Comment les ménages réajustent leur épargne en 2025 ?
Découvrez comment la baisse du Livret A à 1,7% influence les choix d'épargne des Français et l'ascension de l'assurance-vie.

Les ménages français revoient leurs arbitrages d’épargne. Le Livret A, vitrine de l’épargne sécurisée, tombe à 1,7% au 1er août 2025 après un passage à 2,4%, et subit un décrochage inédit des dépôts dès juillet.
Dans le même temps, l’assurance-vie enregistre des afflux records, portée par des fonds en euros encore soutenus et des unités de compte en regain de faveur. Les lignes bougent, et avec elles le financement de l’économie.
Chute du rendement du livret a à 1,7% : déclencheur d’arbitrages massifs
Le taux du Livret A a été ajusté à 1,7% au 1er août 2025, contre 2,4% auparavant, après une première réduction intervenue en février. L’annonce de juillet a précipité un mouvement de retrait rarement observé en été : la décollecte nette de juillet est présentée comme la plus marquée pour un mois de juillet depuis 2015, d’après les données de la Caisse des dépôts publiées le 21 août 2025 (Caisse des dépôts, 21 août 2025).
Cette baisse reflète la normalisation des conditions monétaires et la translation, avec retard, de la désinflation et de la détente des taux courts vers les produits réglementés. Elle a aussi un effet de signal : à 1,7%, le Livret A redevient un instrument de précaution et de liquidité, mais moins compétitif pour valoriser un capital sur quelques trimestres.
L’impact dépasse les ménages. La centralisation d’une partie des dépôts Livret A par la Caisse des dépôts irrigue le financement du logement social et des infrastructures locales. Une décollecte prolongée oblige davantage à optimiser l’allocation de la base centralisée et, côté banques, à ajuster leur grille de dépôts à vue et leur politique commerciale d’épargne pour stabiliser la ressource clientèle.
Repères 2025 à retenir
1er août 2025 : taux du Livret A à 1,7% après 2,4%.
Juillet 2025 : décollecte la plus forte pour un mois de juillet depuis 2015 sur Livret A, d’après la Caisse des dépôts.
Premier semestre 2025 : assurance-vie en collecte nette record de 26,6 milliards d’euros, au plus haut depuis 2010 (France Assureurs).
La décollecte nette correspond aux retraits diminués des versements sur une période donnée. Elle peut masquer des dynamiques opposées : forte réduction des versements, hausse des rachats, ou les deux.
Sur les livrets réglementés, les flux sont sensibles aux annonces de taux, aux échéances de dépenses des ménages et aux arbitrages inter-comptes. Un épisode de décollecte ponctuel n’implique pas un reflux durable, mais signale souvent un changement de hiérarchie de rendement.
Flux d’épargne: moins de dépôts réglementés, plus d’arbitrages vers des supports rémunérateurs
Face à un taux ramené à 1,7%, les ménages testent d’autres voies. Les comptes à terme, moteurs en 2023 et 2024, perdent en attractivité au fil de la baisse des taux courts.
À l’inverse, l’assurance-vie bénéficie d’un effet de latence des rendements sur ses fonds en euros et d’une offre plus large d’unités de compte. Résultat : les flux se déplacent sans pour autant abandonner la liquidité, essentielle dans une période d’incertitudes.
Dans les portefeuilles des ménages, une structure en trois étages se dessine : trésorerie immédiate sur dépôts à vue, coussin de sécurité réduit mais maintenu sur livrets réglementés, et capital chercheur de rendement relocalisé vers des contrats d’assurance-vie. Le tout avec un taux d’épargne élevé en toile de fond, reflet d’une prudence toujours présente.
Le cœur de la redistribution tient à la relation taux-risque. Quand la rémunération garantie recule, les investisseurs acceptent parfois plus de volatilité mesurée pour préserver leur pouvoir d’achat à moyen terme. Ce glissement s’observe d’abord chez les épargnants les plus équipés financièrement, avant de s’élargir au grand public sous l’impulsion de campagnes commerciales.
Assurance-vie au plus haut depuis 2010: ce qui nourrit la collecte
L’assurance-vie signe une séquence historique au premier semestre 2025 avec 26,6 milliards d’euros de collecte nette, son meilleur niveau depuis 2010, et 97,8 milliards d’euros de versements bruts depuis le début de l’année, des montants attribués à un climat économique incertain et à une épargne de précaution élevée (France Assureurs; publications du 1er août 2025).
Deux moteurs se conjuguent. D’abord, une hausse des versements chez les ménages fortement bancarisés et dotés de réserves de trésorerie. Ensuite, et surtout, une baisse des retraits, le différentiel de rendement s’étant refermé au détriment des livrets et des comptes à terme. Les fonds en euros, qui ajustent leurs performances avec retard, restent pour l’heure attractifs relativement au Livret A.
