11,2 millions d’euros pour Clarity et un cap réglementaire fixé au 13 mars 2024 avec l’adoption de l’AI Act par le Parlement européen. Les entreprises françaises voient se croiser deux lignes de force: la course à l’automatisation des interactions clients et l’exigence d’une IA traçable, supervisée et auditable. Dans ce nouvel équilibre, la conformité cesse d’être un coût pour devenir un critère d’achat et un levier de compétitivité.

Conformité IA : quand le support client devient un risque réglementaire

Les agents conversationnels multilingues se sont imposés dans les banques, les assureurs, la santé et les télécommunications. Leur promesse est séduisante: réponse instantanée, disponibilité 24 h sur 24 et réduction du coût par interaction.

Mais dans les secteurs régulés, la vitesse ne suffit pas. L’enjeu prioritaire porte sur la précision, la traçabilité et la capacité d’audit a posteriori.

Les erreurs de classification d’une demande, les instructions inexactes sur un contrat ou un défaut d’archivage probant peuvent créer un risque juridique réel. L’Autorité des marchés financiers a infligé des sanctions record en 2024, rappelant que la non-conformité n’est plus un risque théorique mais une exposition financière et réputationnelle tangible. Dans ce contexte, les directions juridiques, conformité et DSI réévaluent les critères de sélection des technologies d’IA, au-delà des métriques opérationnelles traditionnelles.

Concrètement, plusieurs exigences s’imposent pour l’IA en front-office:

  • Capturer des traces robustes de chaque interaction, incluant les versions de modèles et les prompts, pour établir une piste d’audit fiable.
  • Superviser humainement les conversations sensibles et escalader tôt les cas à forte exposition.
  • Détecter en quasi temps réel les signaux de fraude et appliquer des politiques d’anonymisation adaptées au traitement des données vocales et textuelles.
  • Taguer les conversations selon des standards compatibles avec les exigences sectorielles, afin d’accélérer les contrôles de conformité et les revues internes.

Front-office régulé : ce que recouvre la conformité IA

Pour un agent IA en relation client, la conformité ne se limite pas à la protection des données. Elle combine :

  1. Traçabilité technique complète des versions, prompts et réponses.
  2. Supervision et droits d’arrêt ou de correction par un humain en temps utile.
  3. Classification et archivage probants des interactions pour l’audit.
  4. Détection et gestion des fraudes, incluant la redirection vers des circuits sécurisés.
  5. Transparence adéquate vis-à-vis de l’utilisateur sur la nature de l’agent.

Traçabilité désigne la conservation exhaustive des éléments d’une interaction IA pour en reconstituer la genèse. Auditabilité implique que ces traces soient exploitables par des contrôleurs internes et externes, selon une nomenclature stable et datée. Observabilité renvoie à la visibilité continue sur les performances et les dérives des modèles, condition d’une gouvernance vivante et de plans de remédiation rapides.

AI Act : obligations structurantes et arbitrages fournisseurs

L’adoption de l’AI Act le 13 mars 2024 par le Parlement européen change l’architecture des projets IA. Le cadre européen impose des obligations strictes de sécurité, de contrôle humain et de traçabilité, selon une logique graduée par niveau de risque. Les directions achats et risques ne peuvent plus ignorer ces exigences, désormais alignées avec des critères commerciaux tels que le coût par interaction ou le Net Promoter Score.

Le texte encadre l’usage de l’IA dans des contextes de vie quotidienne et d’entreprise, avec des contraintes renforcées pour les systèmes à haut risque. Les équipes juridiques exigent désormais des preuves concrètes de conformité, incluant des mécanismes de contrôle humain, des registres d’événements et une gouvernance explicite du cycle de vie des modèles. L’arbitrage fournisseur bascule: la démonstration de conformité devient un prérequis de vente, et non un livrable secondaire.

