Les imprimantes connectées : une menace sous-estimée pour les entreprises
Découvrez les incidents coûteux liés aux fuites d'impression. Protégez vos données sensibles des cyberattaques dès maintenant.

820 000 livres sterling par incident: c’est le coût moyen d’une fuite liée à un parc d’impression mal protégé, soit environ 945 700 euros. En entreprise, l’imprimante n’est plus un simple périphérique. Elle stocke, traite et transmet des données sensibles. En faire un angle mort de la cybersécurité revient à accepter une exposition élevée aux risques opérationnels, financiers et réglementaires.
Imprimantes connectées : une surface d’attaque ignorée mais coûteuse
Les parcs d’impression modernes cumulent connectivité réseau, systèmes d’exploitation embarqués et stockage local. Cette combinaison en fait un point d’entrée discret et efficace pour les cyberattaquants. Les responsables de la sécurité des systèmes d’information doivent désormais intégrer ces équipements au même niveau que les postes de travail ou les serveurs: inventaire, supervision, correctifs, effacement des données.
Les signaux faibles s’accumulent depuis deux ans. En France, le rapport annuel sur la cybercriminalité 2024 du Ministère de l’Intérieur, publié en juillet 2025, pointe une progression marquée des incidents en 2023 et 2024, avec une sophistication accrue des modes opératoires attribuée par le CECyber (Ministère de l’Intérieur, rapport 2024 publié en juillet 2025). À l’échelle européenne, la pression s’intensifie: la France figure parmi les pays les plus touchés par les fuites de données au premier semestre 2025, avec des volumes d’informations compromis s’élevant à plusieurs millions d’items sensibles.
Cybernews : exposition massive d’imprimantes ouvertes
Une expérimentation menée par des chercheurs de Cybernews a tenté de compromettre 50 000 imprimantes à travers le monde. Résultat: près de 28 000 appareils exposés sur Internet présentaient des vulnérabilités permettant une prise de contrôle. Cette surface d’exposition interroge, car nombre de ces équipements se trouvent au cœur des back-offices financiers, des RH ou des pôles juridiques qui manipulent des documents critiques.
Quocirca 2025 : coût moyen des fuites et pertes opérationnelles
Au-delà de l’accès illégitime aux documents, les conséquences financières sont immédiates. D’après le rapport Quocirca Print Security Landscape 2025, une fuite de données liée à l’impression coûte en moyenne 820 000 livres sterling par incident, soit environ 945 700 euros (Quocirca, Print Security Landscape 2025). À l’échelle d’un groupe, la multiplication des incidents entraîne des coûts cachés: temps de remédiation, audits supplémentaires, perturbations des flux de validation et hausse des primes d’assurance cyber.
Chiffres clés à surveiller sur le parc d’impression
- 28 000 imprimantes ouvertes identifiées sur Internet avec des failles exploitables;
- 3,5 heures par mois consacrées par les équipes IT à la sécurité des firmwares;
- 38 % seulement des organisations appliquent rapidement les mises à jour; en fin de vie,
- 23 % détruisent physiquement les disques et 8 % l’appareil entier; coût moyen d’une fuite liée à l’impression:
- ~945 700 euros.
Chaîne d’exploitation typique et vecteurs d’intrusion sur le parc d’impression
Les attaquants ne ciblent pas l’imprimante pour elle-même. Ils y voient un pivot silencieux pour se déplacer latéralement dans le réseau. Les vecteurs les plus fréquents: firmware obsolète, services réseau non essentiels laissés ouverts, mots de passe par défaut ou partagés, protocoles non chiffrés et fonctions d’administration exposées.
Une fois en place, l’attaquant peut intercepter des documents en transit, extraire l’historique des tâches, compromettre des carnets d’adresses, ou convertir l’équipement en relais d’attaque interne. Dans certains cas, le périphérique est enrôlé dans un botnet pour mener des campagnes DDoS.
