54 % des dirigeants déclarent ressentir un impact de la crise politique sur leur activité. Cette photographie, issue d’un sondage mené du 11 au 19 septembre 2025 auprès de 1 014 chefs d’entreprise, place la stabilité gouvernementale au cœur des décisions d’investissement et de recrutement. L’économie réelle enregistre déjà des signaux de prudence, notamment sur la consommation des ménages et les carnets de commandes.

Crise politique : 54 % des dirigeants rapportent un effet direct sur l’activité

Interrogés par Opinion Way pour la CCI, La Tribune et LCI, les dirigeants indiquent majoritairement que l’instabilité politique se répercute sur leur quotidien opérationnel (54 % d’impact mesuré). La perception d’un ralentissement de la demande intérieure émerge comme le principal canal de transmission, via une consommation plus hésitante des ménages et des arbitrages budgétaires dans les entreprises.

La conjoncture politique agit comme un amplificateur d’incertitudes déjà élevées depuis la séquence inflationniste et la remontée des coûts de l’énergie. Pour les directions financières, la prudence s’impose: compressions de dépenses non essentielles, gel de certains capex, renégociations de délais de paiement. Les directions juridiques observent, elles, un risque de fragmentation normative qui complique les plans de conformité et les appels d’offres publics.

Dans les réponses au sondage, plusieurs mécanismes reviennent de façon récurrente: crainte d’un frein sur la consommation, temporisation des décisions d’investissement, difficulté à établir des prévisions robustes, aussi bien en chiffre d’affaires qu’en trésorerie. Autour de la moitié des dirigeants jugent déjà cette incertitude suffisamment forte pour affecter leur trajectoire à court terme (sondage Opinion Way pour CCI, La Tribune et LCI).

Ce que mesure ce sondage

Le sondage Opinion Way pour la CCI, La Tribune et LCI a interrogé 1 014 dirigeants du 11 au 19 septembre 2025. L’échantillon est représentatif par taille, secteur et région. Les réponses reflètent une perception de l’impact sur l’activité, utile pour piloter le risque à court terme et hiérarchiser les priorités de gestion.

1) Un signal d’avertissement commercial: probabilité accrue de reports d’achats côté ménages et entreprises. 2) Un stress test budgétaire: nécessité de recalibrer les hypothèses de chiffre d’affaires. 3) Un défi de gouvernance: communication renforcée au conseil d’administration sur les risques politiques et leurs effets sur les capex et le besoin en fonds de roulement.

Construction et commerce en première ligne : signaux d’alerte sectoriels

Deux branches se distinguent par une anxiété plus forte. La construction et le commerce, particulièrement sensibles aux cycles de demande et aux décisions publiques, concentrent les craintes liées aux retards d’engagements et à la pression sur les marges. La première craint une contraction des investissements, le second une moindre propension à consommer.

Construction : carnets et commandes publiques sous tension

Dans la construction, 64 % des dirigeants anticipent un effet négatif. Les causes avancées: la visibilité réduite sur les projets, la latence des décisions d’investissement, le risque de glissement des calendriers de commandes publiques. L’expérience des précédentes crises montre que l’incertitude budgétaire peut accroître les délais d’initiation des chantiers, quand bien même la demande de long terme resterait intacte.

La hausse des coûts d’entrée post-crise énergétique et l’inflation résiduelle demeurent des préoccupations de premier plan relevées dans les dernières enquêtes conjoncturelles, renforcées par le climat politique. Les directions opérationnelles se préparent à une gestion fine des plannings, à la renégociation des prix et à la priorisation des chantiers à meilleure rentabilité.

Commerce : arbitrages de dépenses des ménages

Dans le commerce, 60 % des chefs d’entreprise se disent inquiets. Le secteur redoute des arbitrages défavorables de consommation, surtout sur les postes discrétionnaires. L’instabilité politique agit alors comme un facteur psychologique de report d’achats, avec un impact immédiat sur le trafic, les paniers moyens et la rotation des stocks.

La pression se fait sentir sur l’EBITDA des acteurs à faible pricing power. L’effort se déplace vers le pilotage du mix produits, l’optimisation de l’omnicanal et la réduction des coûts logistiques. Pour les directions financières, l’enjeu est de préserver la liquidité sans dégrader l’expérience client.

La consommation des ménages pèse environ 55 % du PIB

En 2024, la consommation des ménages a représenté autour de 55 % du PIB. Un ralentissement, même modéré, se répercute mécaniquement sur les secteurs orientés retail et services, puis sur l’emploi et l’investissement de remplacement. C’est la principale raison pour laquelle les dirigeants concentrent leur vigilance sur la demande intérieure.

Entreprises de plus de 50 salariés : exposition accrue et arbitrages d’investissement

La taille critique n’immunise pas contre le risque politique. Au contraire, 69 % des entreprises de plus de 50 salariés signalent un impact sur l’activité. En cause, la complexité organisationnelle, la dépendance à des chaînes d’approvisionnement multi-pays et des cycles d’investissement plus longs. L’incertitude budgétaire et réglementaire accroît le coût du capital perçu et retarde certaines décisions.