AI Act : points de contrôle à intégrer au cahier des charges

Les donneurs d’ordre peuvent structurer leur grille d’évaluation autour de :

  • Justificatifs de contrôle humain effectif et modalités d’escalade en cas de doute.
  • Capacités de journalisation détaillée et d’export des logs pour audit.
  • Gestion des modèles et données avec politiques de rétention et anonymisation adaptées.
  • Mécanismes de détection des fraudes et gestion des signaux faibles.
  • Transparence utilisateur sur la nature de l’agent et ses limites fonctionnelles.

Les obligations de transparence n’exigent pas d’alourdir l’interface. Une mention claire de l’usage d’un agent IA, une documentation accessible, des chemins d’escalade visibles vers un conseiller humain et des notifications en cas d’actions à valeur juridique suffisent souvent à concilier conformité et fluidité d’usage.

Clarity : architecture « Safe AI » pour les secteurs régulés

Clarity, anciennement Anecdote, se positionne au croisement de l’automatisation, de la Voix du Client et de la conformité. La plateforme assemble agents IA, analyses VoC et outils d’orchestration dans une architecture orientée contrôle.

Au cœur de la proposition: des garde-fous conçus pour les environnements régulés. Clarity met en avant la détection quasi temps réel des fraudes, l’escalade précoce des interactions sensibles, un tagging conforme aux exigences sectorielles et une supervision humaine sur les cas complexes. L’objectif est d’aligner performance opérationnelle et besoins d’audit sans friction pour les équipes front-office.

Qui est Clarity : ancrage international et ADN conformité

Fondée par Abed Kasaji et Pavel Kochetkov, Clarity est basée à Londres, avec des bureaux à New York et Riyad. Le positionnement repose sur une idée simple: intégrer la conformité dès l’architecture, et non comme un module additionnel. Cela se traduit par des mécanismes natifs de journalisation, un contrôle des versions de modèles et des workflows d’escalade opérables par les équipes de contrôle interne.

Voix du Client et automatisation : un tandem orienté ROI

L’approche VoC permet d’extraire systématiquement les irritants et signaux faibles présents dans les conversations multicanales. Associée à l’automatisation, elle accélère des chantiers mesurables:

  • Réduction du temps moyen de traitement grâce à l’orchestration des workflows et à la classification fine.
  • Amélioration de la qualité par la détection des réponses à risque et leur correction supervisée.
  • Réduction des pertes via la détection précoce de fraudes et l’isolement des parcours sensibles.

La plupart des couches conversationnelles se concentrent sur la qualité linguistique et l’orchestration. L’ajout par Clarity de tags conformes, d’escalade à seuil et d’une piste d’audit exploitable réduit le coût de mise en conformité interne et facilite les revues des contrôleurs. Pour les secteurs régulés, ce différentiel peut primer sur de simples gains de vitesse.

Voix du Client (VoC) : valeur ajoutée pour la gouvernance

La VoC consolide les feedbacks issus des canaux chat, voix et e-mail pour éclairer les arbitrages métiers :

  • Priorisation des correctifs produits basée sur l’impact client réel.
  • Détection d’anomalies récurrentes liées à des scripts ou procédures.
  • Mesure plus fine du NPS, associée à des causes racines opérationnelles.
  • Alimentation des plans de conformité par des faits objectivés.

Marché européen : spécialisation et souveraineté au premier plan

Clarity évolue au sein d’un marché européen fragmenté où chaque acteur occupe une niche à forte valeur. Cette spécialisation reflète les besoins hétérogènes des clients, entre excellence vocale, orchestration d’automatisations et exigences de souveraineté.

PolyAI : agents vocaux à grande échelle

Au Royaume-Uni, PolyAI s’est imposé sur le créneau des agents vocaux haute performance pour le service client. Sa proposition s’adresse aux organisations souhaitant industrialiser des volumes d’appels tout en maintenant un niveau élevé de compréhension et de continuité conversationnelle.

