Quel vent souffle sur l’industrie automobile en cette fin d’année 2024 ? Pour Valeo, il semble plutôt favorable. La société, connue pour son avance technologique et sa réactivité sur le marché, affiche de nouveaux signes de bonne santé financière : rentabilité améliorée, endettement allégé, et génération de cash supérieure aux attentes. Cette performance, réalisée dans un environnement pourtant complexe, suscite l’intérêt des analystes et des investisseurs.

Une performance 2024 en adéquation avec les ambitions

Le chiffre d’affaires 2024 de Valeo atteint 21 492 millions d’euros, marquant une légère baisse de 2,5 % par rapport à l’exercice précédent. À première vue, le recul peut paraître défavorable, mais il faut noter que l’effet de change (principalement dû à l’euro plus fort face au yuan, au yen et au won) et les cessions d’actifs ont impacté négativement l’activité.

À périmètre et taux de change constants, ce retrait se limite à -0,5 %. L’activité de remplacement (« aftermarket ») tire remarquablement son épingle du jeu (+4 %) et contribue à stabiliser la trajectoire globale, alors que le segment de la « première monte » est grevé par la baisse notable de certaines plateformes électriques en Europe. Malgré cela, les divisions de Valeo affichent dans l’ensemble une bonne résistance, notamment dans les technologies ADAS ou d’éclairage.

La rentabilité ne souffre pas de cette érosion du chiffre d’affaires. L’EBITDA bondit de 8 %, pour atteindre 2 863 millions d’euros, soit 13,3 % du chiffre d’affaires. C’est une amélioration de 1,3 point de pourcentage par rapport à 2023, et c’est également supérieur aux anticipations initiales de l’entreprise, qui tablait sur une fourchette de 12,1 % à 13,1 %.

De même, la marge opérationnelle se hisse à 4,3 %, en hausse de 0,5 point, se situant ainsi dans le haut de la fourchette visée (4,0 % à 5,0 %). Par ailleurs, l’effort de rationalisation et de réorganisation amorcé par le management porte ses fruits sur la génération de cash : le cash flow libre (avant coûts de restructuration exceptionnels) atteint 551 millions d’euros, c’est-à-dire 51 millions d’euros au-dessus de la guidance. Même après prise en compte de ces coûts de restructuration, Valeo affiche 481 millions d’euros de cash flow libre, un niveau tout à fait respectable compte tenu de la conjoncture. Les efforts de rigueur se reflètent également dans la réduction de la dette : l’endettement financier net passe de 4 028 à 3 813 millions d’euros, abaissant le ratio de leverage à 1,3 fois l’EBITDA, contre 1,5 l’an passé.

Enfin, le dividende proposé se situe à 0,42 € par action, illustrant la volonté du Groupe de récompenser ses actionnaires tout en gardant une marge de manœuvre pour poursuivre les investissements.

Analyse des ratios financiers clés

L’examen de quelques indicateurs permet de dégager rapidement la trajectoire de Valeo. Marge brute = Marge brute / Chiffre d’affaires • 2024 : 4 081 / 21 492 = 19,0 % • 2023 : 3 951 / 22 044 = 17,9 % La marge brute progresse de 1,1 point. Cette évolution démontre un accroissement de l’efficacité industrielle et un ajustement tarifaire favorable à l’entreprise. Marge d’exploitation = Résultat opérationnel / Chiffre d’affaires • 2024 : 618 / 21 492 = 2,9 % • 2023 : 744 / 22 044 = 3,4 % Même si la marge opérationnelle (intégrant les éléments non récurrents) recule, la marge opérationnelle avant prise en compte de charges ou produits exceptionnels (i.e. marge opérationnelle ajustée) gagne 0,5 point. C’est l’indicateur mis en avant par la direction, car il offre une vision plus « normalisée » du résultat. Rentabilité nette = Résultat net part du Groupe / Chiffre d’affaires • 2024 : 162 / 21 492 = 0,8 % • 2023 : 221 / 22 044 = 1,0 % En apparence, la rentabilité nette fléchit d’année en année, ce qui peut interroger. Toutefois, il convient de souligner que la hausse des coûts de restructuration pèse fortement sur le résultat net. Sans ces coûts, la rentabilité sous-jacente s’avère meilleure. Ratio de levier (« leverage ») = Endettement financier net / EBITDA • 2024 : 3 813 / 2 863 = 1,3x • 2023 : 4 028 / 2 647 = 1,5x La dette financière nette diminue simultanément à l’amélioration de l’EBITDA, réduisant le niveau de risque financier ressenti par les investisseurs. Pour illustrer ces chiffres, voici un récapitulatif synthétique :

