Comment le parc de batteries de Cheviré révolutionne-t-il l'énergie ?
Découvrez comment le parc de batteries de Cheviré à Nantes optimise la production d'énergie renouvelable et soutient la consommation.

À Nantes, un ancien site thermique change d’échelle et de rôle. Cheviré accueille désormais un parc de batteries de très grande puissance, inauguré par Harmony Energy, qui ambitionne de lisser la production renouvelable et de sécuriser les pointes de demande. L’annonce place la Loire-Atlantique sur la carte des grands hubs de flexibilité électrique en France, avec un signal fort pour les industriels et les marchés de l’énergie.
Mise en service à nantes : un jalon stratégique pour le stockage
Le nouveau système de stockage par batteries installé dans la zone industrielle de Cheviré affiche 100 MW de puissance et 200 MWh de capacité. À pleine charge, l’infrastructure peut injecter sur le réseau l’équivalent de deux heures de production continue, soit un soutien puissant lors des pointes de consommation en fin de journée ou en période hivernale.
Selon des informations concordantes rapportées par Ouest-France et Le Journal des Entreprises, la mise sous tension est intervenue le 14 août 2025, confirmant l’entrée en exploitation du plus grand site de stockage par batteries actuellement en France. Harmony Energy précise que la plateforme est pilotée par des Tesla Megapack et par le logiciel Autobidder, qui orchestre automatiquement les arbitrages sur les marchés de l’électricité.
Convertie en puissance distribuée pour illustrer l’ordre de grandeur, l’installation peut alimenter environ 170 000 foyers pendant deux heures. Le volume dépasse symboliquement la population de Nantes intra-muros, estimée à près de 320 000 habitants en 2023 selon l’INSEE, en intégrant deux personnes par foyer en moyenne.
Cheviré : chiffres opérationnels à retenir
Le site de stockage apporte une capacité de flexibilité immédiatement mobilisable pour le réseau national. Points saillants :
- Puissance : 100 MW
- Capacité : 200 MWh
- Durée à pleine puissance : 2 heures
- Technologie : Tesla Megapack et supervision par Autobidder
- Localisation : zone industrielle de Cheviré, Nantes
- Entrée en service : 14 août 2025, selon les informations d’Harmony Energy
Au-delà du symbole, l’arrivée de Cheviré modifie l’équation économique locale : plus de flexibilité électrique aide à intégrer l’éolien et le solaire régionaux, limite les congestions et peut atténuer les à-coups de prix en marchés spot lorsque la demande accélère soudainement. Pour les entreprises, cela se traduit par une plus grande prévisibilité des coûts d’énergie et, potentiellement, des contrats d’ajustement sur-mesure.
Un pivot industriel à cheviré : de la centrale thermique aux batteries
Le foncier appartient au Grand Port maritime de Nantes Saint-Nazaire. Entre 1954 et 1986, le site a hébergé une centrale thermique alimentée au charbon, au gaz et au fioul, moteur d’un développement industriel d’après-guerre mais à forte empreinte carbone. Cette reconversion illustre une tendance de fond : recycler des terrains déjà artificialisés, équipés, bien raccordés, pour les transformer en infrastructures bas-carbone.
Elle s’inscrit dans le cap fixé par la Stratégie française pour l’énergie et le climat et par la Programmation pluriannuelle de l’énergie, qui ambitionnent d’atteindre environ 33 % d’énergies renouvelables dans le mix électrique à l’horizon 2030 (Programmation pluriannuelle de l’énergie 2023). Les capacités de stockage sont un levier indispensable pour rendre ce mix pilotable en temps réel.
Sur le plan territorial, la transformation de Cheviré valorise une logistique existante : proximité des axes portuaires et routiers, meilleures conditions d’accès pour la maintenance, et raccordement optimisé au réseau public. Ce couplage entre rotation industrielle et infrastructures de réseau accélère le déploiement et réduit les délais.
Les sites thermiques historiques cumulent plusieurs atouts : accès réseau dimensionné pour des puissances significatives, emprises compatibles avec des parcs de batteries, et acceptabilité plus élevée sur des terrains déjà industrialisés.
Pour le développeur, cela réduit les coûts de raccordement et accélère l’obtention des autorisations. Pour le territoire, cela évite d’ouvrir des espaces naturels, tout en préservant des emplois d’exploitation et de maintenance sur des métiers techniques transférables.
Équilibrage du réseau : services systèmes et valeur économique
Le réseau de transport, opéré par RTE, requiert en permanence une égalité entre production et consommation. Les parcs de batteries comme Cheviré apportent une réponse agile et quasi instantanée pour soutenir cette stabilité. Concrètement, l’actif peut fournir :
- Des réserves de réglage de fréquence sur différents horizons, de la régulation rapide aux mécanismes secondaires.
