L'informatique quantique d'OVHcloud transforme les certificats SSL
OVHcloud déploie des certificats SSL innovants utilisant l'informatique quantique, visant cinq millions de sites d'ici fin 2025.
Depuis septembre, OVHcloud engage une bascule silencieuse mais structurante pour la sécurité web mondiale. Le groupe français a commencé à émettre des certificats SSL dont les clés sont générées à partir de nombres véritablement aléatoires issus de l’informatique quantique. Une première annoncée comme mondiale, avec un objectif de couverture de près de cinq millions de sites d’ici fin octobre 2025.
Certificats SSL issus d’aléas quantiques : déploiement massif chez OVHcloud
OVHcloud, acteur européen du cloud, met en production des certificats SSL reposant sur des nombres aléatoires générés par un ordinateur quantique développé par la deeptech française Quandela. Cette avancée n’est pas un pilote technique : elle s’inscrit dans un déploiement industriel à grande échelle, initié en septembre 2025 et planifié pour toucher environ cinq millions de sites web hébergés d’ici fin octobre 2025. Plusieurs publications spécialisées précisent que le fournisseur de cloud revendique un statut de premier acteur mondial à intégrer cette brique quantique à l’émission de certificats SSL.
La démarche est doublement notable. D’une part, elle s’attaque à un maillon souvent sous-estimé de la chaîne de confiance numérique, à savoir l’aléa cryptographique à la base des clés de chiffrement. D’autre part, elle illustre la capacité d’un hyperscaler européen à prendre l’initiative sur un terrain où l’innovation s’observe surtout en laboratoire.
Julien Levrard : cap affiché sur l’innovation
« L’utilisation de l’informatique quantique pour renforcer le niveau de sécurité des certificats de chiffrement est non seulement une première technologique mondiale qui vise à anticiper l’évolution des menaces, mais c’est aussi la définition même de la vision que nous avons de l’innovation chez OVHcloud. » Cette déclaration du directeur de la sécurité des systèmes d’information d’OVHcloud résume la logique du groupe : distribuer au plus grand nombre une innovation immédiatement exploitable, sans rupture côté utilisateurs finaux ou navigateurs.
Chiffres d’impact à retenir
Objectif opérationnel : environ cinq millions de sites couverts d’ici fin octobre 2025. Statut : première intégration annoncée de l’aléa quantique dans l’émission de certificats SSL à l’échelle d’un hébergeur mondial. Effet utilisateur : aucune action requise, compatibilité totale avec les navigateurs grand public.
Il ne s’agit pas d’un simple branchement d’un générateur quantique pour des tests internes. L’originalité tient à la mise à l’échelle du procédé, appliquée au cycle de vie des certificats SSL gérés pour des millions de sites. L’aléa quantique est ainsi intégré au processus de génération des clés qui fondent la confiance TLS, directement dans l’environnement de production d’OVHcloud.
Sécurité cryptographique : pourquoi l’aléa quantique change la donne
Le chiffrement moderne repose sur des clés dont la qualité dépend du caractère imprévisible des nombres utilisés à leur génération. Or, les générateurs pseudo-aléatoires, issus de circuits électroniques et d’algorithmes, peuvent présenter des corrélations ou des biais que des attaquants sophistiqués savent exploiter. À l’inverse, les phénomènes quantiques, par nature probabilistes, produisent une source d’aléa physique qui rompt avec la logique déterministe des systèmes classiques.
Avec le dispositif opéré par OVHcloud, l’aléa provient d’une source quantique certifiable, protégée par brevet. Dans l’écosystème de la sécurité, cette notion de « certifiable » signifie la possibilité de qualifier et auditer la qualité statistique de l’aléa, un point crucial pour écarter les générateurs biaisés ou compromis. Cette évolution renforce l’un des maillons les plus sensibles de la chaîne de chiffrement sans altérer les standards d’interopérabilité.
Quandela : photons uniques et aléa certifiable
La technologie provient de Quandela, deeptech française fondée en 2017 et spécialisée dans les sources de photons uniques pour l’informatique quantique. Les annonces publiques font état de plus de 50 millions d’euros levés depuis sa création pour accélérer la mise sur le marché de ses briques photoniques. La collaboration avec OVHcloud illustre une dynamique de chaîne de valeur 100 pour cent française sur un sujet de sécurité critique, de la R&D jusqu’au déploiement opérationnel.
