La saison des grands rééquilibrages d’indices européens s’ouvre avec un coup de tonnerre pour deux poids lourds français. A compter du 22 septembre 2025, à l’ouverture, Stellantis et Pernod Ricard seront écartés de l’Euro Stoxx 50. Un signal fort pour le marché, où tensions commerciales, devises et performances opérationnelles recomposent les hiérarchies sectorielles et la cartographie des flux passifs.

Recomposition de l’euro stoxx 50 au 22 septembre 2025

L’opérateur ISS Stoxx a dévoilé une revue de composition marquée par la sortie de Stellantis et Pernod Ricard de l’Euro Stoxx 50, décision effective le 22 septembre 2025, dès l’ouverture des marchés. Le même jour, Nokia quitte également l’indice phare.

Trois titres font leur entrée simultanée dans le panier des 50 grandes capitalisations de la zone euro. Les nouveaux arrivants seront Deutsche Bank, Argenx et Siemens Energy. Le rééquilibrage consacre une dynamique contrastée, opposant banques et transition énergétique d’une part, et secteurs exportateurs pénalisés par les frictions commerciales d’autre part.

La mécanique est rodée. Les révisions STOXX s’appuient sur la capitalisation flottante et la liquidité, via des seuils d’entrée et de sortie qui visent à maintenir une représentativité sectorielle et géographique stable. Les impacts techniques peuvent être significatifs au moment du passage de témoin.

Ce qu’il faut retenir du calendrier

Les annonces de recomposition ont été publiées le 1er septembre 2025. L’application est prévue le 22 septembre 2025, à l’ouverture, afin de coïncider avec l’ajustement des fonds indiciels et dérivés. Le choix de la date limite vise à minimiser les dislocations de marché et à coordonner les flux sur les marchés au comptant et les futures.

Être retiré d’un grand indice réduit la demande structurelle des fonds passifs et peut accentuer le coût du capital d’une entreprise. Effet mécanique: moins de tracking par les ETF, moins de couverture options, moins de flux techniques acheteurs. À court terme, cela peut accroître la volatilité et exiger un rendement attendu plus élevé de la part des investisseurs actifs.

Au-delà de la technique, ce mouvement raconte aussi une année où l’automobile et les spiritueux, pourtant piliers de l’industrie européenne, ont été éprouvés par l’environnement international. A l’opposé, finance, biotechnologies et énergie apparaissent plus porteurs dans le panier blue chips.

Lecture des performances boursières et arbitrages sectoriels

Depuis le début de 2025, l’action Stellantis a décroché de 34,9 % à Paris. Pernod Ricard recule de 9,9 %.

Dans le même temps, le CAC 40 progresse de 4,4 % et l’Euro Stoxx 50 gagne 9,1 %. L’écart de trajectoire boursière est net et contribue au déclassement relatif de ces valeurs dans la hiérarchie des capitalisations.

Ces divergences s’expliquent en partie par le cycle des taux, les devises, et le durcissement commercial. Les exportateurs souffrent de la hausse des barrières et de la faiblesse relative de la demande sur certains marchés clés. A l’inverse, banques et énergéticiens profitent d’un repositionnement des flux vers des secteurs jugés plus défensifs ou mieux orientés en termes de cycle des marges.

Métriques Valeur Évolution
Performance YTD Stellantis -34,9 % Sous-performe CAC 40 de 39,3 pts
Performance YTD Pernod Ricard -9,9 % Sous-performe Euro Stoxx 50 de 19,0 pts
Euro Stoxx 50 YTD +9,1 % Indice de référence zone euro
CAC 40 YTD +4,4 % Indice de référence France
Impact attendu des tarifs US sur le RN 2025 de Stellantis ≈ 1,5 Md€ Estimation interne
Baisse des ventes H1 2025 en Amérique du Nord chez Stellantis -12 % Par rapport à H1 2024
Variation des ventes USA + Chine chez Pernod Ricard -8 % Effet déstockage
Impact sur marge Pernod Ricard -1 à -2 pts Guidance 2024-2025

Trois signaux de marché à ne pas négliger

  • Écart de performance: la sous-performance relative pèse sur la capitalisation flottante et le rang dans la famille STOXX.
  • Devises: la sensibilité au dollar et au yuan devient déterminante pour la valorisation des exportateurs.
  • Flux passifs: l’ajustement des ETF peut provoquer des volumes anormalement élevés à la clôture la veille de l’ajustement.

