Le ministère des Armées a franchi un cap en confiant à Infinite Orbits un contrat-cadre ambitieux pour surveiller l’orbite géostationnaire. Avec PALADIN, la France installe une brique opérationnelle qui lie innovation privée, souveraineté technologique et supériorité informationnelle. Un pari assumé sur une PME toulousaine qui incarne l’essor du New Space français, et un signal adressé au marché comme aux partenaires stratégiques.

Un accord-cadre stratégique pour sécuriser la géostationnaire

La Direction générale de l’armement a notifié l’accord-cadre PALADIN à Infinite Orbits le 8 août 2025. Le dispositif prévoit un plafond financier de 50 millions d’euros, destiné à concevoir, qualifier et déployer une première capacité d’inspection et de surveillance de l’orbite géostationnaire au profit du Commandement de l’Espace. Cette approche s’inscrit dans une trajectoire claire de renforcement des moyens spatiaux de défense.

La formule choisie est celle d’un service opéré articulé autour d’un satellite dédié, capable de détecter, caractériser et suivre des comportements en orbite. Au-delà de l’objet technique, l’intérêt est opérationnel: fournir à l’autorité militaire des données fiables et exploitables pour anticiper et dissuader. L’enjeu est explicite, réduire la zone d’incertitude dans une orbite où se situent des satellites critiques.

Le contrat crée un cadre industrialisable, avec un périmètre clair et des jalons. La DGA se dote d’un levier gradué, apte à évoluer par tranches fonctionnelles, sans immobiliser dès l’origine des capacités budgétaires excessives. PALADIN change ainsi l’échelle de l’effort, du prototype au service régulier, avec un modèle adaptable selon les menaces et l’appétence opérationnelle.

Ce que couvre réellement un accord-cadre DGA

Un accord-cadre fixe un plafond, des modalités de passation des marchés subséquents et des exigences de performance. Il permet d’ajuster rapidement l’ampleur de la commande en fonction des besoins opérationnels, tout en verrouillant l’environnement technique et juridique. Dans le cas de PALADIN, l’objet est double: sécuriser un premier service en orbite et préparer des montées en puissance maîtrisées.

Qui est infinite orbits

Fondée en 2018 et basée à Toulouse, Infinite Orbits se positionne sur les services en orbite: inspection, prolongation de vie, surveillance autonome. L’entreprise, présidée par Adel Haddoud, s’est distinguée par une approche pragmatique, combinant robotique spatiale, traitement embarqué et conduite autonome. Elle a structuré son offre autour d’architectures modulaires prêtes au vol, en s’adossant à l’écosystème spatial toulousain.

La PME bénéficie d’appuis institutionnels et de soutiens publics, dont des dispositifs d’accompagnement du CNES et des financements européens. Cette trajectoire lui a permis d’industrialiser des briques logicielles et capteurs critiques, tout en réduisant le coût d’accès à l’orbite pour des missions récurrentes.

Notification: 8 août 2025. Plafond: 50 millions d’euros. Objet: service d’inspection et de surveillance GEO. Bénéficiaire: Commandement de l’Espace, via la DGA. Le contrat comprend la conception du satellite, son intégration, sa mise à poste et les prestations de service associées (source: Ministère des Armées, 8 août 2025).

Architecture technique et calendrier industriel du programme

Le satellite de PALADIN s’appuie sur la plateforme Orbit Guard d’Infinite Orbits. Cette solution privilégie l’autonomie: capteurs optiques et algorithmes de bord pour la détection et l’analyse d’objets, navigation relative pour les approches, et modes de sécurité afin d’éliminer les risques de collision. L’objectif est de fournir une surveillance persistante avec un coût d’exploitation contenu et une réactivité accrue.

Le segment sol est pensé pour l’interopérabilité avec les capteurs et systèmes existants du Commandement de l’Espace. Le service met l’accent sur la fiabilité des scénarios RPO, l’authentification des événements anormaux et la remontée rapide d’alertes corrélées avec les observations depuis le sol.

Orbit guard: capteurs, autonomie et manœuvres

Orbit Guard combine des capteurs passifs et des algorithmes de vision par ordinateur pour établir une signature comportementale des objets observés. Les manœuvres sont planifiées de façon à maîtriser la consommation de carburant et les marges de sécurité. La capacité de navigation relative est au cœur du concept, avec un enlacement soigneux des approches et éloignements pour éviter tout effet d’entraînement dans la dynamique GEO.

