Un seuil symbolique a sauté et il n’est pas anodin. En franchissant un record absolu, l’or redevient la boussole des marchés chahutés par la politique économique américaine.

Entre tiraillements autour de la Réserve fédérale, incertitudes juridiques sur les droits de douane et tensions inflationnistes persistantes, les investisseurs privilégient l’actif tangible par excellence. Pour les entreprises françaises, l’impact se mesure déjà en coûts de financement, en change et en logistique.

Un record historique de l’or qui redessine les portefeuilles

L’once d’or a atteint 3 501,59 dollars le 2 septembre 2025, un niveau encore jamais observé qui dépasse le pic d’avril 2025. Ce mouvement ne relève ni du hasard ni d’une simple spéculation. Il reflète un désir de protection face aux chocs américains, notamment les signaux envoyés par la Réserve fédérale sur l’assouplissement monétaire à venir et la montée des risques politiques à Washington (selon la presse économique française, 2 septembre 2025).

Le couple dollar-taux longs, pilier du pricing des actifs, a vacillé. L’anticipation d’une baisse de 25 points de base lors de la réunion des 16 et 17 septembre 2025 fait reflu­er les rendements réels, propulsant mécaniquement l’or.

La perspective de décisions contestées sur les droits de douane ajoute une strate d’incertitude juridique. Ce cocktail pousse les fonds multi-actifs et une partie des trésoreries d’entreprises à renforcer leurs allocations en métaux précieux.

Au-delà de la tactique, la tendance est globale. Les achats d’or par les banques centrales restent soutenus, motivés par la diversification des réserves et la quête d’indépendance monétaire. Dans ce contexte, la dynamique de prix dépasse les effets ponctuels liés à des déclarations politiques ou à des statistiques du jour.

Repères de marché sur l’or

3 501,59 dollars l’once le 2 septembre 2025, record historique.

Prix moyen en 2024 proche de 2 050 dollars, soit plus de 70 % de progression en un an à ce stade.

Réserves françaises: environ 2 436 tonnes détenues par la Banque de France, valorisées à près de 250 milliards d’euros au cours actuel.

Le facteur psychologique joue aussi à plein. La remise en cause de certains piliers institutionnels américains a un effet de cliquet. Les déclarations répétées visant la Fed et les procédures autour des tarifs douaniers ont rehaussé la prime de risque exigée par les investisseurs. Dans ce paysage, l’or capte un flux structurel, alimenté par les stratégies de couverture des gérants et la quête de collatéraux non corrélés.

Fed, dollar et obligations: le mécanisme qui propulse le métal jaune

La mécanique est connue mais rarement aussi visible. Lorsque les marchés anticipent une baisse du taux directeur, les rendements réels ajustés de l’inflation diminuent. Or, c’est ce taux réel qui entre en concurrence avec la rémunération implicite de l’or, métal sans coupon ni dividende. Sa progression est d’autant plus forte que le dollar se déprécie, rendant l’once plus accessible aux acheteurs hors États-Unis.

Sur le plan institutionnel, la pression politique sur l’indépendance de la Fed reste un sujet. Des prises de parole publiques ont évoqué la possibilité de remanier la gouvernance, avec des menaces ciblant certaines personnalités du Board.

Ce climat nourrit le scénario d’assouplissements prématurés, même si le risque inflationniste n’a pas disparu. Lors d’une intervention le 23 août 2025, Jerome Powell a insisté sur la ligne rouge: « Nous agissons dans l’intérêt de l’économie américaine, pas sous influence extérieure ».

Les marchés obligataires traduisent cette incertitude par des mouvements plus heurtés sur la courbe. Les spreads de crédit s’écartent par à-coups, et la liquidité se fragilise en points de stress.

Pour les trésoriers d’entreprise, cette micro-volatilité accroît le coût d’arbitrage et remet au premier plan la discipline de couverture de change et de taux. Dans cet environnement, l’attrait de l’or, actif non souverain, s’accroît mécaniquement.

Le taux réel correspond au taux nominal diminué des anticipations d’inflation. Quand ce taux baisse, le coût d’opportunité de détenir un actif sans rendement comme l’or diminue. Historiquement, une détente des taux réels corrèle positivement avec le prix de l’or, toutes choses égales par ailleurs.

L’or est coté en dollars. Une baisse du billet vert rend l’once moins chère pour les acheteurs non américains, élargissant la base de demande. Inversement, un dollar fort pèse souvent sur l’or, sauf période de stress systémique où l’or et le dollar peuvent monter simultanément par effet refuge.

