+50 % depuis janvier 2025 : l’or s’impose comme le baromètre du risque global. En quelques mois, le métal précieux a franchi des niveaux jamais vus, porté par des achats publics records, un dollar plus faible et une accumulation d’incertitudes géopolitiques. Pour les directions financières françaises, cette accélération change la donne en matière de couverture, d’allocation et de dialogue avec les organes de gouvernance.

Record 2025 du métal jaune : franchissement des 4 000 dollars l’once

Le cap symbolique des 4 000 dollars l’once a été dépassé début octobre, illustrant la puissance du mouvement acheteur en 2025. L’appréciation annuelle dépasse à ce stade 50 %, après une progression déjà marquée au milieu d’année, selon plusieurs notes de marché. Le seuil a été atteint dans un climat de volatilité conjointe sur les actifs risqués et de repositionnements stratégiques des investisseurs institutionnels.

La dynamique de prix n’est pas qu’une affaire de psychologie de marché. Elle reflète l’agrégation de six forces synchrones : achats massifs des banques centrales, inflation résiliente, affaiblissement du dollar, tensions géopolitiques, offre minière contenue et effet d’accélérateur des produits financiers. L’or redevient, de facto, un actif de politique économique pour les États, et un instrument central de diversification pour les entreprises et gérants d’actifs basés en Europe.

Métriques Valeur Évolution
Prix spot de l’or Au-delà de 4 000 $/oz Record début octobre 2025 (Ouest-France, 8 octobre 2025)
Performance 2025 +50 % depuis janvier Accélération à l’automne 2025
Achats des banques centrales Environ 1 000 t/an Rythme élevé depuis 2022-2023 (World Gold Council)
Dollar américain face à l’euro -11 % environ début juin 2025 Repli prolongé à l’automne
Flux vers ETF or Afflux soutenus au T3 2025 Renforcés fin d’été 2025

Chiffre pivot pour 2025

Le franchissement des 4 000 dollars s’explique par la convergence d’un dollar plus faible, d’achats officiels élevés et de la perception d’une rareté relative de l’or. Ce seuil psychologique entraîne des repositionnements techniques et des revalorisations de mandats d’investissement exposés aux métaux précieux.

Banques centrales : dédollarisation et achats soutenus

Depuis le gel des réserves russes en 2022, la question de la dédollarisation s’est invitée dans la gestion de réserves de nombreux pays. Plusieurs banques centrales rééquilibrent leur panier d’actifs en augmentant la part d’or, jugée moins exposée au risque de sanction financière extraterritoriale et à la variabilité des parités de change.

Le World Gold Council recense ainsi des achats officiels proches de 1 000 tonnes par an depuis 2022-2023, rythme confirmé en 2025. Ces volumes soustraient des quantités significatives au marché et compressent l’offre disponible.

Ce mouvement est alimenté par des acteurs systémiques. La Chine a accru ses réserves, privilégiant l’or comme couverture de souveraineté.

L’Inde suit une trajectoire d’accumulation, tandis que la Pologne, la Turquie et l’Azerbaïdjan apparaissent également parmi les acheteurs cités. La perception d’un or plus sûr que certaines devises de réserve a même été décrite comme « vraiment préoccupante » par des investisseurs de premier plan. Au total, la composante publique du marché tire durablement les cours vers le haut.

Banque populaire de Chine : signaux d’accumulation

La Banque populaire de Chine a renforcé ses réserves d’or en 2025, dans une logique de protection contre les fluctuations monétaires. L’enjeu est double : atténuer la dépendance au dollar et sécuriser un actif physique internationalement reconnu. Cette stratégie s’inscrit dans la continuité des achats officiels observés depuis 2022.

Inde : renforcement graduel du stock stratégique

En parallèle, l’Inde a poursuivi ses acquisitions, contribuant à la demande structurelle. Le nuancier des acheteurs publics s’est élargi à d’autres pays européens et eurasiatiques, signalant une tendance mondiale plutôt que régionale.

La mise sous contrainte des avoirs d’un État a rappelé que la liquidité d’une devise de réserve dépend d’un cadre juridique et de relations géopolitiques stables. En renforçant leurs stocks d’or, les banques centrales réduisent le risque de single point of failure lié à une devise dominante et diversifient la base d’actifs mobilisables en cas de choc.

