Les dirigeants abordent septembre avec un double défi: une économie française qui cale et un vote de confiance attendu au Palais-Bourbon. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, la mécanique commerciale patine encore, tandis que l’exécutif veut sceller sa légitimité politique. Derrière les chiffres, une même question domine: l’instabilité va-t-elle priver les entreprises du répit dont elles ont besoin pour rebondir cet automne?

Rentrée 2025 en tension: l’activité recule et l’incertitude politique gagne

Le signal est clair: au deuxième trimestre 2025, le chiffre d’affaires des TPE-PME de Provence-Alpes-Côte d’Azur a reculé de 2,8% par rapport à la même période de 2024, soit 0,8 point de moins bien que la moyenne nationale. La région enchaîne ainsi sept trimestres consécutifs de baisse, la séquence la plus longue depuis la crise du Covid-19.

Cette glissade intervient alors que le gouvernement dirigé par François Bayrou recherche un mandat clair à l’Assemblée nationale, avec un vote de confiance fixé au 8 septembre 2025. L’annonce d’un tel scrutin crispe les anticipations et incite les directions financières à temporiser leurs décisions d’investissement, par prudence sur la trajectoire budgétaire et réglementaire des prochains mois.

Dans ce climat, le monde économique régional se dit partagé. D’un côté, des poches de résistance existent dans l’industrie et certains services. De l’autre, des secteurs clés pour l’emploi, comme la restauration ou l’intérim, affichent des replis marqués. L’effet cumulatif des arbitrages des ménages, de la hausse des charges financières et des délais de paiement allongés pèse sur les marges, déjà éprouvées depuis 2023.

Septembre 2025: jalons à forte portée économique

Les décisions politiques des jours à venir pourraient redessiner les anticipations des marchés et des entreprises.

  1. 8 septembre 2025: vote de confiance au gouvernement dirigé par François Bayrou, déterminant pour la continuité de l’action publique.
  2. Entre septembre et fin d’année: mesures d’économies potentielles, orientations fiscales et budgétaires susceptibles d’affecter l’investissement privé.
  3. Calendrier social et négociations sectorielles: risque de tensions sur les salaires et les coûts de production en cas d’inflation résiduelle et d’arbitrages budgétaires.

Résilience mesurée en paca: contrastes sectoriels et amortisseurs régionaux

Malgré l’atonie apparente, la Provence-Alpes-Côte d’Azur résiste davantage que d’autres régions à la décélération nationale, selon le bilan économique 2024 publié au printemps. La croissance y a été modérée, mais certains moteurs locaux amortissent le choc: tissu industriel diversifié, ancrage logistique, services à forte valeur ajoutée et tourisme international.

Pour Alain Gargani, président de la CPME Sud, la région demeure l’une des plus préservées. Ce diagnostic est partagé par Nicolas Férand, président du Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables PACA, qui observe une stabilisation graduelle du BTP après la crise de 2023, la baisse de certaines défaillances d’entreprises et des signes de vitalité industrielle.

Industrie: des signaux d’activité qui tiennent la ligne

Les carnets ne sont pas pleins, mais la mécanique productive tient, portée par des niches innovantes et des filières exportatrices. Les industriels ont réduit leurs stocks et pilotent finement leur besoin en fonds de roulement, ce qui limite les à-coups de trésorerie. Le redémarrage de certains projets d’équipement se heurte toutefois à la prudence des banques et au coût de l’argent, toujours sensible pour les PME capitalistiques.

Btp: une sortie de crise lente, mais identifiable

Après la purge de 2023, la filière construction affiche une normalisation progressive. Les chantiers publics maintiennent un plancher d’activité, tandis que le résidentiel neuf reste atone. Les acteurs misent sur la rénovation et la transition énergétique, segments porteurs mais longs à convertir en commandes fermes, compte tenu des contraintes de financement des ménages et des collectivités.

La photographie conjoncturelle de l’Insee, mise à jour le 29 août 2025, confirme cette ambivalence: activité globale en repli mais pôles de résistance dans l’industrie et certains services qui contribuent à contenir les effets de la décélération nationale (Insee, 29 août 2025).