Le calendrier prévoit un lancement dès 2027, pour une mise en service progressive. Cette trajectoire industrielle s’appuie sur un retour d’expérience récent côté français, qui a vu la réussite du lancement du satellite d’observation militaire CSO-3 en 2025 depuis le Centre spatial guyanais, jalon important pour la filière. Ce succès conforte la cohérence des délais annoncés pour le spatial de défense (Ministère des Armées, 6 mars 2025).

À environ 36 000 km d’altitude, GEO accueille des satellites de communication, météorologie, relais stratégiques et certaines charges de défense. La densité d’actifs à haute valeur et le caractère stationnaire apparent des positions en longitude créent un environnement propice aux approches non coopératives. Une surveillance de proximité vient compléter les capteurs au sol, en levant l’ambiguïté sur des comportements anormaux.

Métriques Valeur Évolution
Montant maximal de l’accord-cadre 50 M€ Plafond confirmé 2025
Date de notification 8 août 2025 Acté
Prestataire principal Infinite Orbits (Toulouse) Sélection réalisée
Client opérateur Commandement de l’Espace Périmètre consolidé
Orbite visée Géostationnaire (GEO) Priorité renforcée
Lancement ciblé 2027 Jalon à tenir
Rôle par rapport à EGIDE Précurseur technologique Maturation en cours
Programme parapluie ARES Lancé en 2025
Satellite de référence Orbit Guard Aligné

Ares, nouvelle boussole de la défense spatiale française

PALADIN s’intègre à l’initiative Action et Résilience Spatiale, ARES, présentée en 2025 par le ministère des Armées pour muscler les capacités d’observation, de défense et de réaction dans l’espace. ARES structure un portefeuille de projets destinés à améliorer la veille, la caractérisation des objets et la résilience des services orbitaux français.

La philosophie ARES consiste à coupler innovations rapides et effets opérationnels mesurables. PALADIN en est un exemple typique: utiliser un satellite agile pour qualifier des comportements en GEO, enrichir les bases d’événements et créer des options d’action non cinétiques. La boucle décisionnelle se resserre, du signal brut à l’alerte qualifiée.

Gouvernance et pilotage opérationnel

Le Commandement de l’Espace, créé en 2019, orchestre la montée en puissance des moyens spatiaux militaires. Il coordonne la exploitation de capteurs, les chaînes de traitement et l’analyse des risques de collision et d’approche non coopérative. La consolidation de l’image situationnelle repose sur des milliers d’événements orbitaux suivis, portant sur plus de 20 000 objets catalogués.

Cette gouvernance resserrée est un facteur clé pour transformer les retours d’expérience de PALADIN en doctrines d’emploi, règles d’engagement et pratiques industrielles. Elle garantit que les investissements se traduisent par des capacités concrètes sur la durée.

La surveillance de l’espace (SSA ou SDA) combine capteurs optiques et radars, algorithmes d’orbite et corrélations inter-capteurs. La valeur se concentre sur la capacité à établir la custody d’objets, détecter une manœuvre anormale, prédire les rencontres et qualifier l’intention. Un capteur en orbite, tel que PALADIN, apporte des angles inédits pour lever les ambiguïtés.

Repères institutionnels à retenir

Le Pacte Espace, signé en juin 2025, pose les fondations d’une politique spatiale de défense articulée autour de la résilience, la détection avancée et l’autonomie stratégique. ARES en constitue la mise en œuvre opérationnelle. PALADIN est une première concrétisation côté GEO, en parallèle d’autres volets d’observation et de réaction rapide.

Egide en ligne de mire: du démonstrateur au système d’effet

PALADIN a une vocation de précurseur. Les technologies de navigation relative, d’approche sûre et de caractérisation avancée qu’il éprouve fonde le socle d’EGIDE, l’Engin géodérivant d’intervention et de découragement, dont l’entrée en service est visée à l’horizon 2030. L’ambition: passer de la simple inspection à des actions de découragement en orbite géostationnaire.

Cette évolution nécessite un corpus technico-opérationnel solidement éprouvé. D’où l’importance de plateformes comme Orbit Guard, capables d’exécuter des missions proches, de livrer des produits d’analyse fiables et d’assurer une intégration harmonieuse avec les chaînes au sol. Le contrat attribué à Infinite Orbits confirme l’option d’une solution agile et itérative, adossée à une PME spécialisée.

