Quel avenir pour l’aciérie de Hagondange après le redressement judiciaire ?
Découvrez les enjeux du redressement judiciaire de NovAsco et son impact sur l'aciérie de Hagondange et les emplois locaux.

Hagondange retient son souffle. Placé en redressement judiciaire à la mi-août, le sidérurgiste NovAsco cherche en urgence un repreneur pour préserver 760 emplois et un savoir-faire lorrain rare. Au-delà du choc social, l’affaire interroge la fiabilité des engagements d’investisseurs et remet en lumière un actif industriel stratégique: une aciérie électrique potentiellement alignée avec la décarbonation de l’acier en France.
Redressement judiciaire et équation financière: un compte à rebours serré
Le tribunal de Strasbourg a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de NovAsco le 11 août 2025. Cette décision intervient un an après la reprise de l’ex-Ascometal par Greybull Capital, qui avait annoncé un plan de relance doté de 90 millions d’euros, en complément d’un soutien public de 85 millions d’euros. Dans les faits, seul un apport immédiat de 1,5 million d’euros a été injecté, ouvrant une crise de liquidité.
La procédure laisse un délai resserré pour la recherche d’offres, estimé à sept semaines à compter de l’ouverture de la période d’observation. Ce calendrier impose des arbitrages rapides: sécuriser la continuité d’activité, maintenir le socle de compétences et clarifier le périmètre de reprise, site par site, ou au niveau du groupe.
Hagondange concentre environ 400 salariés, soit plus de la moitié des effectifs de NovAsco en France. Les autres sites se répartissent entre Dunkerque dans le Nord, Saint-Étienne dans la Loire et Custines en Meurthe-et-Moselle. L’ensemble s’ancre sur les aciers spéciaux pour l’automobile, un marché chahuté par la bascule vers l’électrique et par la recomposition des chaînes d’approvisionnement.
Chronologie juridique et financière
Juillet 2024: rachat de l’ex-Ascometal par Greybull Capital. Engagement public annoncé: 90 millions d’euros d’investissements, aux côtés de 85 millions d’euros d’aides publiques.
11 août 2025: ouverture du redressement judiciaire à Strasbourg, avec une fenêtre d’appel d’offres accélérée pour les repreneurs potentiels.
Au 11 août 2025: injection de trésorerie immédiate limitée à 1,5 million d’euros, insuffisante pour stabiliser l’exploitation sur la durée. Le groupe reste structurellement dépendant d’un nouvel actionnaire capable de financer un plan industriel, ainsi que l’outil de production et les besoins en fonds de roulement.
Hagondange: un actif industriel clé à valoriser
Le site mosellan présente une particularité qui pèse lourd dans l’équation de la reprise: l’aciérie électrique. Cette technologie, moins émissive que les hauts-fourneaux traditionnels, ouvre une trajectoire compatible avec les objectifs de décarbonation et avec des mécanismes européens comme le CBAM.
Au-delà de l’outil, Hagondange dispose d’un socle de compétences techniques et d’approvisionnements régionaux qui facilitent une montée en charge rapide si un investisseur crédible arrive. La collectivité locale met en avant la proximité d’un tissu industriel dense, des infrastructures routières et ferroviaires, et un écosystème de sous-traitants spécialisés.
La période d’observation permet de maintenir l’activité sous la supervision d’un administrateur judiciaire. L’entreprise prépare un plan de redressement ou une cession. Les candidats déposent des offres qui peuvent viser l’ensemble du groupe ou des périmètres ciblés. Les critères: pérennité des emplois, prix, garanties financières, cohérence industrielle.
Repères chiffrés qui comptent pour les offres
Jobs exposés: 760. Périmètre critique: Hagondange avec environ 400 salariés. Engagement actionnarial: 90 M€ annoncés, 1,5 M€ versés. Aides publiques: 85 M€ déjà mobilisées. Fenêtre de marché: sept semaines pour présenter des offres structurées et financées.