Pour les assureurs, l’enjeu est double : accueillir ces flux tout en maîtrisant les engagements en capital. Cela implique de calibrer les nouveaux versements entre fonds en euros et unités de compte, de moduler les bonifications temporaires, et de conserver une marge financière suffisante pour servir le rendement 2025 qui sera annoncé début 2026.
Les fonds en euros répercutent l’environnement de taux avec décalage, car le portefeuille porte des obligations acquises à des coupons antérieurs. Tant que des titres à coupons élevés cohabitent avec des coupons plus récents, la performance moyenne demeure soutenue.
Les assureurs activent en outre des leviers : réserves de participation aux bénéfices, diversification modérée en actifs réels, et politique de frais. Ces amortisseurs ne sont pas infinis et requièrent une gestion prudente de la collecte pour éviter de diluer le rendement des encours historiques.
Arbitrer l’assurance-vie : points de vigilance concrets
- Frais d’entrée et de gestion : vérifier le niveau des frais sur versement, d’arbitrage et annuels, variables selon les réseaux.
- Fiscalité : imposition en cas de rachat sous le régime du prélèvement forfaitaire unique à 30% en standard, avec un abattement annuel après 8 ans de 4 600 euros pour une personne seule ou 9 200 euros pour un couple, selon les règles en vigueur.
- Garanties : la garantie en capital s’applique aux fonds en euros, pas aux unités de compte.
- Liquidité : la plupart des contrats permettent un rachat partiel programmé, mais attention aux pénalités éventuelles en cas de supports spécifiques.
Montée en puissance des unités de compte: opportunités et garde-fous
Avec la normalisation des taux, les unités de compte (UC) regagnent du terrain, portées par des marchés boursiers relativement résilients malgré les tensions géopolitiques. Leur intérêt tient à la diversification et à l’accès à des thèmes d’investissement qui échappent aux fonds en euros. L’appétit se concentre sur des UC prudentes et patrimoniales, et sur des allocations équilibrées adossées à des profils de risque calibrés.
Selon l’analyse de Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne, la dynamique de l’assurance-vie devrait se poursuivre dans les prochains mois, aidée par l’abaissement du taux du Livret A. Cette lecture s’explique par un différentiel de rendement attendu en faveur des contrats multisupports, en particulier lorsque les gérants conservent une exposition obligataire de qualité combinée à une poche actions maîtrisée.
Reste la discipline de pilotage. Les UC exigent de raisonner en horizon de temps, de tolérance au risque et de rééquilibrages périodiques. Elles ne remplacent pas le fonds en euros, mais peuvent compléter le contrat afin d’améliorer l’espérance de gain à long terme, avec une volatilité assumée et suivi régulier.
Une construction défensive peut combiner des fonds obligataires investment grade, des fonds actions mondiales à faible volatilité et une sélection d’actifs réels ou d’infrastructures via des UC éligibles. L’objectif est de lisser le risque de marché sans renoncer à la performance potentielle.
Le calibrage passe par des seuils de pertes à ne pas dépasser, des arbitrages programmés et un suivi des frais réels de chaque support. Un pilotage automatique type « gestion sous mandat » peut convenir aux épargnants moins avertis.
Épargne logement et pel anciens: l’effet de redirection attendu à partir de 2026
Le débat s’ouvre désormais sur l’avenir des plans d’épargne logement ouverts depuis plus de quinze ans. Leur fermeture automatique, annoncée comme devant intervenir progressivement à partir de 2026, est perçue par plusieurs observateurs comme un facteur de réorientation d’épargne vers l’assurance-vie, selon les analyses relayées par le Cercle de l’épargne.
Pour les détenteurs de PEL anciens, la perspective est double. D’un côté, des plans historiques bien rémunérés qui arrivent au bout de leur cycle réglementaire. De l’autre, la nécessité de replacer un capital libéré vers des supports offrant soit une garantie en capital avec rendement améliorable, soit des alternatives de long terme via des UC. Les assureurs se positionnent déjà pour capter ces flux.
L’onde de choc serait progressive. Les volumes tourneraient autour d’échéances étalées, chaque fermeture générant un arbitrage individuel. Les banques et les assureurs devront adapter leur distribution, leur accompagnement fiscal et leurs offres transitoires pour éviter des frictions opérationnelles au moment des bascules.
Ce que change la fermeture des PEL de plus de 15 ans
- Ressources libérées : capitaux à replacer, avec arbitrage entre produits garantis et supports de marché.
- Accompagnement : nécessité d’une information claire sur la fiscalité et les frais de transfert éventuels.
- Marché de l’épargne : opportunité pour l’assurance-vie de capter une part des flux sortants des PEL anciens.
Campagnes de rentrée: bonus sur fonds en euros et conditions associées
À la faveur de la baisse des rendements des produits réglementés, les assureurs préparent des offres de rentrée pour consolider la collecte sur leurs fonds en euros. Les pratiques observées ces dernières années laissent attendre des bonifications temporaires ou des taux boostés conditionnés à une part d’unités de compte, selon les tendances rapportées au printemps 2025.