- Des services de limitation de congestion sur les nœuds où les flux électriques saturent.
- Des arbitrages énergétiques : stockage aux heures creuses, restitution lors des prix élevés.
- Une capacité de secours en soutien d’équilibre lors d’événements imprévus.
Dans sa trajectoire de transition, la France doit ajouter d’importants volumes de flexibilité pour absorber de nouvelles capacités éoliennes et solaires. Les analyses publiques évoquent un besoin d’environ 10 GW de stockage d’ici 2035, pour intégrer près de 50 GW supplémentaires d’énergies renouvelables à cette échéance (RTE, Bilan électrique 2024).
Au passage, ces services génèrent des revenus potentiels via les marchés de gros, les réserves, et le marché de capacité. Pour un actif de 100 MW en France, plusieurs millions d’euros de revenus annuels sont envisageables selon les configurations de prix et de disponibilité, ce qui alimente un modèle économique encore jeune mais désormais compris par les investisseurs institutionnels.
Cheviré illustre une tendance de marché : après une première vague de sites de 5 à 20 MW, les développeurs basculent vers des tailles qui pèsent réellement sur la stabilité du système. Pour RTE, disposer d’actifs de 100 MW sur des zones de tension permet de neutraliser plus efficacement des congestions locales et de stabiliser la fréquence lors de variations rapides d’injection renouvelable.
Quatre familles de revenus structurent le modèle :
- Arbitrage énergie : achat aux heures de prix bas, revente aux pics. Dépend de la volatilité intrajournalière.
- Services système : participation aux réserves de fréquence et services d’ajustement.
- Marché de capacité : rémunération de la disponibilité lors des périodes de tension.
- Gestion de congestion : contractualisation locale pour soulager des nœuds réseau saturés.
L’équilibre entre ces briques varie selon les signaux de prix, les contraintes réseau et les règles de marché en vigueur.
Technologies déployées : megapack et optimisation algorithmique
Le site s’appuie sur la technologie Tesla Megapack, des unités lithium-ion préfabriquées, intégrant électrochimie, systèmes de refroidissement, onduleurs, protections, et supervision. Il s’agit d’unités modulaires, conçues pour être assemblées en blocs afin d’ajuster la puissance et la capacité en fonction des besoins du réseau.
Harmony Energy précise que le pilotage s’effectue via Autobidder. Ce logiciel d’agrégation orchestre les offres et les ordres sur les marchés de l’électricité, en prenant en compte les signaux de prix, les contraintes techniques, l’état de charge, la dégradation des batteries et la disponibilité des services de réserve. L’objectif : maximiser la valeur en respectant la sûreté et la durée de vie de l’actif.
Pour donner un repère, les volumes cumulés de stockage sur le site équivalent à environ 3 300 batteries de voitures Tesla, selon les estimations publiées par des médias spécialisés. Ce ratio illustre la densité énergétique mobilisable ici pour le système électrique, bien plus que pour la seule mobilité.
MW : c’est la puissance instantanée que le site peut injecter ou absorber. Elle mesure la contribution maximale à un instant donné.
MWh : c’est la quantité d’énergie stockée. Elle détermine la durée pendant laquelle la puissance maximale peut être soutenue. Ici : 200 MWh pour 100 MW, soit 2 heures à pleine charge.
Cette distinction guide les stratégies d’exploitation : services très rapides favorisent la puissance, arbitrage sur pics prolongés favorise la capacité.
Le logiciel agrège données de marché, signaux du réseau et contraintes techniques pour décider : quand charger, quand décharger, sur quels marchés s’engager. Il prend en compte :
- La courbe de prix intrajournalière et day-ahead.
- La disponibilité des mécanismes de réserve et leurs pénalités de non-performance.
- La température, la dégradation, et l’état de charge optimum pour préserver les cellules.
- Les coûts d’usure associés aux cycles, qui conditionnent la marge nette.
Résultat : une orchestration multi-horizons des revenus, tout en respectant les seuils de sécurité et de durée de vie.
Impacts économiques, emploi et cadre public : une filière qui s’organise
Du point de vue macroéconomique, le stockage s’inscrit dans la dynamique d’investissement verte. Le gouvernement a orienté des moyens via le programme France 2030 pour l’innovation énergétique, dont des enveloppes à destination de la flexibilité et des systèmes intelligents. Les pouvoirs publics rappellent aussi le rôle du stockage dans la lutte contre la volatilité et la maîtrise des coûts, autant pour les ménages que pour l’industrie.
