+30 % de menaces en 2023-2024 : l’alerte vient du rapport annuel sur la cybercriminalité 2024 du Ministère de l’Intérieur, publié en juillet 2025. Toutes les activités sont concernées, des services financiers aux collectivités.

Loin du cliché du pirate solitaire, la cybersécurité devient un sujet de gouvernance, d’emplois et de budgets. Place à une lecture économique, juridique et opérationnelle adaptée aux entreprises françaises.

Menaces en hausse et budgets sous contrainte : où en est la France

Le diagnostic s’affine, les tensions se confirment. Le rapport annuel sur la cybercriminalité 2024 du Ministère de l’Intérieur recense une intensification des attaques en 2023, tous secteurs confondus, et une progression des menaces estimée à +30 % entre 2023 et 2024. Les PME, l’écosystème de la santé, les collectivités et les associations figurent parmi les plus exposés.

Les chiffres avancés sur les victimes PME retiennent l’attention : 40 % des cyberattaques auraient visé des petites et moyennes entreprises en 2023, avec un impact financier moyen autour de 100 000 €. Sur le terrain, les dirigeants pointent un double verrou : budgets contraints et failles de gouvernance. Résultat, la majorité des structures se déclarent insuffisamment prêtes à gérer une crise, un enseignement consolidé par le baromètre 2025 de Cybermalveillance.gouv.fr mené auprès d’un millier de sociétés, qui indique que huit entreprises sur dix ne se considèrent pas prêtes à une cyberattaque (baromètre 2025 de Cybermalveillance.gouv.fr).

PME : exposition et financement de la mise à niveau

En France, les PME représentent environ 99 % des entreprises, ce qui explique la criticité de leur exposition. La transformation numérique accompagnée par France Num intègre désormais la dimension sécurité, avec un accent mis sur la sensibilisation des collaborateurs et la conformité. Des soutiens publics ont été mobilisés récemment : en 2024, 50 000 PME auraient bénéficié d’aides pour renforcer leurs pratiques de cybersécurité.

Fait marquant, les entreprises interrogées décrivent un effort de progrès mais pas encore d’industrialisation des usages sécurisés. Les mesures d’hygiène informatique, la segmentation des accès et la réponse à incident restent inégales d’une structure à l’autre, ce qui amplifie les risques d’interruptions d’activité et de stress de trésorerie.

Indicateurs sectoriels à suivre en 2025

Pour éclairer un comité d’audit ou un COMEX, trois métriques synthétiques peuvent structurer la discussion :

  • Temps de détection et de remédiation : évaluer la rapidité d’identification des incidents et la mise en œuvre des correctifs.
  • Couverture de sensibilisation : suivre le pourcentage de collaborateurs formés sur les risques clés et le phishing.
  • Exposition des tiers : cartographier les dépendances critiques aux prestataires et leurs exigences de sécurité.

Ce rapport agrège des tendances nationales sur les atteintes informatiques, des typologies d’attaques et des éléments sur l’outillage des groupes criminels. Sa publication en juillet 2025 permet de prendre du recul sur l’année 2023 et d’identifier des lignes de force : ciblage économique plus sélectif, pression sur les chaînes d’approvisionnement et montée en gamme des fraudes.

Talents recherchés : gouvernance, juridique, communication et technique

Le marché français ne se résume plus au stéréotype de l’« ingénieur cyber » absorbé par le code. La sécurité des systèmes d’information se structure autour d’une chaîne de valeur multidisciplinaire où la conformité, la gestion de crise, la communication et l’animation des programmes internes sont centrales. Les profils juridiques, RH et sciences sociales prennent une place décisive pour faire évoluer les comportements et ancrer les bonnes pratiques.

Cette évolution s’observe dans la dynamique de formation : les besoins de sensibilisation des collaborateurs ont connu une hausse d’environ 20 % en 2023, portée par l’outillage des entreprises et la professionnalisation des filières. Les travaux de France Num, publiés dès 2019 et régulièrement actualisés, confirment que la transformation numérique des TPE-PME s’accompagne désormais d’un volet sécurité plus structuré, avec des contenus accessibles et opérationnels.

Gouvernance et conformité : des fonctions clés

La sécurité est devenue un dossier d’instances dirigeantes. Cartographie des risques, comités d’audit, arbitrages budgétaires et suivi d’indicateurs pilotent la trajectoire d’exposition. Les fonctions conformité cadrent les exigences et les processus, quand les équipes IT assurent l’intégration technique et la supervision. La gestion de crise relie ces blocs, avec des protocoles d’alerte et des exercices réguliers.

