Kalray dévoile une stratégie gagnante pour 2025
Découvrez comment Kalray recentre ses activités pour atteindre la rentabilité et optimiser ses performances financières d'ici 2025.

À Grenoble, Kalray revendique un virage opérationnel rare dans la tech française : après un début d’année recomposé, la société affiche des indicateurs de rentabilité au vert et réduit fortement son point mort. Débarrassée d’activités jugées non essentielles, la pépite des DPU s’appuie désormais sur un modèle plus lisible, recentré sur le semi-conducteur et l’IA.
Qui est Kalray : DPU, RISC-V et ADN grenoblois
Fondée en 2008, Kalray conçoit des processeurs DPU dédiés au traitement massif de données, avec des usages qui couvrent l’IA, le stockage intelligent et les réseaux. L’entreprise a investi tôt dans l’écosystème RISC-V, architecture ouverte qui attire un nombre croissant d’industriels en quête de flexibilité technologique et d’indépendance vis-à-vis des architectures propriétaires.
Longtemps perçue comme un pur acteur deeptech, Kalray a multiplié les développements et les mises au point pour faire maturer sa pile technologique, au prix de cycles d’investissement conséquents. Ce cheminement, classique dans les semi-conducteurs, a toutefois maintenu la rentabilité à distance, jusque début 2025.
La nouvelle trajectoire engage un repositionnement net : se concentrer sur les activités à plus forte valeur et aligner les dépenses avec le rythme de génération de trésorerie. Le cœur de l’histoire tient en un mot clé pour les investisseurs et partenaires industriels : focalisation.
Recentrage 2025 : cession ciblée et baisse des charges
Au premier semestre 2025, Kalray a opéré une cure d’amaigrissement stratégique. Une activité non essentielle a été cédée afin de simplifier le périmètre, libérer des ressources et améliorer la lisibilité financière. La conséquence la plus immédiate est une réduction des charges opérationnelles de 34 % sur un an, ainsi qu’une baisse des effectifs, passés d’environ 230 à 128 collaborateurs.
DataCore Software : périmètre cédé
En février 2025, Kalray a cédé son activité Data Acceleration Platform à l’américain DataCore Software. L’activité, principalement orientée logiciels, s’éloignait des priorités de l’entreprise centrées sur les DPU et les semi-conducteurs. Cette opération s’inscrit dans un plan d’économies rigoureux, destiné à abaisser durablement la structure de coûts et à rediriger la R&D vers les briques considérées comme stratégiques.
Au-delà de l’effet sur le compte de résultat, la cession rationalise l’offre et clarifie l’axe de spécialisation. La valeur promise aux clients et partenaires devient plus nette : accélération de données par DPU, intégration à des environnements IA, et montée en puissance de RISC-V dans les systèmes embarqués et les data centers.
Ce que change la cession à DataCore Software
Trois impacts structurants sont mis en avant :
- Simplification du portefeuille pour concentrer la R&D et le go-to-market sur les semi-conducteurs.
- Allègement des coûts via une base salariale réduite et un périmètre d’exploitation plus resserré.
- Lisibilité accrue pour les investisseurs avec un profil de marges davantage corrélé au cœur DPU.
Les effets de périmètre peuvent temporairement brouiller la lecture du chiffre d’affaires. L’enjeu consiste à distinguer les variations liées aux cessions des performances intrinsèques du segment semi-conducteurs. Un suivi « à périmètre comparable » devient crucial pour mesurer la traction commerciale réelle du cœur de métier.
Semestre 2025 : marges record et retour à un free cash-flow positif
Sur le premier semestre 2025, Kalray affiche un chiffre d’affaires consolidé de 7,89 millions d’euros, en baisse sur un an du fait de la cession. À périmètre comparable, le segment semi-conducteurs a en revanche quadruplé, révélant une montée en charge commerciale sur le cœur d’activité.
