Les premiers mois de 2025 ont été particulièrement animés pour le secteur de l’immobilier professionnel. Dans le cas de Covivio, acteur majeur sur le marché européen, la hausse de +5,4% des revenus locatifs à fin mars 2025 souligne des moteurs de croissance variés : progression des loyers hôteliers, demande soutenue en bureaux, réversion locative élevée dans le résidentiel allemand et poursuite d’une politique d’investissement orientée vers la durabilité. L’objectif de cet article est de décrypter ces résultats et d’exposer, dans un langage accessible, les mécanismes financiers qui se cachent derrière ces performances.

Aperçu global de la performance au premier trimestre 2025

La société Covivio, spécialisée dans la détention et la gestion d’actifs immobiliers (bureaux, hôtels, résidentiel), enregistre 162 M€ de revenus locatifs part du Groupe, soit 242 M€ à 100%. Ces montants représentent une croissance de +5,4% sur un an à périmètre courant. En parallèle, le taux d’occupation moyen du portefeuille grimpe à 97,3%, ce qui conforte la visibilité future des loyers. Selon l’entreprise, cette dynamique s’appuie sur trois piliers :

  • Des bureaux de plus en plus demandés, situés à 70% en centres-villes et 24% dans les principaux quartiers d’affaires, avec un taux d’occupation passant de 95,5% fin 2024 à 95,7% fin mars 2025.
  • L’hôtellerie, dont la reprise s’affirme grâce à la relance du tourisme, et l’optimisation de 10 hôtels en France et en Belgique par l’appel d’offres à de nouveaux opérateurs.
  • Le résidentiel allemand, où la rareté de l’offre alimente une hausse des loyers, avec un pic de réversion locative à +24% en moyenne sur les relocations.

Au-delà du simple constat, Covivio profite d’une rotation d’actifs (cession d’immeubles périphériques, arbitrages sélectifs) pour se recentrer sur des biens à forte valeur. Les fonds dégagés financent à la fois les nouveaux projets et la modernisation du patrimoine existant.

Le périmètre courant désigne l’évolution des revenus prenant en compte l’ensemble des acquisitions et cessions réalisées sur la période. Le périmètre constant, quant à lui, mesure la croissance en excluant l’effet de ces changements, afin d’évaluer la performance intrinsèque des actifs.

Diagnostic financier : les chiffres à l’honneur

L’un des atouts majeurs d’une analyse financière consiste à passer au crible les principaux indicateurs de performance. Même pour un public non initié, il est essentiel de comprendre la signification et l’impact de chacune de ces données. Voici quelques ratios-clés, appliqués de façon simplifiée, pour éclairer la performance de Covivio à fin mars 2025 :

  • Marge brute = (Revenus locatifs – Charges d’exploitation directe) / Revenus locatifs
  • Marge d’exploitation = Résultat d’exploitation / Chiffre d’affaires global
  • Rentabilité nette = Résultat net (part du Groupe) / Chiffre d’affaires global
  • Ratio d’endettement (LTV) = Dette nette / Valeur du patrimoine

Dans le communiqué officiel, Covivio ne précise pas chaque poste de charges dans le détail, mais on sait que la croissance des loyers, couplée à la bonne maîtrise des coûts opérationnels et à la rotation d’actifs peu performants, laissent présager un maintien ou une amélioration de la marge brute. C’est un indicateur qui a un impact direct sur la capacité de l’entreprise à générer des bénéfices récurrents (EPRA Earnings ajusté).

Note sur l'EPRA Earnings ajusté

L’EPRA Earnings ajusté exclut les éléments ponctuels et non récurrents (variations de valeur, cessions exceptionnelles, etc.). Cet indicateur permet de mieux percevoir la capacité bénéficiaire courante d’une foncière comme Covivio.

Covivio anticipe un EPRA Earnings ajusté de 495 M€ pour l’ensemble de l’exercice 2025, soit +4% par rapport à 2024. Cela reflète la solidité de l’exploitation et les effets positifs de l’indexation, de la hausse des taux d’occupation, ainsi que le succès des renouvellements de baux.

L’histoire de covivio : un parcours européen

Connue historiquement sous d’autres noms (Foncière des Régions, par exemple), Covivio s’est imposée comme l’une des plus grandes foncières européennes. Son positionnement repose sur trois grands piliers :

  • Bureaux : Présence marquée en France et en Italie, souvent via des actifs situés dans les cœurs de grandes métropoles.
  • Hôtellerie : Partenariats avec des groupes hôteliers majeurs. Depuis 2024, la reprise de fonds de commerce a accru son exposition aux revenus variables.
  • Résidentiel : Essentiellement localisé en Allemagne, un marché réputé pour son cadre réglementaire relativement protecteur et sa forte demande.

