Paris étouffe, Francfort surchauffe, Dublin sature. L’été 2025 impose un stress inédit aux réseaux électriques européens et met en lumière un angle mort stratégique : comment étendre la puissance de calcul pour l’IA sans épuiser l’eau et l’énergie. Jeff Wittich, CPO d’Ampere Computing, appelle à un changement de cap : faire croître les capacités là où elles se trouvent déjà, en maximisant la performance par watt et par rack.

Un été de contraintes qui rebat les cartes de l’infrastructure numérique

Les canicules prolongées et la sécheresse placent les data centers sous surveillance renforcée. Le refroidissement intensif des serveurs réclame de l’eau et de l’électricité à des moments où les systèmes sont au plus tendus.

Dans plusieurs pays, les autorités exigent des garanties de sobriété pour autoriser tout nouveau raccordement. En Irlande, l’opérateur du réseau EirGrid a gelé de facto les connexions de data centers dans la région de Dublin jusqu’en 2028, invoquant l’insuffisance des capacités disponibles et le risque pour la sécurité d’approvisionnement. D’autres municipalités européennes imposent moratoires, quotas ou conditions drastiques sur l’eau industrielle.

Face à l’essor de l’IA générative et des modèles de plus en plus volumineux, la question centrale n’est plus la demande, mais la trajectoire capacitaire compatible avec les ressources physiques. En clair : ajouter des mégawatts ne suffit plus, il faut d’abord faire mieux avec chaque watt et chaque litre.

Pourquoi l’eau des data centers devient un sujet politique

Le refroidissement évaporatif et certains systèmes adiabatiques mobilisent des volumes d’eau localement sensibles lors des pics de chaleur. Les régions densément équipées voient émerger des tensions d’usage entre industrie, agriculture et besoins urbains. Résultat : des permis retardés, des limites d’extraction et des obligations de réutilisation des eaux usées, avec un contrôle accru des préfectures.

La thèse de jeff wittich : l’efficacité par watt comme contrainte de design

Pour Jeff Wittich, l’optimisation “per watt, par rack, par salle” doit devenir la métrique de pilotage des investissements. L’industrie a privilégié la puissance brute et le déploiement accéléré de matériel spécialisé. Mais sans gains d’efficacité tangibles, l’extension de surface devient inévitable, avec un coût politique et environnemental croissant.

La bascule proposée : réduire l’empreinte physique de calcul pour chaque objectif de performance. Cela requiert d’agir au niveau des processeurs, des architectures de racks, de la distribution électrique, du refroidissement et du scheduling logiciel. Les centres existants recèlent un gisement d’efficacité si l’on cible les bons leviers.

Au-delà des SPEC et TOPS théoriques, il s’agit d’optimiser des métriques réelles : PUE pour l’efficacité énergétique globale, WUE pour l’eau, GFLOPS/W ou tokens/s/W côté IA, et racks densifiés sans dépassement thermique. L’alignement de ces indicateurs reflète la capacité à délivrer plus de calcul utile par unité de ressource.

Contraintes européennes : un tournant réglementaire qui accélère la sobriété

La pression règlementaire s’intensifie. Les États et métropoles imposent aux nouveaux projets des exigences d’énergies renouvelables garanties, de récupération de chaleur fatale et de limitation de l’usage d’eau potable. Les régions à tension, comme l’Île-de-France, la Flandre ou Dublin, priorisent les projets les plus sobres et ceux qui augmentent la capacité sans extension de surface.

Pour les acteurs opérant en France, la combinaison d’objectifs climatiques, d’appels à la sobriété et des attentes des clients B2B pousse à formaliser des trajectoires mesurables : amélioration du PUE, baisse des fuites de refroidissement, transparence sur les gigalitres consommés. À défaut, les permis peuvent être ralentis et les contrats subordonnés à des clauses de performance environnementale.

Trois leviers de conformité plébiscités par les collectivités

Réutilisation des eaux non potables pour le refroidissement lorsque possible. Récupération de chaleur vers des réseaux urbains ou industriels. Plan de continuité démontrant l’absence d’appel aux groupes électrogènes en période de tension, via effacement et contrats d’énergie pilotables.

Gains immédiats dans l’existant : densification maîtrisée et orchestration thermiquement consciente

Multiplier les capacités dans les salles actuelles sans dégrader les ressources exige une approche combinée. Chaque point de rendement gagné sur site évite des mégawatts de nouvelle construction.