Signal additionnel, les achats nets des banques centrales se maintiennent à des niveaux élevés, consolidant le socle de la demande. Plusieurs institutions monétaires privilégient l’or pour réduire leur exposition à des devises sous tension géopolitique ou juridique. Selon les données sectorielles, les volumes d’achats agrégés en 2024 ont dépassé le millier de tonnes, niveau historiquement élevé (World Gold Council).

Tarifs américains en contentieux: un risque juridique qui rebat les cartes

La dimension commerciale s’invite au bilan des risques. Une cour d’appel fédérale a jugé, le 29 août 2025, qu’une part significative des droits de douane décidés ces dernières années n’était pas conforme à la loi.

Cette décision, bien que susceptible d’un ultime recours, ouvre un champ d’incertitude majeur à court terme. Les opérateurs attendent de savoir si la Cour suprême confirmera ou infirmera ce jugement, possiblement d’ici fin 2025.

Pour les marchés, l’équation est double. À court terme, la jurisprudence non stabilisée crée un brouillard qui profite à l’or. À moyen terme, une invalidation partielle des tarifs pourrait réduire les frictions commerciales et soulager certains flux, notamment sur les biens manufacturés et les intrants industriels. Cette trajectoire en deux temps justifie des stratégies de couverture flexibles, régulièrement réévaluées.

Côté européen, la boîte à outils a déjà été activée lors des précédents épisodes de tensions avec Washington. L’Union européenne a répondu par des contre-mesures ciblées, parfois sur des produits emblématiques comme le whisky ou les motos. Pour les PME françaises, le message est connu: maîtriser l’origine préférentielle, documenter les règles d’origine et anticiper les variations de droits via des clauses contractuelles avec les distributeurs américains.

Checklist pratique pour exportateurs français vers les États-Unis

  1. Vérifier le classement tarifaire (code SH) et les éventuels taux spécifiques à l’État américain de destination.
  2. Confirmer l’origine préférentielle et conserver les justificatifs en cas de contrôle a posteriori.
  3. Simuler l’impact d’un scénario à droits inchangés ou supprimés sur vos marges et prix de vente.
  4. Inclure des clauses d’ajustement tarifaire et de partage de coûts dans les contrats avec vos partenaires.
  5. Mobiliser le guichet unique douanier pour fluidifier la préparation documentaire et réduire les erreurs.

Le risque contentieux ne s’arrête pas aux États-Unis. Au niveau multilatéral, l’OMC s’est déjà prononcée contre certains dispositifs américains, renforçant le recours argumentaire européen.

Si la plus haute juridiction américaine confirmait l’illégalité partielle de certains droits, des remboursements potentiels pourraient être envisagés pour des entreprises affectées, selon les analyses d’avocats spécialisés en trade law. Les délais, en revanche, resteraient incertains.

Enfin, les débats américains sur l’efficacité des tarifs rejaillissent sur la réalité budgétaire. Les recettes fédérales cumulées liées aux droits de douane additionnels entre 2018 et 2021 ont été évaluées à environ 89 milliards de dollars par le Trésor américain, loin des proclamations politiques sur des montants « colossaux ». Ce rappel chiffré remet en perspective l’arme tarifaire, son coût pour les importateurs et l’effet inflationniste associé.

Chaînes d’approvisionnement et financement: où se situent les points de douleur

La flambée de l’or n’est pas qu’une affaire de gestion d’actifs. Elle signale une prime de risque globale qui se diffuse dans les coûts logistiques, le financement court terme et les décisions de stock. Les entreprises françaises exposées au marché américain réévaluent leurs positions: stock de sécurité, couverture de change, recours à des clauses de revoyure tarifaire.

Dans l’agroalimentaire, la cosmétique, les biens d’équipement et l’aéronautique, les directions financières multiplient les stress tests de chaîne d’approvisionnement. Objectif: quantifier l’effort de trésorerie en cas de droit additionnel, de retard portuaire ou de requalification d’origine. Le renchérissement de certaines matières premières en dollar, couplé à une volatilité du billet vert, incite à revisiter les modèles de prix et la politique de couverture.

Veracash: modèle et perspectives

VeraCash propose une carte et un compte adossés à de l’or physique, permettant des transactions quotidiennes adossées à un actif réel. Pour des dirigeants cherchant une diversification de trésorerie de précaution, ce type d’outil offre une exposition à l’or sans gestion opérationnelle lourde. L’intérêt stratégique réside dans l’accès à un collatéral tangible et dans la liquidité quasi instantanée des conversions.

Aucoffre: l’adossement or comme filet de sécurité

AuCoffre facilite l’achat, la garde et la revente d’or d’investissement. Dans un environnement où la confiance en certains actifs financiers se tend, la garde externalisée avec traçabilité certifiée attire les dirigeants. L’atout principal tient à la sécurisation logistique et à l’assurance de conservation, éléments clés pour intégrer l’or dans une stratégie de réserve de valeur d’entreprise.

