40 % des TPE-PME d’Auvergne-Rhône-Alpes déclarent un recul de chiffre d’affaires au premier semestre 2025. Ce chiffre, couplé à trois trimestres de résultats négatifs de suite, redessine l’équation régionale pour les petites entreprises, où l’accès à la demande et la trésorerie redeviennent critiques. Entre signaux faibles d’amélioration et alertes répétées des réseaux économiques, le cap de fin 2025 s’annonce stratégique.

Activité en repli et seuil d’alerte franchi pour les petites entreprises

Le diagnostic partagé par l’Ordre des experts-comptables Auvergne-Rhône-Alpes souligne un reflux généralisé de l’activité parmi les TPE-PME. Les entreprises disposant d’un socle financier solide résistent encore, mais les secteurs déjà sous tension amplifient la baisse. La région compte environ 380 000 TPE-PME, et la photographie livrée rejoint les alertes de la CPME locale qui évoque une fragilisation croissante.

Selon une enquête récente de la CCI régionale, 40 % des TPE-PME ont enregistré un recul du chiffre d’affaires au premier semestre 2025. La bascule est notable chez les PME de plus de 50 salariés, plus exposées qu’auparavant, confirmant un changement de régime conjoncturel.

Pme de plus de 50 salariés sous pression

Le glissement vers des entreprises de taille intermédiaire au sein du segment PME, traditionnellement plus résilientes, atteste d’une diffusion du ralentissement. La sensibilité à l’investissement différé des clients, à la hausse des coûts et aux délais d’approvisionnement pèse désormais sur des structures dotées de charges fixes plus élevées, donc moins flexibles dans un contexte de volumes en baisse.

Signal conjoncturel ou rupture durable

La corrélation entre la baisse de l’activité, la montée des procédures amiables et le recul de la demande sur certains métiers indique plus qu’un simple trou d’air. Les données concordantes invitent à traiter la situation comme un stress macro régional, à la fois sectoriel et financier, où l’arbitrage entre marges et volumes devient central pour la survie des plus fragiles.

Repères chiffrés essentiels 2025 en Auvergne-Rhône-Alpes

  • 40 % des TPE-PME déclarent un recul de chiffre d’affaires au 1er semestre 2025.
  • 3 trimestres négatifs consécutifs pour les TPE-PME, assimilables à une récession technique.
  • +30 % d’ouvertures de procédures amiables depuis le début de 2025.
  • +21 % de procédures collectives, avec 96 % de liquidations judiciaires à la clé.
  • Rhône -2,8 %, Savoie -0,8 %, Haute-Savoie -0,3 % d’activité.

Carte des reculs: rhône, savoie et haute-savoie sous surveillance

La baisse touche l’ensemble des 12 départements de la région. Les écarts se lisent dans les chiffres d’activité, avec un Rhône inhabituellement contracté et des départements alpins en retrait plus modéré.

Rhône: un recul inédit de 2,8 %

Longtemps perçu comme pôle de stabilité, le Rhône recule de 2,8 %. Pour les dirigeants de TPE-PME du bassin lyonnais, l’accessibilité restreinte des centres-villes et l’érosion du pouvoir d’achat pèsent notamment sur la restauration et les services de proximité. Ce point bas n’est pas anodin: le Rhône irrigue un tissu de sous-traitance et de sièges sociaux au rayonnement régional.

Savoie et haute-savoie: replis légers mais réels

La Savoie et la Haute-Savoie affichent respectivement -0,8 % et -0,3 %. Ces reculs modérés ne doivent pas masquer la fragilité de segments industriels exposés aux transitions technologiques, à l’image du décolletage qui anticipe l’arrêt des moteurs thermiques d’ici 2035. Les poches de dynamisme liées au tourisme de montagne n’effacent pas les tensions sur l’amont de la chaîne industrielle.

Quand tous les départements décrochent, l’explication n’est plus micro-locale. Les déterminants deviennent systémiques: demande intérieure fléchissante, coûts d’exploitation élevés, durcissement des conditions de financement, et sensibilité des carnets à la transition réglementaire. La profondeur de la correction dépend ensuite du mix sectoriel propre à chaque territoire et de sa capacité d’absorption.