La famille STOXX agrège plusieurs indices phares, dont Euro Stoxx 50 pour la zone euro et Stoxx Europe 50 pour l’Europe élargie. Les critères clés d’inclusion incluent capitalisation ajustée du flottant, liquidité et limites de pondération. Les revues périodiques peuvent être accompagnées d’entrées et sorties multiples, mais le cœur du processus reste quantitatif et documenté.

Tensions commerciales et douanes: un choc sectoriel désormais chiffré

Le durcissement tarifaire décidé par les États-Unis a nettement reconfiguré l’équation de coût des exportateurs européens. Des droits pouvant atteindre 25 % sur certains composants automobiles ont renchéri les chaînes de valeur et comprimé les marges, notamment lorsque les relocalisations ne sont pas immédiatement faisables.

Les autorités économiques françaises ont souligné, au cœur de l’été, la portée de ces mesures pour les entreprises tricolores exportatrices. Les analyses officielles mettent l’accent sur la double friction logistique et tarifaire qui se répercute sur les plans de production, les stocks et les prix de vente.

Stellantis: chaîne d’approvisionnement fragilisée et amérique du nord en retrait

Pour Stellantis, né en 2021 du rapprochement PSA et Fiat Chrysler, l’onde de choc est double. D’un côté, la hausse des tarifs américains renchérit l’importation de composants et complique l’arbitrage make-or-buy. De l’autre, les tensions États-Unis - Chine allongent les délais et augmentent les coûts indirects sur la logistique.

Le groupe a prévenu que ces frictions pourraient amputer le résultat net 2025 d’environ 1,5 milliard d’euros. L’Amérique du Nord, marché clé pour ses marques, affiche une baisse de 12 % des volumes au premier semestre 2025, ce qui détériore l’absorption des coûts fixes et alourdit la pression sur le mix produit.

Dans ce contexte, Stellantis poursuit ses investissements en électrification, à hauteur de 5 milliards d’euros sur les programmes annoncés cette année, afin d’abaisser l’intensité capitalistique des motorisations thermiques et de capter la demande sur les segments à plus forte contribution.

Pernod ricard: déstockage stratégique et sensibilité au dollar et au yuan

Pour Pernod Ricard, l’onde de choc s’est d’abord traduite par un déstockage massif chez les distributeurs aux États-Unis et en Chine. Ce nettoyage d’inventaires pèse temporairement sur le chiffre d’affaires, avec des ventes en repli de 8 % sur ces deux zones dans le dernier exercice.

La demande pour des emblèmes comme Chivas Regal et Mumm s’est normalisée après des années de surperformance, tandis que les effets devises restent défavorables. Le groupe table sur une croissance organique limitée à 2-4 % et anticipe un impact de 1 à 2 points sur ses marges, le temps que la chaîne de distribution retrouve un niveau d’achats aligné sur la consommation finale.

Pernod Ricard intensifie parallèlement son pivot vers l’Asie du Sud-Est, où il vise une croissance à deux chiffres. La stratégie s’appuie sur des montées en gamme ciblées et un renforcement de la distribution dans les capitales régionales à fort pouvoir d’achat.

Tarifs et contre-mesures: points clés

  • Les hausses tarifaires sur des composants automobiles atteignent jusqu’à 25 % sur certaines lignes.
  • Les institutions européennes ont détaillé la réponse réglementaire et les voies de recours disponibles pour les entreprises.
  • Les effets sont asymétriques: l’automobile subit les hausses de coûts intermédiaires, les spiritueux absorbent la modération de la demande et les variations de devises.

Le déstockage n’est pas synonyme de contraction durable de la demande. Dans les spiritueux, il reflète souvent un retour à un niveau d’inventaires plus sain après une période d’achats excessifs. La clé d’analyse consiste à distinguer la tendance de sell-out consommateur du sell-in distributeur. Le rétablissement peut être rapide, mais la visibilité reste limitée quand les devises sont volatiles.

Trois nouveaux entrants, trois moteurs distincts

La recomposition de septembre valorise trois trajectoires en phase avec les thèmes d’investissement dominants de 2025: redressement bancaire, innovation biopharmaceutique et transition énergétique.

Deutsche bank: redressement opérationnel et effet de levier des taux

Deutsche Bank retrouve une place de premier plan, soutenue par une normalisation de sa rentabilité et un meilleur profil de capital. Le groupe a publié une progression à deux chiffres de ses revenus au premier semestre, portée par la banque d’investissement, la clientèle d’affaires et une gestion des coûts plus disciplinée.

L’inscription au sein de l’indice reflète une réhabilitation boursière, sous l’effet conjugué d’une politique de dividende plus lisible et d’opérations de rachat d’actions. Le secteur bancaire reste sensible au cycle de taux, mais affiche des métriques de solvabilité et de qualité d’actifs mieux orientées qu’au cours de la décennie passée.

