À 38 ans, Thomas se demande s’il doit bouger. Crise politique, guerre en Ukraine, accélération de l’IA, marché de l’emploi cadre en repli… Tout semble l’inviter à patienter. Pourtant, la fenêtre d’opportunité ne se ferme pas. Elle se déplace. Et les entreprises, plus sélectives, cherchent des profils capables d’agir vite, de prioriser et d’apporter des preuves d’impact.

Intentions d’embauche en repli net chez les cadres

Dernier signal en date : le baromètre de l’Association pour l’emploi des cadres publié le 27 août 2025 indique que seules 8 % des entreprises projettent d’embaucher un cadre au troisième trimestre, contre 12 % un an plus tôt. Le recul est particulièrement visible dans les ETI et les grands groupes, avec des baisses marquées dans l’industrie et les services.

Cette inflexion confirme un atterrissage déjà entamé en 2024. Toujours selon les données Apec, les recrutements de cadres auraient reculé de 8 % en 2024 par rapport à 2023, et une nouvelle contraction d’environ 4 % est anticipée en 2025. Le total annuel passerait ainsi sous la barre symbolique des 300 000 embauches, un seuil plus atteint depuis 2020.

Le repli n’est pas homogène selon l’âge ni l’expérience. Les jeunes diplômés subissent un décrochage plus abrupt, autour de 16 % d’opportunités en moins.

Les seniors ne sont pas épargnés, avec une réduction évaluée à 11 % de leurs perspectives. Même la filière IT, longtemps jugée anticrise, enregistre un premier recul depuis 2009. L’adoption de l’IA dans les entreprises explique en partie ce mouvement en automatisant des tâches autrefois confiées à des chefs de projet, analystes ou chargés de support.

Paradoxe frappant : alors que 71 % des entreprises déclarent anticiper une activité stable ou en hausse, elles se montrent plus exigeantes, hiérarchisent les recrutements et reportent ce qui n’est pas jugé prioritaire. Le marché reste actif, mais il se réorganise autour de besoins ciblés et de retours sur investissement rapides.

Comment lire le 8 % d’intentions d’embauche

Ce ratio exprime la part d’entreprises qui se disent prêtes à lancer un recrutement cadre sur le trimestre. Il est corrélé au climat d’investissement et aux décisions budgétaires. Un niveau bas signale un marché plus sélectif, pas un arrêt des embauches. Les recrutements de remplacement, les mouvements internes et les créations de postes ciblées se poursuivent, avec des processus plus exigeants.

Le baromètre trimestriel combine intentions, tendances sectorielles et retours d’entreprises. Il ne prédit pas à coup sûr les volumes d’embauches, mais sert d’indicateur avancé de l’appétit pour le recrutement. L’écart entre intentions et réalisations peut s’expliquer par des postes gelés, des projets décalés ou des difficultés d’attractivité sur certains métiers.

Fragilités macro et politiques : la mécanique du ralentissement

Le moteur économique tourne moins vite. L’Insee évalue la croissance du PIB 2025 à environ 0,7 %.

L’investissement des entreprises se tasse d’environ 0,5 %. Et le chômage a progressé vers 7,6 % au premier trimestre 2025, selon la Dares. Dans ce climat, les directions ajustent leurs plans d’embauche, privilégient la mobilité interne et sécurisent la trésorerie.

À l’origine, une combinaison de chocs. La guerre en Ukraine pèse encore sur les coûts énergétiques et sur le commerce, même si certaines tensions se sont stabilisées. La facture énergétique a connu une poussée marquée en 2024, que les entreprises intègrent encore dans leurs budgets. Les relations commerciales internationales restent heurtées, ce qui ralentit certains investissements industriels et projets export.

S’ajoute une instabilité politique en France qui rehausse l’incertitude perçue par les investisseurs et les conseils d’administration. Elle se traduit, dans les comités d’engagement, par des seuils d’autorisation rehaussés, davantage d’étapes de validation et des arbitrages défavorables aux dépenses discrétionnaires. Les postes jugés non essentiels sont reportés, les revalorisations salariales négociées au cas par cas.

Dans ce cadre, la réactivité individuelle devient déterminante. Les cadres capables de documenter des gains de performance, de piloter des plans d’économie et de cadrer des projets IA avec des retours mesurables trouvent plus vite leur place. L’heure n’est pas à l’attentisme, mais au projet argumenté et à l’exécution précise.

Arbitrages RH typiques dans un cycle hésitant

Ce que l’on observe dans de nombreuses entreprises : gel ponctuel des créations de poste, renforcement des mobilités internes, priorisation des métiers générateurs de cash, accent sur la formation courte à l’IA, externalisation sélective, et révision des packages variables pour l’alignement ROI. Une sélectivité accrue ne signifie pas fermeture, mais exigence sur la preuve de valeur.