  • CPU et accélérateurs efficients : privilégier des processeurs et des accélérateurs offrant un meilleur ratio performance/watt sur les workloads ciblés, en évitant l’homogénéité forcée qui surconsomme en idle.
  • Orchestration thermique-aware : planifier les tâches selon la charge calorifique, répartir les jobs IA lourds pour lisser les pics, contenir le hotspotting et maintenir la marge de refroidissement.
  • Optimisation du refroidissement : passer d’un free cooling sous-optimal à des schémas hybrides, reconfigurer la vitesse des ventilateurs via capteurs, resserrer les baies et boucher les passages d’air parasite.
  • Réduction de l’overprovisioning : calibrer l’alimentation au plus juste grâce à des PDUs intelligents et des schémas redondants adaptés aux SLA réels.
  • Allègement logiciel : quantification et pruning pour l’IA, compaction mémoire pour éviter le swap, micro-batching ajusté à la latence.

Sur des parcs hétérogènes, la migration sélective des workloads vers des nœuds plus efficients peut dégager des économies d’énergie à deux chiffres à charge équivalente, sans toucher au bâti.

Passer à l’échelle sans surconsommer : l’architecture au service du ratio watts par tokens

La montée des modèles IA impose d’aligner architecture et consommation réelle. Le débit utile par watt devient l’étalon, qu’il s’agisse de tokens par seconde en inférence ou d’exemples par seconde en entraînement.

  • Topologie réseau : minimiser la latence et la surconsommation induite par les allers-retours mémoire. Le choix des fabrics, la compression inter-nœuds et l’affinité topologique réduisent la dépense énergétique par opération collective.
  • Allocation adaptative : allouer dynamiquement la bonne classe de ressource au job. Un modèle compact bien optimisé peut consommer moins et répondre plus vite qu’un LLM géant mal alloué.
  • Scheduling asynchrone : lisser la demande via fenêtrage temporel, déporter les batchs non critiques hors pics réseau et électriques, améliorer la disponibilité sans gonfler la capacité crête.
  • Contenir la redondance : calibrer la tolérance aux pannes au niveau nécessaire. Une protection excessive provoque une surconsommation latente et des racks sous-exploités.

En alignant topologie, orchestration et optimisation modèle, les opérateurs élèvent le rendement réel et réduisent la dépendance à de nouveaux sites. Le coût évité en CAPEX et en eau peut devenir déterminant dans les régions en tension.

Réduire l’empreinte hydrique : du design des salles à la gestion des flux

La pression estivale impose de réviser le mix de refroidissement. L’objectif : limiter l’usage d’eau douce et sécuriser la continuité de service pendant les vagues de chaleur.

  • Air optimisé et containment : hot aisle containment, calibrage des débits et suppression des fuites d’air permettent des gains rapides sur la consommation des groupes froids.
  • Eaux non conventionnelles : lorsque les autorités le permettent, recours à des eaux usées traitées ou à des boucles industrielles pour les tours aéroréfrigérantes.
  • Refroidissement liquide ciblé : sur les baies denses, du direct-to-chip réduit la dépendance à l’évaporation et stabilise les performances en pic thermique.
  • Réutilisation de chaleur : injection dans des réseaux urbains pour compenser une partie de l’empreinte énergétique.

Les opérateurs qui rendent visible leur WUE et leur plan de sécurisation de l’eau obtiennent une meilleure acceptabilité locale, condition de la pérennité de leurs sites.

Capacité réseau sous contrainte : arbitrer entre mégawatts et mégaflops

L’augmentation des charges IA se heurte aux limites de raccordement. Les opérateurs doivent optimiser l’énergie disponible avant d’en demander davantage.

  • Effacement et flexibilité : moduler la charge en période tendue, déplacer des jobs batch la nuit, synchroniser l’activité avec la production renouvelable.
  • Stockage local : batteries sur site pour passer les pointes, éviter la sollicitation des groupes diesel et réduire la facture d’acheminement.
  • Contrats d’énergie pilotables : indexation des fenêtres de calcul intensif sur la disponibilité réseau, avec visibilité pour les gestionnaires.

En France, la combinaison de flexibilité, de stockage et d’efficacité peut éviter ou différer des renforcements coûteux et incertains de réseaux, tout en soutenant les usages critiques.