Chaînes d’approvisionnement et capex : pourquoi les grands ressentent plus

Les groupes structurés sont exposés à des effets de second tour: délais d’homologation, normes qui évoluent, clauses d’indexation qui brouillent la visibilité sur la rentabilité à moyen terme. Les comités d’investissement reviennent alors vers des seuils de rentabilité plus contraints et des horizons de retour plus prudents. Côté RH, l’embauche est parfois modulée pour préserver la flexibilité face à des volumes incertains.

Dans les filières industrielles, la conception des plans directeurs d’approvisionnement suppose désormais des scénarios multipolitiques: scénarios A pour une normalisation rapide, B pour une volatilité prolongée. La première conséquence est une révision de la cadence de déploiement des capex, sans remise en cause des projets stratégiques lorsqu’ils sont adossés à des tendances structurelles fortes.

Les charges sociales agrègent cotisations patronales et salariales finançant notamment assurance maladie, retraite, chômage. En France, elles peuvent représenter jusqu’à 40 % du coût salarial total selon la structure de rémunération. La maîtrise de ce poste est centrale dans les arbitrages d’embauche et de localisation d’activités.

Sébastien Lecornu face aux attentes : allègements de charges et simplification

Les dirigeants interrogés souhaitent des leviers concrets: allègement des charges sociales et fiscales et simplification administrative. L’objectif est clair: compenser l’incertitude par une baisse des coûts récurrents et un raccourcissement des délais de procédure. Ces priorités sont recensées comme des accélérateurs de confiance dans l’investissement et l’emploi.

Le nouveau Premier ministre, Sébastien Lecornu, bénéficie d’une image personnelle plutôt favorable, mais son maintien à Matignon est jugé fragile par l’opinion. Un sondage Odoxa de septembre 2025 souligne 67 % de jugements négatifs à l’égard de son action en tant que chef du gouvernement, tout en lui prêtant une popularité personnelle distincte. Pour l’exécutif, le tempo d’exécution sera déterminant pour éviter une cristallisation de l’attentisme.

Loi Pacte 2019 : leviers mobilisables sans réforme lourde

La loi Pacte a déjà simplifié certaines démarches pour les PME. Selon des évaluations gouvernementales, elle a permis de réduire d’environ 20 % des délais administratifs.

Les dirigeants interrogés plaident pour prolonger ces acquis, par exemple via des dématérialisations et des seuils de contrôle plus lisibles. La cible est la même: fluidifier les parcours d’autorisation pour que les projets ne butent pas sur des délais non productifs.

Sur le coût du travail, la piste la plus citée reste l’allègement de cotisations, particulièrement dans la construction et le commerce, où la sensibilité aux marges est élevée. Elle viendrait soulager le besoin en fonds de roulement, faciliter les recrutements et soutenir la demande par le revenu disponible.

Ce que demandent les dirigeants : 3 priorités

  1. Alléger les charges sociales et fiscales pour améliorer la compétitivité coût.
  2. Simplifier les procédures et réduire les délais de traitement.
  3. Stabiliser la trajectoire budgétaire pour sécuriser les carnets et les capex.

Indicateurs macro et flux d’IDE : l’attractivité Choose France 2025 à l’épreuve

Malgré la turbulence politique, l’attractivité de la France n’est pas démentie par les grands investisseurs. Au sommet Choose France du 19 mai 2025, les autorités ont annoncé 40,8 milliards d’euros d’investissements et 53 projets à venir (Direction générale des Entreprises). Ce stock d’intentions illustre des fondamentaux encore porteurs, de la R&D à l’industrialisation de technologies clés.

La question qui se pose aux directions financières: le risque politique retardera-t-il la transformation de ces annonces en engagements fermes et en dépenses d’investissement effectives sur 12 à 24 mois. La littérature de marché observe que les IDE sont sensibles à la visibilité réglementaire et fiscale. Même lorsqu’un pays reste attractif, un surcroît d’incertitude peut allonger le temps de décision, en particulier dans les secteurs intensifs en capital.

IDE et décisions finales d’investissement : la sensibilité au risque politique

Le parcours d’un projet d’IDE suppose en général une série de jalons: due diligence, sécurisation foncière et énergétique, incitations publiques, autorisations réglementaires, arrêt du budget en comité. Un environnement politique heurté peut perturber deux étapes clés: la sécurisation des aides et la prévisibilité des normes. C’est davantage une question de tempo que de renoncement: les projets structurants ne sont pas forcément annulés, mais reportés le temps d’y voir clair.

Inquiétudes relayées par la presse économique

Des articles de presse signalent une « forme de cassure » perçue par les dirigeants et un risque d’incertitudes budgétaires qui pèsent sur les décisions d’investissement. Les témoignages évoquent la sensibilité des carnets de commandes et la difficulté à sécuriser un calendrier d’exécution stable, notamment sur les contrats publics.