Collectivités en première ligne: atouts territoriaux et cap industriel
La communauté de communes Rives de Moselle et la Région Grand Est orchestrent une mobilisation visant à susciter des offres crédibles. Le message est clair: le territoire offre des ressources industrielles et humaines qui peuvent permettre une relance, à condition de s’aligner sur un projet sobre en carbone et centré sur des marchés porteurs.
Dans leurs communications, les élus dénoncent le non-respect des engagements du repreneur sortant, tout en réaffirmant la disponibilité d’outils publics pour accompagner une reprise sérieuse. Ce double discours, fermeté et pragmatisme, cherche à rassurer salariés et partenaires industriels.
La ligne politique de la région grand est
Le président de Région, Franck Leroy, a ciblé les promesses non tenues par l’actionnaire dans une prise de parole relayée sur les réseaux sociaux. Il promet de mobiliser l’écosystème économique et institutionnel pour identifier des projets robustes capables de préserver les emplois et le savoir-faire.
Le signal envoyé aux candidats: la Région privilégiera des dossiers s’appuyant sur la décarbonation, l’investissement productif et des engagements clairs sur la continuité d’activité. Les aides régionales pourront compléter des plans de financement privés, à condition de garantir un effet de levier concret.
Outillage public mobilisable
Au-delà des dispositifs classiques d’aide à l’investissement, des leviers européens et nationaux existent pour soutenir un projet de reprise verte. L’accès aux financements suppose un cahier des charges rigoureux: trajectoires de réduction d’émissions, modernisation de l’outil, réindustrialisation et sécurité d’approvisionnement.
Sur ce terrain, la Région fait valoir des programmes engagés en 2024 et 2025 pour la compétitivité et la décarbonation industrielle. Une articulation avec Bpifrance ou la Banque des Territoires pourrait, le cas échéant, compléter la structuration financière, sous réserve d’un actionnaire de référence solide.
Ce que la collectivité met sur la table
Accès aux réseaux d’entreprises, accompagnement foncier et autorisations, soutiens à l’innovation et à la formation, valorisation d’une aciérie électrique prête à intégrer un projet bas carbone. Les élus affichent un soutien politique fort et une exigence de solidité financière du repreneur.
Capitaux propres suffisants et liquidité immédiate pour le BFR, plan d’investissements phasé et financé, gouvernance opérationnelle expérimentée, stratégie commerciale étayée par des commandes ou lettres d’intention, trajectoire RSE chiffrée: telle est la grille de lecture attendue par la place judiciaire et les collectivités.
Cartographie des sites et chaîne de valeur: ce qui peut attirer un investisseur
NovAsco opère quatre sites aux positionnements complémentaires. Cette diversité est un atout si elle est orchestrée par un projet industriel lisible, capable d’adresser des niches rentables de l’automobile et des équipements mécanique-énergie.
Dunkerque, saint-étienne et custines: atouts distincts
Dunkerque sert des applications automobiles, où la qualité produit et la reproductibilité des performances sont déterminantes. La capacité à livrer en juste-à-temps, la maîtrise métallurgique et l’homologation auprès des constructeurs constituent des barrières à l’entrée.
Saint-Étienne apporte une spécialisation reconnue dans les aciers spéciaux et les traitements thermiques, orientée vers des pièces à forte valeur. Custines complète la chaîne par des opérations spécifiques et la logistique de proximité, utile pour les enchaînements de production.
Chaîne de valeur et marchés clients
Le cœur de marché est l’automobile, en transition vers l’électrique. Cela induit de nouvelles exigences sur les aciers électriques, aciers à haute résistance, et les pièces destinées aux transmissions, moteurs électriques et plateformes allégées. Un repreneur devra ajuster l’offre produit à ces besoins, tout en sécurisant des contrats pluriannuels.
Les fluctuations d’énergie et la pression concurrentielle imposent une discipline de coûts et une flexibilité de production. La présence d’une aciérie électrique à Hagondange permet de piloter l’intensité énergétique et de réduire l’empreinte carbone, ce qui peut devenir un argument commercial déterminant face aux grands donneurs d’ordre.
