STMicroelectronics : résultats en forte baisse au T2 2025
Analyse des résultats T2 2025 de STMicroelectronics : perte nette de 97 M$, marge à 33,5 %, charges de restructuration; enjeux face à la concurrence.

STMicroelectronics vient de publier des résultats décevants pour le deuxième trimestre 2025, provoquant une réaction négative immédiate sur les marchés financiers.
Bien que l’entreprise reste un acteur essentiel de l’industrie des semi-conducteurs en Europe, ses pertes nettes, combinées aux charges de restructuration, font ressurgir plusieurs interrogations sur sa capacité à maintenir sa compétitivité et à respecter ses engagements. Voici une analyse approfondie pour mieux comprendre les causes, les conséquences et les perspectives.
Résultats en berne et inquiétudes des investisseurs
Le deuxième trimestre 2025 a été marqué par une bascule dans le rouge pour STMicroelectronics. L’entreprise, cotée à la Bourse de Paris, de New York et de Milan, a enregistré une perte nette de 97 millions de dollars, alors qu’elle affichait un bénéfice de 353 millions de dollars au même trimestre en 2024. Sans surprise, cette contre-performance a fait chuter le titre de 12 % en séance, démontrant la forte fébrilité des investisseurs.
Si le chiffre d’affaires est passé de 2,52 milliards de dollars au premier trimestre à 2,77 milliards de dollars au deuxième trimestre 2025, cette progression séquentielle n’a pas suffi à rassurer les marchés. En glissement annuel, la baisse des revenus touche près de 14,4 %, principalement à cause du repli sur les segments automobile et industriel. Une autre donnée inquiétante réside dans la marge brute, qui se contracte à 33,5 % contre 40,1 % un an plus tôt, témoignant de pressions inflationnistes et d’une hausse des coûts de production.
Les charges exceptionnelles de 190 millions de dollars liées à la restructuration ont lourdement pesé sur le résultat d’exploitation. En excluant ces éléments non récurrents, le résultat d’exploitation non-GAAP s’élève à 57 millions de dollars, ce qui reste très en deçà des 375 millions de dollars du deuxième trimestre 2024. Dans ce contexte, les opérateurs de marché se montrent prudents quant aux perspectives de la société pour la fin de l’année.
En France, où STMicroelectronics emploie environ 9 000 personnes, les inquiétudes sociales montent quant à d’éventuelles suppressions de postes. Malgré les aides publiques massives reçues pour assurer un renforcement de la souveraineté industrielle européenne, le groupe explique que le « remodelage de l’empreinte industrielle » reste nécessaire pour préserver sa compétitivité à moyen et long terme.
Pression macroéconomique et concurrence féroce
Le secteur des semi-conducteurs fait face à de multiples vents contraires qui se répercutent lourdement sur les indicateurs financiers. Tout d’abord, l’inflation et la hausse des prix de l’énergie grèvent les coûts de production. Ensuite, des tensions commerciales entre les grandes puissances économiques, notamment les États-Unis et la Chine, continuent de perturber les chaînes d’approvisionnement et de provoquer des incertitudes sur la demande. Les variations de taux de change, la fluctuation des tarifs douaniers et les menaces de protectionnisme en Europe accentuent encore la volatilité.
Sur le plan concurrentiel, STMicroelectronics doit affronter des géants comme TSMC, Intel ou Samsung, qui investissent massivement dans les procédés de pointe (3 nm, 2 nm). Bien que STMicroelectronics se concentre surtout sur des marchés de niche (puces analogiques, microcontrôleurs, MEMS…), le retard technologique sur les nœuds les plus avancés pourrait devenir un handicap stratégique si les segments de spécialisation évoluent brusquement.
Le secteur automobile, un pilier de la croissance passée de STMicroelectronics, connaît un fort ralentissement en Europe et en Asie, entraînant des ajustements de stocks. Dans le même temps, l’électronique personnelle, répartie dans une multitude de produits (smartphones, wearables, consoles de jeu), démontre un léger rebond grâce à la transition vers la 5G et l’élargissement de l’IoT. Le succès de la société dans les prochains trimestres dépendra largement de sa capacité à soutenir ses ventes dans ces segments en reprise et à amortir l’essoufflement de la demande automobile et industrielle.