Demande des ménages et emploi dans la construction : impacts quantifiés et scénarios

Les données disponibles convergent vers un même diagnostic: si la crise politique se prolonge, la consommation pourrait se contracter. La consommation des ménages représente environ 55 % du PIB, ce qui en fait le principal moteur short-term de l’activité. Des estimations économiques récentes avancent qu’un climat d’incertitude prolongé pourrait mener à une baisse des ventes au détail de 2 à 3 %, amplitude cohérente avec un attentisme des ménages et une hausse de l’épargne de précaution.

La construction est un autre point de fragilité. Le secteur emploie plus de 1,5 million de personnes et dépend des projets publics pour une partie de ses volumes.

Des retards de budgétisation, même temporaires, créent un effet domino sur la sous-traitance, la logistique de chantier et la trésorerie. Les dernières enquêtes conjoncturelles font remonter une hausse des préoccupations liées à l’énergie et à l’inflation, amplifiées par la situation politique.

Scénario de commerce de détail : fourchette -2 % à -3 %

Si l’incertitude devait durer, les entreprises du retail pourraient observer une érosion des volumes comparable à une fourchette -2 % à -3 % à court terme. Le pilotage recommandé par les directions financières dans ce cas: ajustement du mix produit vers des références à rotation rapide, renforcement des plans promotionnels calibrés et maîtrise fine des stocks pour limiter les décotes en fin de saison.

Chantiers publics : risques de glissement calendrier

Le ralentissement des décisions administratives crée un risque de glissement des calendriers de chantiers. Pour les entreprises de construction, la priorité devient la préservation de la marge brute: phasage des interventions, négociation des révisions de prix lorsque les clauses le permettent, et allocation préférentielle des ressources aux contrats à meilleure visibilité.

Leur intérêt n’est pas de prédire avec certitude, mais de tester la résilience du modèle d’affaires: 1) réestimer la sensibilité du chiffre d’affaires aux volumes et aux prix, 2) simuler un allongement moyen des délais d’encaissement, 3) prioriser les capex au regard de leur retour net après risque, 4) prévoir une trajectoire de cash buffer adaptée à un trimestre de visibilité réduite.

Cadre statistique Insee et méthodologie du sondage Opinion Way

L’Insee rappelle conduire une trentaine d’enquêtes annuelles auprès des entreprises. Lors de la pandémie puis de la crise énergétique, ces dispositifs ont permis de suivre en temps réel les creux d’activité par secteur. En 2020, les secteurs du commerce et de la construction ont connu des baisses d’activité supérieures à 20 % lors des périodes les plus tendues, un précédent qui éclaire la sensibilité actuelle à l’incertitude.

Concernant la vague de septembre 2025, la méthodologie Opinion Way repose sur 1 014 dirigeants interrogés du 11 au 19 septembre 2025, avec représentativité par taille, branche et région. Le questionnaire identifie le ressenti d’impact, la nature des craintes et les attentes à l’égard de l’exécutif. Il en ressort trois fils rouges: consommation des ménages, visibilité budgétaire, simplification.

  • Nature des réponses : perceptions d’impact et priorités d’action.
  • Enseignements transverses : arbitrages d’investissement et gestion de trésorerie sous contrainte.
  • Éclairage croisé : confrontation avec les enquêtes Insee, utiles pour apprécier l’ampleur sectorielle.

Ces matériaux statistiques n’ont pas vocation à trancher sur le niveau exact d’activité à venir. Ils servent plutôt à quantifier l’élasticité de l’activité aux chocs d’incertitude et à objectiver des décisions de pilotage: plans d’économie, phasage de capex, dimensionnement RH.

Deux repères chiffrés à garder en tête

  • 54 % des dirigeants rapportent un impact de la crise politique sur leur activité (sondage Opinion Way pour CCI, La Tribune, LCI).
  • 40,8 Md€ d’IDE et 53 projets annoncés lors de Choose France 2025 (Direction générale des Entreprises).

Cap court terme : pivoter sans freiner l’investissement productif

Les entreprises françaises naviguent entre deux lignes de force: l’inquiétude conjoncturelle exprimée par les dirigeants et une attractivité structurelle manifestée par les annonces d’IDE. L’équation à résoudre consiste à sécuriser la demande et la trésorerie, tout en évitant de sacrifier les investissements de productivité qui conditionnent la compétitivité de demain.

Pour le gouvernement, l’arbitrage est symétrique: donner de la visibilité budgétaire, simplifier, et cibler des mesures susceptibles de libérer rapidement la capacité d’investissement des entreprises. La fenêtre est étroite, mais l’impact sur la confiance peut être rapide si les signaux sont lisibles et exécutés sans délai. La stabilité perçue reste l’alliée la plus efficace de la relance des décisions d’affaires.