Ledger: sécurité et conservation des actifs tokenisés

Ledger, connu pour ses solutions de conservation de crypto-actifs, accompagne la montée des tokens adossés à l’or via des dispositifs de sécurité matérielle. Pour des acteurs institutionnels, l’enjeu n’est pas tant la spéculation que l’infrastructure de garde, l’auditabilité des réserves et l’intégration comptable. Les solutions de custody renforcent l’attrait de l’or tokenisé en apportant une brique de confiance technologique.

En droit européen, l’or d’investissement inclut les lingots ou plaques d’un poids supérieur à un gramme et d’un titre au moins égal à 995 millièmes, ainsi que certaines pièces frappées après 1800, d’un titre d’au moins 900 millièmes, cotées à un prix ne dépassant pas de plus de 80 % la valeur de l’or qu’elles contiennent. Cet encadrement conditionne notamment l’exonération de TVA à l’achat.

Les directions achats et supply chain se concentrent sur le calage contractuel avec leurs fournisseurs américains: répercussion de coûts, niveaux de stock cibles et modalités d’indexation. Dans l’industrie, les CFO réarbitrent le partage charges fixes-variables pour amortir des chocs de droits ou de fret. Dans les services, le pilotage du BFR s’impose, car le coût du financement court terme reflète la nervosité des courbes de taux.

Fiscalité française de l’or: arbitrages clés pour dirigeants et family offices

En France, l’or bénéficie d’un traitement fiscal spécifique qui doit être arbitré finement selon le profil et l’horizon. Deux régimes coexistent lors de la revente d’or physique. Le premier, la taxe sur les métaux précieux (TMP), s’applique sur le prix de cession au taux d’environ 11,5 % frais inclus. Il est simple mais potentiellement coûteux si la marge est faible.

Le second, le régime des plus-values de biens meubles, impose la plus-value nette au taux global de 36,2 % (impôt sur le revenu et prélèvements sociaux) avec un abattement de 5 % par année de détention à partir de la troisième année, menant à une exonération au bout de 22 ans. Ce régime n’est accessible que si la preuve de l’origine, de la date et du prix d’acquisition est apportée, ce qui suppose une documentation robuste.

S’ajoute un avantage d’amont: les lingots et pièces d’or d’investissement conformes sont exonérés de TVA à l’achat. Pour les sociétés et holdings patrimoniales, cette exonération évite un coût initial immédiat et facilite la conservation longue. À noter cependant: un passage par des produits structurés ou des ETC adossés à l’or peut relever d’un régime fiscal distinct, avec des incidences en matière d’IFRS et d’impôt sur les sociétés.

Arbitrer entre TMP et régime des plus-values

  1. Horizon court et marge faible: TMP souvent plus lisible, malgré un coût sur le prix total.
  2. Horizon long et tracking précis du prix d’achat: régime des plus-values plus efficace grâce à l’abattement.
  3. Structuration patrimoniale: valider la cohérence avec les objectifs de trésorerie, de gouvernance et de consolidation.

Conservez factures nominatives, certificats d’authenticité et relevés de garde. En cas de transmission, faites mentionner la valorisation et la nature exacte des titres ou pièces. En l’absence de justificatifs, l’accès au régime des plus-values peut être refusé et la TMP devient la voie par défaut.

Pour les dirigeants et family offices, l’ensemblier idéal combine un socle physique pour la stabilité, des instruments financiers pour l’agilité et un cadre de garde sécurisé. L’or tokenisé ajoute une couche d’accessibilité et de divisibilité, à condition de vérifier l’adossement 1 pour 1, les audits indépendants et la juridiction de conservation. Un effort de conformité s’impose pour éviter les zones grises comptables.

Technologie et marchés: l’essor de l’or numérisé attire les institutionnels

Le rapprochement entre or et blockchain change l’accès à la classe d’actifs. Des jetons adossés à de l’or, fractionnables et négociables 24 h sur 24, séduisent par leur liquidité opérationnelle. La clef, toutefois, réside dans la qualité de la conservation, l’assurance et l’audit. Les acteurs de sécurité comme Ledger structurent l’écosystème en offrant des solutions de custody de niveau industriel.

Pour les investisseurs professionnels, l’intérêt n’est pas seulement spéculatif. L’or tokenisé peut servir de collatéral pour des opérations de financement, de la couverture de marge ou des règlements entre filiales. L’intégration se heurte néanmoins à des contraintes de conformité: connaissance client, traçabilité, reconnaissance prudentielle. À mesure que les normes se précisent, la base d’investisseurs s’élargit.