Sensibilisation et communication interne : vecteur de résilience

Les campagnes de prévention changent la donne. L’objectif n’est pas d’infantiliser, mais de rendre les collaborateurs acteurs de la protection des actifs. Plus la pédagogie est ancrée dans les métiers, plus la sécurité s’indexe sur la culture d’entreprise. C’est aussi un sujet de rétention des talents et de relation de confiance avec les clients.

  • Gouvernance : stratégie, indicateurs, comités de pilotage, gestion des risques.
  • Conformité : politiques internes, contrôle de l’application des règles, exigences contractuelles.
  • Gestion de crise : plan de réponse à incident, coordination avec les métiers et prestataires.
  • Technique : durcissement des systèmes, supervision, remédiation, tests d’intrusion.
  • Communication et formation : kits pédagogiques, exercices, culture cyber au quotidien.

Coopération opérationnelle : du « non » à la négociation

La caricature de l’expert isolé qui bloque les projets ne tient plus. Sur le terrain, la sécurité travaille avec les directions métiers, les prestataires, les régulateurs et les forces de l’ordre. Une partie substantielle du temps consiste à expliquer, convaincre et négocier des compromis soutenables, avec des ciblages clairs sur les processus critiques et les données sensibles.

Les équipes sécurité diffusent aussi des pratiques d’innovation pragmatique : simulations d’attaques, exercices de crise, contrôles et testings. Objectif : obtenir des preuves de robustesse, détecter les angles morts et réduire les délais de remédiation. Dans les TPE-PME, cette logique se traduit par des check-lists condensées, un outillage rationalisé et l’intégration progressive de clauses de sécurité dans les contrats fournisseurs.

Relations avec prestataires et forces de l’ordre

Le dialogue amont avec les prestataires est devenu structurant pour calibrer l’exposition réelle : gestion des accès, sauvegardes, monitoring, plan de continuité d’activité. Côté judiciaire, la déclaration d’incident et la conservation des traces sont des réflexes désormais mieux diffusés, dans une logique de coopération et de dissuasion. L’ensemble concourt à raccourcir la boucle de détection et de réponse.

Pourquoi 80 % des dirigeants se disent non prêts

L’écart entre outillage et préparation opérationnelle tient souvent à trois points :

  • Gouvernance incomplète : responsabilités floues, indicateurs absents ou peu suivis.
  • Procédures non testées : plans de réponse à incident rarement exercés avec les métiers.
  • Chaîne d’approvisionnement : clauses et niveaux d’exigence hétérogènes selon les fournisseurs.

Le baromètre 2025 de Cybermalveillance.gouv.fr met en avant cette lacune de préparation dans un panel de 1 000 entreprises (baromètre 2025 de Cybermalveillance.gouv.fr).

Pentest et compétences analytiques : une sélection, pas un sésame

Le mythe du « hacker de génie » ne résiste pas à l’analyse du marché. Le test d’intrusion est une spécialité étroite, hautement sélective, où les sociétés dédiées recrutent peu et soumettent les candidats à des épreuves très exigeantes. Pour beaucoup de professionnels, le pentest devient une corde complémentaire plutôt qu’un cœur de métier.

Ce qui distingue les profils recherchés, c’est la curiosité, la rigueur et la capacité à apprendre vite. Les entreprises apprécient les esprits analytiques capables de traduire un risque technique en impact opérationnel et juridique. Cette polyvalence correspond aux besoins d’un secteur qui a créé environ 10 000 postes nets entre 2022 et 2023, illustrant l’essor de la demande pour des compétences variées, pas uniquement techniques.

Courbe d’apprentissage : où investir son temps

L’apprentissage continu demeure la règle. Les fondamentaux systèmes et réseaux, la modélisation des risques et la gestion des incidents sont des socles durables. L’exposition à des exercices de crise et à des revues de contrats renforce la capacité à agir de façon transversale avec la direction financière, les achats et le juridique.

  • Pentest : évaluation offensive d’un périmètre défini, dans un cadre formalisé, pour identifier des vulnérabilités.
  • Red team : exercice d’adversaire simulé plus large, mêlant techniques et ingénierie sociale, pour tester la détection et la réponse.
  • Bug bounty : programme encadré qui récompense la découverte responsable de failles, sur des actifs explicitement autorisés.

