Quels sont les retards de paiement en France en 2025 ?
Découvrez l'évolution des délais de paiement en France au T2 2025 et leurs conséquences sur les entreprises.

Le deuxième trimestre 2025 marque un nouveau palier dans la dégradation des délais de paiement en France. Après un sursaut au début de l’année, le retard moyen s’allonge brutalement et témoigne d’un durcissement des conditions de trésorerie. Les signaux sont coordonnés, du ralentissement économique aux tensions de liquidité, et l’effet de chaîne s’intensifie entre grands donneurs d’ordre et fournisseurs de moindre taille.
Retards de paiement au plus haut depuis le début de 2025
La photographie est sans appel. Les entreprises règlent leurs factures avec 19 jours de retard en moyenne au deuxième trimestre 2025, selon la mesure d’Ellisphere. Ce niveau efface la brève amélioration du premier trimestre et repositionne le risque client au premier rang des préoccupations financières.
Ce regain de retard ne tient pas d’un simple aléa. Il s’inscrit dans un environnement où la croissance a fléchi, les marges se resserrent et la demande manque d’élan. La mécanique de crédit interentreprises, qui irrigue une large partie du cycle d’exploitation, fonctionne de plus en plus sous contrainte. Les DAF et trésoriers y voient la traduction d’arbitrages défensifs en période d’incertitude.
La dynamique macroéconomique aide à comprendre cette inflexion. La croissance du PIB en 2024 s’est limitée à 1,2 % en volume contre 1,4 % en 2023, ce qui a pesé sur la trésorerie des entreprises en 2025 (Insee, 2025). La priorité donnée au maintien du cash a des répercussions directes sur les délais fournisseurs, accentuant les décalages de paiement.
Chiffres saillants à retenir
Les retards de paiement se tendent au T2 2025, avec des écarts marqués selon les tailles et les secteurs :
- 19 jours de retard moyen au T2 2025.
- 14,79 jours pour les grandes entreprises, en nette dégradation sur un trimestre.
- Information et communication près de 21 jours de retard.
- Activités immobilières en hausse de 41 % sur un an.
- Retards de plus de 60 jours en forte hausse chez les ETI.
Grandes entreprises : l’effort de trésorerie se délite
Le glissement le plus visible provient des grands groupes. Leur retard moyen atteint 14,79 jours au T2 2025, en progression de 22,5 % par rapport au trimestre précédent. Plusieurs facteurs se cumulent : trésorerie fragilisée, arbitrages de fin de trimestre et pilotage du BFR plus défensif.
Les analyses convergent. L’Observatoire des délais de paiement interentreprises, relayé par Altares et repris dans la presse spécialisée, met en avant la responsabilité accrue des grandes entreprises dans la dégradation récente. Effet de levier négatif sur toute la chaîne, pression sur les fournisseurs dépendants et hausse corrélative des retards longs s’ensuivent.
Ce mouvement n’est pas neutre pour l’économie réelle. Les délais plus longs côté donneurs d’ordre imposent une contrainte immédiate aux sous-traitants, qui voient leur trésorerie immobilisée et leur ligne de financement court terme utilisée davantage. Le coût de portage du crédit interentreprises augmente, réduisant les marges et la capacité d’investissement.
La saisonnalité joue un rôle. Le deuxième trimestre concentre des échéances fiscales et sociales, ainsi que des clôtures intermédiaires. Combinées au tassement de l’activité, ces contraintes incitent à allonger les délais fournisseurs pour lisser les tensions de cash. Cet arbitrage court terme détériore toutefois la relation fournisseur et renchérit le coût global du cycle d’exploitation.
Qui est ellisphere ?
Ellisphere opère sur le marché français de l’information d’entreprises et du scoring de risque. L’institut publie des indicateurs de comportements de paiement et contribue aux dispositifs d’évaluation de solvabilité. Ses baromètres trimestriels sont utilisés par les directions financières pour piloter le risque client et benchmarker les délais pratiqués par secteur.
Dans sa dernière livraison, Ellisphere pointe explicitement la dégradation généralisée au T2 2025 et le rôle moteur des grandes structures dans la hausse des retards moyens (Ellisphere, T2 2025). Cette lecture statistique est cohérente avec les retours terrain d’assureurs-crédit et de factors.
Chaîne d’approvisionnement sous pression : eti, pme et tpe en première ligne
Les entreprises de taille intermédiaire encaissent une part disproportionnée du choc. Les retards de plus de 60 jours y ont quasiment doublé par rapport au T1 2025. Or, au-delà de 60 jours, l’exposition au défaut s’accroît fortement, surtout quand les marges sont comprimées.
Les PME et TPE, souvent plus vertueuses dans leurs règlements, subissent un effet ricochet. La trésorerie se tend, le besoin en fonds de roulement progresse et la réserve de sécurité diminue. Les encours de factures impayées s’allongent, ce qui complexifie la relation bancaire et le renouvellement des lignes court terme.
La presse économique pointe un impact tangible sur les défaillances. Les fermetures d’entreprises faute d’encaissement à l’échéance s’installent dans le paysage, confirmant le resserrement de la liquidité dans l’économie réelle. Le domino s’observe même sur des filières historiquement résilientes dès lors qu’elles sont dépendantes de quelques donneurs d’ordre.