Indicateur

2023 2024 Commentaire

Chiffre d'affaires (M€)

22 044 21 492

Retrait de -2,5 %, impacté par les
taux de change (-1,0 %) et les cessions (-1,0 %)

Marge brute (M€)

3 951 4 081

Soit 19 % du CA en 2024, vs 17,9 % en 2023

EBITDA (M€) 2 647 2 863 Amélioration de 8 %, reflétant l’optimisation des coûts
Marge opérationnelle (M€) 838 919 Soit 4,3 % du CA en 2024 (+0,5 pt)
Résultat net part du Groupe (M€) 221 162 Pénalisé par des charges de restructuration exceptionnelles
Endettement net (M€) 4 028 3 813 Amélioration grâce à la bonne génération de cash

Forces, faiblesses et observations

Points forts :

  • Un repositionnement stratégique visiblement efficace, en particulier dans les activités ADAS (Division BRAIN) et dans l’éclairage (Division LIGHT).
  • Une nette amélioration de la marge brute, portée par une rationalisation continue des dépenses de R&D et par la modernisation de l’outil industriel.
  • Un ratio de leverage désormais plus sain : un endettement qui s’allège et un EBITDA en hausse.

Points à surveiller :

  • Des charges de restructuration encore élevées, ce qui se répercute sur le résultat net.
  • La baisse marquée du chiffre d’affaires de la division POWER sur l’électrique haute tension (certains projets en Europe ont été freinés ou annulés). • L’incertitude géopolitique et la volatilité des devises, susceptibles de contrarier à nouveau la performance.

Le horizon 2025 : un nouvel élan

Le plan stratégique prévoyant une nouvelle amélioration de la rentabilité et de la génération de trésorerie en 2025 demeure crédible, même si le marché automobile reste contrasté selon les zones géographiques.

Valeo prévoit :

  • Un chiffre d’affaires compris entre 21,5 et 22,5 milliards d’euros, en fonction de la conjoncture et des commandes en cours.
  • Une marge d’EBITDA renforcée entre 13,5 % et 14,5 %.
  • Une marge opérationnelle mieux orientée entre 4,5 % et 5,5 %.
  • Un cash flow libre (après coûts de restructuration exceptionnels) compris entre 450 et 550 millions d’euros, malgré la poursuite des efforts d’optimisation. Sur 2024-2025, le groupe vise environ 1 milliard d’euros de flux de trésorerie disponible après paiement de 300 millions d’euros de charges de restructuration exceptionnelles. L’accent reste mis sur la pérennité et la rentabilité, avec la promesse d’un portefeuille de projets mieux margé.

Bon à savoir

Surperformance et production mondiale : dans plusieurs régions, Valeo réalise une surperformance supérieure à la production automobile. En Asie hors Chine, la Division BRAIN profite d’une forte demande pour les caméras de vision et les systèmes d’aide à la conduite, tandis que l’Amérique du Sud voit la croissance du marché du remplacement consolider la part de marché de Valeo.