Rémunérations et mobilité : un marché porteur mais exigeant

La promesse de carrières parfaitement linéaires et immédiatement lucratives est à relativiser. Les débutants issus d’un Bac+5 démarrent en moyenne autour de 40 000 € bruts annuels, avec des progressions possibles vers 60 000 € après quelques années dans les grands groupes. En 2023, le salaire médian dans la cybersécurité s’établirait à environ 48 000 €, en hausse de 5 % sur un an.

Dans les faits, l’entrée sur le marché reste sélective : beaucoup d’employeurs attendent 3 à 5 ans d’expérience. La bonne nouvelle, c’est que les avancées peuvent être rapides pour celles et ceux qui délivrent de la valeur visible et documentée. Les embauches ont d’ailleurs progressé d’environ +15 % en 2024, selon les communications publiques, renforçant une dynamique d’investissement dans les compétences et la formation continue.

Accélérer sa progression sans se disperser

  • Focaliser l’impact : positionner ses actions sur des périmètres critiques pour l’activité, démontrer la réduction de risque et le gain opérationnel.
  • Visibilité des résultats : capitaliser des retours d’expérience et des métriques partagées avec les métiers et la direction financière.
  • Apprentissages ciblés : privilégier les contenus qui renforcent le jugement de risque et la capacité à opérer en crise.

Formations en hausse et besoins concrets

La montée de la demande en 2023 s’est traduite par une augmentation d’environ 20 % des actions de formation en cybersécurité, portée par les entreprises et les dispositifs d’accompagnement. Un bénéfice immédiat : l’élévation du niveau de vigilance des collaborateurs, maillon décisif des dispositifs de prévention et de détection.

Au-delà du titre parfois générique, le contenu révèle la maturité de l’organisation :

  • Indicateurs : présence ou non d’objectifs mesurables, de seuils d’alerte et de reporting.
  • Périmètre : distinction claire entre responsabilités techniques, gouvernance et conformité.
  • Écosystème : interactions avec les métiers, la DAF, les achats, le juridique et les prestataires.

TPE-PME, hôpitaux, associations : la cybersécurité s’impose partout

L’idée selon laquelle la cybersécurité serait l’apanage des banques, des ministères ou des entreprises du CAC 40 n’a plus cours. L’essor du numérique dans toutes les chaînes de valeur a uniformisé l’exposition : dossiers patients, comptabilités de TPE, plateformes de réservation, applicatifs métiers des collectivités. Aucune structure n’y échappe, avec des voies d’attaque qui empruntent souvent la chaîne d’approvisionnement.

Les soutiens publics ont commencé à irriguer le tissu économique, avec 50 000 PME aidées en 2024, et les outils de France Num intégrant des parcours adaptés. L’enjeu immédiat pour les dirigeants consiste à prioriser l’effort de base : hygiène informatique, revue des accès, sauvegardes testées, sensibilisation ciblée sur les risques les plus courants. Les bénéfices sont rapides : réduction du temps d’interruption, coût de crise maîtrisé, meilleure relation avec les clients et les assureurs.

  1. Identifier les actifs critiques : systèmes, données clients, flux de trésorerie, dépendances clés.
  2. Limiter les accès : principes du moindre privilège, authentification renforcée, revue régulière.
  3. Tester les sauvegardes : vérifier la restauration pour limiter le coût d’arrêt en cas d’incident.
  4. Former sans surcharge : courtes séquences, simulations de phishing, exercices de crise ciblés.

Entreprises françaises : saisir l’opportunité, combler le déficit de préparation

La cybersécurité s’impose désormais comme un sujet économique et humain, bien au-delà des stéréotypes techniques. Les projections indiquent une croissance de l’emploi d’environ +20 % d’ici 2025, portée par la diversité des missions et l’intégration de nouveaux profils. Le défi n’est pas l’équipement isolé, mais la capacité d’exécution coordonnée entre métiers, sécurité, prestataires et dirigeants.

Les chiffres sur l’impréparation appellent une réponse pragmatique : gouvernance clarifiée, exercices de crise, montée en compétence des équipes et exigences contractuelles auprès des fournisseurs. C’est à ce prix que l’économie française réduira l’impact des attaques et consolidéra sa confiance numérique.

Le secteur recrute, les compétences se diversifient, et la coopération devient l’avantage compétitif le plus fiable.