Cailabs se prépare à produire 50 stations sol à Rennes d'ici 2027
Découvrez comment Cailabs renforce son positionnement avec 57 millions € pour industrialiser ses solutions laser à Rennes.

À Rennes, Cailabs passe un cap avec une levée de 57 millions d’euros et prépare l’industrialisation de ses stations sol optiques pour les communications par laser. La deeptech issue de l’ENS Rennes entend accélérer la production, sécuriser sa supply chain et étendre sa présence internationale, dans un secteur spatial devenu stratégique pour la souveraineté européenne.
Financement consolidé et objectifs industriels: cap sur 50 stations par an d’ici 2027
Cailabs confirme une opération de financement de 57 millions d’euros annoncée en septembre 2025. Le tour combine un prêt de la Banque européenne d’investissement et des apports d’investisseurs institutionnels référents de la défense et du spatial.
Parmi eux, Definvest, le Fonds Innovation Défense co‑piloté par le ministère des Armées et Bpifrance, NewSpace Capital, EIC Fund, Starquest Capital et CAIVE. L’effort porte sur la montée en cadence industrielle et la mise en place d’un nouveau site de production à Rennes, avec une ambition claire: atteindre jusqu’à 50 stations sol optiques par an à l’horizon 2027 (FrenchWeb et Le Télégramme).
L’entreprise prévoit d’allouer ces fonds à trois volets complémentaires: l’outillage industriel et la robotisation des assemblages opto‑mécaniques, la qualification de sous‑ensembles en environnement sévère et le renforcement du capital humain sur les métiers critiques que sont l’optique, l’électronique embarquée et le contrôle qualité. L’enjeu consiste à passer d’une logique de prototypes à une production série maîtrisée, avec une reproductibilité élevée et des délais contractuels compatibles avec les besoins des constellations en orbite basse.
Au plan financier, ce tour offre à Cailabs une autonomie de manœuvre suffisante pour sécuriser ses approvisionnements sensibles, négocier des contrats pluriannuels avec ses fournisseurs et absorber les cycles longs de paiement du spatial et de la défense. Il inscrit aussi l’entreprise dans les priorités européennes qui lient innovation, sécurité et compétitivité, à un moment où l’UE pousse ses acteurs à prendre position dans les technologies duales.
Chiffres clés de l’opération Cailabs
57 millions d’euros levés en septembre 2025 auprès d’investisseurs publics et privés majeurs du spatial et de la défense. Objectifs déclarés: nouveau site industriel à Rennes, montée en cadence vers 50 stations sol optiques par an en 2027, consolidation de la R&D et des capacités de commercialisation sur les marchés spatial, défense, industriel et télécoms.
Avantage technologique: la correction de turbulence au service des liaisons laser
Le cœur de différenciation de Cailabs repose sur une technologie de photonique avancée conçue pour atténuer les effets de la turbulence atmosphérique. Cette dernière dégrade les faisceaux laser lors des transmissions entre satellite et sol, entraînant scintillation, élargissement du spot et pertes de liaison. En optimisant la forme du faisceau et son couplage vers la fibre optique ou les détecteurs, les systèmes de Cailabs visent à restaurer un budget liaison performant et une qualité de service stable, condition clé pour atteindre des hauts débits.
Comparées aux liaisons radio, les liaisons optiques bénéficient d’une capacité spectrale nettement supérieure, d’un risque d’interception limité et d’un niveau d’interférences réduit. Dans un univers orbital saturé de mégaconstellations, ces atouts deviennent structurants pour la continuité des services data, la résilience des réseaux et l’autonomie technologique européenne. Autre point de bascule: l’optique sol‑espace déporte une part de la complexité vers le sol, ce qui permet d’évoluer plus vite que les charges utiles embarquées, sous réserve d’une gestion robuste de la météo et de l’alignement.
