L’OL confronté à une crise financière majeure
Analyse des résultats et ratios financiers de l’OL en 2024 : endettement, marges, gouvernance et perspectives pour stabiliser les comptes du club.

Fondé au milieu du XXe siècle, l’Olympique Lyonnais occupe une place singulière en Ligue 1. Les finances du club suscitent toutefois de vives interrogations, compte tenu de l’ampleur de son endettement et de ses résultats nets négatifs.
Dans cet article, nous proposons un éclairage pédagogique sur la structure financière de l’OL, ses performances opérationnelles et les leviers possibles pour un redressement durable.
État des lieux : entre dettes élevées et incertitudes sur la gouvernance
À l’issue du dernier exercice clos au 30 juin 2024, l’Olympique Lyonnais, détenu par la holding Eagle Football Group, présente des comptes très fragiles : dette financière nette dépassant 540 millions d’euros au niveau du groupe propriétaire, montée en flèche des charges salariales et marges largement négatives. Les sanctions prononcées par la DNCG ont confirmé la gravité de la situation, avec une rétrogradation administrative initiale finalement levée après un apport de liquidités d’urgence.
Sur le plan sportif, le club tente de vendre certains joueurs majeurs (Rayan Cherki, Bradley Barcola) pour renflouer ses caisses, mais court le risque de dégrader son capital sportif. Par ailleurs, la mise à l’écart de John Textor et le passage de relais à Michele Kang et Michael Gerlinger traduisent la volonté de rassurer les investisseurs et les autorités de tutelle.
Le défi est d’établir une politique financière plus transparente et de contenir la masse salariale, deuxième de Ligue 1 après le PSG. Cette entame d’exercice 2025-2026 interroge sur la capacité de l’OL à se maintenir parmi l’élite face à des concurrents plus stables.
Le gendarme financier a exigé des garanties bancaires, un apurement des dettes à court terme et un contrôle de la masse salariale. Sans ces conditions, le spectre d’une relégation administrative ne serait jamais totalement écarté.
Au-delà des sanctions nationales, l’UEFA a imposé un accord négocié pour éviter toute exclusion des compétitions européennes : là encore, l’OL devra démontrer que sa gestion se remet sur les rails. Dans ce contexte, examinons plus en détail les performances et indicateurs clés.
Performance opérationnelle en dents de scie
Les éléments financiers relatifs aux derniers exercices (30 juin 2024 et 30 juin 2023) révèlent un chiffre d’affaires en timide progression, mais insuffisant pour absorber l’augmentation des charges. L’EBITDA (excédent brut d’exploitation) et le résultat d’exploitation restent négatifs, pénalisés par des frais salariaux et des coûts de structure trop élevés. Le club mise souvent sur les cessions de joueurs pour équilibrer ses comptes, ce qui fragilise la compétitivité sportive à long terme.
Il est particulièrement notable que la marge brute dépasse 160 %, un chiffre trompeur lié à la comptabilisation des revenus de cessions. En réalité, la rentabilité opérationnelle se délite, et le ratio d’EBIT (résultat d’exploitation sur chiffre d’affaires) ressort à -27,6 % en 2024, illustrant la difficulté à générer un surplus d’exploitation. Cette situation reflète l’inefficacité structurelle du modèle économique.
Incidence des transferts sur la rentabilité
Les ventes de joueurs clés (ex. : Barcola, Cherki) augmentent ponctuellement le chiffre d’affaires, mais altèrent la compétitivité si elles ne sont pas compensées par des recrutements ciblés et cohérents avec la stratégie sportive.
Dans le tableau ci-dessous, nous récapitulons quelques indicateurs sélectionnés pour les exercices N (2024) et N-1 (2023) afin de mesurer l’évolution récente :
Indicateur | Ex. N (2024) | Ex. N-1 (2023) |
---|---|---|
Chiffre d'affaires | 159 M€ | 144 M€ |
Marge brute | 265 M€ | 202 M€ |
EBITDA (Excédent Brut d'Exploitation) | -26,5 M€ | -48,7 M€ |
Résultat d'exploitation (EBIT) | -43,9 M€ | -92,2 M€ |
Résultat net | -78,5 M€ | -86,3 M€ |
Marge brute (%) | 166 % | 141 % |
Marge d'EBITDA (%) | -16,7 % | -33,9 % |
Ces évolutions traduisent d’abord un léger mieux sur l’EBITDA, lequel reste toutefois en terrain très négatif. Surtout, la marge brute s’envole de 141 % à 166 % du fait de produits exceptionnels (cessions de joueurs), tandis que le résultat d’exploitation demeure dans le rouge à hauteur de -43,9 millions d’euros. Au final, le résultat net reflète un manque de rentabilité chronique, à -78,5 millions d’euros.