Qui est Valeo ? Une plongée dans l’histoire du Groupe

Fondé en France, Valeo s’est progressivement imposé comme un acteur incontournable de la filière automobile, couvrant la conception de systèmes d’éclairage, de propulsion électrique (haute tension ou 48V), d’assistance à la conduite et de multiples services liés à l’expérience à bord. Au fil des décennies, l’entreprise est passée maître dans l’optimisation des performances énergétiques, profitant notamment du marché en expansion des véhicules électrifiés.

Si l’entreprise a vécu diverses mutations, c’est son engagement dans la recherche et le développement qui l’a maintenue à la pointe de l’innovation. Aujourd’hui, elle compte plus de 64 centres de R&D et près de 106 100 collaborateurs dans le monde. En 2022 déjà, la prise de contrôle de Valeo eAutomotive (spécialisée dans l’électrification) confirmait ce virage stratégique.

Les coûts de restructuration exceptionnels, même s’ils s’avèrent nécessaires pour recentrer l’entreprise sur ses activités les plus porteuses, peuvent entraîner des pertes à court terme, diminuer le résultat net et faire douter certains investisseurs. Cependant, la direction de Valeo mise sur un gain significatif de compétitivité dès 2025. À plus long terme, ces efforts devraient contribuer à consolider durablement la rentabilité.

Quelques repères structurels : IFRS, cessions et impact sur les comptes

La lecture des comptes de Valeo implique également de bien cerner l’impact des normes IFRS sur l’amortissement des frais de développement. Ces charges capitalisées favorisent d’abord la marge opérationnelle, mais les amortissements ultérieurs pèsent ensuite sur les exercices suivants. Pour 2024, Valeo fait état d’un impact IFRS de 1,6 point, contre 2,1 points en 2023. Côté cessions, l’entreprise a vendu son activité Systèmes thermiques véhicules commerciaux en juin 2024, permettant d’enregistrer une plus-value de 91 millions d’euros et de réduire la dette nette de 244 millions d’euros. Le programme de désinvestissement reste en cours, l’objectif étant de dégager au total 500 millions d’euros grâce à des cessions d’actifs non stratégiques. Les 400 premiers millions ont déjà été obtenus (en incluant la cession de PIAA et des Systèmes thermiques véhicules commerciaux), et la finalisation des 100 derniers millions est attendue sous peu.

Diagnostic du compte de résultat et pistes d’amélioration

À partir de l’EBITDA et du résultat net, voici quelques éléments d’analyses additionnelles pour éclairer le lecteur :

Le ROCE (Return on Capital Employed) sert à vérifier si l’entreprise génère une rémunération adéquate par rapport aux ressources investies. Chez Valeo, le ROCE de 15 % démontre un usage plutôt efficace des capitaux, compte tenu d’un marché automobile encore sous tension. Par comparaison, un ROCE supérieur à 10 % est souvent jugé correct dans l’industrie automobile.

Recommandations et leviers d’action :

  • Poursuite de la maîtrise des charges de R&D : Continuer à mutualiser et standardiser les développements afin de maintenir l’effort d’innovation tout en limitant la hausse des coûts.
  • Optimisation des actifs et des stocks : La baisse durable des stocks en 2024 contribue déjà au cash flow libre. Un objectif raisonnable serait de stabiliser cette tendance et d’augmenter la rotation des actifs.
  • Renégociation des contrats : Valeo a déjà pu réajuster certains prix en fonction des évolutions de volume. Une veille continue doit être menée afin d’assurer une profitabilité soutenue, surtout dans un contexte de variation des matières premières et de complexité logistique.
  • Renforcement de la présence en Asie hors Chine : Le marché chinois devient de plus en plus compétitif, mais l’Asie hors Chine (notamment l’Asie du Sud-Est) offre des perspectives de croissance robustes, couplées à une volonté d’acquérir des technologies de pointe.

