60,4 sur 100. Avec ce score moyen, les entreprises françaises se hissent au troisième rang mondial en RSE derrière la Finlande et la Suède. Publiée le 30 septembre 2025 par le Médiateur des entreprises et EcoVadis, l’analyse de 89 000 sociétés opérant en France entre 2020 et 2024 consacre une progression solide et mesurable, bien au-dessus des moyennes européenne et OCDE.

France, troisième mondiale en RSE : des scores qui s’installent dans la durée

La sixième édition de l’étude annuelle du Médiateur des entreprises, réalisée avec EcoVadis, repositionne clairement l’Hexagone sur la carte des leaders RSE. La France atteint un score global moyen de 60,4, s’octroie la 3e place mondiale et confirme une trajectoire haussière. 36 % des entreprises évaluées franchissent le seuil du niveau dit avancé, soit un score supérieur à 65, quand la moyenne mondiale plafonne à 20 %.

Cette avance doit autant aux politiques internes qu’au cadre réglementaire. Lors de la présentation du rapport, Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises, a salué cette dynamique.

« La France est un pays humaniste, et cela se reflète dans la manière dont nos entrepreneurs conçoivent leurs responsabilités », a-t-il souligné. Des constats répercutés dans la presse économique et confirmés par des chiffres consolidés début octobre (AEF Info, 1er octobre 2025).

UE et OCDE : comparaisons et positionnement

L’écart avec les moyennes européenne et OCDE illustre la robustesse de l’écosystème français. Le socle réglementaire, la structuration des politiques d’achats et la diffusion de pratiques de conformité créent un effet d’entraînement auprès des grands groupes comme des PME.

Chiffres clés de l’édition 2025

89 000 entreprises évaluées en France sur 2020-2024. Score moyen 60,4. 3e rang mondial derrière la Finlande et la Suède. 36 % au niveau avancé contre 20 % dans le monde. Quatre thèmes analysés : environnement, social et droits humains, éthique, achats responsables.

L’évaluation porte sur 21 critères répartis en quatre thèmes. Le score global est exprimé sur 100. Le niveau « avancé » correspond à un score supérieur à 65. Les critères couvrent la présence de politiques, la mise en œuvre, les résultats et les pistes d’amélioration déclarées et vérifiées.

Cadre légal et politiques publiques : un socle qui tire les pratiques

Le leadership français en RSE s’enracine dans un corpus juridique progressivement densifié. Trois jalons structurent l’approche des entreprises et la diffusion des bonnes pratiques au sein des chaînes de valeur.

Loi NRE, Sapin II, devoir de vigilance : chronologie utile

  • Loi NRE 2001 : première obligation de reporting extra-financier pour les grandes sociétés cotées, cadre fondateur de la transparence sociétale.
  • Loi Sapin II 2016 : dispositif anticorruption, renforcement de la conformité et des contrôles internes pour les entreprises de plus de 500 salariés.
  • Devoir de vigilance 2017 : obligation pour les sociétés de plus de 5 000 salariés en France ou 10 000 dans le monde d’identifier et prévenir les risques d’atteintes aux droits humains et à l’environnement dans leurs chaînes d’approvisionnement.

À ces textes s’ajoutent des leviers d’accompagnement. Les labels tels que Label Lucie et Engagé RSE encouragent la structuration, tandis que des programmes publics apportent des moyens, notamment au titre de France 2030. L’INSEE observe une montée des investissements dédiés à la RSE, documentée dans ses publications sectorielles.

CSRD : nouvelles obligations, nouvelle échelle

La CSRD a été transposée en droit français en 2024 et élargit le champ du reporting de durabilité. Désormais, environ 50 000 entreprises en Europe, y compris des PME, doivent rendre compte de leurs impacts environnementaux et sociétaux avec un niveau de détail accru. L’objectif affiché est d’harmoniser les pratiques de publication au sein de l’UE et de fiabiliser l’information extra-financière.

Repères réglementaires français de la RSE

  1. 2001 : loi NRE, premières obligations de transparence extra-financière.
  2. 2016 : loi Sapin II, programmes anticorruption obligatoires pour les entreprises de taille significative.
  3. 2017 : devoir de vigilance, prévention des risques droits humains et environnement dans la chaîne d’approvisionnement.
  4. 2024 : transposition de la CSRD, extension du reporting de durabilité aux grandes entreprises et à certaines PME.