Trois trimestres dans le rouge: le diagnostic de récession technique

Pour l’Ordre des experts-comptables Auvergne-Rhône-Alpes, les TPE-PME essuient un troisième trimestre négatif consécutif. Au sens des indicateurs macro classiques, ce cumul correspond à une récession technique. Le constat rejoint la photographie dressée par l’INSEE qui décrit un léger recul de l’activité et de l’emploi au T4 2024, prolongeant le ralentissement engagé depuis 2023 (INSEE, mars 2025).

Contentieux des entreprises: le baromètre anxiogène du tribunal de commerce

Les données communiquées pour le Tribunal de commerce de Lyon appuient le diagnostic: +30 % d’ouvertures de procédures amiables depuis début 2025, +21 % de procédures collectives, et 96 % de ces dernières débouchant sur une liquidation judiciaire. Ce ratio extrême signale une trésorerie dégradée et une capacité de rebond limitée pour les entreprises en difficulté.

Pourquoi la règle des trois trimestres compte

La gravité d’une récession technique ne réside pas seulement dans la contraction elle-même, mais dans la profondeur de la diffusion sectorielle et l’absence de relais sur l’investissement. Quand les procédures préventives augmentent de concert avec la baisse d’activité, les arbitrages bancaires se resserrent, rendant les plans de redressement plus rares.

Procédure amiable: mécanisme confidentiel et préventif (ex. mandat ad hoc, conciliation) visant un accord avec les créanciers pour éviter l’insolvabilité. Elle s’ouvre généralement avant la cessation des paiements.

Procédure collective: traitement judiciaire des difficultés (sauvegarde, redressement, liquidation). La liquidation intervient quand le redressement est impossible, conduisant à la cessation d’activité et à la réalisation des actifs.

Métriques Valeur Évolution
Entreprises déclarant un recul de CA au S1 2025 40 % NA
Activité dans le Rhône -2,8 % Repli
Activité en Savoie -0,8 % Repli
Activité en Haute-Savoie -0,3 % Repli
BTP régional T2 2025 vs 2024 -4,0 % Repli
Procédures amiables ouvertes depuis début 2025 NA +30 %
Procédures collectives NA +21 %
Part de liquidations judiciaires 96 % Niveau élevé

Chocs sectoriels: btp en tête, chr et décolletage fragilisés

Le BTP demeure le moteur cyclique de l’économie régionale. Lorsque le secteur cale, l’onde de choc se propage: sous-traitants, prestataires, équipementiers, puis consommation des ménages via l’emploi. En 2025, la baisse se confirme et s’élargit à d’autres activités liées à la consommation et à la transition industrielle.

Btp: l’échelle du recul s’allonge de trimestre en trimestre

Au deuxième trimestre 2025, le chiffre d’affaires du BTP régresse de 4 % par rapport à 2024. Plusieurs métiers dévissent: installations électriques -5,5 %, équipements thermiques et climatisation -5,6 %, gros œuvre -4,3 %. La dégradation s’imbrique avec un cycle entamé fin 2023, soit 24 mois de tension selon les professionnels.

Le report du neuf vers la rénovation attise la concurrence: acteurs historiquement positionnés sur la construction basculent sur des chantiers de rénovation, comprimant les marges des entreprises déjà spécialisées sur ce créneau.

Restauration et débits de boissons: la double peine

Les restaurants affichent -3,2 % et les bars -4,8 %. Malgré des fréquentations renforcées sur les zones de montagne et le Cantal, la dynamique régionale ne compense pas la faible accessibilité du centre de Lyon et la contrainte sur le pouvoir d’achat. Les segments dépendants de flux urbains denses restent en retrait.

Décolletage: une transition industrielle accélérée

Le décolletage, pilier en Haute-Savoie, subit la mutation liée à l’arrêt des moteurs thermiques à l’horizon 2035. Les dirigeants régionaux défendent une transition moins rapide et mettent en avant des reliefs d’activité possibles: aéronautique et défense, secteurs dans lesquels des investissements régionaux soutiennent l’innovation. Ces relais ne compensent pas encore l’ensemble des volumes perdus, mais posent une trajectoire d’ajustement.

Le BTP concentre des effets multiplicateurs: commande publique et privée, emplois non délocalisables, achats récurrents de matériaux et de services. Un ralentissement durable réduit la demande en amont et la diffusion de revenus en aval. En période de durcissement réglementaire et de coûts énergétiques élevés, l’investissement neuf devient la variable d’ajustement.