Le regard sur l’automobile en 2024

Au niveau mondial, la production automobile a enregistré une baisse de 1 % sur la période. Les tendances régionales demeurent contrastées : la Chine connaît une progression de 4 %, stimulée par les véhicules à énergie nouvelle et l’export, tandis que l’Europe accuse un recul de 4 %, fortement associé à une moindre dynamique des véhicules électriques et hybrides rechargeables. Afin d’améliorer la lisibilité, voici un tableau schématique des perspectives 2025 annoncées par Valeo :

Indicateur 2025 Objectif Remarque
Chiffre d'affaires 21,5 à 22,5 Md€ Dépend de la reprise des plateformes électriques
et des nouveaux contrats
Marge d'EBITDA 13,5 à 14,5 % Poursuite de l’amélioration de la productivité
Marge opérationnelle 4,5 à 5,5 % Impact IFRS modéré & baisse des coûts
Cash flow libre avant coûts de restructuration 700 à 800 M€ Grâce à la discipline en termes d'investissements
Cash flow libre après coûts de restructuration 450 à 550 M€ Ambition de générer 1 Md€ de cash
net cumulé 2024/2025

Solutions et leviers d’amélioration

La performance actuelle laisse entrevoir plusieurs axes à consolider en vue de 2025 :

  1. Stratégie d’alliances et partenariats : En collaborant davantage avec des constructeurs émergents (notamment en Asie), Valeo peut capter le potentiel d’une clientèle en pleine croissance, friande de technologies innovantes (écrans connectés, capteurs, etc.).
  2. Réorientation partielle des investissements R&D : Une enveloppe R&D de 2,6 milliards d’euros reste conséquente. L’entreprise souhaite cibler en priorité les segments à forte valeur ajoutée (ADAS, digital cockpit, solutions d’électrification 48V) afin de se démarquer.
  3. Gestion proactive du cycle de vie des produits : Dans un environnement où les plateformes de véhicules électriques évoluent rapidement, il devient capital d’anticiper l’arrêt de certains programmes ou de négocier au plus tôt les modalités de renouvellement.
  4. Maintien d’une structure de coûts agile : La fusion des activités de propulsion et de systèmes thermiques au sein de la Division POWER a déjà montré des bénéfices. Continuer à rationaliser les implantations industrielles (en Europe notamment) apparaît indispensable face à l’évolution de la demande.
Le saviez-vous ?

Le marché du remplacement automobile (aftermarket) tend à croître plus vite que celui de la première monte dans un contexte de vieillissement du parc mondial de véhicules. Ainsi, Valeo profite non seulement de la vente de pièces neuves pour véhicules récents, mais aussi d’un besoin soutenu en pièces de rechange ou reconditionnées, notamment en Europe et en Amérique latine.

Perspectives d’avenir

On constate que Valeo navigue dans un secteur concurrentiel soumis à des turbulences géopolitiques et économiques. Malgré tout, la firme tire profit de l’essor des technologies embarquées dans l’automobile et d’une volonté croissante de décarbonation des transports. Sa bonne santé financière en 2024 et les initiatives prises en matière de réorganisation, de réduction de coûts et de standardisation de la R&D constituent des piliers solides pour les prochains exercices.

De plus, l’entreprise peut s’appuyer sur une politique de cession d’actifs jugés non essentiels pour stabiliser son bilan. Les regards sont à présent tournés vers 2025 et la fin du plan MoveUp, où Valeo espère concrétiser une surperformance de ses ventes de première monte et une hausse notable du cash flow libre. Au terme de l’année 2025, la direction promet un nouveau cap, dont les grandes lignes seront dévoilées lors de la journée investisseurs du 20 novembre prochain. De quoi entretenir l’attention du marché, tout en affichant la ferme intention de pérenniser la montée en puissance de ses divisions clés.

Dans un univers automobile en profonde mutation, Valeo montre qu’en renforçant sa rentabilité, sa capacité à innover et son agilité financière, il se positionne de façon pérenne comme un acteur incontournable de la mobilité de demain.