Métriques Valeur Évolution
CA TPE-PME PACA, T2 2025 vs T2 2024 -2,8 % 7e trimestre de baisse
Moyenne nationale, T2 2025 vs T2 2024 -2,0 % Ralentissement prolongé
Défaillances d’entreprises en PACA, cumul 2025 fin juillet -3,3 % Reflux par rapport à 2024
PIB France, T2 2025 (variation trimestrielle) +0,3 % Au-dessus des attentes
Restauration traditionnelle en PACA, T2 2025 -6,1 % Dégradation
Intérim, offres T1 2025 vs 2024 -10 % à -17 % Contraction marquée

Un gouvernement qui sollicite un vote de confiance engage sa responsabilité. En cas d’échec, la démission du gouvernement devient l’issue la plus probable.

Le président de la République peut nommer un nouveau Premier ministre ou, selon l’équation politique, décider d’une dissolution de l’Assemblée nationale. Pour l’économie, l’impact se joue sur trois canaux: le calendrier des réformes, la visibilité réglementaire et les conditions financières par l’effet sur la confiance des marchés.

Budget, dette et trajectoire: un débat national aux retombées régionales

À la veille du scrutin, François Bayrou a multiplié les messages d’alerte sur la situation des comptes publics: déficit élevé, dette en progression et charge d’intérêts qui s’alourdit. Son plan d’économies est présenté comme inévitable pour rétablir la crédibilité financière du pays. Des économistes interrogés vont dans le même sens et appellent à une vigilance accrue sur la trajectoire budgétaire afin d’éviter une sanction de financement.

Sur le terrain, cette grille de lecture n’est pas théorique. Une consolidation budgétaire perçue comme désordonnée pénaliserait immédiatement l’investissement privé par un surcroît d’incertitude. À l’inverse, un cadrage crédible des finances publiques, même austère, peut abaisser la prime de risque et desserrer, à moyen terme, la contrainte de coût du capital qui bride les projets d’équipement et d’innovation des PME.

Le trimestre d’avril à juin a pourtant offert un maigre répit: le PIB national a progressé de 0,3%, mieux qu’attendu. Ce sursaut, tiré en partie par les services, a ravivé l’idée d’un plancher d’activité.

Mais les économistes soulignent que ce rebond reste fragile si l’incertitude politique s’installe, comme le redoute la presse économique au regard du vote de confiance. La moindre aversion au risque peut vite se renverser si la gouvernance paraît vacillante.

Lecture rapide des chiffres clefs et leurs implications

Les trois indicateurs les plus surveillés par les directions financières régionales et leurs banques.

  • Déficit public: sa réduction crédible conditionne les conditions de financement des entreprises et des collectivités (Franceinfo, fin août 2025).
  • Dette et charge d’intérêts: leur évolution influence le coût de la dette privée via les taux de référence.
  • Croissance T2 2025 à +0,3%: signal positif mais insuffisant pour relancer seul l’investissement productif sans stabilisation politique.

Cartographie des fragilités: restauration, intérim et tourisme sous pression

Derrière les moyennes, la réalité sectorielle demeure contrastée. Trois blocs concentrent l’essentiel des vulnérabilités: la restauration, l’intérim et certaines activités de services aux entreprises. Chacun de ces maillons agit comme un capteur avancé de la conjoncture régionale.

Restauration traditionnelle: l’alerte rouge de l’été

Au deuxième trimestre, l’activité de la restauration traditionnelle en PACA a chuté de 6,1%. Dans le même temps, les procédures collectives y ont bondi de 21%, signe d’une fragilisation aiguë des trésoreries. Les établissements à l’addition abordable ont particulièrement souffert d’un arbitrage des ménages et d’une concurrence accrue, y compris de la part d’offres alternatives comme la vente à emporter et les plateformes.

Eric Abihssira, vice-président de l’UMIH et président de la Fédération Hôtellerie Restauration et Tourisme Nice Côte d’Azur, illustre la contraction du panier: 175 euros par jour pour un client américain contre 70 euros pour un client français. Le différentiel souligne la dépendance à la clientèle internationale pour absorber la hausse des coûts opérationnels. L’été indien est désormais perçu comme la dernière fenêtre pour boucler la saison, à condition que l’environnement politique n’ajoute pas de frein supplémentaire.