Un aléa est dit « certifiable » lorsqu’il peut être soumis à des tests de conformité reconnus et à des mécanismes de preuve qui garantissent que la sortie ne peut être anticipée ni reproduite par un tiers. Cela va au-delà du simple passage de batteries de tests statistiques, en intégrant des éléments de traçabilité et de preuve d’origine physique de l’aléa.
Comparaison sectorielle : au-delà du post-quantique des géants américains
Les hyperscalers américains et asiatiques, tels qu’Amazon Web Services et Google Cloud, concentrent leurs efforts sur des algorithmes dits post-quantiques, c’est-à-dire des schémas conçus pour résister à de futurs ordinateurs quantiques capables de casser certains protocoles actuels. Ces approches reposent encore, en pratique, sur des blocs de génération pseudo-aléatoire classiques pour créer leurs clés.
OVHcloud suit une voie complémentaire. En introduisant l’informatique quantique dès l’étape de génération des aléas, le groupe ajoute une couche d’imprévisibilité physique aux clés actuelles, sans attendre la bascule vers les suites cryptographiques post-quantiques. Les analyses mentionnées dans la presse spécialisée soulignent que cette option réduit les vulnérabilités existantes liées à des aléas imparfaits, tout en préparant le terrain pour des schémas post-quantiques à venir.
AWS et Google Cloud : l’option post-quantique
Chez les géants américains, l’effort prioritaire porte sur des implémentations de chiffrement post-quantique et sur l’évaluation progressive de leur intégration dans les applications cloud. Ce jalon reste essentiel pour l’avenir de la sécurité, mais n’adresse pas directement, à court terme, le sujet de l’aléa. La stratégie d’OVHcloud s’en distingue : sécuriser mieux dès maintenant la chaîne de génération des clés avec un aléa physique, puis faire évoluer, en temps utile, les suites cryptographiques.
Deux approches, un même objectif
Post-quantique : renforcer les algorithmes pour résister à de futurs ordinateurs quantiques. Aléa quantique : améliorer dès aujourd’hui la qualité des clés via une imprévisibilité physique. Ces voies sont complémentaires et peuvent être combinées à mesure que les standards évoluent.
Calendrier, partenariat et compatibilité technique
Le calendrier affiché par OVHcloud repose sur un déploiement continu entre septembre et fin octobre 2025, visant la protection d’environ cinq millions de sites. Le mécanisme d’émission s’appuie sur Let's Encrypt, autorité de certification reconnue, permettant de conserver les chaînes de confiance et la compatibilité avec l’écosystème web existant. Les clients n’ont aucune action à mener : les navigateurs actuels reconnaissent ces certificats et la continuité de service est maintenue.
Ce choix d’un partenaire open source reconnu constitue un levier de diffusion rapide et sans friction. Il permet également d’illustrer un principe clé : innover sans isoler l’utilisateur de l’écosystème standard, un enjeu souvent négligé lors de l’introduction de technologies de rupture.
Let's Encrypt : diffusion à très grande échelle
En s’adossant à l’écosystème Let's Encrypt, OVHcloud aligne sa stratégie d’émission sur des processus automatisés à volume, déjà largement adoptés par les développeurs et administrateurs. Le résultat recherché est un impact immédiat sur la surface de sites protégés, sans reconfiguration lourde.
Compatibilité navigateurs : continuité de service
La firme met en avant la compatibilité totale avec les navigateurs grand public et professionnels. Les sites migrent ainsi vers des certificats générés avec un aléa quantique sans affecter l’expérience utilisateur, ni exiger de mises à jour spécifiques des terminaux.
OVHcloud indique avoir repensé la chaîne de génération des certificats SSL en y intégrant une source d’aléa quantique. Le détail technique complet n’est pas communiqué, mais le principe consiste à substituer ou renforcer la génération des nombres aléatoires à l’étape critique de création des clés, tout en conservant les standards TLS et les autorités de certification reconnues.
Bon à savoir pour les équipes SSI
- Pas de rupture d’usage : les clients et visiteurs n’ont rien à faire.
- Interopérabilité : la chaîne d’émission reste compatible avec l’écosystème SSL/TLS existant.
- Bénéfice immédiat : amélioration de la qualité de l’aléa, donc du niveau de résistance aux attaques visant la génération des clés.