Décryptage des ratios financiers : liquidité, endettement et rentabilité
Pour compléter le diagnostic, il est essentiel de calculer et d’interpréter plusieurs ratios clés. L’OL fait face à des difficultés de trésorerie évidentes, ainsi qu’à un endettement massif qui menace la stabilité du club.
1. Ratio de marge brute
Formule : (Marge brute ÷ Chiffre d’affaires) × 100.
En 2024, ce ratio est de 166 %, contre 141 % en 2023. Cette proportion élevée montre que la marge brute comprend des produits de transfert. Il ne s’agit pas d’une réelle performance en exploitation courante, car ces opérations ne sont pas systématiquement reproductibles. Sans vente de joueurs, la marge brute retomberait à un niveau très inférieur.
2. Marge d’exploitation (EBIT ÷ Chiffre d’affaires) × 100
En 2024 : -27,6 % ; en 2023 : -64,2 %. Malgré une amélioration, la marge d’exploitation reste nettement négative, trahissant une incapacité à couvrir les charges opérationnelles par la seule activité sportive et commerciale. Cela témoigne d’une dépendance marquée aux transferts de joueurs et à des apports externes de capital.
3. Rentabilité nette (Résultat net ÷ Chiffre d’affaires) × 100
En 2024, -49,3 % ; en 2023, -60,2 %. Ici encore, la rentabilité reste en territoire négatif. Légèrement moins dégradée qu’en 2023, elle indique cependant une performance toujours déficitaire et en deçà de la plupart des clubs concurrents (Lens, Lille, Toulouse). Maintenir un tel niveau de pertes à moyen terme est impossible sans renégociation de la dette ou recapitalisation continue.
4. Ratio de liquidité générale (Actif circulant ÷ Dettes à court terme)
L’OL annonce une liquidité générale de 0,8 pour l’exercice 2024 (contre une norme de 1,2 ou 1,3 dans beaucoup de secteurs). En d’autres termes, le club ne dispose pas d’actifs de court terme suffisants pour honorer ses dettes immédiates. Cette situation impose de recourir à de nouvelles injections de fonds ou à des cessions rapides d’actifs.
5. Endettement et levier (Dette financière nette ÷ EBITDA)
La dette financière nette atteint 548 millions d’euros fin 2024, contre 294 millions fin 2023. Avec un EBITDA négatif (-26,5 millions en 2024), le ratio DFN/EBITDA est calculé à -20,7. Ce levier extrêmement élevé souligne l’ampleur du fardeau qui pèse sur l’Olympique Lyonnais. Une telle structure financière rend le projet sportif vulnérable à la moindre contre-performance.
Lorsque l’EBITDA est négatif, parler de DFN/EBITDA revient à dire que la dette n’est pas remboursable via l’excédent d’exploitation. Le modèle économique exige d’autres ressources (vente de joueurs, augmentations de capital) pour ne pas se retrouver en cessation de paiements.
Ainsi, les indicateurs financiers et les ratios mettent en évidence plusieurs vulnérabilités. Les injections de cash réalisées en milieu d’année 2025 (87 M€ plus 30 M€ de garanties) ont temporairement évité la catastrophe sportive, mais la trajectoire reste incertaine.
Historique récent : multipropriété et production de cash via les transferts
L’OL a longtemps reposé sur un modèle innovant lancé par Jean-Michel Aulas : construction d’un stade en propre, nouvelle stratégie de formation, diversification des activités (OL Reign, LDLC Arena). Toutefois, les investissements lourds ont creusé la dette à long terme. Le rachat du club par John Textor en décembre 2022 a fait entrer l’OL dans un système de multipropriété (Botafogo au Brésil, Molenbeek en Belgique), visant à réaliser des synergies sportives et financières.
Néanmoins, les flux de trésorerie entre ces différentes entités s’avèrent peu lisibles, et l’OL doit composer avec des exigences légales propres à chaque pays. L’objectif d’une introduction en bourse sur le NYSE, annoncé pour 2025, représente une source potentielle de financement supplémentaire à hauteur de 150 M€. Or, l’opération demeure conditionnée à la vente problématique des parts de John Textor dans Crystal Palace, pour un montant susceptible de contribuer à l’assainissement des comptes lyonnais.
