Orange, acteur phare des télécommunications, vient de révéler des résultats 2024 très encourageants, marqués par une dynamique solide de son chiffre d’affaires, une hausse notable de ses flux de trésorerie et une réduction de son endettement. Découvrez ci-dessous une analyse détaillée, accessible aux lecteurs non spécialistes, avec un tour d’horizon des principaux chiffres, des ratios financiers essentiels et des pistes d’amélioration pour maintenir ce cap en 2025 et au-delà.

Panorama général de la performance financière

Les comptes publiés par Orange pour l’année 2024 font apparaître un chiffre d’affaires annuel de 40,26 milliards d’euros. Cela correspond à une croissance de +1,2 % à base comparable, soit +487 millions d’euros, principalement imputable à la montée en puissance de ses services de détail (+2,7 %) et à l’évolution positive de la zone Afrique-Moyen-Orient.

Cette expansion du chiffre d’affaires se conjugue à une hausse de l’EBITDAaL (Résultat d’exploitation avant dotations aux amortissements et après prises en compte des contrats de location) qui atteint 12,109 milliards d’euros, traduisant un progrès de +2,7 % en un an. Cette dynamique, portée par une discipline de coûts rigoureuse, se reflète également dans le résultat d’exploitation, qui s’élève à 5,116 milliards d’euros, en croissance de près de 14,8 % par rapport à 2023.

Du côté de la rentabilité nette, le résultat du groupe (part du groupe) atteint 2,350 milliards d’euros, en léger repli (-3,7 %) d’une année sur l’autre, tandis que le cash-flow organique (hors Espagne) s’établit à 3,372 milliards d’euros, soit une progression de +5,9 %. Les chiffres démontrent ainsi la capacité d’Orange à générer de la valeur, même dans un environnement concurrentiel.

Les progrès sont visibles aussi bien en France, qui renoue avec une hausse de l’EBITDAaL, qu’en Afrique et au Moyen-Orient, où l’expansion des usages data et la percée d’Orange Money sont décisives. Enfin, la création de la coentreprise MASORANGE en Espagne contribue de façon significative à la réorganisation du Groupe et à la baisse du niveau d’endettement (ratio dette nette/EBITDAaL à 1,84x).

Dissection des ratios financiers clés

Pour mieux décrypter la santé financière d’Orange, plusieurs indicateurs méritent une attention particulière : marge d’exploitation, rentabilité nette, et endettement. Voici un tour d’horizon de ces ratios, calculés à partir des informations fournies.

1. Marge brute d’exploitation Il est fréquent, dans le secteur télécom, d’observer l’EBITDAaL comme référence pour la marge. On peut toutefois se faire une idée de la rentabilité opérationnelle en rapprochant l’EBITDAaL du chiffre d’affaires. Formule simplifiée : EBITDAaL ÷ Chiffre d’affaires
Sur l’année 2024 : 12,109 Mds€ ÷ 40,26 Mds€ ≈ 30 %.
Cette proportion illustre une rentabilité satisfaisante, confirmant la capacité d’Orange à dégager un niveau de marge robuste, grâce à une gestion maîtrisée des charges et à un positionnement commercial cohérent.

2. Marge d’exploitation La marge d’exploitation met en perspective le résultat d’exploitation (5,116 Mds€) rapporté aux ventes (40,26 Mds€). Formule : Résultat d’exploitation ÷ Chiffre d’affaires
5,116 Mds€ ÷ 40,26 Mds€ ≈ 12,7 %.
Cette évolution positive témoigne du contrôle des coûts de personnel et de la moindre incidence des plans de restructuration.

3. Rentabilité nette Le résultat net de l’ensemble consolidé, à 2,902 Mds€, en légère croissance de +0,3 %, permet d’évaluer la rentabilité finale vis-à-vis du chiffre d’affaires. Formule : Résultat net ÷ Chiffre d’affaires
2,902 Mds€ ÷ 40,26 Mds€ ≈ 7,2 %.
Ce ratio, bien que correct, se situe dans la fourchette habituelle des opérateurs télécoms compte tenu des investissements massifs exigés par le secteur (réseaux, licences 5G, etc.).

4. Ratio d’endettement net / EBITDAaL L’endettement financier net atteint 22,482 Mds€ au 31 décembre 2024, en net recul (-4,52 Mds€). Pour jauger la soutenabilité de cette dette, on la compare à l’EBITDAaL, indicateur de performance couramment employé par les opérateurs. Formule : Dette nette ÷ EBITDAaL
22,482 Mds€ ÷ 12,227 Mds€ (EBITDAaL des activités télécoms) ≈ 1,84x.
Le groupe se situe désormais en deçà de 2x, objectif annoncé comme cible à moyen terme.

L’EBITDAaL, introduit dans le sillage des normes IFRS 16, prend en compte les charges de location et les dettes locatives. Il offre une vision plus adaptée à la structure d’Orange, notamment pour mesurer la rentabilité opérationnelle réelle des activités télécoms.