OVHcloud : profil industriel, finances et ancrage souverain
Fondée en 1999 à Roubaix par Octave Klaba, OVHcloud opère plus de 450 000 serveurs répartis dans 44 centres de données sur quatre continents. Le groupe revendique 1,6 million de clients dans 140 pays et emploie environ 2 900 collaborateurs.
Côté finances, OVHcloud a déclaré un chiffre d’affaires de 897 millions d’euros en 2023, avec une cotation à Euronext Paris depuis 2021. En 2024, le groupe a annoncé des investissements dans des datacenters éco-responsables alignés sur les objectifs de neutralité carbone de l’Union européenne.
La trajectoire quantique n’est pas fortuite. Dès 2021, OVHcloud a constitué une équipe dédiée au quantique, emmenée par Fanny Bouton et Miroslaw Klaba, pour explorer des applications opérationnelles concrètes, au-delà de la cybersécurité, notamment en optimisation et simulation. Le mouvement actuel s’inscrit donc dans une stratégie de maturité technologique, adossée à des actifs industriels et à une gouvernance de long terme.
L’histoire et les chiffres clés d’OVHcloud
- 1999 : création à Roubaix par Octave Klaba.
- 2021 : entrée en Bourse sur Euronext Paris et constitution d’une équipe quantique.
- 2023 : chiffre d’affaires de 897 millions d’euros.
- 2024 : investissements annoncés dans des infrastructures éco-efficaces.
- 2025 : déploiement des certificats SSL à aléa quantique.
Quandela : ancrage deeptech français
Quandela, fondée en 2017, s’est imposée dans les briques photoniques pour l’informatique quantique, avec un focus sur les photons uniques. Des annonces publiques font état de plus de 50 millions d’euros levés pour accélérer le passage à l’échelle. La collaboration avec OVHcloud illustre une complémentarité industrielle : une deeptech orientée matériel et un hyperscaler maîtrisant la distribution à grande échelle.
France 2030 : impulsion publique au secteur cyber
Dans le cadre de France 2030, 39 millions d’euros ont été attribués à 17 projets de cybersécurité, afin d’accélérer l’émergence d’acteurs nationaux compétitifs au niveau mondial (info.gouv.fr, 2 juin 2025). Ce soutien renforce l’alignement entre politique industrielle et marché, et favorise des coopérations comme celle d’OVHcloud avec Quandela.
Cybermois 2025 : sensibilisation et usages
Le déploiement d’OVHcloud intervient alors que, du 1er au 31 octobre 2025, le Cybermois mobilise acteurs publics et privés autour de la sensibilisation. Le dernier baromètre IPSOS pour Cybermalveillance.gouv.fr, publié le 10 septembre 2025, souligne une prise de conscience accrue des internautes, avec toutefois une vulnérabilité persistante chez les plus jeunes. Cette dynamique de sensibilisation complète l’effort industriel, en rappelant que la sécurité est aussi un enjeu d’usages.
En internalisant une brique d’aléa de qualité certifiable d’origine française, OVHcloud réduit la dépendance technologique et renforce la maîtrise de la chaîne de sécurité. Dans un environnement géopolitique plus incertain, ce type d’intégration traduit une capacité de résilience qui dépasse l’unique performance technique.
Sécurité web et souveraineté : la trajectoire se précise
En intégrant l’aléa quantique au cœur de la génération de clés SSL, OVHcloud pose une borne stratégique sur un segment de sécurité critique. La démarche conjugue trois exigences rarement réunies : robustesse mathématique accrue, interopérabilité inchangée et diffusion massive. Elle clarifie aussi les rôles respectifs des chantiers de cybersécurité à venir : améliorer l’aléa dès aujourd’hui, puis intégrer, à maturité, des schémas post-quantiques dans les standards.
Pour l’écosystème français, l’initiative fait écho à la montée en puissance de la deeptech quantique et à l’outillage public de France 2030. Elle dessine un scénario où la souveraineté numérique se traduit par des innovations concrètes, livrées aux utilisateurs finaux sans friction. La prochaine étape se jouera dans la poursuite de l’industrialisation et la formation de compétences, au fil d’un calendrier que le marché suivra de près.
Pour les entreprises comme pour le grand public, cette bascule vers un aléa certifiable marque un pas pragmatique vers un web plus sûr, ici et maintenant.