Synthèse chiffrée et mise en perspective
Pour comprendre la situation financière de STMicroelectronics, il convient de comparer quelques agrégats. Les chiffres ci-dessous illustrent l’évolution récente de différents postes clés, tout en montrant les écarts entre l’année N et l’année N-1. La tendance générale confirme un repli important de la rentabilité.
La détérioration de la marge brute (-6,6 points) illustre à elle seule la difficulté de maintenir la rentabilité dans un contexte de flambée des coûts et de baisse des volumes. L’effet de levier (leverage estimé à 2,2 x contre 2,0 x) démontre aussi un endettement relatif plus prononcé, signe que l’entreprise finance une partie de sa restructuration et de ses investissements par la dette.
Marge brute, marge d’exploitation et rentabilité nette : analyses et formules
Marge brute = (Résultat brut d’exploitation / Chiffre d’affaires) × 100.
Pour ce deuxième trimestre 2025, STMicroelectronics affiche une marge brute de 33,5 %. Cela traduit clairement un recul par rapport à l’année précédente (40,1 %), lié à la combinaison d’un mix produit moins favorable et d’un renforcement des charges fixes unitaires.
Marge d’exploitation = (Résultat d’exploitation / Chiffre d’affaires) × 100.
Si l’on prend en compte la perte d’exploitation de -133 millions de dollars sur 2,77 milliards, la marge opérationnelle devient négative. En l’absence des 190 millions de charges exceptionnelles, la marge d’exploitation non-GAAP se situe autour de 2,1 %, soulignant la pression sur la profitabilité de l’activité courante.
Rentabilité nette = (Résultat net / Chiffre d’affaires) × 100.
Avec -97 millions de dollars de pertes nettes, la rentabilité nette ressort à -3,5 %. L’écart est net comparé au +10,9 % du deuxième trimestre 2024. Dans ce type d’industrie, la rentabilité est extrêmement sensible au volume de production et à l’évolution du coût de revient unitaire, ce qui explique une dégradation si rapide.
Au-delà de ces ratios classiques, les investisseurs surveillent également le free cash-flow, indicateur crucial pour évaluer la capacité d’une entreprise à financer ses projets et à rémunérer ses actionnaires. Les dernières données disponibles sur STMicroelectronics montrent un certain essoufflement de sa capacité d’autofinancement, en partie absorbée par les coûts de restructuration et le besoin d’investir dans de nouvelles technologies.
Le plan de « remodelage » implique une modernisation des lignes de production vers des wafers de 300 mm et des wafers en carbure de silicium de 200 mm. Selon STMicroelectronics, ces stratégies visent à capter la demande croissante dans les secteurs des véhicules électriques et de l’efficacité énergétique.
Forces persistantes et atouts stratégiques
Malgré la chute brutale observée sur ses résultats, STMicroelectronics dispose de plusieurs cartes maîtresses lui permettant d’envisager un redressement progressif. D’abord, l’entreprise reste très bien implantée dans des secteurs d’avenir : l’automobile électrique, les capteurs MEMS et l’électronique de puissance. En renforçant ses capacités de production sur les liaisons destinées au carbure de silicium, STMicroelectronics capitalise sur l’essor rapide des véhicules électriques.
L’innovation constitue aussi un point fort : la société investit environ 20 % de son chiffre d’affaires en R&D, ce qui lui permet de développer des puces compétitives dans le champ de l’IoT et de l’IA embarquée. Les aides publiques massives en France et en Italie offrent un soutien appréciable pour financer ces investissements, en particulier dans la construction de nouvelles lignes de production à Crolles et à Agrate. À moyen terme, cette politique pourrait renforcer la position de leader européen de STMicroelectronics.