Cailabs: de la recherche à l’industrialisation
Née en 2013 à Rennes et issue des laboratoires de l’ENS, la société s’est d’abord fait connaître en photonique pour le mise en forme de faisceaux et le couplage fibre. En dix ans, elle a élargi son portefeuille vers les stations sol optiques, les lasers industriels et certains cas d’usage télécoms terrestres.
L’entreprise revendique des commandes dans la défense et le spatial, et a déjà signé plus de dix contrats pour des stations sol optiques, signe d’une adoption croissante du laser sur des segments critiques. Une présence commerciale aux États‑Unis complète une base de R&D et de production ancrée à Rennes.
La turbulence atmosphérique provoque des variations rapides d’indice de réfraction qui déforment le front d’onde du faisceau. Conséquences: scintillation, wander, élargissement du spot, difficulté de couplage vers la fibre.
Une station optique performante combine généralement: optique adaptative, pilotage fin du pointage et du suivi, mise en forme du faisceau, et diversité de chemins ou de sites pour compenser la météo. L’objectif est double: maintenir un taux d’erreurs faible et maximiser la disponibilité du lien sur des fenêtres météo compatibles avec le service.
Capitaux publics et stratégie duale: un alignement assumé avec la bitd
Le tour de table confirme la place centrale des financements publics et parapublics dans l’émergence de champions technologiques duals. Côté France, Bpifrance et la Direction générale de l’armement mobilisent Definvest et le Fonds Innovation Défense pour accélérer l’industrialisation et ancrer la propriété intellectuelle sur le territoire.
Au niveau européen, la BEI priorise des investissements au croisement de l’innovation et de la sécurité, tandis que l’EIC Fund accompagne la translation R&D vers des produits exportables. Cet écosystème est cohérent avec les orientations gouvernementales visant à renforcer le financement de la base industrielle et technologique de défense, et à accélérer l’innovation duale en France (info.gouv.fr).
La logique est économique autant que stratégique. D’une part, les cycles de vente du spatial et de la défense imposent des besoins en trésorerie et en assurance‑qualité qui dépassent la capacité des seuls capitaux privés non stratégiques.
D’autre part, les technologies de communication laser alimentent des usages civils à forte valeur, depuis la connectivité résiliente jusqu’aux relais de données souverains, tout en couvrant des applications de sécurité critiques, ce qui justifie un appui public explicite. Le programme French Tech 2030, lancé en 2023, a d’ailleurs fixé un cadre d’accompagnement renforcé pour les deeptechs adressant des enjeux de souveraineté.
Déclarations officielles
Ambroise Fayolle, vice‑président de la BEI, résume l’enjeu: « Les technologies spatiales revêtent une importance croissante tant pour les usages civils que pour les applications en matière de sécurité et de défense. En tant que banque de l’Union européenne, la BEI soutient les investissements de Cailabs dans les capacités de production ainsi que dans la recherche et le développement de ses technologies de communication laser.
Ce projet s’inscrit pleinement dans les priorités stratégiques de la BEI en matière de sécurité et de défense, ainsi que d’innovation technologique. »
Jean‑François Morizur, cofondateur et PDG, ajoute: « Cette levée de fonds reflète la solidité de nos fondamentaux et la confiance des investisseurs dans notre vision stratégique. Elle nous permet de renforcer nos capacités industrielles et de nous préparer à la prochaine étape de croissance. » Ces prises de parole éclairent un alignement rare entre priorités publiques et agenda industriel.
Qui finance quoi
- BEI: prêt et soutien à l’investissement industriel et à l’innovation, avec un accent sécurité et défense.
- Definvest et Fonds Innovation Défense via Bpifrance et le ministère des Armées: consolidation des technologies duales et ancrage en France.
- EIC Fund: transition R&D vers marchés, renforcement des fonds propres.
- NewSpace Capital, Starquest, CAIVE: capital patient, expertise sectorielle et maillage territorial.
