficacement.

Gouvernance clinique et rythme de déploiement hospitalier

Rofim revendique un ancrage médical fort. La solution est présentée comme conçue par des médecins pour des médecins, avec des itérations de produit éclairées par des besoins hospitaliers concrets. Un comité scientifique de 45 médecins se réunit à intervalle régulier pour ajuster les cas d’usage et renforcer la pertinence clinique des modules.

La stratégie de distribution s’appuie sur des réseaux hospitaliers existants et sur la capacité à démontrer des gains de délai d’accès et de coordination. La cible de 2 000 hôpitaux installés, sur un potentiel de 3 500, suppose une intensification des actions de terrain et un support client évolutif pour soutenir la qualité de service. Les équipes commerciales et support sont explicitement renforcées pour ce passage d’échelle.

Trois leviers se dégagent pour soutenir l’usage :

  • Parcours clinique pensé avec les services hospitaliers pour caler la solution sur les routines existantes.
  • Formation des équipes et mise en place de champions par spécialité pour augmenter le taux d’engagement.
  • Indicateurs de valeur : mesures des délais d’avis et de la qualité de coordination pour objectiver l’impact.

Feuille de route 2025-2026 pour rofim et ses partenaires de soins

La levée de 10 millions d’euros conforte Rofim dans une stratégie de consolidation produit, de recrutements ciblés et d’expansion géographique graduelle, avec l’objectif d’atteindre 7 % de chiffre d’affaires international d’ici 2026. Cette trajectoire s’inscrit dans un écosystème français et européen qui investit massivement dans l’IA et les données, donnant des moyens aux acteurs capables de prouver leur valeur clinique.

Le cap est posé : faire de la coordination des soins un standard accessible depuis l’hôpital, la ville, l’Ehpad ou les zones les plus isolées. Le fil conducteur reste inchangé, sécuriser et simplifier l’accès à l’expertise là où elle manque, tout en respectant des règles de conformité exigeantes et un niveau d’interopérabilité élevé.

Rester focalisé sur les usages cliniques tout en maîtrisant l’exécution européenne sera l’arbitrage clé des prochains mois.