Ces bonifications sont généralement encadrées par des critères précis. Elles s’appliquent à des nouveaux versements, sur une période limitée, avec un ticket d’entrée minimum, un plafond de montant et, souvent, une clé de répartition UC obligataire-actions. Leur vocation est double : attirer des souscriptions et maintenir l’équilibre actif-passif des assureurs en période de remontée des encours.
- Durée : bonification sur quelques mois, parfois prorogeable en fonction des flux.
- Éligibilité : contrats existants ou nouveaux, versements libres ou programmés.
- Répartition : exigence de 20% à 40% d’UC selon les campagnes, pour limiter le poids du passif garanti.
- Transparence : indicateurs de performance nette après frais à mettre en regard des alternatives (Livret A, comptes à terme).
Pour les directions financières, ces opérations constituent des signaux utiles sur l’intensité concurrentielle et sur la sensibilité des ménages aux incitations tarifaires. La capacité des assureurs à offrir des bonus sans dégrader durablement leur solvabilité indiquera le degré de marge opérationnelle dans un contexte de normalisation post-choc inflationniste.
1. Quelle part est réellement garantie et sur quelle durée s’applique la bonification sur fonds en euros.
2. Quelles unités de compte sont exigées et quelles sont leurs volatilités historiques, leurs frais et leur liquidité.
3. Quel rendement net attendu après frais, fiscalité et prélèvements sociaux, comparé au Livret A et à d’éventuels comptes à terme.
Lecture macro-financière: ce que disent ces flux de l’économie française
La baisse du Livret A, suivie d’une décollecte de juillet historiquement marquée, et la collecte record de l’assurance-vie composent une image cohérente du rééquilibrage de l’épargne. Les ménages ne renoncent pas à la prudence, mais arbitrent en faveur de produits où la rémunération reste temporairement supérieure, au prix d’un risque maîtrisé.
Pour l’économie, ces flux peuvent se traduire par une meilleure alimentation du financement de long terme, via les portefeuilles des assureurs qui irriguent dettes souveraines, obligations d’entreprises et actifs réels. Côté logement social, la gestion de la centralisation Livret A devra s’ajuster pour maintenir l’investissement, tandis que les banques adapteront leur mix de dépôts et leur tarification pour préserver la ressource.
Les pouvoirs publics surveilleront de près la transmission de la politique monétaire aux ménages. Une rémunération réglementée trop déconnectée des taux effectifs peut ralentir les ajustements, mais une baisse trop rapide déplace brutalement les flux. Le calibrage fin, au fil des semestres, reste la clé pour éviter des à-coups au financement de secteurs sensibles.
Définitions utiles pour suivre le débat
- Livret A : épargne réglementée, défiscalisée, à liquidité immédiate, partiellement centralisée à la Caisse des dépôts.
- Collecte nette : différence entre versements et retraits sur une période donnée.
- Fonds en euros : support à capital garanti dans l’assurance-vie, rendement distribué annuellement.
- Unités de compte : supports non garantis adossés à des fonds ou titres, exposant l’épargnant aux marchés.
Pour les directions financières et les trésoriers d’entreprise, ces mouvements d’épargne ont des retombées concrètes. Le coût de la ressource clientèle peut se tasser à mesure que la pression concurrentielle sur les livrets se relâche. En parallèle, l’appétit des assureurs pour la dette d’entreprise bien notée peut fluidifier les conditions d’émission sur le marché primaire, à condition que la collecte se maintienne et que la perception du risque reste contenue.
En somme, le nouvel équilibre Livret A à 1,7% et assurance-vie en accélération ne dit pas seulement la stratégie des ménages. Il esquisse aussi les canaux de financement des prochains trimestres, du logement social aux obligations corporate, et la manière dont les institutions financières orchestrent la transition vers une phase post-pic d’inflation.
Ce que révèlent les arbitrages d’épargne pour 2026
La séquence ouverte par l’abaissement du Livret A et la collecte exceptionnelle de l’assurance-vie constitue un révélateur. Elle exprime une confiance conditionnelle des ménages, prêts à préserver leur valeur patrimoniale en acceptant un peu plus de sophistication via l’assurance-vie, sans renoncer au socle de sécurité des livrets. Elle renseigne surtout sur le futur proche du financement de l’économie : davantage de capitaux canalisés par les assureurs, et une vigilance accrue sur la pérennité des rendements servis.
À l’horizon 2026, la fermeture progressive des PEL de plus de quinze ans devrait ajouter un flux additionnel aux arbitrages déjà à l’œuvre, probablement au bénéfice des contrats multisupports. La clé sera la qualité du conseil, la transparence des offres de rentrée et la capacité des institutions à stabiliser un triangle délicat : rendement, liquidité, et risque maîtrisé.
Le Livret A abaissé à 1,7% rebat les cartes de l’épargne, et l’assurance-vie capte l’élan : un basculement mesuré mais structurant, où les ménages arbitrent entre sécurité, rendement et horizon, dessinant les contours du financement de l’économie de 2025 à 2026.