Métriques Valeur Évolution
PUE moyen visé sur sites optimisés 1,20 à 1,30 -0,10 à -0,20 pt vs sites non optimisés
WUE après bascule partielle hors eau potable < 0,5 L/kWh Baisse significative en période estivale
Densité électrique par rack stabilisée 30 à 60 kW +10 à +20 kW avec refroidissement adapté
Gain énergie vs migration vers nœuds efficients 10 à 25 % Selon mix workloads IA et batch

Qui est ampere computing et pourquoi son approche compte

Ampere Computing conçoit des processeurs ARM 64 bits pour serveurs, avec un focus sur la performance prévisible et l’efficacité énergétique. La promesse vise une consommation linéaire avec la charge, pour limiter les surconsommations en idle, un enjeu clé dans les environnements cloud et IA.

Pour les opérateurs européens, la logique défendue par son CPO, Jeff Wittich, est pragmatique : accroître les capacités sans multiplier les m², via un mix matériel et logiciel qui optimise la charge utile par watt, y compris sur des parcs hétérogènes exposés à des contraintes locales d’eau et d’énergie.

Dans beaucoup de salles, l’air management imperfait coûte plusieurs points de PUE. Les workloads IA souffrent d’une allocation non affinitaire. Les groupes froids tournent trop vite pour protéger des hotspots localisés. Corriger ces trois points fait souvent gagner plus qu’une extension de surface.

Cartographie des risques opérationnels en période de canicule

Les extrêmes climatiques rendent plus fréquentes des situations limites. Les data centers doivent intégrer des scénarios de panne induits par la chaleur.

  • Déclassement thermique : baisse automatique de fréquence pour éviter les seuils critiques, avec impact sur les SLA si non anticipé.
  • Tension électrique : appels à réduction de charge par le gestionnaire, délestages localisés, déclenchement des secours si mal planifié.
  • Qualité de l’air : particules fines et poussières en hausse lors des vagues de chaleur réduction des échanges thermiques et encrassement accéléré.
  • Disponibilité en eau : restrictions temporaires ou qualité dégradée, nécessitant des bascules vers des circuits fermés.

La résilience passe par des protocoles d’effacement, des réserves tampons et une télémétrie temps réel pour arbitrer entre performance et protection du site pendant les pics.

Économie d’entreprise : quand l’efficacité devient la meilleure défense du p&l

La croissance IA s’accompagne d’une hausse du coût énergétique et de la variabilité des prix. Les directions financières en France l’intègrent dans leurs scénarios.

  • Opex maîtrisés : PUE en baisse, effacement rémunéré, et alignement avec des heures à faible intensité carbone réduisent la facture.
  • Capex évités : la reconfiguration de l’existant coûte moins que l’ouverture d’un nouveau site, sans compter les délais et incertitudes d’autorisation.
  • Valorisation extra-financière : indicateurs d’eau et d’énergie améliorés, bénéfices en termes de réputation et d’accès à la commande publique.

Au total, l’approche “performance réelle par watt” n’est pas seulement une cible technique : c’est un outil de défense de la marge dans une économie de ressources rares.

Indicateurs à suivre côté direction

PUE et WUE mensuels, densité par rack et capacité thermique résiduelle, temps d’effacement possible sans dégrader les SLA, et débit IA utile par watt. Ces métriques pilotent directement la planification budgétaire.

Gouvernance et acceptabilité : restaurer le contrat social du numérique

La défiance locale vient de l’opacité et du sentiment d’iniquité dans la répartition des bénéfices. Les opérateurs ont intérêt à faire évoluer leur gouvernance.

  • Transparence : publier les courbes PUE et WUE agrégées, les engagements de baisse, et les volumes d’eau non potable substitués.
  • Co-bénéfices territoriaux : réutilisation de chaleur, formation aux métiers de la maintenance énergétique, priorité aux PME locales pour les marchés liés à l’efficacité.
  • Concertation : comités de suivi avec élus, opérateurs d’eau et d’électricité, pour anticiper les périodes à risque.

Des engagements clairs réduisent les frictions d’implantation et sécurisent les trajectoires d’investissement, ce qui profite aussi aux clients industriels et publics.

Feuille de route technique : trois horizons pour augmenter la capacité sans construire

La mise à l’échelle s’organise en séquences complémentaires, afin de délivrer des gains rapides puis durables.