Inflation persistante et dollar en repli : moteurs macro

L’environnement inflationniste soutient l’appétit pour les actifs tangibles. L’or est recherché comme couverture contre l’érosion monétaire, d’autant plus que le dollar a reculé face à l’euro en 2025.

Début juin, le billet vert affichait une baisse d’environ 11 % face à l’euro par rapport à janvier, et le mouvement s’est prolongé à l’automne. La remontée de l’or s’est ainsi nourrie d’un effet devise qui abaisse le coût d’opportunité pour les investisseurs non américains.

Cette dynamique est d’autant plus marquée que l’or est perçu comme un actif à offre limitée. La disponibilité finie du métal nourrit l’idée d’une protection plus robuste contre l’inflation que les monnaies papier.

En France, les publications officielles ont fait état d’un redémarrage modeste de l’activité au printemps, tout en soulignant la persistance d’une inflation mondiale. Pour les trésoriers d’entreprises, l’équation se traduit par une attention accrue à la couverture de change et au calibrage des poches de diversification.

Entreprises françaises : couverture, change et pilotage du besoin en fonds de roulement

Pour les groupes exposés aux intrants indexés sur les métaux précieux ou facturés en dollars, la hausse de l’or croise des problématiques de change et de coût de la matière. Les directions financières peuvent ajuster leurs horizons de couverture, réévaluer le mix d’instruments et rapprocher la gestion du besoin en fonds de roulement des scénarios de prix plus volatils. L’objectif est double : lisser l’impact sur les marges et éviter des effets de ciseau en cas de rechute du dollar couplée à un or élevé.

Relation dollar-or : ce qu’il faut retenir

Historiquement, un dollar plus faible tend à soutenir l’or car il en réduit le coût relatif pour les investisseurs non américains. En 2025, cette relation s’est combinée à une inflation persistante, amplifiant l’attrait du métal pour les portefeuilles en euro. Les entreprises exportatrices européennes peuvent en bénéficier si elles arbitrent finement leurs expositions de change.

Risques géopolitiques et budgétaires : prime de couverture

La montée des risques géopolitiques a renforcé la prime de sécurité attachée à l’or. Aux États-Unis, la combinaison de mesures tarifaires et d’épisodes de tensions budgétaires installe une incertitude macro-fiscale. En Europe, l’instabilité politique, notamment en France, a accru la volatilité des marchés, dans une séquence souvent rapprochée d’épisodes historiques par les analyses économiques publiques.

Les conflits en Ukraine et les tensions au Proche-Orient contribuent à un cocktail de risques qui incite les investisseurs à se replier vers les actifs liquides et non corrélés aux dettes souveraines. Dans ce cadre, l’or joue à nouveau un rôle d’assureur de dernier ressort en période de stress, en parallèle de la demande des banques centrales qui agit comme stabilisateur structurel de la demande.

Budget américain et commerce mondial : un bruit de fond qui pèse

Les épisodes de blocage budgétaire et les politiques de droits de douane ont ravivé la crainte d’un ralentissement du commerce mondial et d’une fragmentation accrue des chaînes de valeur. La perception d’un affaiblissement de la cohérence des politiques économiques alimente la demande de refuge.

Europe et France : volatilité politique et marchés plus nerveux

Les comparaisons avec des séquences passées, rappelées dans certaines analyses publiques en 2025, ont mis en évidence une volatilité accrue sur les actifs européens. Dans ce type de phase, l’arbitrage en faveur des métaux précieux s’intensifie chez les institutionnels et dans les poches de diversification des patrimoines privés.

Cette prime reflète la probabilité jugée par le marché d’événements extrêmes affectant les monnaies, la fiscalité ou les circuits de paiement. Elle augmente lorsque s’accumulent des signaux d’instabilité politique, des chocs militaires ou des contentieux commerciaux. Le mouvement 2025 a été amplifié par des achats publics récurrents, qui ancrent la demande.

Offre contrainte et stocks publics : la rareté s’installe

La remontée de l’or est aussi l’histoire d’une offre qui ne suit pas. Les gisements faciles d’accès s’épuisent, la production plafonne et les contraintes environnementales allongent les cycles d’investissement.