La dynamique de marges est notable : la marge brute grimpe à 87 %, contre 54 % un an plus tôt. L’EBITDA repasse en territoire positif à 0,25 million d’euros, nettement au-dessus de la perte de 2024 à la même période.
Surtout, le free cash-flow redevient positif à 3,1 millions d’euros, après une fin 2024 marquée par -21 millions d’euros. Ces indicateurs valident l’effet combiné du recentrage, des économies et d’une discipline renforcée sur les investissements et la R&D (sources : communiqué Kalray, Zonebourse).
Chiffres-clés S1 2025
- Chiffre d’affaires : 7,89 M€ consolidés, en retrait, avec une forte progression à périmètre comparable sur les semi-conducteurs.
- Marge brute : 87 %, en nette amélioration.
- EBITDA : 0,25 M€ positif, contre un déficit un an auparavant.
- Free cash-flow : 3,1 M€ positif, après -21 M€ fin 2024.
La combinaison « marges + cash » signale un modèle plus robuste et mieux calibré.
Lecture économique des marges
Le niveau de marges reflète un mix d’affaires réorienté vers des produits et prestations à forte valeur ajoutée. Dans les semi-conducteurs, la tarification et la différenciation technique jouent un rôle clé : propriété intellectuelle, architecture logicielle, roadmap RISC-V, intégrations spécifiques. L’amélioration de 33 points de pourcentage d’une année sur l’autre confirme un basculement vers une monétisation plus favorable du portefeuille.
Le passage en EBITDA positif, même modeste, est un jalon d’exécution. Il suggère que la trajectoire de croissance peut désormais s’appuyer sur une base de coûts mieux maîtrisée, ce qui limite la dépendance à des levées de fonds dilutives et rend plus crédible la promesse d’une rentabilité durable.
L’EBITDA agrège la performance opérationnelle avant amortissements et dépréciations. Un EBITDA positif malgré un chiffre d’affaires en baisse peut s’expliquer par une réduction marquée des coûts, un mix produit plus rentable, et une sortie d’activités à faible marge. En phase de recentrage, c’est un indicateur de résilience et de qualité de portefeuille.
Accord technologique avec Openchip : 10 M€ et un modèle plus récurrent
Nouvelle pièce maîtresse du repositionnement, l’accord signé en juillet 2025 avec Openchip prévoit 10 millions d’euros de prestations pour Kalray. Il inclut un transfert temporaire d’une partie du développement logiciel des DPU sous forme de location-gérance. L’objectif est double : densifier les revenus récurrents et optimiser les coûts de R&D dans une phase de montée en cadence produit.
Openchip : cadre opérationnel de l’accord
Le partenariat organise une répartition claire des rôles autour des briques RISC-V et des composants logiciels associés aux DPU. En externalisant temporairement une partie des développements, Kalray gagne en agilité et peut ajuster ses dépenses à l’avancement des roadmaps, tout en sécurisant un volume significatif de prestations. Ce montage contractuel répond à un impératif du secteur : accélérer sans alourdir le profil de cash.
R&D et RISC-V : feuille de route accélérée
RISC-V s’impose comme une voie de plus en plus crédible pour les applications IA et embarquées. L’accord avec Openchip agit comme un multiplicateur de capacités, en s’adossant à des expertises compatibles avec les standards ouverts. La promesse pour les clients finaux est claire : plus de performances par watt, une modularité accrue, et des coûts d’intégration optimisés.
RISC-V offre une modularité architecturale et une gouvernance ouverte, permettant un découplage entre matériel et logiciel. Pour l’Europe, cela réduit la dépendance à des écosystèmes fermés, favorise la réutilisation d’IP et facilite l’émergence de spécialisations sectorielles. Les DPU de Kalray s’inscrivent dans cette logique, en ciblant l’accélération des charges IA et des flux de données.
Trésorerie et endettement : horizon étendu jusqu’à mi-2026
Au 30 juin 2025, la trésorerie disponible s’établit à 2,3 millions d’euros. L’endettement net recule à 9,3 millions d’euros, contre 13 millions d’euros fin 2024.