L’appui politique demeure également crucial. Les gouvernements français et italien voient STMicroelectronics comme un fleuron industriel garant de leur souveraineté technologique. Les subventions octroyées dans le cadre du Plan France 2030 ou des programmes européens tels que l’IPCEI (Important Project of Common European Interest) constituent une forme de gage de stabilité pour les partenaires et investisseurs institutionnels.
Aides publiques en France
Le groupe a reçu 2,9 milliards d'euros en 2023 afin de consolider la capacité industrielle en Europe. Cette enveloppe, pointée du doigt lors des annonces de restructuration, alimente le débat sur la responsabilité sociale des entreprises soutenues par l'État.
Faiblesses structurelles et risques futurs
La conjoncture défavorable ne saurait tout expliquer. STMicroelectronics demeure vulnérable sur plusieurs plans, dont la dépendance envers certaines filières cycliques (automobile) et la longue durée de ses processus de fabrication. Les chaînes de production de semi-conducteurs sont complexes : décalage entre l’implémentation industrielle et la mise sur le marché, inertie face à des évolutions rapides dans la demande.
D’un point de vue social, la perspective de licenciements soulève déjà des tensions en interne et dans les milieux politiques français. Les syndicats reprochent à la direction de ne pas honorer les promesses de création d’emplois précédemment annoncées. Une multiplication de ces incidents pourrait nuire à l’image de l’entreprise et à sa capacité de mobiliser ses équipes sur des projets cruciaux.
Le risque technologique, quant à lui, tient au fait que certaines innovations prévues dans le plan de restructuration pourraient pâtir de retards. La mise à niveau des usines vers la production en 300 mm ou l’adaptation aux nouveaux matériaux (carbure de silicium) représente un investissement lourd, exigeant une logistique sans faille et un savoir-faire rapidement opérationnel.
Enfin, la hausse future de la concurrence asiatique dans le domaine de l’électronique de puissance demeure un autre facteur. Les acteurs chinois et taïwanais disposent de capacités de production massives et bénéficient d'un soutien étatique, ce qui pourrait accroître la pression sur plusieurs segments cibles de STMicroelectronics.
Comparaison avec les tendances historiques
Pour replacer ces données dans leur contexte, il est utile de regarder l’évolution à plus long terme (couvrant les années avant la pandémie jusqu’à 2024) afin de voir si la situation actuelle correspond à un mouvement cyclique ou à un renversement plus structurel. Sur la période 2019-2023, STMicroelectronics a connu une croissance régulière de son chiffre d’affaires, soutenue par le dynamisme de l’automobile et par la transformation numérique accélérée.
Au troisième trimestre 2024, la société affichait encore un chiffre d’affaires de 3,25 milliards de dollars. Néanmoins, les premiers signes de ralentissement se sont manifestés dès fin 2024, avec la flambée des prix de l’énergie, les premières mesures de restrictions sur la circulation des marchandises, et une demande en repli dans plusieurs régions du monde. Les pressions sur la marge brute demeuraient alors modérées, mais les plans de restructuration et d’investissement commençaient déjà à faire débat.
Qu’il s’agisse d’un mouvement cyclique ou d’une transformation plus profonde, l’exemple de 2025 illustre la volatilité inhérente au secteur. Il n’est pas rare d’observer des effets de balancier dans les semi-conducteurs, où les périodes fastes cèdent parfois brutalement la place à des creux de cycle. Toutefois, le cumul de facteurs négatifs (tensions géopolitiques, inflation, retard technologique) pourrait prolonger cette zone de turbulences.
Certains concurrents comme Infineon ou NXP ont également subi une baisse de la rentabilité en 2025, mais de moindre ampleur. Les analystes notent que leur diversification plus marquée et une gestion proactive des stocks leur ont permis de mieux encaisser le ralentissement.