Parallèlement, le ROCE (Return On Capital Employed) grimpe à 6,9 %, ce qui traduit une meilleure efficacité dans l’emploi des capitaux, notamment via les opérations de réduction de coûts et la redéfinition du périmètre (cas de l’Espagne).

Éléments saillants et diagnostics régionaux

Au-delà du bilan global, il est instructif de parcourir les différentes zones d’activité et d’analyser leurs apports respectifs.

Afrique & Moyen-Orient
La région demeure la locomotive d’Orange avec une hausse du chiffre d’affaires de 11,1 %. La data mobile, le haut débit fixe, le B2B et Orange Money y affichent tous des progressions à deux chiffres. L’EBITDAaL y grimpe même de +13,1 %, traduisant un mélange bénéfique d’effets volume (croissance de la base clients) et d’optimisation de coûts.

France
Dans l’Hexagone, Orange renoue avec la progression de l’EBITDAaL (+0,5 %), soutenue par une stratégie commerciale renforcée, la performance de la fibre et la résilience des offres convergentes. Le chiffre d’affaires croît de +0,4 %, principalement porté par l’augmentation des services de détail hors RTC.

Europe (hors Espagne)
Bien que certains pays subissent la baisse des revenus “opérateurs” et un effet de marché féroce, l’EBITDAaL progresse de +3,9 %, soutenu par une bonne dynamique en Pologne et en Belgique. Dans l’ensemble, l’objectif 2025 prévoit une poursuite de cette progression, même si la concurrence maintient la pression.

Orange Business
Le segment entreprise (-2,1 % de chiffre d’affaires) fait face à l’érosion inévitable des services fixes traditionnels. Cependant, le cloud, l’IA et la cybersécurité (via Orange Cyberdefense) offrent de solides relais de croissance. Orange s’est ainsi lancé dans des offres clé en main “Live Intelligence”, visant à démocratiser l’accès à l’IA générative pour les grands comptes comme pour les PME.

MASORANGE en Espagne
Dans ce marché désormais géré en coentreprise, la synergie attendue permet d’améliorer la rentabilité. La quote-part de MASORANGE dans les comptes d’Orange engendre une perte de 255 M€ en 2024, liée aux ajustements et coûts d’intégration. En revanche, les revenus sur le marché espagnol progressent de 1,5 %. L’entité vise plus de 500 M€ de synergies cumulées sur quatre ans.

Un point rapide sur l'Espagne

MASORANGE a repris les activités Orange en Espagne et ambitionne une légère croissance des revenus, combinée à une hausse à deux chiffres de son EBITDA ajusté. L’accord confère à Orange des liquidités supplémentaires (4,461 Mds€) ayant permis de réduire rapidement la dette du Groupe.

Forces, fragilités et enjeux à surveiller

Il est primordial d’évaluer comment Orange capitalise sur ses atouts pour surmonter les défis.

Les atouts
Croissance organique dans les zones émergentes : plus de 160 millions de clients mobiles en Afrique-Moyen-Orient, et un relais de croissance notable via Orange Money.
Retour à la croissance en France : la fibre a désormais atteint 90 % de foyers raccordables, confortant le leadership d’Orange sur la qualité de réseau.
Maîtrise des coûts et réduction de la dette : l’endettement passe sous 2x l’EBITDAaL, offrant au Groupe une marge de manœuvre pour investir et innover.
Synergies dans le B2B et la cybersécurité : Orange Cyberdefense connaît une forte croissance (+11,2 %), tirée par la demande grandissante des entreprises et PME.

Les axes de vulnérabilité
Érosion du fixe traditionnel chez Orange Business, où la transition vers le cloud et l’IA doit être accélérée.
Concurrence sur les marchés matures : difficile de maintenir des hausses tarifaires dans un contexte où les opérateurs se livrent une guerre des prix.
Environnement réglementaire et coût du spectre : la 5G et les futurs déploiements (notamment la 5,5G ou la 6G) imposent des achats de fréquences parfois onéreux.
Baisse des activités financières (Orange Bank) et restructuration dans ce domaine, certes secondaire, mais susceptible d’occasionner des coûts de sortie.

Issu de France Télécom, le groupe Orange est un opérateur mondial de référence, proposant des services de télécommunication, de banque (via Orange Bank) et des solutions B2B (cloud, cybersécurité, IA). Présent dans 26 pays, il dispose de plus de 290 millions de clients au total, dont 253 millions sur le mobile.

Recommandations pour consolider la croissance

Pour conforter ses marges et répondre aux attentes des investisseurs, plusieurs axes d’amélioration sont possibles.

1. Optimiser la montée en gamme sur la fibre et la 5G
En France et en Europe, l’enjeu est d’étoffer la valeur des offres, en intégrant par exemple de nouveaux services digitaux (cloud gaming, applications de cybersécurité pour particuliers) pour se différencier d’une concurrence acharnée.