Dans le même temps, les États accroissent leurs stocks, retirant du métal des marchés de gros. La conséquence est mécanique : la portion réellement disponible pour la joaillerie, l’industrie et l’investissement privé se tend.

Cette impression de rareté est renforcée par la visibilité donnée aux achats officiels, proches de 1 000 tonnes par an depuis 2022-2023. Elle conforte l’idée d’un plancher de prix plus élevé tant que perdurent les achats publics et la stagnation de la production. D’où un marché plus réactif aux nouvelles sur la chaîne d’approvisionnement et sur les décisions de politique minière dans les juridictions clés.

Production et régulation : un frein structurel

Les données récentes signalent une production globalement atone, sur fond de réglementations plus strictes en Europe et ailleurs. Les projets greenfield exigent des délais longs et des capitaux importants. Cette inertie structurelle renforce l’impact des flux financiers sur les prix à court terme.

Entre l’exploration, les études d’impact, les autorisations et la construction, un projet aurifère peut prendre plusieurs années. Cette faible élasticité de l’offre explique que des achats publics soutenus aient un effet durable sur les prix, surtout quand l’investisseur financier cherche simultanément à accroître son exposition.

ETF et contrats à terme : l’effet caisse de résonance

La sophistication des produits financiers a démultiplié la portée du rallye. Les ETF or et les marchés à terme offrent un accès simple, liquide et relativement standardisé à l’actif.

En 2025, les flux vers les ETF or sont restés soutenus, en particulier au troisième trimestre, avec un renforcement observé en fin d’été. Cette dynamique, couplée à une peur de rater le mouvement exprimée par des stratèges de marché, a favorisé des entrées nettes récurrentes.

Ce mécanisme est auto-renforçant : plus le prix dépasse des niveaux perçus comme clés, plus les flux momentum et systématiques s’activent, ce qui entretient la hausse. Les émetteurs soulignent toutefois que ces produits ne sont pas sans risque.

Ils peuvent amplifier les mouvements en période de stress et nécessitent un cadre d’information robuste. En France, l’AMF surveille ces instruments, reflet d’une vigilance accrue sur la distribution et la compréhension des risques par les investisseurs.

ETF or en Europe : mécanique d’afflux et sensibilité aux paliers techniques

Les afflux sont souvent déclenchés par des signaux techniques, des bris de résistance ou des annonces macro. Le franchissement des 4 000 dollars a validé des scénarios de poursuite, attirant des capitaux additionnels dans les produits indiciels. Les investisseurs professionnels ajustent alors les tailles de positions en fonction des règles de gestion du risque.

Contrats à terme : gestion active et couverture des expositions

Les futures permettent d’ajuster finement l’exposition et de couvrir des engagements de prix pour l’industrie. Ils constituent un instrument complémentaire des ETF, notamment pour gérer le delta entre besoins physiques et contraintes de trésorerie.

Rôle de l’AMF pour les investisseurs français

L’AMF rappelle une vigilance sur la compréhension des risques des produits adossés à l’or, y compris la volatilité, le risque de liquidité et l’adéquation au profil de chaque investisseur. La supervision s’inscrit dans un mouvement mondial de surveillance accrue des expositions via instruments indiciels.

L’or, pivot des stratégies publiques et privées en 2025

L’alignement de facteurs macroéconomiques et géopolitiques a replacé l’or au centre du jeu, pour les banques centrales comme pour les investisseurs privés. Les achats officiels proches de 1 000 tonnes par an depuis 2022-2023 servent de socle, tandis que l’inflation tenace, la baisse du dollar et les tensions internationales nourrissent une demande additionnelle. Le franchissement des 4 000 dollars en octobre matérialise ce changement d’échelle et rebat les cartes des allocations en Europe (World Gold Council; Ouest-France, 8 octobre 2025).

Dans ce cycle, l’or n’est plus seulement une réserve de valeur patrimoniale. Il est redevenu un instrument de souveraineté économique pour les États et un outil de stabilisation de portefeuille pour les entreprises, à intégrer avec discernement dans les cadres de gouvernance et de gestion des risques. Le nouvel équilibre de marché qui se dessine exige des décisions d’allocation plus structurées, ancrées dans des données publiques et des scénarios disciplinés.