Intérim et emploi des jeunes: baromètres d’une croissance hésitante

Les offres d’intérim se sont repliées de 10% à 17% au premier trimestre 2025, tant en France qu’en région. L’intérim, amortisseur traditionnel, se retourne rapidement lorsqu’une incertitude s’installe sur les carnets. Cette contraction diffuse se retrouve sur l’emploi des jeunes: un actif sur cinq est au chômage dans cette tranche, un niveau qui fragilise la dynamique de consommation et le potentiel d’embauche des PME en tension de recrutement.

Tourisme et arbitrages des ménages: une saison moins porteuse qu’espéré

La performance estivale a déçu une partie des acteurs, surtout sur les segments milieu de gamme. Les prix élevés, la concurrence internationale et la prudence budgétaire des Français ont écrasé la demande domestique. Si la clientèle internationale a soutenu certains flux, la baisse du panier moyen national a réduit l’effet multiplicateur sur le reste de l’économie locale, notamment les commerces de proximité et les services annexes.

La hausse de 21% des procédures collectives dans la restauration traditionnelle englobe des ouvertures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation. L’accélération s’explique par des trésoreries érodées, la normalisation du coût des intrants et la fin de certains soutiens. Pour les créanciers, la hausse des procédures ouvre des risques de pertes sur créances clients et invite à raffermir le suivi du poste BFR.

Trésoreries essorées, banques présentes: les arbitrages des dirigeants

Le constat de terrain est nuancé. Stéphane Benhamou, président du Medef Sud, rappelle que les entrepreneurs ont appris à composer avec l’incertitude depuis 2016.

Les entreprises n’accélèrent pas leurs investissements faute de visibilité, mais leurs banques continuent de les accompagner. Ce message est clé: les contre-chocs amortisseurs existent encore, à condition de démontrer la solvabilité du plan d’affaires face à un coût du capital plus élevé.

La priorité des directions financières en cette rentrée se déplace vers le pilotage fin de la trésorerie: renégociation des échéanciers, arbitrages de capex, réduction des stocks et veille renforcée sur les risques clients. Dans un environnement où les délais de paiement peuvent dériver, les entreprises les mieux armées sont celles qui ont renforcé leurs process de crédit-management et sécurisé des lignes de secours à coût raisonnable.

Banques et tpe-pme: une relation sous contrainte mais utile

La relation bancaire joue un rôle déterminant. Les établissements prêtent encore, mais les critères se sont durcis: analyse cash-flow, robustesse des marges, et lisibilité des commandes sont au cœur des comités crédit. Les PME qui disposent d’un mix produit différenciant et d’une visibilité commerciale à six ou neuf mois conservent un accès au financement, à condition d’absorber un coût marginal plus élevé.

Point de vigilance: les covenants et la qualité du résultat

La normalisation des taux révèle les structures fragiles. Des ruptures ponctuelles de covenants peuvent se multiplier si le second semestre ne confirme pas la respiration du T2. Les dirigeants doivent donc objectiver la qualité du résultat par un monitoring fin des coûts, une discipline des remises commerciales et la priorisation des marges par rapport au volume, surtout dans les secteurs où la demande est devenue plus élastique aux prix.

Le tableau de bord de la conjoncture et les analyses régionales de l’Insee combinent des données d’entreprises, d’emplois, de prix et de commerce extérieur pour délivrer un état des lieux rapide. Points forts: une comparabilité temporelle et régionale, des séries régulières.

Limites: un temps de publication qui induit un léger décalage avec l’activité, et une granularité sectorielle hétérogène. Les dirigeants doivent donc croiser ces éléments avec leurs indicateurs internes et des signaux de marché pour affiner leurs décisions.

Gouvernance et climat d’affaires: quand la politique dicte la cadence

Le risque institutionnel est devenu une variable économique à part entière. Un échec au vote de confiance, comme l’évoquent plusieurs observateurs, ouvrirait une séquence politique incertaine et pourrait retarder les arbitrages budgétaires.