Industrialisation à rennes: effets d’entraînement sur l’emploi et la chaîne d’approvisionnement
La montée en cadence vers 2027 suppose des choix industriels précis. À Rennes, Cailabs prévoit de regrouper sur un même site l’assemblage des sous‑ensembles optiques, l’intégration systèmes, et des bancs d’essais environnementaux incluant vibrations, chocs et variations thermiques. L’objectif est de fidéliser une chaîne d’approvisionnement locale pour les pièces mécaniques et électroniques, tout en sécurisant les composants optiques critiques sur plusieurs continents afin de limiter l’exposition géopolitique.
Sur le plan RH, l’entreprise, qui emploie environ 100 collaborateurs, va devoir recruter des profils rares: opticiens et métrologues, ingénieurs systèmes, spécialistes des algorithmes de pointage et de suivi, et experts qualité. La stabilité des procédés, la traçabilité et la documentation technique deviennent des actifs au même titre que les brevets. À l’export, la capacité à démontrer une répétabilité et des délais de réparation garantis constitue un différenciateur déterminant face à des acteurs plus établis.
À l’échelle bretonne, l’arrivée d’un site de production photonique de taille significative irrigue l’écosystème: sous‑traitants mécaniques, cartes électroniques, services de test, logistique spécialisée. L’effet d’agglomération peut réduire les délais et les coûts d’approvisionnement, tout en renforçant la résilience face aux ruptures. Au‑delà de la région, ce site peut devenir un pilier national des liaisons optiques, apte à structurer des partenariats avec des intégrateurs système et des opérateurs satellitaires.
- Qualification: essais de tenue en environnement sévère et validation de performances en conditions réelles.
- Disponibilité opérationnelle: gestion météo et stratégies de redondance multi‑sites pour garantir un taux de service élevé.
- Interopérabilité: compatibilité avec des protocoles de communication et interfaces en évolution rapide.
- Service: mise en place d’une chaîne MCO avec délais fermes, pièces de rechange et maintenance préventive.
Marché mondial des liens optiques: une pme française face aux géants
Le marché des liaisons optiques sol‑espace progresse fortement, porté par l’essor des constellations et la quête de débits supérieurs. Les projections sectorielles évoquent un taux de croissance annuel autour de 20 pour cent d’ici 2030, avec une intensification des investissements dans les stations sol et les terminaux laser embarqués. Cailabs se positionne principalement sur le segment sol, là où la correction de turbulence et l’optimisation de couplage constituent des différenciateurs tangibles.
La compétition s’organise toutefois autour de champions internationaux disposant de moyens significatifs et d’un historique spatial important. L’avantage d’un acteur comme Cailabs réside dans sa capacité à innover vite sur le sol, à itérer sans dépendre des cadences de lancement, et à co‑développer des solutions avec les opérateurs. L’inconvénient, assumé, tient à la dépendance météo, ce qui pousse le secteur à imaginer des réseaux de stations diversifiés géographiquement et pilotés par des logiciels d’orchestration capables d’optimiser la disponibilité globale.
La demande vient aussi des applications de sécurité et défense: relais de données à faible probabilité d’interception, théâtre d’opération nécessitant des liens résilients, et architectures hybrides combinant RF et optique. Sur le civil, l’optique peut soulager la radio dans les périodes de congestion et apporter une route de secours à haut débit lors d’événements majeurs. Dans les deux cas, la convergence RF‑optique et les mécanismes de bascule automatique deviennent des briques logicielles stratégiques.
Points de conformité export à surveiller
- Règlement UE 2021/821 sur les biens à double usage: contrôle des exportations, licences et clauses de réexportation.
- ITAR et EAR aux États‑Unis: dépendances potentielles si des composants ou technologies soumis à ces régimes entrent dans la chaîne.
- Procédures SBDU en France: autorisations préalables et reporting conforme pour les matériels sensibles.
Gouvernance technologique et sécurité: de la crypte au pointage
Au‑delà des performances brutes, les liaisons optiques imposent une réflexion poussée sur la sécurité opérationnelle. Cela inclut la protection des flux par chiffrement robuste, la sécurité des chaînes de synchronisation, la détection d’anomalies sur le pointage et la gestion des clés. Les stations sol sont aussi des actifs informatiques connectés: elles doivent répondre à des référentiels de cybersécurité de niveau industriel, avec segmentation réseau, durcissement des systèmes et supervision en temps réel.