Par rapport à un haut-fourneau, une aciérie électrique offre un abaissement des émissions directes, une agilité sur les charges en heures creuses, et une meilleure compatibilité avec la ferraille recyclée. En contrepartie, elle exige une alimentation électrique fiable et compétitive, et des investissements de pilotage qualité pour viser les niches haut de gamme.
Gouvernance et actionnariat: signaux attendus après l’ère greybull
L’épisode Greybull laisse une empreinte nette: des promesses d’investissements largement non honorées et un effet de ciseau entre besoins de trésorerie et réalité des décaissements. Le futur actionnaire devra retisser la confiance en montrant un ancrage industriel, une crédibilité financière et une gouvernance alignée avec la production.
Encadrement des engagements d’investissement
Les pouvoirs publics et la place judiciaire peuvent exiger des covenants et clauses de réinvestissement, assortis de jalons de décaissements et de reporting. Le repreneur crédible est celui qui accepte cette discipline, apporte un financement sécurisé et met sur la table des commandes ancrant le plan d’activité.
Exemple avec british steel
L’historique de Greybull avec British Steel, repris en 2016 puis placé en insolvabilité avant une reprise par un autre acteur, illustre les risques d’un projet sous-capitalisé. Pour NovAsco, la question clé est d’éviter un défaut de financement récurrent sur un site qui a des atouts industriels avérés, au prix d’une gouvernance exigeante et d’un suivi public attentif.
Risque réputationnel et juridique pour l’actionnaire
Le non-respect d’engagements d’investissement expose à une perte de confiance des contreparties et à un durcissement des conditions d’accès aux soutiens publics. Les autorités locales ont dénoncé un désengagement inacceptable, un signal dissuasif pour d’éventuelles futures opérations en France si la situation n’est pas redressée par un repreneur solide.
Cadre légal, financements et trajectoire bas carbone: articuler droit et industrie
Le redressement judiciaire, encadré par le Code de commerce, a pour objectif la poursuite de l’activité et la sauvegarde de l’emploi lorsque cela est viable. Dans un cas comme NovAsco, la solution peut passer par un plan de cession, une recapitalisation, ou un panachage ciblé site par site.
Pour financer la bascule vers un acier plus vert, un mix d’investissements privés, de soutiens régionaux et de guichets nationaux ou européens est envisageable. Les dispositifs de transition industrielle exigent un projet chiffré crédible, des KPI de réduction d’émissions et des engagements sur la montée en gamme des produits.
Le cadre procédural: sécuriser l’appel d’offres
La réussite tient à trois éléments: une data room structurée et transparente, des offres fermes financées, et une priorisation claire entre cession totale ou cessions d’actifs par périmètre. Plus vite les repreneurs obtiennent une visibilité sur les carnets de commandes et l’état des installations, plus leurs propositions peuvent être compétitives.
Le rôle de la région et des partenaires financiers
Les communiqués régionaux de 2024-2025 en Grand Est ont annoncé des enveloppes pour la compétitivité et la décarbonation de l’industrie. Dans le cadre d’une reprise, ces aides peuvent soutenir l’outil productif, l’efficacité énergétique, et la formation de profils critiques. De quoi renforcer le dossier d’un industriel-preneur ancré en France.
Le tribunal sélectionne l’offre présentant le meilleur équilibre entre maintien de l’emploi, prix offert, fiabilité du financement et cohérence industrielle. Le repreneur acquiert des actifs identifiés et écarte généralement le passif antérieur. Des clauses de suivi social et d’investissement sont insérées pour garantir l’exécution du projet.
Aciérie électrique et empreinte carbone: point d’attention
L’aciérie électrique peut réduire l’intensité carbone et attirer des commandes premium. Pour réussir, il faut sécuriser l’électricité à coût compétitif, investir dans la qualité métallurgique et aligner l’offre produits sur les besoins de l’auto et des équipements industriels.
Emploi, compétences et aménagement industriel: la bataille de la lorraine
Le signal social est net: 760 emplois sont en suspens à l’échelle du groupe, avec une concentration à Hagondange. La priorité immédiate est d’éviter une rupture d’activité qui ferait perdre des compétences clés, notamment sur les aciers spéciaux où l’expérience accumulée des équipes est difficilement remplaçable.
