À Écully, le groupe SEB a dévoilé des comptes neuf mois 2025 en clair-obscur. Le chiffre d’affaires atteint 5,66 milliards d’euros, stable à périmètre et taux de change constants, mais le Résultat Opérationnel d’Activité recule de 39,4 % pour s’établir à 267 millions d’euros, ramenant la marge opérationnelle d’activité à 4,7 %, contre 7,8 % un an plus tôt. Les vents contraires se confirment, entre ralentissement de la demande et effets de change défavorables.

Neuf mois 2025 : cap sur la rentabilité mise à l’épreuve

Le groupe SEB livre un exercice 2025 bousculé par les cycles de consommation et la parité euro. Les neuf premiers mois montrent un chiffre d’affaires stable à pcc, signe d’un socle commercial résilient, mais la dégradation des marges traduit une forte pression sur les prix, un mix produits moins favorable et des coûts encore élevés.

Le ROA à 267 millions d’euros sur la période recule de 39,4 %. Cette contraction s’explique par la persistance d’un environnement concurrentiel tendu en Europe de l’Ouest, la faiblesse de la demande en Amérique du Nord et l’impact défavorable d’un euro plus élevé par rapport aux devises de ventes, qui grève mécaniquement la profitabilité consolidée.

Métriques Valeur Évolution
Chiffre d’affaires 9M 2025 5,66 Md€ Stable à pcc
ROA 9M 2025 267 M€ -39,4 %
Marge opérationnelle d’activité 4,7 % 7,8 % un an plus tôt
Tendance T3 2025 à données comparables Ventes en baisse -1,2 %
Guidance ROA 2025 550 à 600 M€ Inférieur à 2024 (820 M€)

Bon à savoir : comment lire le ROA de SEB

Le Résultat Opérationnel d’Activité agrège la performance opérationnelle des métiers avant éléments non récurrents. Une baisse du ROA peut provenir d’un effet volume, d’un mix produits moins porteur, d’effets devises défavorables ou d’une hausse des coûts fixes et variables. La marge opérationnelle d’activité met en perspective ce résultat rapporté aux ventes.

Un chiffre d’affaires stable à périmètre et taux de change constants neutralise l’impact des acquisitions cessions et des variations de devises. Il illustre la tendance sous-jacente de l’activité, indépendamment des effets de structure et de conversion comptable.

Lorsque l’euro s’apprécie face aux devises locales de vente, la conversion en euros des revenus réalisés hors zone euro génère un effet négatif mécanique sur le chiffre d’affaires et sur les marges. Même à volumes constants, la profitabilité affichée peut reculer.

Troisième trimestre 2025 : signaux contrastés selon les zones

La direction évoque un troisième trimestre contrasté, avec des ventes à données comparables en retrait de 1,2 %. La dynamique par région révèle un profil à deux vitesses, l’Asie tirant la croissance tandis que l’Europe et l’Amérique du Nord restent en retrait.

Europe de l’Ouest : consommation mesurée et concurrence plus vive

Le petit électroménager grand public cède du terrain en Europe de l’Ouest. La consommation demeure prudente, et les arbitrages prix favorisent davantage les gammes d’entrée et de milieu de gamme. Les industriels doivent composer avec des coûts énergétiques encore élevés et des pressions inflationnistes sur certains intrants, ce qui limite les capacités d’ajustement des marges.

En toile de fond, des indicateurs sectoriels en Europe reflètent une trajectoire modérée de l’industrie manufacturière, avec une stagnation dans l’électroménager liée aux coûts et à l’inflation persistante. Cette réalité pèse sur les sell-out et allonge certains cycles de renouvellement d’appareils.

Amérique du Nord : demande atone et forte sensibilité au prix

Le repli est plus marqué en Amérique du Nord, où la demande pour les produits de cuisine et de soin personnel s’affaiblit. Les détaillants privilégient des assortiments rationalisés, la guerre des prix s’intensifie et le consommateur reporte certains achats non essentiels. La perception d’une saturation du marché dans certaines catégories renforce la pression sur les volumes.