Politiques publiques: indicateurs d’attractivité contre l’épreuve des faits

Les autorités régionales défendent une lecture plus nuancée. Le président de Région Fabrice Pannekoucke met en avant un PIB régional à 300 milliards d’euros, présenté en hausse de 7 % sur un an, ainsi que 32 des 80 réinstallations industrielles en France en 2024 captées par Auvergne-Rhône-Alpes. Ces repères d’attractivité existent, sans annuler les tensions sectorielles.

Ce contraste se retrouve dans les notes de conjoncture. L’INSEE observe un ralentissement prolongé depuis 2023 et un recul au T4 2024, tandis que les CCI régionales évoquent une situation tendue mais hétérogène, avec quelques signaux d’amélioration à l’été 2025 (analyse CCI Auvergne-Rhône-Alpes, août 2025).

Cadre réglementaire: sraddet, zan et zfe au cœur des débats

La Région promeut le SRADDET et critique des règles nationales jugées contraignantes, en particulier la Zéro artificialisation nette et les Zones à faibles émissions. Les réseaux d’entreprises soulignent l’enjeu d’un cadre prévisible pour programmer l’investissement, surtout dans le BTP, où la visibilité sur les chantiers conditionne l’emploi et la trésorerie.

Traduire le débat réglementaire pour un dirigeant de TPE-PME

  • SRADDET: visibilité à moyen terme sur le foncier, l’urbanisme, la mobilité. Impact direct sur les carnets du BTP.
  • ZAN: contrainte sur le neuf et incitation à la densification et à la réhabilitation.
  • ZFE: adaptation des flottes et des livraisons, effet coût court terme pour les commerces et la logistique urbaine.

Mesures envisagées: financer l’immobilier et alléger les frictions

Dans ce cycle de tension, l’Ordre des experts-comptables régional appelle à orienter l’épargne française vers l’immobilier via des incitations fiscales. L’objectif est clair: sécuriser des flux d’investissement capables de réamorcer le BTP et ses chaînes aval. Le message s’accompagne d’un avertissement sur les effets de second tour d’un BTP durablement sinistré.

Les réseaux économiques relaient également la demande de simplifications pour accélérer les décisions d’investissement: clarifications réglementaires, délais d’instruction, et articulation des politiques locales avec les objectifs nationaux de transition. Le tout sans créer de primauté du court terme sur les impératifs climatiques.

Investissement et soutien ciblé: l’équation budgétaire

Au niveau national, les chiffres clés sur les PME témoignent d’une fragilité persistante en 2025. Les appels à des politiques de soutien ciblées restent d’actualité, notamment pour limiter la casse sur l’emploi dans les secteurs les plus cycliques. L’arbitrage public portera sur l’efficacité des incitations face aux contraintes budgétaires et à la hiérarchie des priorités.

ZAN limite l’artificialisation des sols. Effet mécanique: pénurie relative de foncier constructible qui favorise la rénovation et la densification. Dans le BTP, cela réoriente les compétences et les équipements vers la réhabilitation, avec une période de transition concurrentielle.

ZFE restreint la circulation des véhicules les plus polluants dans les grandes agglomérations. Les entreprises ajustent leurs flottes et schémas logistiques, avec un impact de coûts d’adaptation à court terme et des gains attendus sur la qualité de l’air à long terme.

Points d’attention pour le second semestre 2025

  1. Charge de travail BTP: surveiller les commandes publiques et les délais de lancement des chantiers.
  2. Procédures préventives: progression ou stabilisation des mandats ad hoc et conciliations.
  3. Consommation urbaine: impact des flux métropolitains sur CHR et commerce de proximité.
  4. Transferts sectoriels: capacités d’absorption vers l’aéronautique et la défense pour l’industrie.

Fin d’année 2025: la ligne de crête des tpe-pme régionales

La région Auvergne-Rhône-Alpes conjugue des atouts d’attractivité et un cycle de fragilisation bien réel chez les TPE-PME. Si la demande reste hésitante et que les procédures collectives ne fléchissent pas, l’hypothèse d’une récession technique prolongée restera d’actualité. À l’inverse, un rebond des chantiers et une détente des coûts d’exploitation offriraient une respiration bienvenue.

Les prochains arbitrages publics et la capacité des réseaux économiques à orienter l’épargne vers l’investissement productif seront déterminants. L’échelle régionale, où se matérialisent les transitions et les contraintes, demeure l’épicentre de l’exécution et des résultats concrets.

La visibilité compte autant que les chiffres: c’est elle qui déclenche les décisions d’investir.