Les innovations s’accélèrent aussi côté distribution. Des plateformes françaises spécialisées dans les métaux précieux intègrent des modules de règlement-livraison en temps quasi réel, des outils d’agrégation de prix et des contrôles KYC simplifiés mais robustes. La convergence entre infrastructures financières classiques et solutions tokenisées construit un pont qui réduit les frictions d’accès à l’or pour les entreprises et les investisseurs avertis.

Facteur de soutien supplémentaire, les chiffres internationaux attestent de l’appétit des institutions. Les achats de banques centrales ont bondi à plus de 1 000 tonnes récemment, un sommet inédit depuis des décennies (World Gold Council). Ce flux récurrent ajoute un socle de demande au-delà des phases de stress de marché, stabilisant les cours autour de nouveaux paliers.

Indicateurs à suivre pour piloter une exposition or

  • Taux réels américains à 10 ans et attentes d’inflation implicite.
  • Indice du dollar et politique de change des grandes banques centrales.
  • Flux vers les ETF or et achats trimestriels des banques centrales.
  • Calendrier politique et commercial américain, décisions judiciaires clés.
  • Stress de liquidité interbancaire et spreads de crédit investment grade.

Gouvernance des risques: que doivent décider les comités d’audit maintenant

Le record de l’or agit comme un révélateur. Il incite les comités d’audit et les conseils d’administration à clarifier leur doctrine de couverture macro et de réserve de valeur. Les questions à trancher couvrent l’ampleur maximale d’allocation à l’or, la combinaison entre physique et instruments financiers, la sécurisation de la garde et l’articulation avec la politique de liquidité.

Première piste: documenter un cadre d’intervention qui précise les déclencheurs d’achat ou de vente (taux réels, change, spreads). Deuxième piste: formaliser les procédures de contrôle interne pour la détention d’or tokenisé, incluant la gestion des clés, la politique de conservation et l’audit tiers indépendant. Troisième piste: intégrer la fiscalité au processus de décision, en prévoyant le régime le plus efficient selon l’horizon de détention.

Du côté des exportateurs, la consolidation contractuelle est centrale. Les clauses d’indexation et de répercussion de droits doivent être testées en scénarios extrêmes.

Les services juridiques et commerciaux gagneront à aligner leurs vues avec la finance pour amortir une éventuelle oscillation des tarifs à la suite d’une décision de justice américaine. Les délais de remboursement, s’ils surviennent, imposeront une gestion fine du BFR.

Enfin, la direction générale doit poser un cadre de communication financière. Face à la volatilité, mieux vaut expliquer en amont la politique de couverture, les indicateurs suivis et l’horizon d’ajustement, plutôt que de subir des interprétations adverses du marché. Un signal clair sur la capacité à absorber des chocs de coûts et de délais rassure créanciers, clients et fournisseurs stratégiques.

Prévoir des clauses d’ajustement automatique en cas de variation de droits, assorties d’un mécanisme de preuve et d’un plafond de variation. Intégrer un calendrier de renégociation en cas de décision judiciaire affectant les tarifs. Documenter l’origine préférentielle et répartir clairement les responsabilités entre fournisseur, importateur et distributeur.

Ce que les entreprises françaises ont à surveiller d’ici la décision de la fed

Les deux prochaines balises sont connues. D’abord, la réunion de la Fed des 16 et 17 septembre 2025, avec un marché qui price une baisse de 25 points de base. Ensuite, une possible saisine et décision de la Cour suprême américaine sur la légalité de certains droits, pouvant intervenir d’ici la fin de l’année. Entre ces jalons, l’or devrait rester un thermomètre de la nervosité financière.

Les statistiques commerciales françaises invitent à la prudence. Les échanges avec les États-Unis ont reculé l’an passé, signe que les frictions tarifaires pèsent sur certains secteurs. Dans le même temps, des flux pourraient se rediriger vers l’Europe selon les partenaires et la hiérarchie des coûts, ce qui crée des opportunités pour les industriels capables d’ajuster rapidement leurs chaînes d’approvisionnement.

Dans ce puzzle, la France dispose d’atouts: une base industrielle diversifiée, des infrastructures financières solides et un cadre fiscal de l’or clarifié. L’enjeu immédiat consiste à institutionnaliser les bonnes pratiques de couverture, à sécuriser les contrats d’exportation et à arbitrer, dans un cadre de gouvernance robuste, les expositions à l’or, qu’elles soient physiques ou tokenisées.

L’or a donné le ton: tant que la politique monétaire américaine, le droit du commerce international et l’inflation resteront en friction, les entreprises françaises ont intérêt à garder le cap sur la discipline financière et la diversification des risques.