L’INSEE recense une croissance marquée de l’emploi dans les énergies renouvelables, avec environ 150 000 emplois créés entre 2015 et 2023. Les projections tablent sur une hausse d’environ 20 % d’ici 2030, sous l’effet cumulatif des gigawatts à raccorder, des chantiers de modernisation réseau et des nouveaux métiers autour de la donnée énergétique.
À l’échelle micro-économique, un site comme Cheviré consolide des compétences locales : ingénierie de raccordement, maintenance électrotechnique, supervision logicielle, logistique industrielle. Pour les directions financières, l’intérêt tient à la diversification du portefeuille d’actifs énergétiques et à la possibilité de signer des contrats de flexibilité pour atténuer l’exposition aux prix de pointe.
Règles et signaux publics à surveiller pour les BESS
Le cadre régulatoire influence fortement la performance des projets de batteries. Points d’attention :
- Accès aux mécanismes de réserve : règles de pré-qualification, exigences de performance, pénalités.
- Marché de capacité : visibilité sur les appels et coefficients de pénalité de non-disponibilité.
- Raccordement : files d’attente, calendrier d’allocation, coûts de renforcement local.
- Fiscalité et turpés : neutralité des coûts réseau entre charge et décharge pour éviter les doubles peines.
- ICPE et sécurité : prescriptions incendie, distances, gestion thermique et plans d’intervention.
La politique énergétique française avance aussi sur d’autres piliers de la neutralité carbone. Les autorités ont présenté sept mesures pour accélérer la géothermie en juillet 2025, signe d’une approche où les solutions sont complémentaires et non concurrentes. Plus de flexibilité par batteries facilite l’intégration de ces nouveaux apports, tout en réduisant l’appel aux centrales fossiles durant les pics.
L’éligibilité à certaines aides ciblées peut jouer pour des projets de stockage couplés à l’efficacité ou à l’autoconsommation sur des sites industriels ou en copropriétés, comme le rappellent les dispositifs administrés par le ministère de l’Économie. Pour les acteurs, la clé est d’assembler financements, revenus de marché et contrats de service afin de bâtir une structure de cash-flow robuste.
Comparer pour situer l’ampleur : cheviré face au reste du paysage
Cheviré dépasse la plupart des projets français lancés ces dernières années. Un repère souvent cité est l’installation de 10 MW à Ventavon dans les Hautes-Alpes, inaugurée en 2022 par Engie, davantage pensée comme démonstrateur que comme pivot du système. En Europe, la montée en puissance est rapide : plusieurs développeurs exploitent déjà des sites de 50 à 100 MW, voire davantage au Royaume-Uni.
Les perspectives globales confirment l’accélération : la capacité mondiale de stockage par batteries est attendue en forte hausse d’ici 2030, l’Europe se plaçant parmi les locomotives grâce à des cadres de marché plus lisibles et des réseaux interconnectés. L’originalité française tient à la prédominance d’un parc nucléaire pilotable, mais l’essor des renouvelables renforce le besoin d’actifs rapides pour maintenir l’équilibre et la qualité de fréquence.
Engie à ventavon : premiers jalons à 10 mw
Le site de Ventavon, mis en service en 2022, a contribué à éprouver les procédures de raccordement et de pré-qualification, ainsi que le dialogue avec le gestionnaire de réseau. Sa vocation était aussi pédagogique : former des équipes, calibrer des outils de dispatching et tester la réponse en services système sur un périmètre restreint. Comparé à Cheviré, l’échelle est différente, mais la courbe d’apprentissage qu’il a initiée a servi à la montée en taille des projets ultérieurs.
Harmony energy : stratégie et résultats au royaume-uni
Harmony Energy s’est fait connaître outre-Manche avec des parcs de batteries raccordés sur un marché plus mature en matière de services ancillaires. Les cycles d’investissement y sont rapides, les signaux de prix volatils et la pénétration d’éolien offshore élevée. Cette expérience a forgé un savoir-faire exportable : arbitrages multi-marchés, pilotage par algorithmes et sécurisation d’assurances techniques adaptées aux risques spécifiques des BESS.
En France, l’entreprise annonce vouloir déployer jusqu’à 500 MW supplémentaires d’ici 2027, sous réserve de raccordements et d’autorisations. Si ce pipeline se concrétise, le pays basculera dans une nouvelle dimension de flexibilité distribuée, avec une masse critique plus visible dans les bilans de RTE et un effet tangible sur la résilience du système.
Qui est harmony energy ?