Quatre thèmes passés au crible : points forts et marges de progression

Le référentiel EcoVadis examine quatre piliers. La photographie française révèle des progressions tangibles, des avancées fortes en social et éthique, et des écarts persistants sur l’environnement et les achats responsables selon la taille d’entreprise.

Social et droits humains : résultats homogènes par taille

La France signe une performance de premier plan sur le volet social et droits humains, avec un score moyen de 63,4. Les grandes entreprises atteignent 64,6, les ETI 63,3, les PME 63,5. Cet alignement s’explique par un droit du travail structurant, des mécanismes de dialogue social éprouvés et un maillage d’obligations autour de l’égalité et de la santé-sécurité.

Environnement : dynamique portée par les grands groupes

Le pilier environnement met en évidence une traction plus forte des grandes entreprises, qui affichent 67,6 points et investissent dans la réduction des émissions et l’économie circulaire. Les PME (59,9) et les ETI (62,9) progressent, mais avec des marges de rattrapage. Des indicateurs clés publiés par le Ministère de la Transition écologique confirment l’avancée de l’économie circulaire, avec une hausse des taux de recyclage de 65 % à 70 % entre 2020 et 2023.

Éthique et conformité : l’effet Sapin II

La loi Sapin II instaure une matrice anticorruption devenue la norme dans les grands groupes, puis progressivement adoptée par les ETI. Politiques de prévention, cartographie des risques, dispositifs d’alerte et formation contribuent à une baisse des incidents signalés selon les rapports de l’AMF. Les pratiques s’enracinent dans la gouvernance, avec bénéfices sur l’intégrité des transactions et la confiance des parties prenantes.

Achats responsables : politiques en hausse et classement mondial

La professionnalisation des achats se renforce. En 2024, 59 % des entreprises évaluées déclarent une politique d’achats responsables, contre 48 % en 2020.

La France se classe troisième mondiale sur ce pilier avec 50,8 points, en hausse de 2,7 points en deux ans. Les entreprises multiplient cartographies de risques, audits fournisseurs et actions de formation pour diffuser les standards RSE le long de la supply chain.

  • Gouvernance achats : politiques, objectifs, indicateurs, reporting.
  • Gestion des risques fournisseurs : cartographie, clauses contractuelles, revues de performance.
  • Due diligence : audits ciblés, plans d’actions correctifs, suivi documentaire.
  • Montée en compétence : formations internes, sensibilisation des acheteurs et prescripteurs, partage de bonnes pratiques avec les fournisseurs.

Ces composantes renforcent la conformité sur le travail décent, l’environnement et l’éthique dans la chaîne de valeur.

Grandes entreprises, ETI, PME : écarts mesurés et leviers d’accélération

Les écarts de score restent corrélés aux moyens et à la maturité des systèmes de gestion. Les grandes entreprises dominent, les ETI se situent au milieu du gué et les PME consolident des bases plus récentes, portées par les incitations publiques et l’élargissement des obligations de reporting.

Grandes entreprises : capillaires RSE et massification des investissements

Avec un score moyen de 65,2, les grandes entreprises bénéficient d’équipes dédiées, d’outils de pilotage avancés et d’un maillage de contrôles. Selon EcoVadis, 45 % d’entre elles atteignent le niveau avancé. Les investissements dans les technologies vertes, la formalisation des droits humains dans les contrats et la conformité irriguent l’ensemble de l’organisation et de la supply chain.

PME : progression régulière et effets d’entraînement

Les PME, qui représentent 99 % du tissu entrepreneurial français, affichent un score moyen de 59,8. Elles progressent sous l’effet combiné des exigences des donneurs d’ordres et des dispositifs de soutien, notamment via le Fonds vert et des aides ciblées à la transition. Le Ministère de l’Économie publie des chiffres clés qui font état de 2,5 millions de PME ayant intégré des pratiques RSE en 2024.

ETI : équilibre entre agilité et structuration

Positionnées entre la souplesse des PME et la puissance d’exécution des grands groupes, les ETI obtiennent 62,1 points. Elles tirent leur avantage des achats responsables et de la conformité, tout en faisant face à des défis d’industrialisation des données extra-financières, appelées à monter en gamme avec la CSRD.