Chine : trajectoire robuste portée par Supor et le e-commerce

La Chine constitue le contrepoint positif. Le groupe bénéficie d’une solide implantation, avec une dynamique portée par l’urbanisation, le retail digital et des plateformes de e-commerce performantes. La présence historique via Supor favorise des gammes adaptées au marché local et un time-to-market court sur les innovations culinaires.

Europe de l’Est : demande résiliente et attrait pour l’innovation

Les performances s’améliorent en Europe de l’Est, où la reprise économique et l’appétence pour les produits innovants soutiennent les ventes. La montée en gamme ciblée, quand les budgets le permettent, offre des poches de croissance sur certaines familles d’appareils.

Café professionnel : reprise confirmée en Allemagne et en Chine

Les activités de café professionnel renouent avec la croissance. Des contrats en Allemagne et en Chine, notamment auprès de réseaux hôteliers et d’entreprises, illustrent une normalisation progressive de la demande B2B. Le flux de commandes s’enrichit de solutions espresso et machines automatiques, un segment à marges généralement plus solides que le petit électroménager grand public.

Marché électroménager 2025 : tendances globales et impacts pour SEB

Le marché mondial traverse une zone de turbulence. En Europe, la croissance 2025 se situe dans une fourchette modeste de 1 à 2 %, freinée par des coûts énergétiques élevés et une consommation qui reste sélective. Les brèves économiques publiques soulignent ce ralentissement sectoriel, cohérent avec la normalisation post-crise sanitaire.

En Asie, la trajectoire demeure plus dynamique. La Chine affiche une expansion de l’ordre de 5 à 7 % par an dans l’électroménager, tirée par l’essor de la classe moyenne, la digitalisation des canaux et l’intégration de technologies intelligentes. Ce contexte nourrit les positions de SEB, grâce à un portefeuille adapté aux usages locaux et une présence industrielle historique.

À l’inverse, l’Amérique du Nord stagne, avec un recul estimé des ventes de 2 à 3 % sur 2025. Les effets combinés d’une concurrence plus rude, d’un consommateur vigilant et d’habitudes post-pandémiques plus orientées vers l’arbitrage prix se traduisent par des volumes sous pression et des rotations plus lentes sur certaines lignes.

La transition écologique s’impose comme un axe de différenciation. La demande pour des produits réparables, économes en énergie et durables progresse.

Les marques phares de SEB, dont Tefal, Moulinex et Krups, multiplient les développements sur la réparabilité, l’efficacité énergétique et, de plus en plus, la connectivité utile. Le groupe rappelle viser une réduction de 30 % des émissions de CO2 d’ici 2030 dans ses rapports publics.

Clé de lecture sectorielle pour 2025

Trois lignes de force structurent l’année 2025 pour l’électroménager :

  • Prix et mix : arbitrages du consommateur vers le bon rapport qualité prix, bénéfice aux marques à forte distribution et produits différenciants.
  • Durabilité : avantage compétitif pour les appareils réparables et sobres en énergie.
  • Omnicanal : accélération de l’e-commerce, montée en puissance des marketplaces, rocade logistique plus exigeante.

Programme d’économies de 200 M€ d’ici 2027 : trajectoire et leviers

SEB lance un programme d’économies récurrentes de 200 millions d’euros à horizon 2027. L’objectif est clair : réancrer la rentabilité, financer l’innovation et renforcer la compétitivité prix.

Les premières orientations portent sur la simplification des organisations, l’efficacité industrielle et la réduction des coûts fixes. Des ajustements ciblés sur l’emploi ne sont pas exclus selon des médias économiques, les contours opérationnels n’ayant pas été détaillés à ce stade.

Organisation et coûts fixes : leviers activés

La révision des structures, le recentrage des priorités et l’optimisation des processus sont mis en avant. L’industrialisation de certaines plateformes produits, la mutualisation des achats et la rationalisation des références peuvent améliorer la base de coûts et clarifier le mix.

  • Simplification des instances et réduction des doublons de fonctions.
  • Optimisation des achats et des contrats cadre.
  • Standardisation de plateformes pour gagner en productivité.

Supply chain et production : cap sur l’efficience

Le groupe vise à rendre sa logistique plus agile, tout en atténuant les hausses de coûts de matières premières. Les ajustements portent sur la planification des stocks, la fiabilité des fournisseurs stratégiques et la réduction des ruptures. L’outil industriel, déjà fortement déployé, peut bénéficier d’automatisations ciblées et d’un pilotage plus fin des coûts indirects.