Mirai et botnets : des imprimantes enrôlées
Des familles de malwares comme Mirai montrent que des appareils IoT, donc des imprimantes connectées, peuvent être mobilisés à grande échelle pour saturer des services. L’enjeu pour l’entreprise n’est pas seulement la fuite documentaire: c’est aussi l’utilisation de son infrastructure comme arme par ricochet, aggravant le risque réputationnel et juridique.
Points sensibles fréquents: modules d’impression et de numérisation, file d’attente interne, répertoires SMB/FTP, carnet d’adresses pour scan-to-mail, mémoire flash contenant des jobs récents, interfaces Web d’administration, connecteurs cloud d’impression, logs systèmes. Chaque point doit être évalué: chiffrement, authentification, journalisation, signature des firmwares et durcissement des services réseau.
Cycle de vie des imprimantes : points de contrôle à l’achat, en production et au retrait
Sans gouvernance bout-en-bout, les failles se multiplient. À l’achat, les décideurs IT sont trop souvent tenus à l’écart, selon HP Wolf Security. En France, moins de 39 % des entreprises impliquent simultanément IT, cybersécurité et achats pour fixer des standards de sécurité. Ce défaut de coordination limite la capacité à auditer les garanties du fournisseur.
Achats : clauses sécurité et supply chain
Les imprécisions se jouent dès le cahier des charges. Les entreprises doivent définir des exigences minimales: firmwares signés, plan de mise à jour, durcissement par défaut, options d’effacement sécurisé certifiables, transparence du fournisseur sur la chaîne logistique. Les RSSI et acheteurs gagneraient à exiger des rapports de conformité avant livraison et à intégrer la sécurité dans les critères de sélection.
Production : patching et surveillance
Après déploiement, seules 38 % des organisations appliquent rapidement les mises à jour de firmwares, alors même que les équipes consacrent déjà 3,5 heures par mois à ces sujets. Les points durs remontés par les DSI: identifier les imprimantes vulnérables dans des parcs hétérogènes, détecter les modifications non autorisées, vérifier la conformité aux politiques internes. La mise sous supervision, via des collectes d’événements et des alertes dans un SIEM, s’impose.
Fin de vie : effacement certifiable ou destruction physique
La fin de cycle reste le chaînon faible. Beaucoup de responsables doutent de l’efficacité des solutions actuelles d’effacement.
Cela freine le recyclage: 88 % des décideurs mentionnent la sécurité des données comme obstacle à la réutilisation ou à la revente, et 37 % jugent cet obstacle critique. En conséquence, 23 % des organisations détruisent physiquement les disques, et 8 % l’appareil entier, au détriment des objectifs de durabilité et de la valeur résiduelle.
- Désactiver les protocoles et ports non utilisés: Telnet, FTP, HTTP non chiffré, SNMPv1.
- Exiger TLS chiffré pour l’administration et les flux d’impression.
- Imposer l’authentification forte pour les fonctions scan-to-mail et l’accès aux carnets d’adresses.
- Activer la signature et l’intégrité des firmwares; restreindre les mises à jour à des sources approuvées.
- Journaliser les impressions sensibles et verrouiller la restitution par badge ou PIN.
- Activer l’effacement sécurisé des mémoires après chaque job et en fin de vie.
Qui fait quoi: RSSI, DSI, achats et exploitation
RSSI: définit la politique, valide les standards, arbitre le risque.
DSI/équipes infra: déploient, supervisent, patchent, intègrent au SIEM.
Achats: contractualisent les SLA sécurité, exigent la conformité en supply chain.
Exploitation/Maintenance: contrôles physiques, audits réguliers, gestion du retrait.