En parallèle, Covivio promeut une stratégie ESG affirmée (environnement, social et gouvernance) depuis plusieurs années. L’objectif de réduire son empreinte carbone de 40% entre 2010 et 2030 traduit cette ambition. Dès lors, la modernisation du patrimoine, l’amélioration de son efficacité énergétique et la sélection rigoureuse de projets d’investissement apparaissent comme des axes stratégiques majeurs.

Analyse détaillée des segments d’activité

Pour offrir une vue d’ensemble, il est utile de présenter les principales branches de la société, tout en soulignant les spécificités de chacune :

Segment

Revenus T1 2024
(Part du Groupe)
Revenus T1 2025
(Part du Groupe)
Évolution à
périmètre courant
Taux d’occupation

Hôtellerie

28,4 M€ 34,7 M€ +22,1% 100%

Bureaux

77,1 M€ 78,2 M€ +1,4% 95,7%

Résidentiel Allemagne

48,0 M€ 49,2 M€ +2,5% 98,8%

Non stratégique

0,4 M€ 0,1 M€ -64,9% n/a

Cette répartition illustre plusieurs points importants :

  • Hôtellerie : La hausse à périmètre courant de +22,1% résulte de la relance de l’activité touristique, du renforcement en fonds de commerce et de l’ajustement des loyers variables.
  • Bureaux : Avec +1,4%, les gains sont plus mesurés sur le chiffre d’affaires global, mais le portefeuille bénéficie d’un taux d’occupation en progression (95,7%). Les indexations et la demande soutenue sur les centres-villes expliquent également la hausse à périmètre constant de +5,1%.
  • Résidentiel allemand : Croissance plus modérée en apparence (+2,5%), qui cache néanmoins une accélération à +4,8% à périmètre constant, grâce à la réversion locative (+24%) et à une indexation plus élevée.
  • Non stratégique : Très faible contribution, avec un chiffre en retrait (-64,9%), soulignant la volonté de Covivio de se séparer d’actifs jugés périphériques.

La réversion locative mesure l’écart entre l’ancien loyer et le nouveau loyer appliqué au moment d’une relocation. Elle reflète la capacité d’un bailleur à augmenter ses loyers lors des changements de locataires ou lors des renouvellements. Dans le résidentiel allemand, la réversion moyenne atteint +24% sur le premier trimestre 2025.

Esg et finance verte : de nouveaux défis relevés

Covivio poursuit sa feuille de route environnementale et annonce avoir réduit son intensité carbone de 28% à fin 2024 par rapport à 2010. L’objectif reste d’atteindre -40% d’ici 2030. Pour y parvenir, le Groupe s’appuie notamment sur la rénovation du patrimoine (98,5% certifié à fin 2024), la mise en place de contrats d’électricité verte (86% des actifs gérés en direct) et l’accompagnement des locataires pour diminuer leur consommation énergétique.

En outre, depuis le 21 décembre 2024, l’Union européenne a introduit un nouveau référentiel pour les obligations vertes (EU Green Bond Standards). Covivio devient la première foncière européenne à se doter de la capacité d’émettre ce type d’obligations labellisées, illustrant ainsi la compatibilité de ses investissements avec les critères de la taxonomie européenne. Cela consolide la réputation du Groupe dans la sphère de la finance durable, tout en élargissant sa base de financement potentiel.

Indicateurs clés et premiers enseignements financiers

À la lecture de ces informations, quelques éléments ressortent pour le lecteur non spécialisé :

  • Prévisibilité des revenus : Un taux d’occupation élevé (97,3%) et une durée ferme moyenne des baux de 6,2 ans renforcent la stabilité des flux locatifs.
  • Potentialité de hausse : L’indexation des loyers (variable selon les pays) et les appels d’offres sur la partie hôtelière suggèrent de futurs gains de rentabilité, tant que la conjoncture demeure favorable.
  • Gestion active du portefeuille : Les cessions d’actifs non stratégiques (83 M€ signés au T1 2025) permettent de dégager des ressources pour financer des développements plus prometteurs, tout en améliorant la qualité moyenne des actifs conservés.
  • Approche ESG : Le souci de la durabilité environnementale constitue un enjeu de plus en plus différenciant sur le marché. Covivio capitalise ici sur son avance, notamment via la certification d’immeubles et l’engagement vers la décarbonation.

Bon à savoir : la rotation d'actifs

La rotation d’actifs consiste à vendre des biens immobiliers jugés moins stratégiques ou moins performants pour réinvestir dans des projets à plus forte valeur. Cette pratique contribue à dynamiser le rendement global et à mieux piloter le profil de risque du portefeuille.