Points clés pour le troisième trimestre 2025
La direction de STMicroelectronics anticipe un chiffre d’affaires de 3,17 milliards de dollars pour le troisième trimestre 2025, soit une hausse séquentielle de 14,6 % par rapport au deuxième trimestre. Toutefois, sur un an, cette prévision correspond toujours à une baisse, marquant ainsi la persistance d’un niveau d’activité inférieur à celui de 2024. La marge brute attendue de 33,5 % demeure inférieure au 37,8 % de l’an passé sur la même période.
Les difficultés rencontrées dans le secteur automobile risquent de se prolonger, même si le carnet de commandes de la voiture électrique pourrait se redresser en 2026 en fonction de la conjoncture. L’électronique personnelle reste considérée comme un catalyseur, stimulée par des lancements de nouveaux produits connectés, et STMicroelectronics met beaucoup d’espoir dans ce segment pour regagner des points de croissance.
Du fait du climat international tendu, la société n’exclut pas l’introduction de nouvelles barrières tarifaires dans l’Union européenne, qui impacterait potentiellement les flux commerciaux. Par ailleurs, l’évolution du taux de change euro/dollar demeure un paramètre délicat, surtout pour une entité ayant des coûts et des revenus dans plusieurs devises.
Recommandations pour la relance
Pour sortir de cette phase délicate, la direction de STMicroelectronics devra conjuguer discipline financière et investissements ciblés. Plusieurs pistes s’offrent à elle :
- Optimisation des coûts : Poursuivre la rationalisation des sites et la modernisation des outils de production pour réduire les charges fixes, en veillant toutefois à préserver l’emploi dans les régions sensibles.
- Diversification : Renforcer la part des revenus issus de l’électronique de puissance pour des usages non-automobiles (infrastructures, énergies renouvelables…), afin d’atténuer la dépendance cyclique.
- Accent sur la R&D : Continuer à investir massivement dans la recherche liée aux matériaux de nouvelle génération (carbure de silicium, nitrure de gallium) et dans les processeurs pour IA embarquée, anticipant ainsi les besoins du marché.
- Communication transparente : Maintenir la confiance des actionnaires et des pouvoirs publics en détaillant clairement les objectifs, les calendriers et les implications sociales du remodelage industriel.
En parallèle, STMicroelectronics devra redoubler d’efforts pour limiter le mécontentement des syndicats et des élus. Une concertation proactive et des plans de reclassement pour les effectifs éventuellement touchés par la restructuration demeurent essentiels pour éviter des conflits sociaux qui pourraient ralentir la mise en œuvre des réformes.
Focus sur la liquidité et la structure financière
Les ratios de liquidité sont étroitement surveillés par les analystes et les agences de notation, car ils reflètent la capacité de l’entreprise à faire face à ses obligations de court terme. Une baisse de ces indicateurs peut traduire des tensions de trésorerie, ce qui pourrait entraîner un recours plus marqué à l’endettement.
Ratio de liquidité générale (Current Ratio) = Actif courant / Passif courant.
Si ce ratio tombe nettement sous 1, la société pourrait avoir à mobiliser de la dette à court terme ou à céder certains actifs pour honorer ses échéances. Dans le contexte actuel, STMicroelectronics doit s’assurer de sécuriser suffisamment de lignes de crédit, tout en évitant un alourdissement excessif du service de la dette.
L’entreprise doit également arbitrer entre le maintien de son dividende, la poursuite de la politique d’investissement et la nécessité de financer le plan de restructuration. Une gestion trop agressive de la distribution aux actionnaires pourrait limiter la capacité d’autofinancement et peser sur la notation de crédit.
Communication des syndicats
Des responsables syndicaux ont qualifié de « scandale » la mise en cause de plusieurs centaines d’emplois, alors même que l’État a accordé des aides massives. La direction, pour sa part, affirme vouloir limiter l’impact social via des redéploiements internes.
Le point sur l’automobile : un marché clé sous pression
Historiquement, l’automobile constitue un socle important pour STMicroelectronics, que ce soit via la fourniture de composants pour la gestion moteur, les systèmes d’assistance à la conduite (ADAS) ou l’électronique de puissance. Malheureusement, la conjoncture automobile enregistre une baisse sensible des ventes en Europe et en Chine. Les incertitudes économiques, la flambée de l’inflation et les hausses de taux d’intérêt découragent un certain nombre d’acheteurs potentiels.