Impacts financiers et conformité : La RGPD, ANSSI et obligations en France
Sur le plan légal, les flux d’impression et de numérisation traitent fréquemment des données à caractère personnel. Le cadre européen impose de documenter les mesures techniques et organisationnelles proportionnées, d’assurer la sécurité par défaut et par conception, et de garantir la capacité à effacer ou pseudonymiser les informations lorsque cela est requis. L’imprimante entre donc pleinement dans le périmètre de conformité et de contrôle interne.
La RGPD : sécurité par conception et journalisation
La RGPD exige une gouvernance s’appuyant sur la minimisation des données, la traçabilité et la capacité à répondre aux demandes d’exercice de droits. Pour un parc d’impression, cela implique: chiffrement des files d’attente, identification des responsables de traitement côté métiers, délais de conservation maîtrisés et procédures d’effacement vérifiables. Les politiques d’accès doivent prévenir l’exposition de documents à des personnes non autorisées, y compris dans les situations hors ligne évoquées par trois quarts des décideurs IT français.
ANSSI : vigilance accrue sur les équipements IoT
Le rapport d’activité 2024 de l’ANSSI, publié en avril 2025, insiste sur la montée en puissance des menaces et encourage les organisations à renforcer la surveillance des équipements connectés, imprimantes incluses. Le message est clair: mettre au niveau IoT les politiques de déploiement, de patch management et de supervision, au même titre que pour les endpoints classiques.
Journal du Net : les imprimantes, maillon faible confirmé
Un article du Journal du Net publié en 2025 rappelle que les imprimantes multi-fonctions stockent des documents et des carnets d’adresses, et que leurs configurations par défaut les exposent inutilement. Cette réalité explique la corrélation entre fautes de configuration et fuites de données observées dans les grandes organisations comme dans les PME.
Clauses à exiger auprès des fournisseurs d’impression managée
- SLA sécurité: délais de publication et d’application des correctifs, gestion des vulnérabilités.
- Preuves de signature logicielle: firmwares signés, chaîne d’approvisionnement documentée.
- Options d’effacement certifiables: rapports d’effacement en fin de vie, méthodes reconnues.
- Journalisation et intégration SIEM: formats d’export, fréquence, horodatage fiable.
- Contrôles d’usine et de transport: scellement, preuve d’intégrité à la réception.
Tendances 2025 : IA offensive et pression sur les appareils d’impression
Les prédictions 2025 de HP Wolf Security anticipent une utilisation renforcée de l’IA générative par les cybercriminels. Cette évolution pourrait rendre plus efficaces les campagnes de reconnaissance, l’exploitation automatisée de configurations faibles et l’orchestration d’attaques multi-étapes, y compris via des équipements d’impression.
HP Wolf Security 2025 : montée de l’IA criminelle
La capacité à générer des scripts, à optimiser la recherche de services exposés ou à adapter le phishing au contexte local augmente la probabilité de compromission. Les parcs d’impression hétérogènes, parfois anciens, constituent un terrain particulièrement fertile si les mises à jour sont lentes et si l’authentification forte n’est pas généralisée.
RSSI : posture proactive et seuil minimal de sécurité
L’élévation du risque appelle des contrôles minimaux non négociables: patching accéléré, durcissement par défaut, surveillance temps réel des événements d’impression et gestion stricte des identités. Sans ces piliers, l’enrôlement d’imprimantes dans des botnets comme Mirai devient une probabilité opérationnelle plus qu’un scénario théorique.
Étapes typiques: découverte automatique d’une interface d’admin HTTP non chiffrée, attaque par mot de passe par défaut, déploiement d’un binaire persistant, exfiltration de la file d’attente d’impression, scans internes pour mouvement latéral, enrôlement dans un botnet, brouillage des logs. Contremesures: authentification forte, chiffrement, détection d’anomalies sur les files d’attente, contrôle d’intégrité du firmware et interfaçage SIEM.
Feuille de route opérationnelle pour les entreprises françaises
Transformer un parc d’impression en actif sécurisé passe par une démarche en plusieurs chantiers qui s’imbriquent: gouvernance, technique, opérations et fin de cycle. Objectif: réduire le temps d’exposition, amortir les coûts d’incident et renforcer la conformité, sans alourdir durablement l’OPEX.