Lecture des scores par taille d’entreprise

  • Ressources : la disponibilité d’équipes et d’outils explique une partie des écarts.
  • Exposition réglementaire : plus la taille est grande, plus l’intensité d’obligations est élevée.
  • Effet de diffusion : les PME alignent leurs pratiques via les exigences des clients et la montée des labels.

Au-delà du score, la trajectoire et la cohérence priment. Les éléments à suivre :

  • Évolution annuelle des notes par thème et stabilité des processus.
  • Preuves disponibles sur les actions et résultats, au-delà des politiques formelles.
  • Diffusion des exigences aux fournisseurs stratégiques et taux de couverture.
  • Qualité des données extra-financières, gouvernance et contrôle interne.

Chaînes de valeur et compétitivité : angles morts et relais de croissance

La France dispose d’une base solide, mais deux tiers des entreprises restent en dessous du niveau avancé. Les freins tiennent notamment à l’incitation des fournisseurs, encore inégale, et à la massification des approches d’achats responsables pour toucher un périmètre élargi.

Donneurs d’ordres : prioriser les PME françaises

Le Médiateur des entreprises souligne un impératif de souveraineté et de diffusion des bonnes pratiques : « Acheter français, c’est acheter un niveau de RSE de classe mondiale ». Un appel relayé médiatiquement fin septembre, alors que les grandes organisations structurent leurs panels de fournisseurs autour d’exigences RSE graduées.

L’étude met en lumière la résilience des entreprises les plus avancées en RSE. Durant la crise du Covid-19, elles ont mieux résisté, avec une baisse de chiffre d’affaires moindre de 10 % en moyenne, selon des données publiées en 2021. Cet avantage s’explique par une meilleure gestion des risques, une relation de confiance plus forte avec les parties prenantes et une capacité d’adaptation opérationnelle accrue.

Résultats mesurables dans l’environnement et la circularité

Le suivi sectoriel piloté par l’État indique une progression des pratiques d’économie circulaire, incluant les taux de recyclage en hausse entre 2020 et 2023. Parallèlement, les émissions de CO2 des entreprises françaises ont reculé de 15 % sur la même période, d’après le Ministère de la Transition écologique. Ces ordres de grandeur confirment l’orientation des investissements et la montée de la performance environnementale.

Où concentrer l’effort en 2026

  • Fournisseurs stratégiques : contractualiser des exigences mesurables, étendre les plans de progrès et aligner les incitations.
  • Données extra-financières : fiabiliser la collecte et le contrôle interne, en anticipant les attendus CSRD.
  • Formation : renforcer les compétences achats, juridique et finance en matière de durabilité, pour tirer tout le potentiel des clauses RSE.
  • Financement : combiner aides publiques et outils de finance durable pour accélérer les projets à ROI long.

Trois leviers concrets sont fréquemment mobilisés :

  • Cahiers des charges intégrant critères RSE et seuils minimaux par catégorie.
  • Programmes de progrès co-construits avec paliers trimestriels et accompagnement technique.
  • Reconnaissance via bonus de référencement ou contrats pluriannuels pour les fournisseurs performants.

Ces leviers structurent une demande domestique plus vertueuse et sécurisent la conformité sur la chaîne.

Image pays et marché du travail : transformer l’avance RSE en avantage compétitif

La performance française reste encore trop peu valorisée à l’international, alors même qu’elle constitue un actif de différenciation auprès des investisseurs et des talents. La CSRD va élargir la base des reporters, y compris parmi les PME, ce qui pourrait hisser davantage les scores moyens en solidifiant les fondamentaux de reporting. Les initiatives de l’AMF et les travaux du Haut Conseil pour le Climat offrent des repères complémentaires pour asseoir la crédibilité des trajectoires.

Pour les directions financières et juridiques, l’enjeu est désormais de convertir cette avance en signal de compétitivité, en sécurisant la donnée, en documentant la gouvernance et en ancrant la RSE dans la stratégie de marché. L’impulsion est là. Il reste à l’exploiter pleinement.

La France a posé le cadre, les entreprises l’ont saisi. À présent, place au passage à l’échelle.