De plus, les problèmes d’approvisionnement rencontrés en 2023 et 2024 ont conduit les constructeurs à augmenter leurs stocks. Aujourd’hui, cet excès de stocks freine la passation de nouvelles commandes, impactant directement les carnets de STMicroelectronics. Toutefois, certains signaux laissent penser que l’adoption toujours plus forte du véhicule électrique renouera avec la croissance à l’horizon 2026. L’entreprise devra prouver que ses investissements dans les wafers de 300 mm sont en adéquation avec ce futur rebond.
Dans ce contexte, une stratégie de partenariats pourrait aider STMicroelectronics à sécuriser sa feuille de route dans l’automobile. Que ce soit avec des constructeurs locaux ou via des alliances stratégiques avec d’autres fabricants de semi-conducteurs, le but est d’amortir les risques de cycle et de garantir des débouchés pour ses produits de nouvelle génération.
Relecture des performances passées et pistes d’améliorations
Les excellents résultats du deuxième trimestre 2024 (à l’époque, 353 millions de dollars de bénéfice net pour 3,23 milliards de dollars de chiffre d’affaires) soulignaient la capacité de la société à profiter d’un environnement favorable, porté par la digitalisation accélérée lors des confinements. En 2025, le basculement vers une perte nette montre que le cycle de vie du secteur des semi-conducteurs connaît des creux profonds et que la rigidité des coûts peut amplifier ces variations.
Pour limiter l’amplitude de ces retournements, STMicroelectronics doit perfectionner ses outils de prévision de la demande et de gestion des stocks, en particulier sur les segments les plus volatils. Les ajustements successifs illustrent combien une planification trop optimiste peut conduire à des surcapacités coûteuses, d’où la nécessité de mieux corréler la production à la consommation finale.
L’entreprise doit également poursuivre sa diversification géographique. En Europe, son implantation est forte, et en Asie, elle demeure présente via des partenariats. Cependant, la conquête de nouveaux marchés, en particulier ceux d’Amérique latine et d’Afrique, pourrait solidifier sa base de clients et amortir de futurs chocs macroéconomiques.
Enfin, STMicroelectronics gagnerait à développer des services à valeur ajoutée pour compléter la vente de puces, notamment l’intégration logicielle, la maintenance à distance et les programmes de formation. Cette orientation vers des solutions globales pourrait générer des revenus récurrents moins sensibles à la conjoncture.
Perspectives mondiales et rôle de la France
Au niveau mondial, la demande de semi-conducteurs devrait reprendre progressivement, portée par la popularisation de l’intelligence artificielle, du cloud computing et du big data. Cependant, les axes de compétition se durcissent, incitant chaque région (États-Unis, Europe, Asie) à adopter des politiques industrielles défensives. La récente « guerre des puces » entre Washington et Pékin illustre parfaitement la dimension stratégique de ce secteur.
En France, le gouvernement souhaite renforcer sa souveraineté dans les composants critiques et voit en STMicroelectronics un partenaire naturel. Les 2,9 milliards d’euros accordés en 2023 s’inscrivent dans cette logique. Toutefois, l’opinion publique et les élus exigent de la société des retombées concrètes en termes d’emplois et d’innovation. La tension entre ces attentes et la vision industrielle de STMicroelectronics sera un enjeu crucial pour l’avenir, car un retrait de soutien public fragiliserait le développement à Crolles et ailleurs.
Dans ce cadre, la future usine française de 300 mm revêt un caractère symbolique. Prévue pour 2028, elle doit permettre de concurrencer les secteurs asiatiques. Tout retard ou réduction d’envergure du projet risquerait de compromettre les objectifs de souveraineté européenne. Il est donc primordial que STMicroelectronics sécurise un financement suffisant et justifie, sur le plan social, les sacrifices demandés aujourd’hui aux salariés.