Argenx: immunologie en accélération et visibilité réglementaire

L’ascension d’Argenx illustre la capacité des biotechs européennes à transformer l’essai après des jalons cliniques réussis. Les autorisations récentes ont apporté un surcroît de visibilité sur les revenus et alimenté un re-rating significatif du titre depuis janvier.

L’entrée dans l’indice implique une plus large base d’investisseurs, y compris passifs, et peut fluidifier la liquidité. Le défi pour la suite tient au déroulé des lancements, à la montée en puissance commerciale et au profil de marge face à l’augmentation des dépenses post-approbation.

Siemens energy: catalyseur de la transition énergétique

Siemens Energy capitalise sur la montée des investissements européens dans les réseaux, les turbines et les solutions bas-carbone. Malgré un environnement technique exigeant dans l’éolien, l’entreprise a sécurisé des contrats structurants qui consolident son carnet de commandes.

L’accès à l’Euro Stoxx 50 soutient la courbe d’apprentissage industrielle par une meilleure visibilité auprès des investisseurs institutionnels, tout en appuyant les efforts de financement pour des projets à grande échelle.

Au-delà du blue chip: verallia quitte le stoxx europe 600 après l’opa de bwgi

Sur un autre pan de la famille STOXX, Verallia sortira du Stoxx Europe 600 le 22 septembre 2025. Cette évolution fait suite à l’OPA initiée par l’investisseur brésilien BW Gestao de Investimentos et à la prise de contrôle majoritaire du capital de l’emballeur en verre.

Verallia: chronologie d’une opération

L’offre publique, annoncée au printemps 2025, valorisait Verallia autour de 3,5 milliards d’euros. À la clôture de l’opération en août, l’initiateur a franchi les seuils clés de détention en capital et en droits de vote, ouvrant la voie à une normalisation de la liquidité et à un retrait des grands indices.

La société, qui a réalisé 2,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024, devrait accélérer ses programmes liés à la décarbonation et au recyclage, conformément aux ambitions affichées par l’acquéreur.

OPA Verallia: chiffres réglementaires

Au 19 août 2025, l’initiateur détient 79,51 % des actions et 71,23 % des droits de vote, selon l’avis régulateur. Cette structure de contrôle autorise un recalibrage du flottant et justifie la sortie du Stoxx Europe 600, avec pour corollaire une baisse des flux passifs sur le titre.

Liquidité et financement: ce que signifie une sortie d’indice

Être retiré d’un indice large comme le Stoxx Europe 600 entraîne une contrainte de liquidité à court terme. Les investisseurs indiciels ajustent leur exposition, ce qui peut amplifier les mouvements de marché sur quelques séances.

Pour l’émetteur, la structure du capital reconfigurée, combinée à un sponsor financier majoritaire, peut en revanche faciliter des investissements lourds et des décisions industrielles de long terme, moins sensibles aux aléas trimestriels.

BW Gestao de Investimentos se positionne sur des actifs industriels à forte intensité de capital, avec des plans de création de valeur adossés à l’efficacité opérationnelle et à la décarbonation. Pour Verallia, les axes probables incluent l’optimisation énergétique des fours, l’augmentation du taux de calcin et la modernisation des sites, afin d’abaisser les émissions et d’améliorer la marge opérationnelle.

Paramètres de marché à surveiller d’ici la bascule du 22 septembre

La fenêtre qui précède la mise en œuvre est stratégique. Les desks d’exécution calibrent leurs paniers, tandis que les gérants actifs arbitrent l’opportunisme face aux flux passifs attendus. Les points d’attention, côté entreprises et investisseurs français, sont multiples.

  • Volumes de fin de séance: guetter les pointes de volume à la clôture la veille de l’ajustement, souvent lieu des rééquilibrages ETF.
  • Fourchettes et impact: surveiller l’élargissement des spreads sur les titres sortants. La liquidité peut devenir plus heurtée transitoirement.
  • Dérivés: l’open interest sur futures et options peut signaler des protections mises en place, avec un effet d’entraînement sur le sous-jacent.
  • Devises: pour les exportateurs, la sensibilité au USD et au CNY reste un déterminant immédiat des révisions de consensus.
  • Taux: la dynamique de pente de courbe impacte le secteur bancaire et peut influencer l’accueil boursier de Deutsche Bank à son entrée.

Dans le sillage de ces annonces, la recomposition des portefeuilles ESG peut également générer des flux spécifiques. L’intégration de critères environnementaux renforcés dans des indices thématiques Euronext participe à reclasser certaines valeurs entre paniers indiciels, avec à la clé des ajustements techniques non négligeables.