Structure britannique spécialisée dans le développement et l’exploitation de systèmes de stockage par batteries, Harmony Energy navigue entre ingénierie, optimisation financière et exploitation en temps réel. La société agit comme intégrateur : elle agrège technologies, logiciels, financement et exploitation pour livrer des actifs de flexibilité prêts à l’emploi. Le profil est typique des nouveaux acteurs du système électrique : orientés data, capital-intensifs et multi-marchés.
La capitalisation de ce type d’acteurs se consolide autour d’alliances industrielles et financières. Les assureurs et prêteurs demandent des garanties renforcées sur la sécurité incendie, la disponibilité des pièces, la couverture des pertes d’exploitation et la qualité des raccordements. Les développeurs les plus avancés industrialisent ces fonctions pour compresser les délais et rassurer les comités de crédit.
Sécurité et exploitation : bonnes pratiques sur les grands BESS
La maîtrise du risque est une composante stratégique des projets de batteries. Principales briques techniques :
- Systèmes de gestion thermique pour stabiliser la température et éviter l’emballement thermique.
- Surveillance en continu de l’état de charge, de la tension et des courants au niveau cellule, module et rack.
- Détection gaz et incendie, compartimentage et schémas d’extinction adaptés aux li-ion.
- Procédures d’essais pour la pré-qualification aux services système et la réception réseau.
- Plan d’intervention coordonné avec les services d’incendie locaux et le gestionnaire de réseau.
Ce que cela change pour les marchés électriques et les entreprises
Pour les marchés, la présence de parcs de batteries de 100 MW améliore la liquidité des services de réserve, modère les pics de prix et rend plus efficaces les signaux d’équilibrage. Cela aide à réduire le recours aux moyens thermiques les plus émetteurs lors des pointes, ce qui pèse sur le coût marginal de production au moment précis où la demande est maximale.
Pour les entreprises, plusieurs usages se précisent. D’abord, les contrats d’effacement et de flexibilité deviennent plus sophistiqués, avec la possibilité d’adosser des stratégies à des actifs de stockage régionaux.
Ensuite, le couplage avec l’autoconsommation photovoltaïque ou la production sur site ouvre des options d’optimisation de facture et de réduction d’empreinte carbone. Enfin, sur la chaîne de valeur, des opportunités émergent pour des fabricants d’équipements, installateurs, bureaux d’études et sociétés de maintenance.
La donne financière évolue. Les directions financières examinent de près le profil de revenus : une poche issue de l’arbitrage de prix, une autre des services système, une troisième du marché de capacité. Le calibrage des contrats de long terme, la couverture des prix, et la gestion du risque de disponibilité du réseau sont désormais des compétences clés pour sécuriser la distribution des cash-flows.
Arbitrage : acheter de l’énergie quand elle est bon marché, la revendre quand elle est chère, en tenant compte des pertes et de l’usure.
Réserves de fréquence : services qui stabilisent la fréquence du réseau en ajustant rapidement injection et consommation.
Marché de capacité : mécanisme rémunérant la disponibilité lors des périodes de tension, indépendamment de la production effective.
Gestion de congestion : accords avec le gestionnaire de réseau pour soulager des lignes saturées ou des nœuds sensibles.
L’effet prix, crucial pour l’industrie, reste une question de volumes. Un site unique ne fait pas la différence à l’échelle nationale, mais une constellation de hubs de 50 à 100 MW dans les zones de tension peut réellement lisser la courbe de prix et renforcer la sécurité d’approvisionnement. C’est le chemin qui se dessine pour la décennie, avec un pilotage fin des signaux régulatoires.
Ce que le site de cheviré change dès 2025
Cheviré constitue un pivot à la fois technique et symbolique. Il démontre qu’un actif de flexibilité de grande taille peut s’insérer rapidement sur un nœud réseau stratégique, utiliser des technologies éprouvées et articuler un modèle économique multi-revenus. La dynamique enclenchée place la métropole nantaise dans une trajectoire d’innovations énergétiques, où la décrue des émissions, la résilience du réseau et la compétitivité des prix se renforcent mutuellement.
Trois signaux à surveiller pour 2025-2027
- Volume d’actifs raccordés : l’atteinte de plusieurs centaines de MW supplémentaires confirmera l’effet système.
- Visibilité régulatoire : la stabilité des règles de marché et des mécanismes de réserve soutiendra l’investissement.
- Qualité de service : la disponibilité technique et la performance sur les réserves ancreront la crédibilité de la filière.
Avec Cheviré, la France bascule dans une nouvelle grammaire énergétique : des hubs de batteries qui transforment l’intermittence en flexibilité monétisable et rapprochent la souveraineté électrique d’une réalité mesurable.