PIB 2025 attendu faible, chômage en hausse modérée, investissements des entreprises en léger recul : la combinaison explique la prudence des directions. Ces indicateurs, synthétisés dans le tableau de bord conjoncturel de l’Insee, sont les repères clés des comités exécutifs pour calibrer les embauches (Insee, tableau de bord mis à jour fin août 2025).

Ia et automatisation : redistribution des cartes pour les métiers cadres

À horizon 2030, environ 15 % des emplois cadres pourraient être transformés ou supprimés sous l’effet de l’automatisation. Le mouvement ne se limite pas au code ou à la donnée. Il s’étend au marketing, à la finance d’entreprise, aux achats et aux opérations. Les tâches répétitives et de synthèse standardisée reculent, au profit des missions d’orchestration, d’arbitrage et de conception de solutions.

Le résultat immédiat est ambivalent. D’un côté, une contraction de certains postes IT historiques ou fonctions support. De l’autre, une montée des besoins sur la cybersécurité, la tech verte, l’industrialisation des usages IA, la gouvernance des modèles et la conformité. Les profils capables de relier outils, processus et réglementation prennent l’avantage.

Pour les directions, la question n’est plus d’implémenter un outil, mais de capter un bénéfice opérationnel démontrable. Les recruteurs challengent donc plus fermement les candidats : cas d’usage, mesures d’impact, cadence d’exécution, maîtrise des risques. Les CV qui restent descriptifs perdent du terrain. Ceux qui démontrent des résultats chiffrés, des arbitrages pertinents et un apprentissage rapide progressent.

Compétences hybrides recherchées

Les entreprises priorisent des combinaisons de compétences difficiles à automatiser. Les plus visibles en 2025 :

  • Produit et data appliqués : capacité à piloter un backlog IA, cadrer des cas d’usage et articuler design, data et métier.
  • Finance transformation : automatisation du closing, data quality, contrôle interne renforcé, pilotage de cash.
  • Achats et supply chain résilientes : gestion des risques géopolitiques, dual sourcing, optimisation énergétique.
  • Cybersécurité : durcissement des accès, sécurisation cloud, conformité et sensibilisation des équipes.
  • Transition écologique : reporting extra-financier, trajectoires carbone, efficacité énergétique des opérations.

Automatiser supprime ou réduit les tâches répétitives sans valeur ajoutée. Augmenter, c’est doter les équipes d’outils qui démultiplient leurs capacités. Les postes menacés sont ceux où la part de tâches routinières est prédominante. Les postes renforcés sont ceux où l’IA sert la décision, l’expertise, le pilotage et la conformité.

Changer d’emploi maintenant : méthode terrain pour cadres expérimentés

La recherche d’un nouveau poste en marché sélectif n’est pas une loterie. C’est un projet de développement professionnel avec des objectifs, des canaux diversifiés et un suivi serré. Attendre le bon moment revient souvent à perdre du temps. Agir permet d’entrer dans le radar des décideurs au moment où les besoins se clarifient.

  1. Ne pas s’enfermer dans les annonces. La part de postes non publiés dans l’écosystème cadre reste élevée. Les entreprises activent le réseau, la cooptation et des recherches ciblées pour aller vite et maîtriser le coût d’acquisition.

    Constituez une liste de 50 entreprises cibles alignées avec vos compétences et vos appétences sectorielles. Croisez trois leviers : candidatures directes, réseautage soigné, événements métiers. Ciblez les acteurs dont les usages IA et la transition énergétique créent des besoins en compétences hybrides.

  2. Le volume compte, mais il doit être précis. Une approche uniquement opportuniste conduit rarement à l’offre. Travaillez un pipeline d’opportunités comme un commercial travaille ses comptes. Identifiez, pour chaque entreprise, trois interlocuteurs : le N+1 potentiel, le DRH et un pair du service. Personnalisez vos messages, appuyez-vous sur des défis concrets du secteur, proposez un échange court et utile.

  3. Piloter avec des indicateurs. Visez 10 démarches qualifiées par semaine, suivez un taux de réponse autour de 20 %, isolez les retours qualitatifs pour itérer sur votre positionnement. Un tableau de bord simple sur Google Sheets suffit pour suivre nombre de contacts, entretiens, propositions et raisons de refus. Ajustez votre ciblage par région en fonction des bassins d’emploi les plus dynamiques.

