0,8 % en 2025: l’Insee relève sa projection de croissance et surprend un marché qui s’attendait à un net ralentissement. La nouvelle trajectoire, publiée le 11 septembre, acte un léger mieux malgré une confiance en berne et une instabilité politique persistante. Derrière ce redressement, quatre secteurs tirent la locomotive, pendant que les ménages épargnent à des niveaux historiques.

Cap revu à la hausse: trajectoire trimestrielle et bilan de l’année

L’Insee rehausse sa prévision de croissance pour 2025 à 0,8 %, contre 0,6 % avant l’été. La trajectoire s’échelonne ainsi: +0,1 % au premier trimestre, +0,3 % au deuxième, une estimation de +0,3 % au troisième puis +0,2 % au quatrième. Le diagnostic tient en une formule mise en exergue par l’institut: « Pas de confiance, un peu de croissance ».

Comparée à 2024, dont la progression du PIB a atteint 1,1 %, l’année 2025 marque un ralentissement, mais dans une zone de croissance positive. Cette révision, formalisée le 11 septembre, intègre les éléments d’incertitude politique et l’onde de choc institutionnelle récente, tout en actant une meilleure tenue d’activité dans quelques filières clés (Insee, note de conjoncture du 11 septembre 2025).

Pour les directions financières, ce profil en « dos de chameau » appelle une gestion attentive des cash-flows et des besoins en fonds de roulement. Les stocks, reconstitués sur les deux dernières années, amortissent les à-coups de la demande, mais accroissent la sensibilité aux coûts de financement et aux dépréciations potentielles si les carnets se tassent.

Métriques Valeur Évolution
PIB France 2025 (projection) +0,8 % +0,2 pt vs juin
PIB France 2024 (réalisé) +1,1 % -0,3 pt vs 2024
Profil trimestriel 2025 T1 +0,1 % | T2 +0,3 % | T3 +0,3 % | T4 +0,2 % Accélération depuis T1
Consommation des ménages 2025 +0,5 % Sous le pouvoir d’achat
Taux d’épargne des ménages 18,5 % +2 pts vs 2024
Chômage fin 2025 (projection) 7,6 % +0,2 pt vs 2024
Exportations nettes S1 2025 -1,5 % Parts de marché en recul
Tourisme Q2 2025: contribution PIB +0,2 point Nuitées +5 % vs 2024
Permis de construire S1 2025 +10 % Redressement sectoriel
Production céréalière 2025 +3 % Bonne récolte
Livraisons Airbus 2025 +8 % Commandes en hausse

Lecture rapide des chiffres clefs

Le relèvement à 0,8 % ne traduit pas une reprise large, mais la consolidation de poches de résistance. Les fondamentaux ménages restent prudents, avec un taux d’épargne à 18,5 %, tandis que l’appareil exportateur perd de l’allant. Les secteurs tracteurs compensent, pour l’heure, ces vents contraires par des contributions ciblées.

Quatre moteurs sectoriels qui font la différence

La révision de l’Insee s’explique essentiellement par des dynamiques micro-sectorielles qui se confirment. Le tourisme, l’immobilier, l’aéronautique et l’agriculture apportent des contributions visibles à l’activité, et neutralisent des faiblesses ailleurs dans l’économie.

Hôtellerie française: traction des nuitées et recettes en hausse

Portée par les événements internationaux et la mobilité retrouvée, la fréquentation hôtelière a progressé de 5 % au deuxième trimestre par rapport à 2024. L’Insee estime que le tourisme a ajouté 0,2 point à la croissance du trimestre.

Pour les exploitants, l’équation est double: maintenir le taux d’occupation tout en maîtrisant la hausse des coûts d’énergie et de personnel. Les groupes intégrés misent sur le yield management et le repositionnement d’offre en milieu de gamme, plus résilient.

Promotion immobilière: permis en rebond, signal de cycle

Après trois années de repli, la remontée des permis de construire de 10 % au premier semestre amorce un tournant pour la construction neuve. Les promoteurs tirent parti d’un désajustement offre-demande dans les zones tendues et d’une stabilisation des coûts de matériaux. Pour les banques, le redressement du neuf est une bonne nouvelle pour le crédit aux professionnels, même si les conditions d’octroi aux ménages restent sélectives.

Airbus: cadence et supply chain sous tension

Le champion européen a relevé ses livraisons de 8 % en 2025, soutenu par des commandes fermes, dont un bloc de 200 appareils signé avec un transporteur asiatique en juin. La filière française, des grands systémiers aux PME, bénéficie de ce flux, avec une croissance sectorielle estimée à 4 %. L’enjeu industriel reste la sécurisation des sous-traitances critiques et des fournisseurs de rang 2, où les goulets de capacité peuvent décaler les cadences.