  1. 0 à 6 mois : audit thermique et énergétique, containment et calfeutrage, tuning des vitesses de ventilateurs, réallocation des workloads vers les nœuds efficients, mise en place d’un scheduling thermique-aware.
  2. 6 à 18 mois : bascule partielle vers refroidissement liquide sur baies denses, PDUs intelligents, stockage batterie pour lissage, adoption d’outils de monitoring unifié énergie-eau-perf.
  3. 18 à 36 mois : densification structurée à 30-60 kW par rack selon site, récupération de chaleur fatale, migration de générations CPU et accélérateurs orientés performance par watt.

Cette trajectoire met la priorité sur le rendement utile, minimise la dépendance aux permis et accélère le time-to-capacity au meilleur coût global.

Arbitrages ia : sélectionner les modèles et formats qui paient leur facture énergétique

Le dimensionnement IA est le principal moteur de la demande. Les équipes doivent arbitrer entre gigantisme et efficience.

  • Modèles spécialisés : pour beaucoup d’usages métier, des modèles plus petits, ajustés, offrent un coût par requête et une empreinte réduits, sans perte d’efficacité.
  • Quantification : les formats 8 bits, voire 4 bits selon cas, réduisent l’énergie mémoire et accélèrent l’inférence.
  • Caching et distillation : conserver des résultats fréquents et distiller les modèles pour réduire la complexité tout en préservant la qualité.
  • Batching intelligemment limité : trouver le point où l’augmentation du batch n’accroît plus le débit utile par watt.

Le message est clair : l’excellence opérationnelle IA est indissociable de l’excellence énergétique.

PUE proche de 1 indique peu de pertes hors IT. WUE bas signale une faible intensité d’usage d’eau. CUE intègre l’intensité carbone de l’électricité consommée. Pour piloter l’IA, suivez en parallèle un indicateur tokens/s/W et un coût par requête, afin de relier la ressource à la valeur délivrée.

Finance, risques et conformité : le dossier stratégique des comités d’audit

Les directions d’audit examinent désormais les risques climatiques physiques et de transition. Les data centers sont exposés aux deux.

  • Risque physique : indisponibilité en eau, vague de chaleur, contraintes réseau. Réponse : plan de continuité ancré sur l’effacement, le stockage et l’optimisation.
  • Risque de transition : évolution réglementaire, acceptabilité locale. Réponse : transparence des KPI, engagements formalisés, investissements priorisés dans l’efficacité.
  • Risque financier : coûts énergétiques volatils, CAPEX additionnels. Réponse : modèle économique fondé sur la capacité ajoutée par point de PUE gagné et sur le coût évité de nouveaux sites.

Les investisseurs privilégient les opérateurs montrant une trajectoire chiffrée d’amélioration et une gouvernance robuste de l’eau et de l’énergie.

Paris, francfort, dublin : trois terrains d’application pour les stratégies d’efficacité

Dans les hubs européens, la compétitivité passera par la capacité à densifier sans heurter les ressources locales. Les opérateurs capables de prouver des gains d’efficacité rapides et mesurables disposeront d’un avantage pour contracter avec les grands donneurs d’ordre.

Les décideurs IT français le constatent déjà : sous contrainte, l’ingénierie d’efficacité devient le cœur de la stratégie. La discussion ne porte plus seulement sur le choix des accélérateurs, mais sur l’architecture de site et la coordination avec les gestionnaires d’eau et d’énergie.

Pour une croissance ia compatible avec l’été 2025

Les vagues de chaleur et les tensions sur l’eau ont déplacé le débat. Le marché réclame plus de calcul, mais il ne l’obtiendra que par un saut d’efficacité dans les sites existants. La vision portée par Jeff Wittich, centrée sur la performance réelle par watt et par rack, offre une voie crédible pour accroître la capacité sans multiplier les m² ni exacerber les ressources locales.

Les entreprises qui orchestrent cette bascule, à la fois technique et financière, gagneront en résilience et en accès aux marchés régulés. La sobriété ne freine pas l’IA : elle la rend tenable dans un monde aux limites tangibles.

Au cœur d’un été extrême, l’avenir du calcul en Europe se jouera moins sur la taille des sites que sur l’intelligence de chaque watt, chaque litre et chaque rack.