Trois leviers concrets peuvent freiner la propagation du risque :
- Segmenter les clients par risque de paiement et adapter les conditions commerciales au cas par cas.
- Exiger des jalons d’acomptes et des validations d’étapes sur les projets longs.
- Automatiser relances et blocages à l’échéance avec un workflow de crédit clair.
Ces mesures, couplées à une documentation contractuelle rigoureuse, réduisent la latitude de décalage côté donneur d’ordre.
Bon à savoir : seuils et signaux d’alerte
Pour les directions financières, certains indicateurs doivent déclencher des actions immédiates :
- Retards supérieurs à 60 jours en hausse chez un grand client : revoir limites de crédit et garanties.
- Mensualités échues non régularisées à deux reprises : escalade contractuelle et plan de paiement formalisé.
- Concentration du risque supérieure à 30 % sur 3 clients : diversification commerciale à accélérer.
Secteurs contrastés : numérique en recul, immobilier en alerte, construction en accalmie
La cartographie sectorielle montre des évolutions dissymétriques. Les délais s’allongent sensiblement dans l’économie de la connaissance, tandis que l’immobilier s’enfonce et que la construction, souvent mal classée, marque une pause relative dans sa dégradation.
Information et communication : un retard moyen proche de 21 jours
Le secteur de l’information et de la communication affiche près de 21 jours de retard au T2 2025. Plusieurs causes s’imbriquent : cycles de facturation basés sur des projets, multiplicité des prestataires, et arbitrages de trésorerie dans des entreprises en transformation technologique rapide.
La montée en puissance des usages d’IA et de services numériques modifie les schémas d’achat et de paiement. En 2024, 10 % des entreprises françaises utilisaient l’intelligence artificielle, soit 4 points de plus qu’en 2023, selon l’Insee. Cette mutation accélérée entraîne des investissements et des frais récurrents qui pèsent sur le calendrier des règlements.
Activités immobilières : aggravation marquée sur un an
L’immobilier reste le foyer le plus préoccupant. Les retards de paiement y progressent de 41 % sur un an. La conjoncture de marché, les délais de commercialisation et la structure des financements prolongent les encaissements. L’exposition de la filière aux coûts fixes amplifie les tensions quand les flux ralentissent.
Les effets de second tour se répercutent sur les métiers liés, de la gestion technique aux services externalisés. La capacité de négociation des prestataires se réduit, accentuant le risque d’arriérés répétitifs et de contentieux.
Construction : une stabilité relative qui surprend
Traditionnellement dans le bas du classement, la construction se stabilise au T2 2025. Cette accalmie relative peut tenir à des ajustements dans les pratiques de facturation et d’acomptes, ou à l’amélioration de la discipline contractuelle sur les chantiers. Elle ne dissipe pas le risque, mais suggère une normalisation progressive des comportements de paiement.
Les secteurs à projets (IT, ingénierie, évènementiel) concentrent les risques de dérive de DSO lorsque le jalonnement technique est flou. À l’inverse, les activités récurrentes à abonnement présentent des retards mieux contenus, à condition d’une facturation sans litige et d’une relance préventive avant échéance. Le design du contrat influe directement sur les délais observés.
Ce que prévoit la loi et où se situent les risques juridiques
En France, le cadre est clair. Les délais de paiement sont plafonnés à 60 jours nets à compter de la date d’émission de la facture, ou 45 jours fin de mois. Ces bornes découlent de la loi de modernisation de l’économie et de ses adaptations ultérieures. Les autorités de contrôle veillent et sanctionnent les excès.
Le droit français impose des pénalités de retard obligatoires dès le premier jour de dépassement. Sauf stipulation contractuelle plus favorable, le taux des intérêts de retard se calcule sur la base du taux de la BCE majoré de 10 points. À cela s’ajoute une indemnité forfaitaire de 40 euros pour frais de recouvrement. Ces règles, d’application automatique, sécurisent les créanciers diligents.
Le dispositif s’accompagne de contrôles et de sanctions administratives pour les entreprises en manquement systémique. La publication de bonnes pratiques et les rappels de place encouragés par les autorités publiques et par le régulateur des marchés renforcent la discipline de paiement, notamment pour les émetteurs cotés, tenus à une information financière transparente.
Rappels juridiques essentiels pour les directions financières
- Plafond légal : 60 jours nets ou 45 jours fin de mois à compter de l’émission de la facture.
- Pénalités : intérêts de retard dus de plein droit, plus indemnité forfaitaire de 40 euros.
- Clauses abusives : non opposables si elles contournent les plafonds légaux ou déséquilibrent les droits et obligations.
- Risque de sanction : amendes administratives en cas de manquements répétés et organisationnels.
Départ au jour d’émission. On ajoute 45 jours, puis on retient la fin du mois de cette date. Exemples :
- Facture émise le 5 mars : 45 jours plus tard, on arrive au 19 avril, échéance retenue au 30 avril.
- Facture émise le 20 mars : 45 jours plus tard, 4 mai, échéance au 31 mai.