Filière agricole: un millésime qui soulage

La production céréalière progresse de 3 % selon l’évaluation consolidée de l’été. Cette amélioration mécanique soutient le revenu agricole et fluidifie la demande amont en intrants et équipements. Les coopératives rationalisent les capacités de stockage pour valoriser la récolte tout en limitant les besoins de trésorerie à court terme.

Tourisme: effet direct via les services marchands et une chaîne de valeur large, de l’hôtellerie aux transports. Immobilier: la construction neuve agit comme multiplicateur d’activité locale. Aéronautique: contributions concentrées mais à forte intensité exportatrice. Agriculture: soutien diffus via l’agro-industrie et l’équipement agricole. L’effet agrégé explique un relèvement de 0,2 point des anticipations de PIB.

Consommation, épargne et emploi: les ménages serrent la vis

Le cœur de l’économie française, la consommation des ménages, n’avance que de 0,5 % en 2025, en deçà de la progression du pouvoir d’achat estimée à 0,8 %. L’écart s’explique par une préférence marquée pour l’épargne de précaution: le taux d’épargne est attendu à 18,5 %, un sommet qui renvoie à la période Covid hors effets exceptionnels.

Le climat des affaires reste inférieur à sa moyenne de long terme depuis l’été 2024, pénalisant les anticipations d’embauche et d’investissement. Le chômage remonterait à 7,6 % d’ici fin 2025, contre 7,4 % en 2024. Pour la distribution et les biens durables, le risque est une frilosité prolongée des achats discrétionnaires, avec une pression continue sur les marges promotionnelles.

Un taux d’épargne élevé détourne une part du revenu disponible de la consommation immédiate. Il soutient la stabilité financière des ménages et les dépôts bancaires, mais freine la demande adressée aux entreprises. À court terme, cela réduit la traction de la production intérieure. À moyen terme, si l’épargne se réoriente vers l’investissement productif, l’effet peut devenir positif, mais le décalage temporel est significatif.

Compétitivité et commerce extérieur: le talon d’achille de 2025

Les industriels français accusent une perte de terrain à l’export. Les exportations nettes reculent de 1,5 % au premier semestre. La France cède des parts de marché, pendant que d’autres économies européennes réarment leur outil productif via des investissements ciblés en biens d’équipement.

Pour les directions générales, trois leviers sont prioritaires: repositionner l’offre sur des segments à valeur ajoutée capturable, accélérer la sobriété énergétique des procédés pour réduire les coûts unitaires et sécuriser les débouchés hors UE par des partenariats commerciaux. Les écosystèmes gagnants combinent excellence produit, service embarqué et fiabilité logistique.

Les exportations nettes mesurent la contribution du solde commercial à la croissance. Une baisse signale soit une augmentation plus rapide des importations, soit un affaiblissement des exportations. La part de marché compare la performance export d’un pays à la demande mondiale. Un recul persistant traduit un déficit de compétitivité prix ou hors prix, ou des biais sectoriels peu porteurs à l’international.

Risques politiques et énergie: variables décisives pour les entreprises

L’Insee intègre des facteurs d’instabilité: volatilité institutionnelle à Paris, incertitude sur la politique économique américaine et prix du pétrole plus erratiques. La chute du gouvernement le 8 septembre 2025 ajoute une strate de risque pour la visibilité budgétaire et fiscale, tandis que la dissolution de l’Assemblée à l’été 2024 a durablement entamé les indicateurs de confiance.

Dans ce contexte, les directions financières privilégient la couverture des expositions sensibles: énergie, devises d’achats de composants, taux d’intérêt. Les comités d’audit demandent des analyses de sensibilité plus fréquentes sur les marges et le besoin en fonds de roulement. Côté trésorerie, la discipline de paiement fournisseurs et l’optimisation des remises de fin d’année deviennent des leviers concrets pour absorber un T4 plus plat.

1. Choc pétrole de +15 USD sur le Brent avec répercussion partielle sur les tarifs: mesurer l’élasticité de la demande et l’impact sur la marge brute.

2. Décalage de 60 jours des approvisionnements critiques: simuler les ruptures de stocks, la perte de chiffre d’affaires et le recours à des achats spot plus chers.

3. Hausse de 100 points de base des coûts de financement: quantifier l’incidence sur les covenants bancaires et réviser le capex non essentiel.