La collectivité locale défend une vision de reconversion productive et non de friche. L’exemple récent du patrimoine industriel de Rombas, mis en lumière au printemps, rappelle la valeur de l’héritage sidérurgique lorrain. Mais ici, l’enjeu n’est pas la mémoire: c’est la reprise de l’outil et sa modernisation.
Compétences rares, formation et maintien en condition
Dans la métallurgie, le savoir-faire se perd vite si l’on cesse de produire. L’encadrement de la maintenance, la continuité des cycles de production et la formation interne doivent être assurés pendant la période d’observation. Un repreneur sérieux inclura un plan de sauvegarde des compétences et des budgets de formation ciblés.
Ce maintien du capital humain s’accompagne d’une prévision fine des profils en tension: opérateurs hautement qualifiés, métallurgistes, automaticiens. Un lien renforcé avec les filières locales de formation, les CFA et les écoles d’ingénieurs peut fluidifier la montée en charge post-reprise.
Hagondange, pilier social et industriel
Avec environ 400 salariés, Hagondange pèse lourd. Les élus l’affirment: l’aciérie électrique et les infrastructures existantes font de ce site un candidat naturel à un plan de relance centré sur l’acier bas carbone. La visibilité donnée aux salariés, même sous contraintes de procédure, sera déterminante pour la stabilité sociale.
La communication interne doit gagner en transparence: calendrier, critères de sélection des offres, garanties financières. Les retours d’expérience montrent que la clarté des étapes conduit à une mobilisation plus sereine des équipes et facilite la réussite des audits industriels des repreneurs.
Qu’attendent les marchés clients: engagement qualité et sécurisation des flux
Les donneurs d’ordre automobiles exigent des performances matérielles stables, des délais maîtrisés et une visibilité longue sur les capacités de production. Un changement d’actionnaire ne doit pas perturber les homologations ni la traçabilité des lots. Les repreneurs devront présenter un plan de continuité incluant la certification qualité et la logistique.
Pour reprendre pied sur les marges, NovAsco doit se positionner là où la valeur est la plus forte: aciers à propriétés mécaniques avancées, composants critiques et services techniques à façon. Un plan d’industrialisation progressive par familles de produits, adossé à des précommandes, est la voie la plus crédible pour sécuriser l’horizon à 18-24 mois.
Le pivot énergétique: coût et pilotage
La compétitivité passera par une meilleure gestion du coût énergétique, lissage des consommations, et opportunités d’approvisionnement renouvelable. Les contrats longs et la flexibilité sur la charge peuvent amortir la volatilité. L’intégration de métriques carbone dans les offres commerciales devient un avantage compétitif auprès de l’automobile.
Un repreneur averti mettra en place un comité énergie outillé, combinant achats, production et finance, pour arbitrer les fenêtres de production et optimiser la marge contribution par heure de fonctionnement.
Audit des procédés, maintien des paramètres critiques de production, contrôles renforcés, équipes de support client mobilisées. L’objectif: éviter les non-conformités et rassurer les clients en phase d’incertitude. Une cellule dédiée repreneurs-clients peut fluidifier les visites et sécuriser des engagements préalables.
Ce qui se joue pour l’acier lorrain dans les prochaines semaines
La fenêtre est courte, mais le dossier n’est pas sans atouts. Si un industriel ou un consortium met sur la table un plan de financement crédible, une trajectoire bas carbone et un engagement social responsable, Hagondange peut redevenir un pilier de l’acier spécial en France. Les collectivités ont clarifié leur ligne: exigence envers l’actionnarial, soutien aux projets solides.
La séquence dira si la région transforme cette crise en relance ciblée. Pour l’acier lorrain, l’enjeu dépasse la sauvegarde d’emplois: il s’agit de réaffirmer une place dans la transition industrielle française avec une aciérie électrique comme vecteur de compétitivité durable.
NovAsco se trouve à la croisée des chemins: entre défaillance d’un actionnaire et potentiel industriel tangible, l’issue dépendra d’un repreneur aligné avec la décarbonation, un financement réel et une gouvernance rigoureuse.