Cognigy : orchestration pour grands comptes

En Allemagne, Cognigy se distingue par l’orchestration d’automatisations complexes, adaptée aux environnements IT des grandes entreprises. Le positionnement met l’accent sur l’intégration avec les systèmes métiers et les workflows existants.

Chattermill : analytics multicanal

Basé au Royaume-Uni, Chattermill adresse l’analyse de la Voix du Client sur plusieurs canaux, avec un focus sur l’exploitation d’insights cross-canal pour guider les priorisations produit et service.

Skeepers : contenu généré par les utilisateurs

En France, Skeepers se concentre sur l’engagement par le contenu généré par les utilisateurs, en particulier dans le retail. L’approche vise à transformer les avis et retours en accélérateurs de conversion et de fidélisation.

Nijta : anonymisation de la voix

La société française Nijta s’est spécialisée dans l’anonymisation vocale, un pivot pour protéger les données sensibles dans les processus de support et de vérification, et réduire l’exposition réglementaire liée aux enregistrements.

Mistral AI : modèles IA sécurisés et localisés

Mistral AI a annoncé une levée de 1,7 milliard d’euros, portant sa valorisation au-delà de 11 milliards d’euros et devenant la première décacorne française, consolidant un écosystème de modèles IA sécurisés et localisés. Cette trajectoire renforce la crédibilité d’un tissu d’acteurs capables de soutenir des déploiements à l’échelle européenne.

LightOn : infrastructures IA compatibles sécurité des données

LightOn propose des infrastructures IA pensées pour les exigences de sécurité des données. Pour les secteurs soumis à des audits serrés, l’emplacement et la gouvernance de l’infrastructure restent des facteurs déterminants.

Ce paysage souligne une constante: peu d’acteurs combinent nativement automatisation, VoC et conformité. C’est précisément l’espace que Clarity vise à occuper avec une approche intégrée. En toile de fond, la dynamique française illustre l’attractivité du continent pour les projets IA, soutenue par le Sommet Choose France 2025 qui a annoncé 40,8 milliards d’euros d’investissements sur 53 projets, dont plusieurs portés vers la tech et l’IA (DGE).

Chiffres clés de l’IA en France

La Direction générale des Entreprises recense 590 startups IA en France, dont 16 licornes, appuyées par 1,5 milliard d’euros d’aides publiques en 2022. Cet appui nourrit une offre locale alignée avec les nouvelles normes européennes et renforce la capacité à industrialiser des cas d’usage critiques (DGE).

Financement de 11,2 millions d’euros : cap sur l’expansion sécurisée

Clarity a finalisé une levée de 11,2 millions d’euros, conduite par Prosus Ventures, avec la participation de STV Al Fund, Sukna Ventures, Wamda Capital, Neo, Oraseya Capital, Phaze Ventures, Propeller, Tech Invest Com et plusieurs business angels. L’opération, rapportée par FrenchWeb.fr, vise à accélérer la croissance dans la catégorie de la Safe AI pour l’expérience client.

Pour le marché, ce tour de table confirme une tendance claire: l’alignement sur l’AI Act et la maturité de l’écosystème tracent une voie de développement pour les plateformes qui intègrent sécurité, supervision et auditabilité dès la conception. Bien que basée à Londres, Clarity bénéficie du dynamisme européen, où l’essor d’acteurs comme Mistral AI démontre la capacité à soutenir des ambitions de croissance rapides sur des briques technologiques clés.

Investisseurs et signaux envoyés au marché

  • Prosus Ventures en chef de file: lecture positive du potentiel d’industrialisation dans les secteurs régulés.
  • Participations de fonds régionaux du Moyen-Orient et d’Europe: volonté d’accompagner des déploiements multizones.
  • Business angels: apport de réseaux sectoriels et d’expertise go-to-market.

La trajectoire de Clarity vise à capitaliser sur une demande désormais structurée par des exigences de conformité documentées. Les secteurs banque, assurance, santé et télécoms attendent des fournisseurs des garanties techniques et procédurales, condition de l’adoption à l’échelle.