Exemple de calcul de ratios financiers

Pour rendre ces notions plus concrètes, illustrons le calcul de quelques ratios basés sur des données fictives (mais cohérentes avec l’activité de Covivio) :

  1. Marge brute (hypothèse) :
    Revenus locatifs : 162 M€ (Part du Groupe)
    Charges d’exploitation directe : 26 M€ (estimées)
    Formule : (162 – 26) / 162 = 136 / 162 ≈ 84%
    Interprétation : Plus la marge brute est élevée, plus la société dispose d’une capacité à dégager un excédent de revenus une fois les coûts opérationnels couverts.
  2. Marge d’exploitation (exemple) :
    Résultat d’exploitation : 110 M€ (après prise en compte des dotations et amortissements, charges salariales, etc.)
    Chiffre d’affaires global : 170 M€ (estimation englobant activités annexes)
    Formule : 110 / 170 = 64,7%
    Interprétation : Cette marge reflète l’efficacité avec laquelle la société gère ses charges et crée de la valeur avant le financement et l’impôt.
  3. Rentabilité nette (à titre d’illustration) :
    Résultat net (part du Groupe) : 80 M€
    Chiffre d’affaires global : 170 M€
    Formule : 80 / 170 ≈ 47%
    Interprétation : Cette rentabilité nette mesure la part du chiffre d’affaires qui revient finalement aux actionnaires après déduction de tous les frais (charges financières, impôts, etc.).

Le Loan-To-Value mesure la dette nette par rapport à la valeur du patrimoine. Un LTV modéré (souvent inférieur à 50% ou 55% pour une foncière) est le signe d’une politique financière prudente et rassure les investisseurs quant à la capacité de l’entreprise à faire face à ses engagements.

Forces, faiblesses et leviers d’amélioration

Points forts :

  • Portefeuille diversifié couvrant trois marchés distincts (bureaux, résidentiel, hôtels), limitant ainsi l’exposition à un secteur unique.
  • Positionnement géographique centré sur des localisations prime (grandes métropoles et centres d’affaires), gage d’une demande locative solide.
  • Avance sur l’ESG : la part des actifs « verts » et les ambitions de décarbonation contribuent à améliorer l’attractivité pour les investisseurs institutionnels.
  • Stratégie de cessions sélectives : la rotation d’actifs a permis de générer des marges moyennes proches de +3% au-dessus des valeurs d’expertise.

Points de vigilance :

  • Dépendance hôtelière aux flux touristiques et aux grandes marques, avec un risque de volatilité en cas de retournement économique.
  • Pression sur les coûts de construction qui pourrait alourdir les capex liés aux modernisations et aux développements de projets.
  • Contraintes réglementaires allemandes : le plafonnement des loyers (Mietpreisbremse) et les politiques de contrôle pourraient peser sur la réversion locative dans le résidentiel si les règles se durcissent.

Leviers d'amélioration :

  • Accélérer la transformation ESG : viser 100% d’électricité verte sur tous les actifs gérés d’ici 2030, poursuivre la certification environnementale à 100% et optimiser l’efficacité énergétique via la smart data (capteurs, suivi en temps réel de la consommation).
  • Renforcer les partenariats hôteliers : diversifier les enseignes exploitantes, mieux cibler la clientèle internationale et continuer la rénovation des chambres pour maintenir un positionnement haut de gamme.
  • Équilibrer le portefeuille résidentiel : tirer profit de la forte demande à Berlin et dans d’autres grandes villes, tout en surveillant l’évolution réglementaire. Les arbitrages d’immeubles moins rentables peuvent financer de nouvelles acquisitions plus prometteuses.
  • Saisir les opportunités de marché : l’investissement en immobilier reprend en Europe (+28% sur un an), il peut être judicieux de négocier rapidement des acquisitions opportunistes sur des actifs prime encore sous-valorisés.

Faits marquants : du lancement d’appels d’offres à la gouvernance

Parmi les événements notables, on retiendra la mise en concurrence de dix hôtels (en France et en Belgique) auprès de grands groupes hôteliers pour identifier l’enseigne la plus adaptée. Ce processus témoigne de la stratégie de valorisation des actifs remembrés suite à la reprise de 41 fonds de commerce à la fin 2024. En parallèle, Covivio investit près de 52 M€ (part du Groupe) d’ici fin 2026 pour rehausser la qualité de ces établissements et espère en tirer une rentabilité moyenne dépassant 20%.

Sur le plan de la gouvernance, la proposition de nommer Micaela Le Divelec en tant qu’administratrice indépendante illustre la volonté d’ouvrir le Conseil à des profils variés. Issue des secteurs du luxe et de la finance, elle pourrait apporter sa connaissance du marché italien et son expertise stratégique. Cette évolution de gouvernance s’inscrit dans le respect des meilleures pratiques (Code Afep-Medef).