D’un point de vue purement opérationnel, les derniers mois ont été marqués par :
• Des cessions d’actifs importants (OL Reign, LDLC Arena) qui ont servi à diminuer partiellement la pression financière.
• La vente de joueurs majeurs (Barcola pour 50 M€, Cherki pour plus de 40 M€) afin d’encaisser des liquidités immédiates.
• Un plan de restructuration interne avec réduction des effectifs administratifs et sportifs, marqué par un plan de départs volontaires lancé à l’automne 2024.
• Un changement de gouvernance traduisant la volonté de rassurer les parties prenantes et d’installer une direction plus exigeante sur les équilibres budgétaires.
Comparaison sectorielle et enjeux nationaux
Au sein de la Ligue 1, l’OL se distingue par l’importance de sa masse salariale et l’ampleur de son endettement. À titre d’exemple, le PSG supporte des charges salariales bien supérieures (658,6 M€), mais il compense grâce à la puissance financière de ses actionnaires. À l’inverse, Lens et Lille affichent des structures de coûts plus mesurées (masses salariales respectives autour de 80 M€), ce qui leur permet de dégager une rentabilité plus stable. L’OL se retrouve donc dans une position intermédiaire, avec un club historiquement ambitieux, mais sans moyens comparables au PSG ou à des investisseurs du Moyen-Orient.
La DNCG, constatant des déficits cumulés importants (+ de 164 M€ sur la saison 2023-2024 pour l’ensemble de la Ligue 1), accentue sa surveillance sur les clubs dits « historiquement déficitaires ». Dans ce lot, l’OL doit afficher des garanties concrètes. Les supporters, eux, s’inquiètent de l’expérience sportive dégradée, d’autant que l’Europe (C1 ou C3) s’éloigne de plus en plus, compromettant des recettes capitales.
Points forts identifiés dans le modèle économique actuel
Malgré la conjoncture délicate, plusieurs atouts peuvent être mis en avant :
1. Infrastructures modernes
Le Groupama Stadium et l’académie de formation figurent parmi les plus avancés de France. Cet avantage structurel peut attirer des partenariats et sécuriser l’avenir du club si l’exploitation commerciale du stade est optimisée (concerts, événements, naming accru).
2. Identité de formation reconnue
L’OL se distingue depuis longtemps par sa pépinière de jeunes talents (ex : Lacazette, Tolisso, Fekir). Cette école de formation reste un vivier précieux, pour alimenter l’équipe première ou pour réaliser des plus-values en cas de ventes. Encore faut-il réussir à conserver les meilleurs éléments suffisamment longtemps pour briller en compétition européenne.
3. Visibilité internationale
Le football français reste suivi, notamment grâce à la présence du PSG. Dans ce sillage, l’OL s’est forgé une notoriété au-delà des frontières. Les projets d’introduction en bourse aux États-Unis exploitent cette dimension internationale, même si les investisseurs attendent plus de transparence financière.
4. Ambitions multisports et diversification
L’OL, via Eagle Football Group, se positionne sur plusieurs marchés (féminin, e-sport, clubs étrangers). Bien conduit, ce type de diversification peut stabiliser les rentrées d’argent en compensant l’exposition à la seule Ligue 1. Toutefois, le manque de synergie immédiate interroge sur la pertinence stratégique à court terme.
Exemple d’événements au Groupama Stadium
Concerts de musiciens internationaux, matchs d’équipes nationales, salons professionnels : l’enceinte peut être valorisée bien au-delà des rencontres de championnat, avec un impact direct sur le chiffre d’affaires hors billetterie footballistique.
Faiblesses structurelles et risques majeurs
À côté des qualités évidentes, certains facteurs de fragilité nuisent toujours à la pérennité de l’OL :
1. Charges salariales disproportionnées
Avec une masse salariale de 161,9 M€, l’OL se situe très haut pour un club qui ne domine plus le championnat sur le plan sportif. Cela grève la rentabilité et limite les possibilités de recruter de nouveaux talents. La direction planifie de réduire l’effectif à 23 joueurs maximum.
2. Poids excessif de la dette
La dette financière, à plus de 580 M€, contraint la stratégie. L’OL doit fréquemment restructurer ses remboursements, et le pôle financier d’Eagle Football Group peine à refinancer à des taux raisonnables. Les frais financiers avoisinent 10,2 % du chiffre d’affaires en 2024, un niveau particulièrement élevé.