Combiné au retour à un free cash-flow positif, ce niveau permet à la société d’annoncer un horizon de financement étendu jusqu’à mi-2026. Autrement dit, la visibilité financière s’est sensiblement améliorée par rapport au printemps 2025, où elle était limitée à quelques mois.
Cette respiration financière est essentielle dans un secteur capitalistique, exposé aux aléas de cycles d’investissement lourds et de délais de qualification chez les clients. En réduisant la voilure sur les postes non essentiels et en sécurisant des contrats orientés services, Kalray gagne du temps pour transformer l’essai commercial des DPU et déployer sa feuille de route RISC-V.
La prudence reste de mise. Le profil de trésorerie doit absorber la variabilité des cycles de commandes, la montée en charge industrielle et les besoins d’itération logicielle. Mais le recentrage, couplé aux effets de l’accord Openchip, crée un cadre plus robuste pour orchestrer la croissance sans dilutions immédiates.
2025 : objectifs chiffrés, dynamique commerciale et environnement public
Sur l’exercice 2025, la société indique viser un chiffre d’affaires en repli d’environ 35 % du fait de la cession de périmètre. À périmètre comparable, le chiffre d’affaires du cœur semi-conducteurs doit toutefois quadrupler par rapport à 2024, avec un EBITDA annoncé « largement positif », porté par les économies et par l’accord signé en juillet.
La direction assume ce choix de prioriser la rentabilité et la valeur industrielle plutôt que la seule croissance de chiffre d’affaires. Dans les semi-conducteurs, c’est souvent le mix, les IP et la récurrence qui dictent la création de valeur, davantage que le volume consolidé court terme.
Éric Baissus : trajectoire affichée
« Ce premier semestre 2025 marque un tournant positif pour la pérennité de l’entreprise ». Éric Baissus, président du directoire, confirme l’ambition d’un EBITDA largement positif sur l’ensemble de 2025, en cohérence avec la montée en puissance des activités ciblées et le nouvel équilibre coûts-recettes.
Ce cap répond aussi à la réalité du marché : la demande en accélération de données pour l’IA, les data centers et l’edge computing progresse, avec des estimations de croissance annuelle robustes d’ici 2030. Reste la concurrence frontale de géants internationaux, à l’image de Nvidia, qui impose une différenciation nette sur les niches d’usage et l’efficacité technologique.
Soutiens publics à l’IA utiles aux PME et ETI
Trois dispositifs structurants à suivre en 2025 :
- French Tech 2030 : accompagnement d’innovations stratégiques en IA et technologies émergentes.
- Osez l’IA (juillet 2025) : plan du Ministère de l’Économie pour accélérer l’adoption de l’IA dans les entreprises.
- Je choisis la French Tech (actualisé en mai 2025) : incitation à l’achat de solutions start-up par acteurs publics et privés.
Kalray n’est pas explicitement citée comme lauréate. Ces programmes signalent néanmoins un environnement favorable à la diffusion de l’IA dans l’économie.
Un cap méthodiquement ajusté pour 2025
Kalray a refondu sa base opérationnelle, nettoyé son périmètre et sécurisé des relais de revenus à court terme. Le semestre s’achève avec un EBITDA positif et un free cash-flow redevenu créateur de trésorerie, tandis que la marge brute atteint un niveau de référence pour la société. La visibilité financière jusqu’à mi-2026 conforte la mise en œuvre de la feuille de route.
Le défi consiste désormais à convertir l’élan technologique et commercial en parts de marché durables, au rythme du déploiement RISC-V et des besoins IA. Avec un modèle plus frugal et un positionnement clarifié, Kalray aborde la seconde partie de 2025 avec des fondamentaux mieux alignés sur les attentes des investisseurs et des clients industriels.
Le signal est net : moins de dispersion, plus de valeur, et une trajectoire de rentabilité qui s’installe.