Lecture rapide des chiffres clés

  1. 22 septembre 2025: date d’effet à l’ouverture pour les changements Euro Stoxx 50.
  2. -34,9 % pour l’action Stellantis depuis janvier, -9,9 % pour Pernod Ricard, contre +9,1 % pour l’Euro Stoxx 50.
  3. 1,5 Md€ d’impact estimé sur le résultat net 2025 de Stellantis lié aux tarifs.

Regards croisés sur les entreprises françaises concernées

La séquence de septembre agit comme un révélateur des lignes de force industrielles en France, entre ajustement conjoncturel et repositionnement stratégique de long terme. Deux lectures s’imposent: l’effet conjoncturel des tensions commerciales et la réponse stratégique des groupes.

Stellantis: trajectoire d’électrification et discipline de capital

Au-delà du choc tarifaire, Stellantis poursuit une stratégie de sélection de plateformes et de réduction des coûts variables. L’allocation de 5 milliards d’euros aux programmes d’électrification vise à concentrer les investissements sur les familles de véhicules à plus forte contribution et sur l’optimisation de l’approvisionnement batterie.

La baisse des volumes nord-américains oblige toutefois à préserver le pricing power et à accélérer la rationalisation de l’offre. Les arbitrages sur la mixité thermique-électrique et la politique d’incitations commerciales seront déterminants pour restaurer les marges.

Pernod ricard: recentrage distribution et montée en gamme

Le groupe intensifie la gestion fine des stocks distributeurs et renforce ses lignes premium là où l’élasticité-prix est moindre. Priorité donnée aux marchés asiatiques en croissance et aux segments à haute valeur, avec une attention portée au pilotage des devises et à la couverture de change pour préserver la marge opérationnelle.

Le tempo de reconstitution des stocks chez les distributeurs américains et chinois guidera la courbe de revenu sur les prochains trimestres. La communication prudente sur la croissance organique 2-4 % indique un pilotage serré, en attendant un retour à un régime d’investissement plus offensif.

Les sorties sont parfois perçues comme des points d’entrée contrariant si le déséquilibre de flux crée un écart durable à la valeur fondamentale. Les gérants regardent alors le calendrier des publications, la trajectoire de cash-flow et les catalyseurs de re-rating. La discipline consiste à distinguer l’effet technique des ETF d’une détérioration structurelle.

Une dynamique européenne à replacer dans l’ensemble des indices

La révision ne touche pas uniquement les très grandes capitalisations. La sortie de Verallia du Stoxx Europe 600 illustre la manière dont OPA, flottant et liquidité déterminent aussi le sort des mid et large caps. Pour les institutionnels, cela implique une adaptation des mandats qui répliquent fidèlement des indices larges et une réflexion sur l’exposition sectorielle résiduelle.

Les entreprises françaises continuent d’évoluer dans un environnement où les barrières commerciales restent en place et où la politique industrielle européenne favorise des poches d’investissement ciblées. Des secteurs comme les banques et l’énergie apparaissent mieux alignés avec les dynamiques d’indices pour 2025, tandis que les exportateurs axés sur les biens de consommation et l’automobile devront composer avec un coût d’entrée sur marché plus élevé.

Dans ce cadre, l’expérience montre que les retraits d’indices ne sont pas irréversibles. Une amélioration durable de la performance opérationnelle, combinée à un redressement boursier et de la liquidité, peut ouvrir la voie à un retour futur dans la composition. La condition sine qua non reste une trajectoire crédible de croissance rentable.

(Annonce d’ISS Stoxx du 1er septembre 2025). (Avis de l’AMF du 20 août 2025).

Après le 22 septembre: les signaux à surveiller

Une fois l’ajustement technique opéré, le marché reprendra la main sur la trajectoire idiosyncratique des titres. Pour Stellantis, la visibilité se jouera sur les volumes, le mix prix et l’exécution des programmes d’électrification. Pour Pernod Ricard, la clé sera la normalisation des stocks distributeurs et la résilience des marges face aux devises.

Côté entrants, Deutsche Bank devra confirmer sa discipline de coûts et la qualité des revenus, Argenx l’exécution commerciale post-approbations, et Siemens Energy la dérisque de son portefeuille industriel. Au-delà de l’événement indiciel, c’est la qualité de l’exécution stratégique qui refera la différence dans les carnets d’ordres institutionnels.

Au terme de ce rééquilibrage, les investisseurs liront moins un verdict définitif qu’un instantané d’un cycle où la géopolitique et les arbitrages sectoriels redessinent, pour un temps, la carte du leadership boursier européen.