3. Surdépendance aux transferts
L’incapacité à générer une marge d’exploitation positive dans la durée rend le club tributaire du mercato pour équilibrer ponctuellement ses comptes. L’exemple de la vente de Barcola illustre combien le recours à de telles cessions est vital, mais fragilise la compétitivité sportive.
4. Risque de relégation en cas de non-respect des engagements
La DNCG a démontré sa fermeté : si l’OL ne fournit pas les garanties requises ou si les pertes se creusent, le club encourt des sanctions immédiates, voire une relégation. Cette épée de Damoclès plane sur l’OL, rendant chaque négociation financière critique.
Recommandations stratégiques et pistes d’évolution
Au regard des challenges évoqués, plusieurs axes d’amélioration méritent d’être examinés :
1. Optimiser la politique salariale
Les contrats très rémunérateurs doivent être renégociés ou rééchelonnés. Plusieurs clubs en Europe ont mis en place des grilles plus flexibles, indexant une part de la rémunération sur la performance sportive et la participation à des compétitions internationales. Maîtriser la masse salariale est indispensable pour réduire l’hémorragie.
2. Stabiliser la gouvernance
La transition post-Textor vers un duo Michele Kang – Michael Gerlinger doit s’accompagner d’une charte de gouvernance garantissant la rigueur, la transparence et une feuille de route claire pour les trois prochaines saisons. Ce signal fort est une priorité pour restaurer la confiance des supporters et des financeurs.
3. Accroître les revenus hors billetterie
Bien que le Groupama Stadium bénéficie déjà d’une exploitation commerciale, il peut encore développer des tournées de concerts ou des salons professionnels tout au long de l’année. De même, l’activation marketing auprès de marques partenaires peut être renforcée, notamment sur le digital et le merchandising international.
4. Attirer des co-investisseurs ciblés
Plutôt que d’emprunter à des taux élevés, l’OL pourrait ouvrir son capital partiellement à des partenaires sectoriels (entreprises régionales, fonds d’investissement sportif). L’objectif est de soulager le bilan, de fluidifier la trésorerie et d’accélérer le développement, sous réserve de conserver la cohérence du projet.
5. Préparer soigneusement l’introduction en bourse
Si l’IPO sur le NYSE se confirme, il est impératif de présenter un business plan réaliste, validé par des cabinets d’audit reconnus. Les investisseurs étrangers demandent de la visibilité : date de concrétisation, valorisation de l’actif stade, impact de la vente de Crystal Palace. Un flop boursier fragiliserait définitivement les finances.
6. Conserver un socle sportif minimal
Pour éviter de rompre la dynamique sportive, les cessions de joueurs doivent être limitées ou compensées par des solutions de remplacement cohérentes. Les résultats sur le terrain conditionnent les droits télé, la billetterie, la notoriété internationale. Une stratégie exclusivement financière ne saurait porter ses fruits si l’équipe chute de manière continue au classement.
Le parcours récent des Girondins montre qu’un club historique peut se retrouver en National 2 si ses actionnaires n’honorent pas leurs engagements. Les difficultés de trésorerie conjuguées à une gouvernance défaillante ont scellé le sort d’un club emblématique. Un risque similaire guette l’OL si les promesses de recapitalisation ne sont pas tenues.
Perspectives finales sur la capacité de rebond
L’Olympique Lyonnais, s’il n’agit pas de façon résolue, pourrait se retrouver durablement piégé dans l’étau de la dette et d’une rentabilité négative. Les atouts structurels (stade, académie, notoriété européenne) ne sauraient pallier la fragilité actuelle qu’à la condition d’une gestion rigoureuse et d’une maîtrise des charges. L’objectif pour 2025-2026 est de rassurer la DNCG et l’UEFA afin de préserver la place du club parmi l’élite, tout en redonnant un élan sportif aux Gones.
Les supporters, conscients de l’héritage d’Aulas, espèrent un retour de l’OL dans les compétitions européennes à brève échéance. Toutefois, la réussite passe par un recentrage sur la formation, moins de dépendance aux financements d’urgence et une communication claire quant au projet d’introduction en bourse. Cette transformation en profondeur est le seul moyen de restaurer une crédibilité économique et un rayonnement sportif à l’échelle internationale.
Au-delà des difficultés présentes, la réussite du nouveau cycle de gouvernance décidera de la renaissance financière et sportive de l’Olympique Lyonnais.