L’europe accélère, la france suit à distance

Alors que l’Union européenne afficherait une croissance moyenne de 1,4 % en 2025, la France reste en retrait à 0,8 %. L’Espagne atteindrait 2,1 %, l’Italie 1,2 % et l’Allemagne 1,0 %.

Plusieurs économies de la zone renforcent leurs investissements en biens d’équipement, renforçant leurs capacités exportatrices. L’écart porte autant sur la structure sectorielle que sur la dynamique d’investissement productif (Commission européenne, prévisions de juillet 2025).

Eurostat anticipe pour 2025 une hausse de 2 % des investissements dans l’UE. Pour les groupes français, la clé est double: capter la demande européenne en repositionnant l’offre sur les segments en croissance et défendre les marchés hors UE par une différenciation plus nette. Les PME industrielles ont intérêt à s’agréger dans des filières export, mutualisant prospection et service après-vente.

Différentiel de croissance intra-UE: implications pour les directions générales

Le retard de la France sur la moyenne européenne plaide pour: 1) accélérer l’automatisation et l’outil productif pour réduire l’écart de coûts, 2) renforcer l’offre exportable à forte valeur ajoutée, 3) sécuriser les approvisionnements hors UE pour lisser les coûts, 4) aborder le pricing non par rabais, mais par montée en gamme et services additionnels.

Lecture sectorielle avancée: signaux d’inflexion pour les décideurs

Sur le terrain, les signaux sont contrastés. La réouverture du cycle de construction neuve fait espérer un redressement progressif des matériaux et de l’artisanat, mais la demande finale reste contrainte par la solvabilité des ménages. L’hôtellerie maintient ses taux d’occupation grâce aux flux internationaux, mais affine la structure tarifaire pour éviter l’érosion des revPAR en semaine.

Dans l’aéronautique, la robustesse des carnets amortit les aléas de conjoncture. Les fournisseurs de rang 2 et 3 constituent le maillon critique: sans investissements d’outillage ou de recrutement, la montée en cadence peut buter sur des plafonds physiques. L’agriculture bénéficie d’un millésime favorable sur les céréales, ce qui allège la pression sur certaines filières d’alimentation animale et stabilise la demande de logistique vrac.

Côté commerce extérieur, la perte de parts de marché traduit un problème d’avantage compétitif à la fois prix et hors prix. Le rehaussement de la formation, la diffusion du numérique industriel et l’ancrage de services à l’export (maintenance, rétrofit, services financiers) constituent des réponses structurelles, plus efficaces que des politiques prix à courte vue.

Qui est airbus pour l’économie française

Airbus concentre un effet multiplicateur majeur: emplois directs et indirects, commandes de longs cycles, investissement technologique. Son carnet de commandes offre une visibilité rare au-delà de 2025.

Pour l’Insee, la progression des livraisons se répercute sur la production industrielle, le commerce extérieur et l’investissement amont. Les autorités et les filières régionales travaillent à fluidifier la logistique et à accélérer les délais de certification de nouvelles capacités.

Le concept de rebond dans l’immobilier neuf

Le « rebond » du permis de construire n’est pas qu’un indicateur administratif. Il annonce des mises en chantier et des emplois sur 12 à 18 mois. Sa composition géographique compte: là où la demande structurelle est forte, l’effet multiplicateur est plus élevé. Les bailleurs sociaux et les investisseurs institutionnels reviennent prudemment, cherchant des montages viables avec des loyers plafonnés et des coûts d’exploitation maîtrisés.

Qui tire le tourisme français en 2025

Les grandes métropoles, les sites culturels majeurs et la façade méditerranéenne. La croissance des nuitées de 5 % au T2 ne tient pas au seul loisir: le MICE redémarre et les événements internationaux animent les calendriers. Les opérateurs travaillent le mix de clientèle pour lisser la saisonnalité, tandis que les plateformes de réservation renforcent leurs commissions, obligeant les acteurs à défendre la marge via la vente directe.

Dernier trimestre 2025: signaux faibles à scruter

Le nouveau cap de 0,8 % donne un répit, mais il n’efface ni la faiblesse de la consommation, ni la pression sur le commerce extérieur. Les entreprises à l’offensive sur la productivité et les services associés captent mieux la demande, en France comme en Europe. Un surcroît de visibilité politique ou budgétaire pourrait libérer une part de l’épargne des ménages vers la consommation fin d’année.

La boussole est connue: sécuriser l’exécution dans les secteurs porteurs, réduire la dépendance aux variables externes et investir dans l’avantage compétitif hors prix.