L’importance de la communication financière
La chute sévère du titre boursier après la présentation des résultats traduit aussi un défaut d’anticipation du marché. Les analystes semblaient s’attendre à une légère baisse, mais pas à des pertes nettes aussi importantes. Cela souligne la nécessité pour l’entreprise de fournir une guidance claire et des données suffisamment détaillées sur l’impact des coûts de restructuration.
La confiance des investisseurs se mesure également à la cohérence entre les discours et les actes. Si, au trimestre prochain, le groupe revoit encore à la baisse ses projections, il risque de perdre une partie du soutien de la communauté financière. Les dirigeants doivent s’efforcer de communiquer de manière réaliste, même si cela implique de reconnaître que la conjoncture pourrait rester difficile jusqu’en 2026.
En outre, STMicroelectronics doit mettre en avant ses accomplissements technologiques malgré la conjoncture actuelle, pour prouver sa capacité à innover et à anticiper les besoins futurs. Sans un récit positif sur ses solutions dans l’IA, l’automobile verte ou l’IoT, la perception globale de l’entreprise resterait prisonnière des seules considérations financières de court terme.
Décryptage des réactions boursières et analyses d’experts
La journée du 24 juillet 2025 a témoigné d’une saisie de panique sur le titre, avec un volume d’échanges supérieur à la moyenne. De nombreux commentaires sur X (ex-Twitter) pointaient la faiblesse de la marge brute et la baisse annuelle du chiffre d’affaires, qualifiées de « mauvaises surprises ». D’autres analystes, plus modérés, estimaient néanmoins que les perspectives séquentielles signifiaient un « léger regain » d’activité.
Certains courtiers maintiennent une recommandation neutre arguant que les difficultés du trimestre sont essentiellement liées à des coûts de restructuration ponctuels et à un ralentissement passager dans la voiture électrique. D’autres préconisent cependant la vigilance, considérant que le cycle baissier pourrait s’étendre si la demande automobile ne se relève pas rapidement, ou si l’inflation persiste.
Le discours du PDG Jean-Marc Chery, insistant sur la nécessité de poursuivre la mutation industrielle, n’a pas totalement apaisé les craintes. Les investisseurs attendent un alignement précis entre la feuille de route industrielle et les résultats trimestriels. Si l’exécution s’avère laborieuse ou si les retards se multiplient, le marché pourrait sanctionner davantage le titre.
Derniers enseignements et perspectives à moyen terme
La séquence actuelle marque un tournant pour STMicroelectronics. Les pertes affichées, la réorganisation de l’appareil industriel et les tensions internes suscitent toutes un profond questionnement sur la trajectoire future de l’entreprise. Néanmoins, les atouts existent : un positionnement dans des marchés d’avenir (économie décarbonée, microcontrôleurs spécialisés), une base R&D solide et un soutien politique européen sans équivalent dans l’histoire récente.
Pour enclencher une véritable relance, STMicroelectronics doit faire preuve de rigueur dans la gouvernance de ses projets de transformation. La combinaison d’investissements massifs et de coupes ciblées doit être expliquée clairement à l’ensemble des parties prenantes (actionnaires, salariés, pouvoirs publics). Parallèlement, une vigilance de chaque instant est exigée pour amortir les fluctuations macroéconomiques, préserver la compétitivité des lignes de production et rassurer un marché financier devenu plus sélectif.
Au final, la résilience de STMicroelectronics dépendra de sa capacité à tirer parti du cycle de rebond espéré dans la voiture électrique, la 5G et l’IA en périphérie. La consolidation de son réseau commercial, l’évolution du climat social dans ses usines et la progression effective de ses nouvelles technologies seront trois indicateurs majeurs d’ici à 2027. Les craintes à court terme sont réelles, mais la vision à long terme demeure potentiellement porteuse si l’exécution du plan stratégique se révèle à la hauteur des ambitions.
La tension palpable autour de STMicroelectronics illustre la complexité de conjuguer restructuration industrielle et impératifs de croissance dans une industrie hautement concurrentielle.