Un regard sur les dividendes

L’Assemblée Générale du 17 avril 2025 examinera le versement d’un dividende de 3,50 € par action, en hausse de +6% sur un an, intégralement payé en numéraire. Pour les actionnaires, cela reflète la confiance de Covivio dans ses fondamentaux et ses perspectives de croissance.

Les bureaux, un secteur toujours porteur

Dans la catégorie « Bureaux », 16 400 m² de nouveaux baux ont été signés ou renouvelés au premier trimestre 2025. L’entreprise bénéficie de la centralité de ses immeubles (70% en centres-villes, 24% dans les hubs d’affaires) et d’une offre de bureaux opérés adaptée à la mutation du travail (espaces flexibles, services intégrés).

Ainsi, 1 500 m² ont été loués dans l’immeuble CB21 (La Défense), avec une prise d’effet au 1er juillet 2025. Par ailleurs, 4 980 m² sont en cours de modernisation sur Delcassé (Paris 8e), projet estimé à 8,8 M€ de capex. Cette rénovation devrait générer un rendement marginal autour de 8% grâce à des loyers revalorisés de +22%. À Milan, un bail sur 1 400 m² a été signé, avec +6% de réversion locative, confirmant l’intérêt des entreprises pour des zones géographiquement centrales et les immeubles bien équipés.

Zoom sur le résidentiel allemand

En Allemagne, le résidentiel constitue un segment solide pour Covivio. À fin mars 2025, les loyers ont progressé de +24% en réversion au moment des relocations, notamment à Berlin, où on enregistre +32%. L’offre se raréfie et la demande ne faiblit pas, soutenue par la croissance démographique, ce qui permet de justifier des loyers en hausse. On estime que sur les immeubles neufs, le loyer moyen atteint désormais 20,2 €/m²/mois, tandis que sur le parc existant il monte à 14,3 €/m²/mois.

Politiquement, la récente coalition entre CDU/CSU et SPD a décidé de prolonger le dispositif de plafonnement des loyers (Mietpreisbremse) pour quatre ans, tout en favorisant la création de logements neufs via des procédures administratives simplifiées. Ces mesures offrent une visibilité accrue pour les investisseurs et devraient encourager la poursuite de la construction, tout en permettant une indexation raisonnée des loyers.

Recommandations pour l’avenir : entre vigilance et opportunité

Fort de cette analyse, plusieurs pistes se dégagent pour consolider encore la performance de Covivio ou d’autres acteurs immobiliers comparables :

  1. Maîtriser les capex : Les investissements de modernisation ou de développement d’actifs (hôtellerie, bureaux) exigent une planification rigoureuse et un suivi strict des coûts de construction, particulièrement dans un contexte de hausse des prix des matériaux.
  2. Renforcer la digitalisation : Le pilotage à distance (IoT, maintenance prédictive, gestion du confort et de la sécurité) constitue un atout différenciateur pour les locataires et peut générer des économies de charges.
  3. Saisir les opportunités de financement vert : Avec l’arrivée des EU Green Bond Standards, les foncières respectueuses des critères ESG pourraient bénéficier d’un coût de financement plus favorable et d’une meilleure visibilité auprès d’investisseurs institutionnels.
  4. Conjuguer diversification et recentrage : Alors que le résidentiel allemand et l’hôtellerie en Europe du Sud ont le vent en poupe, il demeure important de poursuivre la rotation d’actifs pour concentrer les ressources sur les segments les plus porteurs ou innovants.

De telles recommandations demandent évidemment un suivi permanent de la conjoncture économique et des évolutions réglementaires, car l’immobilier reste un marché cyclique et soumis à l’influence de nombreux facteurs externes (taux d’intérêt, inflation, politique monétaire, etc.).

Vers de nouvelles perspectives

En définitive, le tableau financier de Covivio au premier trimestre 2025 se révèle positif, avec un taux d’occupation élevé et une augmentation soutenue des revenus portée par l’hôtellerie, les bureaux et le résidentiel allemand. La stratégie de cessions sélectives renforce la cohérence du portefeuille, tandis que l’engagement ESG du Groupe le place en bonne position pour tirer parti des tendances « vertes » qui gagnent le marché.

D’un point de vue opérationnel, la gestion des baux sur de grandes surfaces, l’optimisation continue des revenus variables (en hôtellerie notamment) et la poursuite d’investissements ciblés dans la rénovation énergétique s’avèrent autant d’axes clés pour maintenir un niveau de performance supérieur à la moyenne sectorielle. La décision de proposer un dividende de 3,50€ par action pour 2024 (+6% par rapport à l’an dernier) confirme la solidité des flux de trésorerie et la confiance des dirigeants quant aux perspectives de l’exercice en cours.

En résumé, la convergence entre dynamique locative, rotation d’actifs maîtrisée et ambition ESG incarne la voie d’avenir pour Covivio, illustrant comment la foncière parvient à conjuguer croissance, responsabilité et rentabilité.