  4. Ne pas attendre le chasseur. Les cabinets couvrent une fraction des besoins cadres, et l’usage d’outils automatisés lisse les candidatures. Prenez l’initiative. Entretenez un lien direct avec les décideurs, y compris dans les grandes structures, via des points courts et un apport d’insights sectoriels.

  5. Soigner le couple CV + profil en ligne. Le CV reste un sésame pour formaliser la décision. Un outil simple comme cv.pole-emploi.fr permet de générer un format propre et testable en quelques secondes. Détaillez vos résultats, pas seulement vos missions. Mettez en avant un fil conducteur clair, ancré sur la valeur créée et les contraintes gérées.

Thomas : méthode et résultats

Plutôt que d’attendre un retournement, Thomas a bâti un plan. 127 démarches ciblées en trois mois, pour 8 entretiens stratégiques et 2 offres.

Sa mécanique est simple et disciplinée : une liste d’entreprises pertinente, des messages personnalisés, des relances brèves et utiles, des mesures d’impact dès le premier échange. Il a signé un CDI comme Product Manager dans une scale-up, avec une revalorisation de 18 %.

Ce qui a fait la différence : un récit professionnel centré sur un problème métier que l’entreprise devait résoudre, trois cas d’usage IA chiffrés et une compréhension claire du contexte sectoriel. La porte s’est ouverte quand le besoin s’est précisé en comité d’investissement. Il était déjà dans la short list.

Exemples d’indicateurs de suivi opérationnel

Pour piloter une recherche active, structurez un mini reporting hebdomadaire :

  1. Nombre de démarches qualifiées envoyées et taux de réponse.
  2. Entretiens réalisés, dont entretiens avec N+1 potentiel.
  3. Objections récurrentes rencontrées et actions correctives.
  4. Rendez-vous réseau obtenus et mises en relation actives.
  5. Progression des offres en pipe et date cible de décision.

Objet : Idée pragmatique pour accélérer [thème précis]

Bonjour [Nom],

En étudiant votre actualité sur [enjeu], j’ai identifié un levier rapide pour [gain concret]. J’ai piloté un dispositif similaire chez [ex-employeur] avec [résultat chiffré]. Ouvert à un échange de 15 minutes pour vérifier la pertinence et vous partager le retour d’expérience.

Bonne journée,

[Signature]

Angles morts juridiques à sécuriser avant de bouger

Changer d’emploi en France suppose d’anticiper des impacts juridiques et sociaux parfois sous-estimés. Un mouvement bien préparé se joue aussi sur ces détails. La vigilance se concentre sur quatre blocs : départ, clauses contractuelles, variable et protection sociale.

  • Préavis et modalités de départ. Vérifiez votre convention collective et votre contrat. Un préavis peut être négocié, mais il engage les deux parties. La rupture conventionnelle demeure un outil clé quand le départ s’opère sans opportunité immédiate, avec éventuel droit aux allocations chômage selon les règles en vigueur.
  • Clause de non-concurrence. Sa validité requiert une contrepartie financière, un périmètre et une durée proportionnés. Elle peut souvent être levée par l’employeur, selon les termes du contrat. Avant de signer un nouvel engagement, évaluez le risque d’interdiction sectorielle ou géographique.
  • Propriété intellectuelle et confidentialité. Tout travail réalisé sous subordination appartient à l’employeur dans le cadre du contrat. Protégez vos livrables en documentant ce qui est public et ce qui relève du secret d’affaires. Emportez votre portefeuille de compétences, pas des documents sensibles.
  • Rémunération variable et bonus. Assurez-vous de la documenter et de l’échéancier d’exigibilité. Certaines primes sont conditionnées à la présence dans l’entreprise à une date donnée. Vérifiez si la part variable 2024 ou 2025 est due prorata temporis.
  • Protection sociale. Mutuelle et prévoyance bénéficient d’une portabilité en cas de rupture ouvrant droit au chômage. En cas d’embauche, surveillez la comparabilité des garanties. Validez aussi les jours de RTT restants et leurs modalités de paiement ou de prise.

Checklist en 4 points : 1. Périmètre géographique raisonnable. 2. Durée limitée et justifiée. 3. Contrepartie financière clairement définie et suffisante. 4. Possibilité de renonciation par l’employeur, avec délai et forme précisés. En cas de doute, sollicitez un avis juridique avant de signer le nouveau contrat.

Checklist juridique avant de signer un CDI en 2025

  1. Clauses de mobilité, d’IP, de confidentialité et de non-concurrence reliées à vos enjeux métiers.
  2. Objectifs du variable et modalités de calcul, d’atteinte et de versement.
  3. Période d’essai et conditions de renouvellement, assorties d’un on-boarding cadré.
  4. Cumul ou rachat des RTT, télétravail, indemnités et outils fournis.
  5. Procédure de levée de la non-concurrence par l’employeur sortant, si existante.