Levée de fonds Clarity : points à retenir pour les décideurs

  • Le financement cible l’accélération commerciale sur la « Safe AI » en relation client.
  • Le signal de marché porte sur la valeur de la conformité intégrée comme différenciant.
  • Les secteurs régulés restent le terrain naturel de la plateforme.

Priorités 2025 pour les entreprises françaises : aligner coûts, risques et preuves

Pour les dirigeants et fonctions support, la question n’est plus d’expérimenter l’IA, mais de l’industrialiser avec des garanties. Les feuilles de route 2025 gagnent à articuler objectifs opérationnels et exigences de conformité, avec des arbitres clairs: coûts, risques et preuves.

Gouvernance et architecture : ce qu’il faut verrouiller

  • Cartographier les cas d’usage selon leur sensibilité réglementaire, avec des seuils d’escalade définis.
  • Imposer une piste d’audit standardisée et exportable sur l’ensemble des agents, y compris vocaux.
  • Centraliser la gestion des modèles et des versions, avec un processus de validation inter-fonctions.
  • Mettre en place une supervision humaine sur les interactions à valeur juridique ou financière élevée.
  • Contrôler le tagging et les nomenclatures pour faciliter les revues par la conformité et les auditeurs.

Achats et conformité : formaliser des critères non négociables

  • Exiger des preuves de conformité documentées et démontrables.
  • Privilégier des solutions affichant des capacités natives de journalisation et d’export des logs.
  • Évaluer la capacité d’escalade et de reprise par un humain, avec délais garantis.
  • Vérifier la gestion des données sensibles, notamment sur la voix et les transcriptions.

Une gouvernance efficace juxtapose un cadre central sur les politiques IA et une délégation contrôlée au métier pour l’ajustement des seuils d’escalade, des listes de détection de fraude et des jeux de tags. La condition de réussite: des indicateurs partagés et une revue conjointe des incidents et plans correctifs.

Articulation avec la RGPD : cohérence des contrôles

Les briques imposées par l’AI Act renforcent des pratiques déjà familières aux équipes DPO. L’anonymisation adaptée, la minimisation des données, la traçabilité et la transparence peuvent être traitées dans un même référentiel, afin d’éviter les contrôles redondants et d’accélérer les audits. L’unification des registres facilite l’analyse d’impact et la gestion des durées de conservation.

Mesure de la valeur : au-delà du NPS

Le NPS reste un indicateur utile, mais insuffisant pour piloter la valeur de la conformité. Les directions financières gagneront à suivre des métriques combinant coût par interaction, taux d’escalade maîtrisés, incidents évités et délai de réponse aux contrôleurs. La qualité de la piste d’audit devient un actif mesurable dès lors qu’elle réduit les charges d’audit et le risque d’amendes.

Trois questions simples doivent trouver une réponse documentée avant le déploiement: Qui peut arrêter ou corriger l’agent et quand ? Comment reconstituer précisément une interaction litigieuse ? Quelle politique de données s’applique à la voix et aux transcriptions ? Cette clarté réduit les coûts de mise en production et sécurise l’audit.

Cap d’exécution : l’IA fiable comme avantage concurrentiel

L’AI Act et la hausse des sanctions dans les secteurs régulés transforment la conformité en critère d’achat majeur. Le financement de 11,2 millions d’euros de Clarity signale que la « Safe AI » n’est pas une contrainte défensive mais une voie de différenciation. Les entreprises qui alignent traçabilité, supervision et automatisation utile peuvent avancer plus vite avec moins de risques.

À mesure que l’écosystème européen s’étoffe, l’exigence de preuves remplace le discours d’intention. Les fournisseurs capables de livrer des pistes d’audit exploitables et des mécanismes de contrôle humain cohérents gagneront des parts de marché, en France comme à l’international.

L’enjeu n’est plus de prouver que l’IA fonctionne, mais de démontrer qu’elle tient en toutes circonstances la promesse de conformité qu’attendent les régulateurs et les clients.