Scénarios d’emploi et gradients d’effet

La surveillance de proximité en GEO vise plusieurs cas d’usage. D’abord, l’identification d’approches non coopératives autour d’actifs stratégiques. Ensuite, la documentation d’événements orbitaux remarquables, comme des changements de plan ou des oscillations inhabituelles. À terme, EGIDE pourrait apporter des effets de dissuasion non cinétiques, sous contrainte stricte des normes internationales.

Les retours de PALADIN alimenteront les règles d’engagement et les protections de mission. Le système permettra également de calibrer la logistique orbitale: conso carburant, temps d’accès à une cible, cadence de surveillance, tout en maîtrisant la dégradation orbitale et la cohabitation avec des satellites civils.

Des analyses sectorielles récentes confirment la fourniture par Infinite Orbits d’un satellite de surveillance Orbit Guard à destination du Commandement de l’Espace. Ce jalon illustre la place croissante des PME françaises dans des missions jadis réservées aux seuls maîtres d’œuvre historiques, avec des cycles d’innovation plus courts et des coûts mieux contenus.

Effets économiques, cadre légal et retombées industrielles

Le contrat PALADIN résonne au-delà de la seule défense. Il conforte l’écosystème du New Space français, attire des capitaux privés et consolide une chaîne de fournisseurs dans les capteurs, le logiciel embarqué et la mécanique spatiale. Les retombées en emplois qualifiés se concentrent dans les bassins de Toulouse et du Centre spatial guyanais, avec des externalités positives pour la filière.

Côté finances publiques, l’effort s’inscrit dans la loi de programmation militaire 2024-2030, qui prévoit une montée en puissance des investissements spatiaux. Les acteurs bénéficient de leviers fiscaux, notamment le crédit d’impôt recherche, et d’un cadre de commande publique qui favorise l’innovation incrémentale. La combinaison de marchés subséquents et d’objectifs de performance incite à la livraison rapide d’effets utiles.

Lecture juridique: conformité et souveraineté

La mise en service d’un capteur en orbite obéit aux exigences du droit spatial français, aux engagements internationaux et aux impératifs de protection des données stratégiques. Les solutions retenues privilégient un contrôle souverain sur les chaînes critiques, y compris la sécurisation des liaisons et la maîtrise des éléments logiciels sensibles.

Les opérateurs doivent également structurer des politiques robustes de gestion des débris, avec des plans de fin de vie crédibles. En GEO, la logique diffère du LEO, mais la prévention des interférences et la traçabilité des manœuvres restent centrales. La surveillance de proximité apporte ici un outil de transparence et de responsabilisation des comportements orbitaux.

Conséquences business pour une PME sous accord-cadre

Un tel contrat sécurise un carnet de commandes et rend plus lisible le cash-flow projet. Le phasage en jalons limite l’exposition bilancielle et facilite le cofinancement de briques génériques réutilisables. Sur le plan opérationnel, la PME doit néanmoins absorber une montée en qualité, renforcer sa cybersécurité et documenter sa conformité export, tout en protégeant son capital intellectuel.

Risques à piloter: coûts, délais, interopérabilité

Les risques typiques regroupent la maîtrise de la masse et de l’énergie, la tenue des performances capteur en environnement radiatif et l’intégration avec les systèmes du Commandement de l’Espace. Les aléas de calendrier lanceur imposent des marges. Enfin, l’interopérabilité des produits d’analyse est cruciale pour que les données de PALADIN s’insèrent nativement dans les chaînes existantes.

  • Risque d’industrialisation: stabiliser l’avionique et les logiciels de bord avant la phase d’essais en orbite.
  • Risque de mission: sécuriser les manœuvres RPO et documenter les distances de sécurité pour chaque approche.
  • Risque d’exploitation: garantir la continuité de service et la résilience cybersécurité du segment sol.

Chaînes de valeur et compétitivité: ce que paladin change pour la filière

PALADIN diffère des programmes lourds par sa taille et sa vélocité. Ce format crée des opportunités tangibles pour les entreprises françaises sur des segments précis: navigation relative, traitement embarqué, optique compacte, propulsions à haut Isp. En résulte une capabilité exportable sur des briques techniques, sans dilution de la souveraineté opérationnelle.