Ces exigences convergent avec les priorités françaises et européennes en matière de souveraineté numérique. La présence de la BEI et de fonds publics dans le tour de Cailabs s’interprète comme un signal de long terme: encourager la maîtrise de briques technologiques qui serviront des services critiques, des opérateurs essentiels au sens des réglementations NIS, et l’autonomie stratégique sur des fonctions de transport de données sensibles.
La disponibilité d’un lien optique dépend d’une combinaison: météo locale, élévation du satellite, puissance optique, bande passante, et efficacité des correcteurs de turbulence. Les réseaux de stations multi‑sites et les algorithmes de scheduling permettent de maximiser une disponibilité globale, malgré des indisponibilités locales. L’intégration RF‑optique avec bascule automatique renforce la continuité de service en cas de dégradation du laser.
Trajectoire financière et gouvernance d’entreprise: produire, livrer, réinvestir
Sur le plan financier, cette levée porte les montants cumulés levés par Cailabs à plus de 100 millions d’euros depuis sa création. La société doit désormais démontrer sa capacité à convertir son carnet de commandes en flux de trésorerie récurrents, en respectant un triptyque exigeant: délais de production, fiabilité de livraison, qualité mesurée sur site client. Le pilotage du besoin en fonds de roulement, la standardisation des configurations et l’optimisation des tests finaux seront déterminants pour préserver la marge.
En gouvernance, l’arrivée ou le renforcement d’investisseurs stratégiques s’accompagne souvent d’outils de suivi: instances qualité, KPIs industriels, audits de supply chain, cartographie des risques export. L’objectif est d’aligner l’exécution industrielle sur une feuille de route commerciale ambitieuse, tout en gardant la capacité d’innovation qui a fait le succès de Cailabs. Le défi est classique pour les deeptechs: industrialiser sans perdre l’agilité R&D.
Le rôle du territoire: rennes comme base arrière industrielle
La localisation rennaise offre des atouts: bassin d’emplois qualifiés, universités et écoles d’ingénieurs, réseau d’ETI et de PME mécatroniques. Pour une technologie de précision, la proximité des partenaires de micro‑mécanique, de traitement de surface et d’électronique de puissance fluidifie les itérations techniques. À moyen terme, cette base pourrait attirer des coopérations avec des intégrateurs et des opérateurs satellitaires européens désireux de tester et d’exploiter des stations sol de nouvelle génération, tout en favorisant la réindustrialisation locale par des sous‑traitances à valeur ajoutée.
Bon à savoir: contrats déjà signés
Cailabs a indiqué avoir déjà signé plus de dix contrats de stations sol optiques, démontrant un intérêt marché tangible pour des liaisons sol‑espace à haut débit, adaptées aux nouveaux usages dans le civil comme dans la défense. Ce socle commercial doit soutenir l’industrialisation et la montée en cadence.
Ce que cette opération signifie pour la filière française
La levée de Cailabs illustre un consensus rare autour d’un pari industriel: produire en France, exporter et s’inscrire durablement dans la chaîne de valeur des liaisons optiques. Le soutien d’acteurs publics structurants traduit un choix de politique économique en faveur de technologies duales, de l’emploi local et d’un positionnement offensif sur un marché en croissance soutenue. Le signal envoyé aux autres deeptechs est clair: l’industrialisation est finançable quand les briques critiques sont différenciantes et adressent des marchés mondiaux.
Reste à transformer l’essai: livrer en série, scaler les procédés et tenir les performances sur le terrain. Le mouvement d’ensemble, de la R&D à l’usine, est lancé et pourrait inspirer d’autres acteurs de la photonique française. Les prochaines étapes se joueront sur l’exécution industrielle et la capacité à tisser des alliances avec les opérateurs et intégrateurs qui structureront le standard de demain.