2. Continuer l’expansion en Afrique & Moyen-Orient
Orange dispose d’un véritable relais de croissance grâce à la hausse de la data, les usages financiers (Orange Money) et le déploiement du FTTH. Il s’agit de maintenir des investissements ciblés, tout en renforçant la qualité de service.

3. Renforcer la nouvelle donne chez Orange Business
Le marché IT est certes tendu, mais Orange peut valoriser la cybersécurité, l’IA et le conseil technologique. L’entreprise doit déployer une feuille de route proactive, soutenue par un accompagnement RH (formations, recrutements clés), afin de stabiliser la part du fixe tout en doper les services “digital & cloud”.

4. Poursuivre la sobriété en coûts et l'innovation dans l’IA
Le groupe a déjà atteint les deux tiers de son programme Efficiency, soit près de 400 M€, et ambitionne l’utilisation de l’IA dans un spectre élargi (détection de pannes réseau, automatisation du service client, etc.). Cette approche “intelligence artificielle au service de l’opérateur” devrait générer de nouvelles économies d’échelle.

Bon à savoir sur l'accord de gestion de l'emploi

En France, un nouvel accord (GEPP) a été signé le 10 février 2025. Il fixe le cadre social pour les trois prochaines années, intégrant la formation au numérique et l’accompagnement des salariés. Cet accord favorise l’anticipation des mutations dans les secteurs de l’IA et du cloud, soutenant l’ambition d’Orange en matière de compétences.

Comparaison chiffrée et synthèse des principaux états financiers

Un examen des données 2024 laisse transparaître plusieurs évolutions significatives. Pour mettre en lumière certains éléments, voici un tableau récapitulatif de quelques indicateurs :

Indicateur Valeur 2024 Variation vs. 2023
Chiffre d'affaires 40 260 M€ +1,2 %
EBITDAaL 12 109 M€ +2,7 %
Résultat d'exploitation 5 116 M€ +14,8 %
Résultat net (ensemble consolidé) 2 902 M€ +0,3 %
EBITDAaL - eCAPEX (hors Espagne) 5 850 M€ +2,6 %
Cash-flow organique (hors Espagne) 3 372 M€ +5,9 %
Ratio d'endettement net / EBITDAaL 1,84 -21 % (environ)

 

Il se dégage un ensemble globalement positif : l’EBITDAaL croit plus vite que le chiffre d’affaires, les efforts d’efficacité se poursuivent, et les flux de trésorerie augmentent. Ces bonnes performances permettent d’envisager favorablement l’atteinte (voire le dépassement) des objectifs 2025.

Les eCAPEX (ou investissements économiques) correspondent aux investissements incorporels et corporels, hors licences télécom et hors actifs financés, diminués des cessions d’actifs. Cette mesure reflète la capacité réelle d’Orange à investir dans la modernisation de ses réseaux et infrastructures, sans inclure le coût spécifique des enchères de spectre.

Perspectives d’avenir et promesses pour 2025

Les objectifs actualisés tablent sur un EBITDAaL en progression d’environ 3 % en 2025, une stricte maîtrise des eCAPEX et un Cash-flow organique (activités télécoms) porté à au moins 3,6 milliards d’euros. Autrement dit, le groupe ambitionne de générer plus de trésorerie pour maintenir un dividende annuel de 0,75 €/action et poursuivre les développements dans des secteurs stratégiques comme la fibre, la 5G/5,5G, la cybersécurité, le cloud et l’IA.

Sur le plan RSE, Orange dépasse déjà ses objectifs de réduction de CO₂ sur scopes 1 et 2 (-38,6 % vs. 2015) et maintient sa trajectoire pour -14 % sur le scope 3 d’ici 2025. En outre, l’entreprise insiste sur l’inclusion numérique, avec un objectif de 2,5 millions de bénéficiaires d’ici fin 2025, et une part croissante de femmes dans les postes managériaux (35,6 %, un an plus tôt que prévu).

Des ambitions confirmées et un horizon favorable

L’ensemble des chiffres et des initiatives annoncées dessinent un avenir encourageant pour Orange : expansion géographique, innovation en IA, développement des offres convergentes, soutien de la performance B2B, etc. La montée en puissance d’Orange Cyberdefense prouve la capacité du groupe à saisir les opportunités dans des domaines stratégiques et porteurs de valeur. Néanmoins, il reste essentiel d’assurer une diversification suffisamment forte, notamment pour compenser l’érosion des activités téléphoniques traditionnelles. La concurrence européenne impose par ailleurs d’être vigilant sur les coûts et la qualité de service, tandis qu’il faudra continuer d’intégrer de manière fluide les nouvelles technologies.

Avec une dette ramenée à un niveau confortable et des relais de croissance identifiés dans les zones émergentes et les services de cybersécurité, Orange semble bien armé pour consolider sa position de leader dans les télécoms et aborder les transformations numériques des prochaines années.