R&D, innovation et durabilité : arbitrages sous contrainte

La trajectoire d’économies s’accompagne d’investissements ciblés en innovation et en durabilité. Les enjeux portent sur la réparabilité, la consommation énergétique et l’intégration de fonctionnalités connectées utiles. L’équation consiste à préserver les gammes différenciantes tout en s’ajustant à la sensibilité prix des marchés européens et nord-américains.

Objectifs 2025 révisés : grille de lecture financière et risques à surveiller

La direction anticipe pour 2025 une croissance organique stable à légèrement positive. Côté performance, la fourchette de ROA 550 à 600 millions d’euros se situe sous le niveau 2024, alors établi à 820 millions d’euros. La priorité affichée est la protection de la profitabilité, puis le redressement progressif de la marge, au rythme de l’exécution du plan d’économies et de la normalisation des marchés.

Dépendance à l’euro et élasticité prix : variables critiques

L’effet de change reste une variable majeure pour un groupe multi-régional. Un euro fort rogne la conversion des ventes hors zone euro et pénalise la performance consolidée. En parallèle, l’élasticité prix demeure élevée dans l’électroménager grand public, imposant un dosage fin entre promotions, maintien des prix catalogue et montée en gamme sélective.

Mix produits et marges : l’équation du court terme

Les catégories à plus forte valeur ajoutée, dont le café professionnel ou certains appareils culinaires premium, contribuent davantage à la marge. Le redressement de la rentabilité passera par une meilleure composition des ventes, une innovation perçue comme utile et une exécution sans faille dans la chaîne de valeur.

Qui est SEB : empreinte, marques et ancrage industriel

Fondé en 1857, le groupe SEB s’est imposé comme un leader mondial du petit électroménager. Le siège est situé à Écully, près de Lyon. En 2024, le groupe a réalisé 8,27 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploie 32 000 salariés à l’échelle mondiale. L’action est cotée sur Euronext Paris.

Le portefeuille comprend des marques emblématiques, dont Tefal, Moulinex, Krups, Rowenta et All-Clad. Des jalons de croissance externe ont structuré l’histoire récente : Rowenta en 1988, All-Clad en 2004, et l’essor asiatique appuyé par Supor, dont l’intégration remonte à 2007.

Supor : levier asiatique et innovation locale

En Chine, Supor favorise l’adaptation rapide des produits aux usages culinaires locaux et l’accélération de l’innovation. L’urbanisation et le commerce en ligne en font un socle de croissance, qui a porté la dynamique en 2025 malgré les faiblesses constatées en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord.

En France, un contrat stratégique de la filière électronique 2025-2028 est annoncé par les pouvoirs publics pour soutenir l’innovation et la souveraineté industrielle. Ce cadre peut, par ricochet, bénéficier aux acteurs intégrant des composants et technologies électroniques dans leurs produits.

Sur le plan managérial, Stanislas de Gramont, directeur général, renouvelle l’ambition de retour à une croissance durable, en soulignant l’importance de la diversité géographique et du portefeuille de marques. La communication officielle insiste sur la résilience et l’innovation comme piliers du repositionnement.

Cap 2026 : catalyseurs d’un redressement possible

Le chemin du redressement passera par l’exécution du plan d’économies, l’amélioration du mix produits et la maîtrise des effets de change. Des observateurs de marché évoquent la possibilité d’une reprise à partir de 2026 si les mesures de compétitivité produisent leurs effets et si la demande se raffermit dans les zones clés. La montée en puissance de l’Asie et la reprise du B2B, via le café professionnel, figurent parmi les catalyseurs.

À plus court terme, l’enjeu central reste la stabilisation des marges en 2025, avec un ROA visé entre 550 et 600 millions d’euros. La capacité à protéger la profitabilité dans un environnement volatil va conditionner la trajectoire suivante et la crédibilité des objectifs opérationnels.

SEB se prépare à franchir un cap délicat : le tempo de l’exécution fera la différence entre simple résistance et véritable rebond.