Où se nichent les opportunités en 2025 malgré le repli

La baisse des intentions d’embauche redistribue les cartes. Elle n’annule pas la demande, elle la déplace vers des métiers et projets jugés critiques.

Dares et Apec signalent des poches de résistance : cybersécurité, tech durable, modernisation industrielle, supply chain, gestion de risques et fonctions finance orientées cash. La nécessité de sécuriser les opérations et d’aligner les coûts crée un socle d’opportunités.

Côté géographie, l’Île-de-France concentre une part majeure des recrutements cadres, mais des pôles comme Lyon, Nantes, Lille, Toulouse et Aix-Marseille tirent leur épingle du jeu, chacune avec des spécialisations : aéronautique, électronique, logistique, SaaS B2B, énergie. Les ETI industrielles y engagent des chantiers d’efficacité et d’automatisation, tandis que certaines grandes entreprises poursuivent des programmes de transformation multi-annuels.

Le B2B à ROI rapide reste favorisé. Les solutions qui réduisent les coûts d’exploitation, renforcent la conformité ou créent des revenus additionnels mesurables sont priorisées. À l’inverse, les projets à horizon trop lointain sont décalés ou découpés en phases courtes avec des jalons de performance.

Fonctions en tension dans les eti et grandes entreprises

Sur la base des besoins exprimés par les comités de direction, voici les fonctions qui concentrent la demande en 2025 :

  • Product et programme IA : cadrage des cas d’usage, gouvernance des modèles, intégration SI et pilotage de valeur.
  • Finance et contrôle : cash management, rolling forecast, automatisation des clôtures et contrôle interne renforcé.
  • Achats et opérations : renégociation énergétique, sécurisation des approvisionnements, plans d’économies durables.
  • Cyber et IT sécurité : durcissement des accès, sécurité cloud, conformité et gestion de crise.
  • RSE et données extra-financières : fiabilisation du reporting, trajectoires carbone, réduction de l’empreinte opérationnelle.

Les profils rares couplant expertise technique et sens de la décision sont particulièrement recherchés. C’est le cas du Product Manager data capable de parler coût de revient et architecture, du Controller à l’aise avec l’automatisation, ou du Responsable achats maîtrisant à la fois marchés énergie et gestion contractuelle.

Prendre un avantage compétitif face à des recrutements plus sélectifs

Un marché exigeant avantage les candidats qui pensent et opèrent comme des résolveurs de problèmes. Deux leviers font la différence : un récit professionnel incisif et des preuves d’impact solides. Les recrutements ne s’arrêtent pas, ils se filtrent. Les dirigeants veulent des profils capables d’éclairer les arbitrages à court terme, tout en construisant des trajectoires durables.

Les entreprises confirment une activité globalement maintenue, avec des priorités plus strictes qu’en 2022 ou 2023. Dans ce contexte, l’approche proactive recommandée par des spécialistes du recrutement prend tout son sens. Les opportunités existent pour les cadres qui se positionnent tôt, ciblent juste et apportent une valeur démontrable, même lorsque les intentions d’embauche agrégées reculent (Apec, baromètre du 27 août 2025).

Enfin, l’information économique reste déterminante. Suivre les indicateurs de conjoncture, comprendre les arbitrages budgétaires et anticiper les décisions des comités d’investissement permettent d’orienter sa recherche vers les segments où l’embauche demeure active. Le marché 2025 sélectionne. À vous d’enclencher la dynamique qui met vos compétences au bon endroit, au bon moment.

Changer maintenant pour rester dans la course

Le parcours de Thomas illustre une réalité simple : l’environnement actuel, fait d’incertitudes géopolitiques et d’avancées technologiques rapides, récompense la proactivité et la précision. Il n’y a pas de fenêtre parfaite, mais il y a des projets bien construits, des messages justes et des preuves d’impact qui emportent la décision. Les entreprises continuent d’embaucher là où la valeur est tangible et mesurable.

Agir maintenant, c’est se donner une avance d’exécution quand les besoins se cristallisent. Les données conjoncturelles récentes, qu’il s’agisse de la croissance molle ou du chômage en hausse, ne sont pas des verdicts définitifs. Elles sont des paramètres à intégrer pour orienter votre cible, affûter votre offre et multiplier les points de contact légitimes avec les décideurs.

Le bon moment n’existe pas, la bonne stratégie si : clarifiez votre valeur, choisissez vos batailles et faites circuler la preuve de vos résultats.