Gouvernance et achats : aligner dès la source
- Créer un référentiel sécurité imprimantes, cosigné par RSSI, DSI et achats, intégré aux contrats.
- Imposer la conformité des fournisseurs: firmwares signés, correctifs disponibles, effacement vérifiable.
- Exiger un inventaire initial et un plan de patching livré à la réception.
Architecture et déploiement : cloisonner et chiffrer
- Ségréguer le parc d’impression dans des VLAN dédiés avec règles de filtrage restrictives.
- Activer le chiffrement bout en bout des flux d’impression et des interfaces d’administration.
- Mettre en place l’authentification par badge ou PIN pour la restitution des documents sensibles.
Exploitation et supervision : industrialiser le contrôle continu
- Automatiser la découverte et la classification des imprimantes: modèle, firmware, exposition réseau.
- Remonter les alertes d’événements dans un SIEM et définir des règles de détection dédiées.
- Orchestrer les mises à jour: fenêtres de maintenance, validation, déploiement groupé, rollback.
Conformité et fin de vie : standardiser l’effacement
- Documenter les procédures d’effacement sécurisé et archiver les rapports associés.
- Éviter la destruction physique systématique si un effacement fiable est possible, afin de préserver la valeur résiduelle et les objectifs de durabilité.
- Prévoir des audits aléatoires de sortie d’actifs pour vérifier l’absence de données résiduelles.
Cette feuille de route n’exige pas de révolution technologique. Elle repose sur des fondamentaux: réduire l’exposition, accélérer le patching, mesurer la conformité, et prouver, par la donnée, la maîtrise du cycle de vie.
- Taux d’imprimantes à jour de firmware et temps moyen d’application d’un correctif.
- Part des équipements avec authentification forte activée sur l’administration et la restitution.
- Nombre d’événements d’impression sensibles logués et corrélés dans le SIEM.
- Pourcentage d’actifs sortants avec preuve d’effacement sécurisé documentée.
- Volume d’incidents imputables à l’impression et coût estimé de remédiation.
France et Europe : signaux réglementaires et arbitrages budgétaires
Les exigences européennes se durcissent et favorisent les organisations capables de prouver leur cyber-résilience. Les imprimantes, trop souvent considérées comme périphériques, doivent être pleinement intégrées aux politiques internes.
Le rapport du Ministère de l’Intérieur sur 2024 souligne l’accélération des attaques sur les infrastructures connectées, tandis que l’ANSSI rappelle les bonnes pratiques IoT. Les décideurs français n’ont plus vraiment le choix: renforcer la sécurité du parc d’impression réduit le risque de fuite et les coûts associés.
Sur le plan financier, les arbitrages doivent privilégier des actifs sécurisés de bout en bout: détection en temps réel, impression chiffrée, prévention des pertes de données, effacement robuste en fin de vie. À la clé: moins d’expositions, des audits simplifiés, une conformité facilitée, et un meilleur alignement avec les enjeux de durabilité.
Cap de maturité à franchir pour l’écosystème d’impression
Les imprimantes demeurent indispensables au quotidien, mais leur sécurité accuse un retard. Les alertes officielles et les analyses sectorielles convergent: intégrer ces équipements au cœur des stratégies de cybersécurité n’est plus optionnel. Les organisations qui stabilisent rapidement leurs pratiques gagnent en efficacité opérationnelle, réduisent l’aléa juridique et améliorent leurs performances RSE.
Consolider l’alliance RSSI, DSI et achats, accélérer le patching, standardiser l’effacement et brancher le parc d’impression au SIEM: ce socle permet d’abaisser durablement le risque sans sacrifier la productivité. La maturité sur l’impression sécurisée est désormais une condition de la maîtrise globale du risque cyber en France.