L’approche par services en orbite déplace aussi la logique économique vers des modèles de revenus récurrents. Pour les investisseurs, la visibilité d’un contrat-cadre et la perspective d’EGIDE forment un couple attractif: marché adressable croissant, feuille de route claire et capacité à pivoter vers des applications duales, y compris des services de maintenance ou d’inspection commerciale.

Capteurs et logiciels: avantage compétitif à consolider

La compétitivité se jouera sur l’excellence logicielle. Les algorithmes de détection d’objets et de trajectographie, l’exploitation de données à faible éclairage et la fusion multi-capteurs déterminent la qualité de la donnée. Plus la chaîne est efficiente, plus la chaîne décisionnelle militaire peut se contracter en temps utile, avec des alertes moins ambiguës et plus actionnables.

La réutilisation de briques transverses, et leur certification progressive dans un contexte militaire, crée un actif industriel. Une PME qui qualifie de telles briques augmente son effet de levier: moins de coûts marginaux sur les itérations suivantes, plus de valeur dans la négociation avec les grands maîtres d’œuvre.

Standardiser les interfaces données et API. Documenter les modèles de performance capteur. Partager des jeux de données d’entraînement déclassifiés lorsque c’est possible. Tester les pipelines dans des jumeaux numériques orbitaux. Le résultat: une intégration plus fluide et des délais de qualification raccourcis à coût réduit.

Facteurs opérationnels: des données à la supériorité informationnelle

La valeur de PALADIN tient autant au capteur qu’à l’exploitation de ses produits. Les états-majors ont besoin de connaissance de situation quantifiable en GEO: qui manœuvre, quand et pourquoi. En fournissant des séries temporelles de comportements orbitaux, l’outil aide à distinguer l’anomalie de la manœuvre hostile, et à calibrer les ripostes graduées.

Cette granularité a un corollaire: la nécessité d’une gouvernance stricte de la donnée. Traçabilité, chaînes de confiance, auditabilité des algorithmes. Autant de conditions pour que la donnée soit opposable, en interne comme dans le dialogue avec les alliés. PALADIN ouvre ce champ, avec une logique d’itération rapide et une mise en service par paliers.

Chaînes sol et coopération capacitaire

Les retombées sur les chaînes au sol sont substantielles. La corrélation avec les capteurs existants, la fusion avec des catalogues orbitaux tiers et la gestion des modes dégradés exigent des outils évolutifs. La coopération capacitaire, même limitée à des échanges de métadonnées, peut accélérer la détection d’événements critiques et améliorer la résilience de la posture.

À court terme, la réussite de PALADIN se mesurera à la qualité des alertes, à la pertinence des requalifications d’événements et à la stabilité des opérations en orbite. Autant d’indicateurs qui conditionneront la bascule vers EGIDE et la capacité française à peser davantage sur les normes d’usage en GEO.

Trois clés de réussite pour PALADIN

  1. Robustesse des manœuvres de proximité, avec des marges de sécurité systématiques et documentées.
  2. Qualité des produits analytiques, exploitables rapidement par les cellules renseignement.
  3. Interopérabilité avec les chaînes sol existantes pour éviter la création de silos techniques.

Ce que cette commande va changer d’ici 2030

PALADIN marque un tournant. La France confirme sa volonté d’observer de près ce qui se passe en géostationnaire et de doter ses forces d’outils de dissuasion non cinétiques à l’horizon EGIDE. La combinaison accord-cadre, service opéré et montée en puissance progressive offre un équilibre fin entre rigueur budgétaire et vitesse d’exécution, avec un bénéfice immédiat sur la connaissance de situation.

Pour l’industrie, la trajectoire est claire: des briques réutilisables, un marché qui s’ouvre et une exigence accrue de qualité. Pour l’État, une boucle courte entre innovation et effet opérationnel. Si les jalons de 2027 sont tenus et que la donnée tient ses promesses, la supériorité informationnelle française en GEO franchira un seuil décisif, au bénéfice de la souveraineté et de la résilience nationales.

Avec PALADIN, la France transforme une ambition en capacité mesurable, en faisant des données d’orbite un levier de souveraineté et un accélérateur industriel, prélude assumé à l’ère EGIDE.