Formaliser cette règle dans les CGV et dans l’ERP évite les contestations et les erreurs d’échéancier.
Lecture macroéconomique : croissance affaiblie, liquidités sous tension
Les indicateurs conjoncturels restent mitigés. Au fil de l’année 2025, les tableaux de bord signalent une croissance modérée, avec une demande intérieure peu dynamique et un climat des affaires sans excès d’optimisme. Le ralentissement constaté en 2024 agit comme un frein inertiel sur la capacité de paiement en 2025.
Dans ce contexte, les directions financières arbitrent entre maintien du cash, capex ciblés et politique de paiement. Lorsque l’activité ralentit, le fonds de roulement se tend naturellement : les encours clients se prolongent, les stocks tournent plus lentement et les règlements fournisseurs sont repoussés. C’est la manifestation ordinaire d’un cycle atone, mais son intensité actuelle interroge.
La chaîne d’approvisionnement, déjà éprouvée par plusieurs chocs successifs, encaisse ce nouveau stress. Les assureurs-crédit resserrent la sélection et ajustent des lignes, tandis que les factors observent un allongement des maturités cédées. Le coût du risque intégré dans les conditions commerciales remonte alors d’un cran, signal de ce durcissement.
En bas de cycle, les clients allongent leurs règlements pour préserver leur cash. Les litiges commerciaux, même mineurs, servent de prétexte pour décaler l’échéance. Les équipes recouvrement gèrent plus de dossiers, moins bien priorisés, et les promesses de paiement se multiplient. La combinaison produit un allongement mécanique du DSO si aucun plan d’action structuré n’est mis en œuvre.
Piloter la réponse financière : leviers concrets à activer sans délai
Face à des retards qui s’accumulent, la riposte doit être méthodique et mesurable. Côté directions financières, quatre chantiers prioritaires permettent de contenir le phénomène tout en préservant la relation commerciale.
Refondre la gouvernance du crédit client
Structurer un comité crédit mensuel, valider des limites d’encours par client et définir des seuils d’escalade automatiques. Le scoring interne, enrichi par des données externes, guide les conditions commerciales : délais, acomptes, garanties. Mettre en place un pilotage par exception identifie les comptes où le risque augmente.
Industrialiser la prévention et la relance
Normaliser la facture dès l’émission : bon de commande, réception, service fait, pièce jointe. Une facture techniquement irréprochable lève les motifs de blocage. Relances multicanales à J-7, J et J+7, avec scripts adaptés au profil payeur. Les litiges doivent être pris en charge en moins de 48 heures pour éviter qu’ils ne basculent en retards longs.
Rééquilibrer les conditions commerciales
Proposer des escomptes de règlement ciblés, réserver les délais longs aux clients mieux notés et imposer des acomptes sur projets. L’usage de garanties à première demande ou d’affacturage inversé sur grands donneurs d’ordre peut sécuriser les flux sans rompre la relation commerciale.
Outiller la fonction finance pour le pilotage opérationnel
Mettre sous contrôle le cash conversion cycle avec des KPI robustes : DSO, DPO, DIO, taux de litiges, promesses de paiement tenues. Un tableau de bord hebdomadaire par segment de clientèle aide à décider des blocages, des mises en garantie et des renégociations de délais. La granularité fait la performance.
Checklist rapide pour réduire les retards en 30 jours
- Nettoyage des données clients et factures, suppression des litiges historiques.
- Relance préventive sur les 20 comptes au plus fort encours, avec plan d’apurement signé.
- Blocage livraison au-delà d’un seuil d’impayé défini dans l’ERP.
- Paramétrage des pénalités et indemnités de recouvrement dans les CGV et les factures.
- Accords d’escompte temporaires conditionnés à des volumes ou à un calendrier ferme.
Clauses contractuelles et pénalités de retard : les incontournables
Les CGV doivent contenir un taux de pénalités conforme et la mention de l’indemnité de 40 euros. Le rappel de l’échéance légale, de l’exigibilité sans mise en demeure et des conséquences en cas de retard, sécurise l’exécution. En cas de négociation spécifique, le cadrage doit rester compatible avec les plafonds légaux.
Intégrer la logique d’escalade contractuelle aide à inverser l’inertie : mise en demeure, suspension de prestation en cas d’impayé, puis recouvrement externe. La proportionnalité des mesures et leur traçabilité sont déterminantes en cas de contestation.
Des signaux à surveiller pour les prochains trimestres
Le comportement de paiement des grands donneurs d’ordre reste la variable clé pour la fin 2025. S’il n’évolue pas, la contagion aux fournisseurs va continuer, avec un surcroît de défaillances parmi les structures les plus fragiles. À l’inverse, une amélioration ciblée sur quelques filières pourrait rapidement alléger le risque.
Les directions financières ont des marges d’action concrètes. En combinant rigueur contractuelle, discipline de relance et incitations adaptées, elles peuvent réduire l’exposition sans casser la relation commerciale. Les données du T2 2025 sonnent comme un avertissement : c’est maintenant que se joue l’équilibre entre trésorerie préservée et confiance fournisseurs durable.