Or l’économie a besoin de prévisibilité pour convertir les intentions d’investissement en commandes fermes. La presse souligne que le spectre d’une nouvelle crise politique plane sur la croissance et la consolidation budgétaire, malgré la performance de +0,3% du PIB au deuxième trimestre.

Alain Gargani résume l’état d’esprit des dirigeants de TPE-PME: l’économie pourrait se retrouver à l’arrêt dès le 10 septembre si l’incertitude s’épaissit, alors que les trésoreries sont déjà à l’os. L’alerte porte autant sur la capacité à tenir les charges courantes que sur la suite de la saison touristique, critique pour de nombreux acteurs du littoral et de l’arrière-pays.

Le constat d’opinion est sans fard: selon un sondage Elabe pour BFMTV du 3 septembre 2025, 82% des Français jugent la classe politique « pas à la hauteur de la situation ». Nicolas Férand y voit la « fin de la récréation des politiques » et appelle le monde économique à se faire davantage entendre. À rebours, Stéphane Benhamou souligne la responsabilité des organisations patronales: « nous avons des comptes à rendre aux 70% de Français qui nous font confiance », tout en regrettant une forme d’inculture économique chez certains élus.

Sur la méthode, l’Insee continue de nourrir le débat économique à travers ses publications et rencontres sur le terrain, à l’image des rendez-vous réguliers avec les acteurs publics et socio-économiques. Cette démarche s’inscrit dans la durée et contribue à éclairer les décisions locales, y compris lorsque les agendas nationaux bousculent les trajectoires régionales.

Effets en chaîne: investissement, emploi, productivité

Le canal le plus sensible reste l’investissement productif. Une visibilité dégradée entraîne des reports de décisions, puis une baisse des commandes aux fournisseurs, et in fine une contraction de l’intérim et des recrutements.

La productivité s’en ressent, pénalisant la compétitivité-coût, surtout dans les secteurs exposés à la concurrence européenne. La boucle est connue: pour éviter qu’elle ne se referme, il faut offrir un cadre lisible pour la fin d’année.

Rôle des corps intermédiaires: amortir les chocs et accélérer les transitions

Dans une séquence politique incertaine, la capacité des corps intermédiaires à stabiliser les anticipations est déterminante. Organisations patronales, chambres consulaires et réseaux d’experts-comptables peuvent accélérer la diffusion d’informations fiables, partager les bonnes pratiques de pilotage et fluidifier les échanges avec les banques. Ces relais sont d’autant plus utiles que la région PACA héberge un grand nombre de TPE-PME, plus vulnérables aux chocs de liquidité.

Le défi est simple à formuler, plus difficile à résoudre: préserver les fondamentaux qui font la force de la région, de l’industrie aux services, en passant par le tourisme et la logistique, tout en ajustant le cap à un univers financier moins accommodant et à un agenda politique plus heurté.

Ce que surveillent les directions financières en PACA

Trois nœuds stratégiques ressortent à court terme.

  • Visibilité réglementaire après le 8 septembre: feuille de route budgétaire, trajectoire fiscale, rythme des réformes.
  • Conditions de crédit: appétit des banques, coût des lignes court terme, exigences de garanties.
  • Demande domestique: fin de saison touristique, arbitrages des ménages, dynamique de l’emploi des jeunes.

Ce que les dirigeants attendent du 8 septembre

La région PACA ne manque ni d’atouts ni d’entrepreneurs aguerris. Elle a traversé des cycles plus hostiles.

Ce qui manque aujourd’hui, c’est un signal de stabilité. Un vote de confiance clair, une trajectoire budgétaire crédible et une communication pédagogique sur les réformes seraient susceptibles de raffermir les anticipations, de contenir le coût du financement et de relancer des décisions d’investissement trop longtemps différées.

L’économie française a prouvé au deuxième trimestre qu’elle pouvait encore surprendre positivement. Pour transformer l’essai en région, il faudra aligner gouvernance, financement et confiance.

Les vingt prochains jours diront si la mécanique peut se réenclencher à temps pour sauver la fin d’année et préparer 2026 sur de meilleures bases. Entre prudence et résilience, les entreprises de PACA attendent un cap lisible pour transformer des fragilités bien identifiées en moteurs de reprise.